Vivre seul(e) et alors ! L'Insee a publié, le 20 novembre dernier, son portrait social de la France, une analyse de données sur les conditions de vie des Français. Il en ressort que le schéma traditionnel du sacro saint couple est en perte de vitesse. Fini le temps où on se moquait gentiment (ou non) des Catherinettes et vieux garçons. Aujourd’hui, les célibataires s’assument et certains n’hésitent pas à vanter les mérites de la vie en solo. Le dernier rapport de l’Insee, montre qu’en 30 ans la proportion des jeunes vivant en couple a baissé. Par exemple en 1982, les hommes de 20 à 24 ans étaient 28,9% à vivre en couple alors qu’ils ne sont plus que 16,3% en 2011. Plus flagrant, chez les femmes de la même catégorie d’âge: elles étaient en couple à 50,8% en 1982 et ne sont plus que 29,7% en 2011. Même tendance à la baisse chez les 25-39 ans, 76,8% contre 62% chez les hommes; 81,7% contre 68,8% chez les femmes. Mais alors, comment expliquer que cette génération ne soit plus dans la recherche absolu de “l’âme soeur”? Pour Michel Dorais, sociologue de la sexualité et professeur à l’université de Laval (Québec), ce n’est pas une tendance nouvelle mais elle s’accentue vraisemblablement avec le temps. “Les liens sont de durée très variable, durée impossible à prévoir : on voit de moins en moins la même personne pour la vie car une fois le coup de foudre ou l’amour passion terminé, beaucoup de gens se tournent ailleurs.”, déclare-t-il. Il y a pour lui, une sorte d’alternance ou on cumule les périodes en couple et en célibat. Par ailleurs, la notion de couple a énormément évolué et ce n’est plus une priorité dans le monde d’aujourd’hui. “Chez de plus en plus de personnes, on retrouve une exigence fondamentale : devenir soi, définir ses goûts, faire des choix… soimême”, expose le spécialiste de la question. Prôner le “vivre seul” se retrouve de plus en plus chez les femmes malgré la pression sociale de construire une famille. “Le mariage ce n’est pas pour moi, je vois trop de désastres dans mon entourage donc je préfère des compagnons de route mais pas à plein temps”, avoue Séverine, anthropologue de 36 ans. L’indépendance financière et l’éducation accrues des femmes, pour Michel Dorais, ont libéré la gente féminine du poids du mariage. “Le débat sur la mariage pour tous en France, même s’il a été houleux, a plus que jamais rappelé qu’il n’y a plus un seul et unique profil de couple et de famille”, dit-il. Le conformisme social pèserait ainsi un peu moins lourdement sur les individus. Pourtant, médias, publicités, sites de rencontres, célèbrent l’apologie du couple, qui dans la société (soi-disant décomplexée) reste la règle à suivre. Michel Dorais y voit une “sexualité spectacle”. “Quand on a l’impression que l’être idéal est à portée d’un clic sur le web, on est peut-être plus exigeant et même plus intolérant dans nos relations incarnées”, explique-t-il. Effectivement, les technologies “surfent” sur les nouveaux rapports amoureux. Tinder, Adopteunmec etc, il y en a pour tous les goûts. Globalement, dans les articles sur le sujet il est mention d’une certaine “hyper-consommation” amoureuse et sexuelle. “Il n’y a pas si longtemps, quand on parlait de marché du sexe, on 1 pensait tout de suite à la prostitution. Aujourd’hui, le web est un immense sexshop et un grand terrain de chasse, le tout bien confortablement assis chez soi, en toute confidentialité, voire dans l’anonymat”, expose Arthur Vernon, auteur de livres sur la désacralisation de la sexualité. N’importe qui peut donc chercher et trouver non seulement des “jouets sexuels”, mais aussi des partenaires, des pairs qui partagent les mêmes goûts que soi, si singuliers soient-ils. Phénomène du moment, le terme “polyamour” met en cause la notion même du couple d’antan. Françoise Simpère, journaliste, écrivaine et polyamoureuse depuis des années, ne voit pas la nécessité de mettre “des barrières” quand on peut découvrir plusieurs partenaires à la fois. L’amour, pour elle, n’est donc pas unique à un seul être et le concept “d’un couple fidèle tout une vie est idiot”. C’est aussi pour cette dame de caractère, une idée féministe ou les codes deviennent “unisexes”. Laurent, comédien de 45 ans polyamoureux, c’est très clair… Jamais de mariages et d’enfants. “Je vis trois histoires ou j’éprouves des sentiments pour elles mais il m’arrive d’avoir vulgairement des coups d’un soir, par contre si elles parlent d’enfant c’est la fin de la relation”, explique-t-il sans tabou. Toutes ces relations le “nourrissent”, le délivrant d’une “névrose” du couple. “Je me sentais étouffé et pour mon épanouissement personnel je dois avoir des amoureuses qui vivent elles aussi d’autres histoires pour ne pas être le réceptacle de toutes leurs demandes”, raconte Laurent. Ces nouveaux rapports amoureux sont complexes et propres à chacun mais il est sûr que la famille “Ricorée” n’est plus dans l’air du temps. Céline Peschard 2