Rubrique Innovation et Technologie – Second Sight

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IN/OVATION ET TECHNOLOGIE
Second Sight - Argus II : le premier dispositif approuvé au monde destiné à
restaurer partiel ement la vision des personnes atteintes de cécité
Second Sight Medical Products, Inc a été fondée en 1998 dans le but de créer une prothèse rétinienne capable de restituer la vue de patients nonvoyants atteints de dégénérescences rétiniennes périphériques telles que la rétinite pigmentaire. La mission de Second Sight est de développer, de fabriquer
et de commercialiser des prothèses visuelles implantables afin de permettre à des personnes non-voyantes d’acquérir une plus grande autonomie.
Le système de prothèse rétinienne Argus II est le premier dispositif homologué au monde destiné à restaurer une certaine vision fonctionnelle chez
les personnes souffrant de cécité. Cette prothèse produit une stimulation électrique permettant de contourner les cellules rétiniennes mortes
et de stimuler les cellules viables restantes, induisant une perception visuelle chez des personnes atteintes de dégénérescence rétinienne périphérique
sévère à majeure.
Argus II convertit des images capturées par une caméra miniature montée sur les lunettes du patient en une série de petites pulsations
électriques transmises sans fil vers une série d’électrodes implantées à la surface de la rétine. Ces pulsations visent à stimuler les dernières
cellules vivantes de la rétine, entraînant la perception de motifs lumineux dans le cerveau. Le patient apprend alors à interpréter ces motifs visuels,
et regagne ainsi une certaine fonction visuelle. Le système est contrôlé par logiciel et peut être mis à jour, ce qui lui permet d’être toujours plus
performant lorsque de nouveaux algorithmes sont développés et testés.
Entretien avec Grégoire Cosendai, directeur Europe
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La société Second Sight...
Grégoire Cosendai : Second Sight a été fondée en 1998. La société a pour objectif de développer un système
de restauration de la vision pour des personnes aveugles ou atteintes d’une très grande cécité à cause,
notamment, de certaines maladies comme la rétinite pigmentaire ou la Dégénérescence Maculaire Liée
à l’Âge (DMLA).
Architecture hospitalière - numéro 17 - 2016 - Second Sight
Comment la société est-elle organisée au niveau international ?
G.C : Notre siège principal est basé à Los Angeles et compte une
centaine de personnes. Notre bureau suisse couvre les marchés
d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie et emploie une vingtaine de
collaborateurs. Nos effectifs rassemblent principalement des ingénieurs,
des équipes de Recherche & Développement et de recherche clinique.
Certains de nos collaborateurs assurent également la commercialisation
de nos solutions.
Quelles sont les solutions que vous proposez ?
G.C : Actuellement, nous proposons la solution Argus II. Il s’agit
d’une prothèse épirétinienne qui apporte à des personnes aveugles
un substitut de vision afin de leur offrir une plus grande autonomie
dans leur quotidien.
Comment cette prothèse a-t-elle été développée ?
G.C : Le développement de l’Argus a débuté en 1991 avec un groupe
de chercheurs de l’université Johns-Hopkins de Baltimore aux ÉtatsUnis. Leurs études avaient alors prouvé qu’il était possible de stimuler
électriquement la rétine de l’œil humain. En 2002, Second Sight a
commercialisé une première génération de produits. C’est ainsi que
l’Argus I a été proposé à un nombre restreint de patients. Le système
fonctionnait correctement mais restait relativement complexe à
mettre en place. En 2006, l’entreprise a lancé l’Argus II, sa deuxième
génération de produits.
Comment l’Argus II fonctionne-t-il ?
G.C : Nos systèmes se présentent sous la forme de lunettes équipées
d’une caméra capturant les informations présentes dans le champ
de vision du patient. Ces données sont transmises à un dispositif
de la taille d’un téléphone portable qui convertit les données images
en informations électriques. Ces informations sont, ensuite, ellesmêmes envoyées par radio à un implant situé dans l’œil du patient
afin de produire une perception de son environnement par stimulations
électriques.
Quelles sont les caractéristiques techniques de l’Argus II ?
G.C : L’Argus II est un système complètement implantable fonctionnant
par une communication sans fil. Il permet de stimuler la rétine en
60 points différents afin de rendre au patient 20% de son champ
visuel. Il s’agit du premier et du seul dispositif homologué en Europe
(marquage CE) et aux Etats-Unis (approbation de la FDA) destiné à
restaurer une certaine vision fonctionnelle chez les personnes souffrant
de cécité.
Quel est l’impact de la mise en place du forfait innovation
dans le déploiement de l’Argus II ?
G.C : Initié durant l’été 2014 par Marisol Touraine, ministre des Affaires
Sociales, de la Santé et des Droits des femmes, le forfait innovation
permet à l’Argus II d’être proposé aux patients dans le cadre d’interventions cliniques. Il permet également une prise en charge globale
du patient avec le volet chirurgical et l’implantation de la prothèse
mais aussi la rééducation et le suivi physique et psychologique.
Ainsi, les résultats des premières interventions sont particulièrement
encourageants. À ce jour, trois centres français à Paris, Bordeaux
et Strasbourg ont été retenus dans le cadre de ce programme pour
proposer notre solution. Ils portent à 40 le nombre de centres la proposant
à travers le monde, aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne,
en Italie, en Espagne, en Turquie, en Arabie Saoudite, en Suisse ou
aux Pays-Bas.
Comment intégrez-vous le retour du personnel médical
chargé de la pose de vos prothèses dans leur développement ?
G.C : Nous recevons constamment des retours de la part des médecins.
Ainsi, tous les 6 mois, nous réalisons une mise à jour du logiciel de
l’Argus II et, tous les 3 ans, nous assurons une amélioration physique
du système. Ces améliorations sont généralement imperceptibles
mais, au cours des années, elles ont permis, entre autres, d’optimiser
le profil de sécurité de l’Argus II. Entre la solution proposée en 2006
et celle commercialisée aujourd’hui, nous notons 6 fois moins d’effets
indésirables constatés chez le patient. Cette évolution est due aux
améliorations portées au système et à la compétence des praticiens
qui sont de plus en plus efficients dans la pose des prothèses. Les
professionnels de la santé en parleront dans un sens large, le 7 mai
2016 au congrès de la SFO lors de notre Symposium.
Quelles sont les perspectives de développement de Second
Sight ?
G.C : Dans le courant de l’année 2016, voire au début de l’année 2017,
nous serons en mesure de proposer une nouvelle version du système
que nous devrions nommer Argus II B. Elle améliorera significativement
la perception offerte par le système ainsi que le pourcentage de patients
éligibles. Dans près de 3 ans, nous pourrons commercialiser une
nouvelle version physique de notre solution. Elle sera destinée aux
patients, très nombreux, souffrant de DMLA. Par ailleurs, nous
développons une nouvelle prothèse, Orion. Cette solution envoie les
informations électriques, non plus dans l’œil, mais dans le cortex
visuel du cerveau. Elle permettra d’offrir une perception au patient
souffrant de toutes formes de cécité, soit près de 6 millions de personnes
dans le monde. Nos résultats et les retours très encourageants de
certains patients ayant retrouvé une perception de la vision grâce
à nos solutions et aux praticiens collaborant avec nous, sont autant
de raison pour lesquelles nous continuons nos efforts et maintenons
nos activités de recherche et d’innovation. De plus, au-delà de leur
charge émotionnel et du soutien psychologique qu’ils apportent à
nos équipes, certains de ces témoignages les plus précis nous aident
dans le développement de nos solutions.
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Témoignage
« Avec l’Argus II, les patients réalisent plus facilement certaines tâches quotidiennes »
Entretien avec le Pr David Gaucher, service d’ophtalmologie des Hôpitaux Universitaires de
Strasbourg
Quelle est la nature de votre activité au sein du CHRU de
Strasbourg ?
David Gaucher : Je fais partie du service d’ophtalmologie de l’établissement et suis spécialisé dans le traitement chirurgical et médical
des pathologies vitréo-rétiniennes. Ce service comprend deux autres
entités dédiées au segment antérieur de l’œil (cornée, cristallin,
etc.) et à l’ophtalmologie infantile.
Dans quelle mesure la prothèse rétinienne Argus II a-t-elle
été intégrée à vos activités ?
D.G. : Il s’agit d’une prothèse directement fixée sur la rétine. Une
telle intervention ne peut être réalisée que par un chirurgien vitréorétinien. Étant le référent dans ce domaine au sein des HUS, j’étais
le chirurgien le plus qualifié pour ce type d’acte.
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Comment votre centre a-t-il été retenu par la Haute Autorité
de Santé ?
D.G. : Notre centre a été sélectionné par la HAS en collaboration
avec le Pr José-Alain Sahel, coordinateur principal du programme
national « forfait innovation ». Ayant exercé à Strasbourg, il connaissait
particulièrement bien le CHRU et notamment les liens existant entre
les services d’ophtalmologie et de génétique. Ce service de génétique,
dirigé par le Pr Hélène Dollfus, dispose d’une section spécialisée
en ophtalmologie qui suit de nombreux patients atteints de rétinite
pigmentaire. Or, ces patients sont actuellement les seuls éligibles
à la mise en place d’un implant Argus II.
Comment se répartissent les tâches entre vos deux services
dans le cadre de l’étude liée à l’Argus II ?
D.G. : Les critères d’éligibilité à la pose d’une prothèse Argus II restent
très stricts. En effet, le patient doit être complètement aveugle ou
avoir une acuité visuelle particulièrement basse, ce qui n’est pas le
cas de toutes les personnes atteintes de rétinite pigmentaire. Le Pr Dollfus
connait bien ses patients et peut faire une présélection de ceux potentiellement éligibles. Une fois cette présélection effectuée, le service
de génétique nous les adresse afin que nous procédions à d’autres
examens. Dans le service d’ophtalmologie, nous nous assurons que
le patient respecte les critères anatomiques nécessaires pour que
la mise en place de la prothèse soit possible. A ce jour, quatre patients
ont répondu à tous les critères. Mon rôle est, ensuite, d’assurer l’intervention chirurgicale et le suivi post-opératoire du patient. Le service
du Pr Dollfus assure la rééducation post-chirurgicale et initie la mise
en place du système visuel lié à la prothèse. Nous collaborons également avec le Centre d’Éducation pour Déficients Visuels (CEDV)
Santifontaine de Nancy. Il s’agit d’un centre spécialisé en ophtalmologie et en rééducation locomotrice, qui a l’expérience de la rééducation visuo-motrice des déficients visuels. Il prend en charge le
patient dès 1 mois après l’intervention et le suit pendant 1 an.
Architecture hospitalière - numéro 17 - 2016 - Second Sight
Quelles sont les différentes étapes de la pose de cette
prothèse ?
D.G. : La sélection initiale permet de vérifier la taille de l’œil du patient
car le modèle de prothèse actuel est développé à taille unique. Une
grande partie de l’implant est placé à la surface de l’œil et seules
les électrodes chargées de stimuler la rétine pénètrent dans le globe
oculaire. Un système filaire souple de circuits imprimés relie la prothèse
fixée à la surface du globe oculaire à l’implant situé sur la rétine.
Ce « fil électrique » est d’une taille précise et l’œil doit donc être
d’une taille compatible. Une fois tous les paramètres vérifiés, nous
réalisons l’opération qui peut durer de 3 à 5 heures en fonction de
l’état du patient. Une intervention de cataracte doit être faite avant
ou pendant l’opération pour faciliter la pose de l’implant. Le patient
quitte l’hôpital au lendemain de l’opération et revient huit jours plus
tard afin que nous définissions le paramétrage de l’implant. Le service
de génétique avec l’aide de techniciens de Second Sight assure
cette séance de mise en place qui dure 3 à 4 heures. D’autres
séances de paramétrage et de test sont réalisées au cours des mois
suivants. Durant ces périodes, nous réévaluons les performances
de l’implant et modifions certains paramètres comme la fréquence
et l’amplitude des stimulations électriques. Nous voulons ainsi proposer
les meilleures perceptions visuelles au patient.
Quels résultats avez-vous obtenus depuis la mise en place
de cette étude ?
D.G. : Nous retrouvons des résultats sensiblement identiques à ceux
des études internationales. Avec cette prothèse, les patients réalisent
plus facilement certaines tâches quotidiennes. D’autres récupèrent
particulièrement bien et peuvent réaliser des tâches qu’ils ne parvenaient plus à faire sans le système. Cependant, si l’implant leur apporte
une plus grande autonomie, ils ne retrouvent pas la vue pour autant.
Ils disposent d’une perception nouvelle, différente de la vision mais
qu’ils peuvent intégrer grâce à la rééducation. Cette perception reste
cependant assez grossière et le système ne parvient pas, encore, à
répondre à toutes les attentes des patients. En revanche, en tant
que médecin, les résultats sont très enthousiasmants.
Comment cette innovation est-elle diffusée auprès des ophtalmologistes français ?
D.G. : Second Sight est connu au sein de la Société Française d’Ophtalmologie et présente, régulièrement, les résultats de ses implants,
notamment lors de symposium au congrès de la SFO. Leur produit
est également reconnu par les ophtalmologistes français. Cependant,
la plupart des praticiens n’ont pas d’expérience directe de l’implant.
L’évolution que représentent les prothèses rétiniennes nous intéresse
particulièrement mais nous sommes également conscients qu’il ne
s’agit que d’un premier pas. Nous attendons des innovations plus
concrètes et le développement d’un implant proposé à une patientèle
plus large.
Quels développements attendez-vous en matière de prothèse
rétinienne ?
D.G. : Certains développements s’opèrent déjà. Si d’autres acteurs
proposent de nouvelles prothèses, l’Argus II reste la solution la plus
utilisée dans le monde et celle pour laquelle nous avons le plus de
recul en matière d’efficience. À l’avenir, nous espérons que l’Argus
II puisse proposer plus de stimulations électriques. Les 60 stimulations
permises actuellement n’offrent pas une capacité de perception suffisante au patient. Pour reconnaître un visage, il faudrait l’équivalent
de 800 pixels, ce qui représentent bien plus que 60 points stimulés.
Nous espérons que Second Sight améliore la miniaturisation de sa
solution pour augmenter le nombre d’électrodes. Actuellement, ses
équipes s’attellent à l’amélioration du système générant les influx
électriques. Ainsi, elles espèrent offrir une meilleure analyse du signal
retransmis par la caméra afin de donner plus d’importance à certains
éléments du champ de vision du patient et ainsi faciliter sa perception.
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