Librairie JEAN CALVIN – Rayon Ethique et Philosophie/Ethique de la Famille/Couple et sexualité
Fiche de lecture : Eric FUCHS, Le désir et la tendresse, Pour une éthique chrétienne de la sexualité, Albin
Michel/Labor et Fides, Paris/Genève, 1999, 275pp
Année 2010-2011
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prend son sens que dans la durée, en vue d’une construction amoureuse commune). Bibliquement,
la différenciation sexuelle est le « signe de la volonté divine d’inscrire dans la chair de l’être humain
sa vocation relationnelle ». Cela implique de reconnaitre l’égalité (sociale et morale) de l’homme et
de la femme mais aussi de valoriser leur différence : il s’agit pour eux d’inventer ce à quoi doit
ressembler leur union et la distribution de leurs rôles respectifs. Elle n’est pas le fait d’une nature
absolument déterminante, mais le fruit d’un dialogue. L’énigme de la différence doit se déchiffrer à
deux.
Pour Fuchs, l’Alliance repose sur cette parole échangée, qui est le socle de l’amour et la
condition d’une sexualité qui ne soit pas instrumentalisation de l’autre. Dans ce cadre, la fidélité
authentique, qui est un engagement de sa liberté, est légitime quand elle s’accorde à la nécessité :
quand l’autre que nous aimons nous est apparu comme un absolu non négociable. Elle est d’une
exigence redoutable : elle engage tout l’être et toute la vie. C’est pour cela que la tentation idolâtre
(refus de la relation et quête de soi) n’est pas loin, et qu’il faut laisser une place au facteur critique de
la Loi : il ramène sans cesse à ce radical besoin de l’autre pour être, à l’exigence de respect que je
dois à cet autre qui s’est donné (« Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est
donné pour elle… »). La vérité de la fidélité, à temps et à contretemps, c’est l’amour, cet absolu
manifesté en l’autre, et la vérité de l’amour c’est la fidélité, qui est don total dans la durée, lieu de sa
pleine réalisation. Paradoxalement, elle est, dans l’élection et la soumission réciproque, la seule
liberté qui ne soit pas une illusion, c’est-à-dire asservissement subtil de l’autre à soi.
Le couple se construit en donnant à la relation amoureuse un statut unique et privilégié,
où l’être aimé prime sur soi.
Le mariage inscrit le lien conjugal dans l’ordre social :
1/l’homme se donne des moyens supplémentaires, extérieurs, pour supporter l’épreuve du temps ;
2/au niveau de la symbolique sociale, le couple reconnait la société qui le garantit (par le droit) et
dont il est solidaire, et la société reconnait le couple, qu’elle intègre et dont elle protège l’intimité.
C’est dépasser l’immaturité par le respect et la responsabilité mutuelle ;
3/la protection des enfants : garantit le droit des enfants à une identité et un cadre familial.
Importance de la symbolique du lien que l’enfant concrétise, même si le lien juridique venait à se
rompre. La filiation ne se réduit pas au biologique.
Il permet la stabilité de la famille, lieu d’une descendance où la reconnaissance mutuelle est
de mise pour qu’elle soit pleine. L’éthique de la famille repose donc sur une haute notion de
responsabilité réciproque : enfant vis-à-vis des parents et vice-versa et elle a pour tâche d’en définir
les aspects matériels. Son sens est « d’exercer chacun à l’attention concrète d’autrui ». Elle cherche,
dans l’idéal, à préserver la gratuité des rapports, la solidarité, et à ancrer chaque personne dans une
mémoire, nécessaire à la structuration de l’identité.
L’érotisme a une valeur spirituelle. Au départ, la sexualité peut-être à conquérir, sur le
mépris de son corps, la crainte de se livrer entièrement à l’autre, la culpabilité parfois latente,
l’incompréhension… ; pas une évidence ; mais l’érotisme est la valorisation du désir de l’autre. Rien à
voir avec ce culte du plaisir qui réduit l’autre à ce qu’il apporte, dans un refus de sa propre limite ou
une conjuration de l’angoisse de la mort (narcissisme, violence, domination). Le plaisir est ambigu,
mais il est un don dans la mesure où il est signe de la fragilité reconnue de l’homme. Et cette fragilité