Dynamique de particules autopropulsées

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Master Science de la matière
École Normale Supérieure de Lyon
Université Claude Bernard Lyon I
Stage 2014–2015
Guillaume Fabre
M2 Physique
Dynamique de particules autopropulsées
Résumé :
Les mouvements collectifs, comme des vols d’oiseaux ou des bancs de poissons, sont des exemples
de phénomènes émergeant spontanément. Au cours des dernières années, ces systèmes ont intéressé
les physiciens qui les ont décrits comme de la matière active. À l’aide d’un système de colloïdes autopropulsés, manipulés au sein de dispositifs microfluidiques, nous étudions la dynamique collective
de particules actives. Au delà d’une densité critique, ces populations colloïdales s’auto-organisent
pour former des troupeaux macroscopiques. Au sein de ses troupeaux, leur mouvement est dirigé
le long d’une direction moyenne bien définie. La question centrale abordée dans ce rapport est
l’étude de cette transition dynamique dite de flocking. En particulier, je fournis une caractérisation
expérimentale de la dynamique et de la morphologie des excitations propagatives émergentes au
voisinage de la transition.
Mots clefs : colloïdes auto-propulsés, micro-fluidique, marcheurs aléatoires, mouvement
collectif
Stage encadré par :
Denis Bartolo
[email protected] / tél. (+33) 4 72 72 84 92
Laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon
46 Allée d’Italie
69007, Lyon
https://denis114.wordpress.com
31 juillet 2015
Remerciements
Tout d’abord, je voudrais remercier l’ensemble du laboratoire de Physique de l’ENS de Lyon, secrétaires,
permanents, doctorants et post-doc, pour l’accueil et l’ambiance chaleureuse qui règnent entre ces murs.
Then, I’d like to thank Joost and Tess, and all the members of the Bartolo group meeting lunch, it
was a pleasure to share those meals with you and have a drink from time to time.
I’d like to thank Vijay, who taught me all the experimental skills I needed for the experiments.
Merci aussi à Jean-Baptiste Caussin, qui m’a éclairé sur de nombreux points théoriques. Tes futurs
élèves ne le savent pas encore, mais ils ont de la chance de t’avoir comme professeur !
Une standing ovation pour Alon Gal, notre fameux DJ de la salle 163, qui a (presque) réussi à pythonisé
notre équipe.
Je tiens à remercier tout particulièrement Alexandre Morin, avec qui ce fut un réel plaisir de travailler
sur ces expériences. J’ai passé vraiment de super moments avec toi et Céleste Odier, lors de nos pauses
Coca de 16h00, nos sessions salle blanche, le grass-volley, et j’en passe. Céleste qui participe toujours
à la bonne humeur au sein du labo, et qui veille à ce que les stagiaires fassent des gâteaux pour mieux
souder le groupe ;) J’espère bien qu’on se reverra de temps en temps tous les trois quand je passerai
sur Lyon.
Enfin, je voudrais remercier infiniment Denis qui m’a permis de découvrir le monde de la matière active
via une expérience extrêmement intéressante. J’ai appris de nombreuses choses à tes côtés et ce fut un
honneur de travailler dans ton groupe. En plus des discussions passionnantes, tu as toujours eu un mot
pour faire rire, et je me suis vraiment amusé lors de ces 4 mois qui sont passés très (trop) vite.
Table des matières
I
Stratégie et design de l’expérience
1
1 Introduction et motivations
1.1 Mouvement collectif et matière active . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Population de rouleurs colloïdaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1.3 Ma contribution lors de ce stage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
1
1
2
2 Motorisation des colloïdes par effet Quincke
2.1 Rotation spontanée par effet Quincke . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.2 De la rotation à la translation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
3
4
3 Dispositifs expérimentaux
3.1 Préparation des dispositifs microfluidiques . . . . . . .
3.1.1 Création du canal par ruban adhésif . . . . . .
3.1.2 Contrôle de la géométrie : lithographie optique
3.1.3 Connexions électriques et microfluidiques . . .
3.2 Préparation des solutions de colloïdes . . . . . . . . . .
3.2.1 Préparation du solvant . . . . . . . . . . . . . .
3.2.2 Lavage des colloïdes . . . . . . . . . . . . . . .
3.3 Acquisition et traitement d’images . . . . . . . . . . .
3.3.1 Acquisition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.3.2 Tracking de particules . . . . . . . . . . . . . .
4
4
4
5
6
7
7
7
7
7
8
II
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Dynamique individuelle des particules : marcheurs aléatoires persistants
4 Objectifs
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9
9
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
5 Caractérisation expérimentale des trajectoires
5.1 Vitesse des rouleurs colloïdaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.2 Diffusion orientationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
9
10
6 Un modèle théorique minimal
6.1 Origine de la diffusion orientationnelle . . . . . . .
6.1.1 Diffusion due au mouvement Brownien . . .
6.1.2 Hypothèse de diffusion par impuretés . . . .
6.2 Caractérisation de la marche aléatoire . . . . . . .
6.2.1 Comportement balistique aux temps courts
6.2.2 Comportement diffusif aux temps longs . .
11
11
11
12
13
13
14
III
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Emergence de mouvements collectifs
14
7 Objectifs
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8 Caractérisation de l’état bande
8.1 Influence de la concentration en colloïdes . . .
8.1.1 Diagramme de phase . . . . . . . . . .
8.1.2 Excitation propagative . . . . . . . . .
8.1.3 Morphologie de la bande . . . . . . . .
8.2 Influence du champ électrique . . . . . . . . .
8.2.1 Morphologie et dynamique de la bande
8.3 Longueur de la bande . . . . . . . . . . . . .
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20
9 Perspectives
9.1 Dynamique individuelle : Influence d’obstacles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9.2 Mouvement collectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
21
22
A Mise en équation de l’effet Quincke
24
B Mise en équation de la diffusion rotationnelle
25
C Impact des conditions aux limites : diagramme de phase hystérétique
26
3
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Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
Première partie
Stratégie et design de l’expérience
1
1.1
Introduction et motivations
Mouvement collectif et matière active
Les mouvements collectifs les plus impressionnants proviennent des animaux qui s’organisent et se
déplacent de manière cohérente à l’échelle du groupe. Des comportements collectifs émergents sont
observés à toutes les échelles, depuis les bactéries (de l’ordre du mm) jusqu’aux essaims de criquets
(allant jusqu’au km) en passant par les bancs de poissons (de l’ordre de la dizaine de mètres). Ces
individus motiles peuvent se regrouper et suivre une même direction. Ce mouvement collectif est
surprenant car il ne repose pas sur l’existence d’un leader ou d’une force extérieure mais il découle
d’interactions locales simples.
Dans les années 90, les physiciens se sont penchés sur des modèles théoriques pour expliquer l’émergence de ces mouvements collectifs, à l’instar de la transition d’un matériau magnétique entre un état
paramagnétique (désordonné) et un état ferromagnétique (ordonné).
Les travaux pionniers de Vicsek et al [1], prenant en compte uniquement une simple règle d’alignement
local des vitesses pour des particules autopropulsées, ont montré l’émergence de mouvements collectifs
et ont permis le développement de nombreux travaux dans le domaine de la matière active.
La matière active est définie comme étant composée de particules individuelles se déplaçant seules
grâce à la conversion d’énergie, injectée à l’échelle microscopique, en mouvement. Dans le cas où les
corps motiles sont dotés d’interactions locales d’alignement des vitesses, on parle alors de matière active
polaire.
Peut-on alors décrire ces groupes d’individus mobiles comme des matériaux actifs ?
Plus récemment, au cours des 5 dernières années, les expérimentateurs ont proposé une démarche en
un sens dual, à savoir créer une matière active à partir de foules de particules autopropulsées.
Durant ce stage, j’ai réalisé des expériences sur un de ces matériaux : une assemblée de rouleurs
colloïdaux.
1.2
Population de rouleurs colloïdaux
En un mot, l’expérience consiste en l’étude de la dynamique collective de particules autopropulsées par
effet Quincke qui est présenté dans la partie 2.1. Afin de mieux contextualiser mon stage, je résume
brièvement les résultats obtenus précédemment et les questions ouvertes.
Dans l’article [2], l’émergence de mouvement collectif au sein d’une phase gaz (1b) a été observée.
Une bande (1c) se forme lorsque la concentration augmente, jusqu’à devenir une phase liquide polaire
(1d). Le diagramme de phase du système est présenté en figure 1e. Ce diagramme est cohérent avec
les observations de Vicsek (figure 1a) pour des particules se déplaçant à vitesse constante avec des
interactions d’alignement local.
Ainsi, à faible concentration, nous avons des particules qui se déplacent aléatoirement. En augmentant
la concentration, des bandes de particules apparaissent et se déplacent collectivement au sein d’une
phase isotrope. Puis en augmentant encore la concentration, les bandes s’étalent et le système s’autoorganise en un liquide polaire homogène.
De manière surprenante, bien que les degrés de liberté des particules ne soient pas couplés à l’émergence
du mouvement collectif, le système se sépare en deux phases : une bande (goutte liquide polaire) qui
coexiste avec le gaz.
Les bandes ont été observées expérimentalement pour les rouleurs colloïdaux [2], des filaments d’actine
[3] ou numériquement dans [4], cependant elles restent mal caractérisées et mal comprises. Quel mécanisme fixe la taille caractéristique de ces bandes ? Leurs vitesses ? Quelle est la forme typique d’une
bande ? Plusieurs bandes peuvent-elles coexister ?
1
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
a
Figure 1: a. Schéma des différents motifs observés dans le modèle de Vicsek : phase gaz désordonnée,
bandes propagatives et liquide polaire. Illustration expérimentale de ces motifs, Bricard et al. [2] : b.
gaz c. bande d. liquide polaire e. Diagramme de phase du système avec la polarisation Π = v/v0 en
fonction de la concentration en colloïdes.
1.3
Ma contribution lors de ce stage
Ma contribution principale a été la caractérisation expérimentale la plus exhaustive possible des motifs de propagation observés dans les populations de rouleurs colloïdaux. Grâce à des techniques de
microfluidique, d’imagerie rapide et de suivi de particules, j’ai pu étudier ces particules actives.
Après avoir caractérisé quantitativement la dynamique des rouleurs isolés, section 5, je me suis intéressé
aux paramètres de contrôle de ces marcheurs aléatoires persistants, section 6.
Ensuite, j’ai pu montrer comment la taille des bandes était fixée par les deux seuls paramètres de
contrôle du système, à savoir la concentration en colloïdes, section 8.1, et l’intensité du champ électrique, section 8.2, qui sert à leur propulsion.
Contrairement à ce qui avait été dit dans [2], ces bandes présentent une longueur intrinsèque et elle
n’est pas fixée par la taille du système comme le serait un volume de liquide coexistant avec un gaz,
section 8.3.
Dans une image de séparation de phase, ces états bandes apparaissent donc comme étant des microphases, à l’instar de smectiques qui possèdent une largeur caractéristique, et contrairement à la
démixtion où le volume qu’occupe les phases dépend de leurs compositions relatives.
J’ai enfin comparé les résultats quantitatifs obtenus à un modèle théorique récent [5], fournissant un
accord prometteur pour la compréhension de ces bandes.
2
Motorisation des colloïdes par effet Quincke
Dans cette section, nous allons nous intéresser à l’autopropulsion des particules et la technique permettant de les rendre actives.
2
Dynamique de particules autopropulsées
2.1
Guillaume Fabre
Rotation spontanée par effet Quincke
Tout d’abord, décrivons le mécanisme employé pour propulser les particules sphériques étudiées lors de
ce stage. Le mécanisme utilisé est un effet électro-hydrodynamique découvert à la fin du 19eme siècle
appelé électro-rotation de Quincke. [6]
Lorsqu’une particule isolante est placée dans un liquide conducteur, elle peut être mise en rotation par
l’action d’un champ électrique constant. L’axe de cette rotation est alors perpendiculaire au champ
électrique appliqué.
Décrivons brièvement le fonctionnement de ce mécanisme : le champ électrique crée une distribution
de charges qui est nulle au coeur du liquide, mais qui est non-uniforme à l’interface entre le liquide
conducteur et la particule isolante à cause des discontinuités de conductivité et de permittivité. Cette
distribution de charges donne naissance à un moment dipolaire P anti-aligné avec le champ (voir figure
2).
Figure 2: Sous l’effet du champ électrique E0 , la particule isolante dans un liquide conducteur voit
apparaître une distribution de charges à sa surface, entraînant la création d’un moment dipolaire P.
a. Pour E < EQ , le dipôle est stabilisé dans la direction opposée au champ, grâce à la conductivité
de la solution. b. Pour E > EQ , l’équilibre entre la convection des charges par rotation et celle par
conductivité donne un état stationnaire où P effectue un angle avec E0 .
À cause des fluctuations, P peut dévier de sa position d’équilibre. Le champ électrique donne alors
naissance à un couple électrique qui aligne le dipôle avec lui. On distingue alors deux régimes possibles :
En dessous d’un certain seuil, appelé seuil de Quincke EQ , l’équilibre est stable et le dipôle s’aligne
avec le champ (figure 2a). Mais pour des valeurs au dessus de ce seuil, il y a instabilité de la position
d’équilibre initial. L’équilibre entre l’advection des charges de surface (due à la rotation) et le transport
électrique dans le liquide (dû à la conductivité) donne alors naissance à un état stationnaire où le dipôle
forme un angle avec le champ électrique (figure 2b).
Cette phénomoménologie s’explique à partir de l’équation de conservation de la charge, des équations
de Maxwell et de l’équation d’équilibre mécanique entre le couple électrique et le couple visqueux. Pour
le détail des calculs, voir en annexe A.
Ces calculs montrent qu’il existe deux solutions, une solution Ω = 0 qui est instable et une solution où
la polarisation est constante, correspondant à une rotation à vitesse angulaire constante :
q
1
Ω=
(E0 /EQ )2 − 1
(1)
τ
L’expression du seuil de Quincke EQ est donnée par :
p − l
1 −1/2
EQ = l (
+ 1/2) τ
(2)
p + 2l
2η
+2
avec τ = p σl l = 1 mm.s−1 le temps de Maxwell, i correspond à la permittivité (i = p, particule ou
i = l, liquide), η et σl la viscosité et la conductivité du liquide.
La rotation s’effectue alors dans un plan perpendiculaire à P et E0 , et elle émerge d’une brisure
spontanée de symétrie due aux fluctuations initiales de la distribution de charges.
Enfin, pour une description plus quantitative de l’effet Quincke, voir les informations supplémentaires
de l’article [2] ou le chapitre 5 de la thèse [7].
3
Dynamique de particules autopropulsées
2.2
Guillaume Fabre
De la rotation à la translation
Afin de propulser les colloïdes, on utilise un principe très simple : celui de la roue. En effet, sur une paroi
solide, on peut convertir le mouvement de rotation dû à l’effet Quincke en mouvement de translation.
En pratique, on trouve que nous sommes proches du frottement sans glissement :
s
a
E0 2
v0 = aΩ =
−1
(3)
τ
EQ
Pour plus de détails sur les approximations faites, voir [2] ou [7].
Enfin, pour donner un ordre d’idée au lecteur, dans les conditions usuelles, EQ ∼ 106 V.m−1 . On
obtient une vitesse angulaire Ω ∼ 1000 Hz et v0 ∼ 1 mm.s−1 soit 200 diamètres.s−1 .
3
Dispositifs expérimentaux
Le système étudié comprend des colloïdes en Polystyrène qui se déplacent dans un mélange d’hexadécane et de sel (voir 3.2), ce qui permet de fournir le champ électrique nécessaire à l’autopropulsion par
effet Quincke.
Afin d’étudier des mouvements collectifs de particules, je me suis placé dans un cadre microfluidique,
domaine très utilisé au sein de notre équipe. En effet, ce cadre offre plusieurs avantages. Il rend possible
l’étude de très grands nombres de rouleurs (jusqu’à plusieurs millions) ainsi que leur suivi grâce à des
techniques de microscopie usuelles. De plus, il permet de répondre à une contrainte imposée par l’effet
Quincke : le seuil électrique est de l’ordre du millier de volts par millimètre. Ainsi, avec des cellules
d’épaisseur de l’ordre de 100 µm, les tensions à imposer sont de l’ordre de la centaine de volts, ce qui
est réalisable en laboratoire.
La deuxième contrainte que j’ai rencontrée est l’acquisition des données. Nos particules se déplacent à
une vitesse très elevée (1 mm.s−1 ) ce qui nécessite un système d’acquisition rapide et performant (voir
3.3).
Pour répondre à ces contraintes en pratique, il est nécessaire de préparer un dispositif microfluidique.
Un schéma présentant un dispositif microfluidique est représenté en figure 3a. Dans la prochaine partie,
je vais présenter pas à pas la fabrication d’une cellule microfluidique : la préparation des lames (1), du
canal (2), des chambres (3), et des connexions électriques et fluidiques (4).
Une vue de côté est aussi représentée en figure 3b, afin de mieux se représenter le dispositif.
3.1
Préparation des dispositifs microfluidiques
Mes cellules microfluidiques sont formées de deux lames de microscope recouvertes d’une couche conductrice et transparente d’oxyde d’indium-étain (ITO) de 80 nm d’épaisseur (Solems, ITOSOL30) sur l’une
des faces. Ces lames sont lavées à l’acétone dans un bain d’ultrason (5min) puis rincées à l’isopropan2-ol (IPA) et séchées au diazote (N2 ).
3.1.1
Création du canal par ruban adhésif
La manière la plus simple et la plus rapide de fabriquer des motifs est d’utiliser du ruban adhésif
double-face (allant de 5 à 100 µm d’épaisseur). Grâce à une découpeuse (Graphtec Rono CE 6000),
je peux réaliser des motifs avec une résolution de l’ordre de 500 µm. La découpeuse agit comme une
imprimante munie d’un scalpel, découpant ainsi le ruban adhésif rapidement. Je peux ainsi utiliser
une couche de ruban adhésif pour délimiter la cellule (appellée canal dans la suite) et permettre le
remplissage par la solution.
De plus, le ruban adhésif permet l’assemblage des deux lames, rendant le dispositif étanche. Étant
isolant, il permet de restreindre la zone de passage du courant électrique. Il joue aussi le rôle d’espaceur,
fixant la hauteur de la cellule microfluidique.
4
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
Figure 3: Dispositif microfluidique : a. Schéma de la fabrication d’un dispositif microfluidique : (1)
Deux lames recouvertes d’une couche d’ITO servent d’électrodes. (2) Un canal isolant de 100 µm
d’épaisseur rend le dispositif étanche et sert d’espaceur. (3) On fabrique des motifs appelés chambres
par photolithographie (résolution 1 µm) (4) Connexions électriques et microfluidiques qui servent à
alimenter le dispositif en tension et en solution. b. Vue de côté du dispositif. Une couche d’environ 2 µm
de résine recouvre la lame du bas. Des chambres sont gravées dans cette résine par photolithographie.
Au dessus, une couche de ruban adhésif sert a délimiter la cellule. Des colloïdes de 4,8 µm de diamètre
se déplacent au sein de la chambre.
3.1.2
Contrôle de la géométrie : lithographie optique
Même si l’utilisation du ruban adhésif reste très intéressante, on est limité par la résolution de la
découpeuse (environ 500 µm), et les bords des motifs ne sont pas très rectilignes. Afin de mieux
contrôler la géométrie de mes motifs, j’ai utilisé des techniques de lithographie optique, en utilisant des
masques dessinés sous AutoCad et fabriqués en Suisse par Selba S.A. Ainsi, la résolution devient de
l’ordre du micron, ce qui peut permettre de réaliser des motifs très petits et de manière reproductible.
J’ai principalement utilisé une géométrie rectangulaire (1x15 mm) pour fabriquer des chambres.
De plus, cette technique permet notamment de fabriquer des chambres contenant des obstacles, avec
un rayon typique de 5 µm , comme nous le verrons dans la section 9.1 (voir figure 4b).
En pratique, la lame est recouverte de résine photosensible, la résine S1818 (MICROPOSIT, S1818 G2
Positive Photoresist), dans laquelle je "grave" des motifs grâce à la lumière UV. Un schéma rappelle
le principe de fonctionnement en figure 4a.
Pour réaliser cette lithographie, j’utilise des lames recouverte d’ITO, préalablement lavées. Je dépose
une couche d’environ 2 µm de résine par enduction centrifuge (spin coating). Je chauffe la lame à
100˚C et je la laisse refroidir doucement (un refroidissement trop rapide provoque des craquelures dans
la couches de résine). On place ensuite le masque à graver entre la résine et une lame de quartz, et on
illumine 18 sec sous la lampe UV (Hamamatsu, Spot light source LC8 LIGHTNINGCURE : L9588) à
5
Dynamique de particules autopropulsées
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54 mW.cm−2 . Les parties éclairées sont éliminées en contact du développeur (MICROPOSIT, MF-319
developer) et ailleurs, la résine reste solide.
Figure 4: Photolithographie : a. Schéma du principe de Photolithographie : Spin Coating, Une couche
d’environ 2 µm d’épaisseur d’une résine positive (S1818) est déposée par enduction centrifuge (2500
rpm). Illumination, La résine est éclairée à certains endroits par de la lumière UV (18 sec à 54
mW.cm−2 ). Les endroits protégés par le masque ne sont pas éclairés. Development, la lame est placée
dans une solution développante pendant 45 sec. Les parties éclairées sont alors éliminées et il reste
uniquement les parties masquées. b. Image d’obstacles obtenus par Photolithographie : cette technique
permet de fabriquer des obstacles (résolution d’un µm) dans les chambres.
3.1.3
Connexions électriques et microfluidiques
Pour appliquer le champ électrique nécessaire à l’effet Quincke, on relie la lame conductrice au générateur de tension grâce à des cables électriques collés par un ruban adhésif conducteur (Cu). Pour
obtenir un champ électrique suffisant pour mettre en mouvement des rouleurs, il est nécessaire d’utiliser
un amplificateur de tension (Trek, 606E-6) permettant d’obtenir des tensions continues allant jusqu’à
4000V.
De plus, afin d’augmenter le temps de vie des dispositifs, j’utilise une technique de gravure à l’acide. Cela
permet de retirer la couche d’ITO à certains endroits créant ainsi différentes zones conductrices isolées
les unes des autres (cf figure 5). En effet, lorsque l’on soumet notre dispositif à de grandes tensions,
il se produit une dégradation de la surface, due probablement à des réactions d’oxydo-réduction. Afin
de réaliser cette gravure, je colle du ruban adhésif double-face sur les zones à protéger de l’acide, puis
je plonge la lame de 7 à 8 minutes dans une solution d’acide chlorhydrique à 37 % (HCl : 12 mol.L−1 )
Figure 5: Exemple de lame recouverte d’ITO gravée à l’acide. Les larges traits noirs correspondent
à la zone où l’acide a retiré l’ITO, offrant ainsi 5 zones électriquement isolées. Les rectangles gris
correspondent aux morceaux de ruban adhésif conducteur qui permettent de coller les cables électriques.
Les rectangles blancs correspondent aux chambres d’observations.
6
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
Enfin, pour remplir la cellule microfluidique, il est nécessaire de percer la lame du haut à l’aide d’une
perceuse à colonne (foret diamanté avec adapteur à circulation d’eau 1.0 mm pour WK 478, Atelier la
trouvaille). J’installe ensuite un canal d’injection et un de sortie grâce à des petits blocs troués (1.6
mm) de plexiglas que je colle avec du ruban adhésif double-face et une colle époxy.
3.2
Préparation des solutions de colloïdes
Comme nous l’avons vu dans la section 2.1, il est nécessaire de travailler avec des colloïdes isolants, plongés dans un milieu conducteur. Voyons ici les procédures utilisées pour répondre à de telles contraintes.
3.2.1
Préparation du solvant
Les colloïdes sont conservés dans un milieu aqueux, il est nécessaire de retirer toute l’eau et de les
placer dans le solvant adéquat.
Le solvant est un mélange d’hexadécane pur (Sigma Aldrich, Hexadecane ReagentPlus, 99%) dans
lequel je dissous de l’AOT (Sigma Aldrich, Dioctyl Sufosuccinate Sodium salt BioXtra, ≥ 99%)
La concentration en AOT a une grande influence sur la dynamique des colloïdes au niveau des recirculations le long des parois de nos chambres d’observations. Je n’ai pas eu le temps de réaliser une étude
précise de la dynamique en fonction de cette concentration, mais j’ai remarqué que le comportement
des rouleurs le long des parois diffère lors d’un changement de concentration.
La concentration optimale, déduite lors des travaux d’Antoine Bricard au sein de l’équipe [8], est de
2.0 g de sel pour 30 mL d’hexadécane (0.15 mol.L−1 ).
3.2.2
Lavage des colloïdes
Les colloïdes utilisés lors de mes expériences sont des billes de polystyrène (PS) de rayon 2.4 µm
(Thermo Scientific G0500) conservées en milieu aqueux. Il faut donc enlever l’eau et transférer les
rouleurs dans le solvant.
Cette solution est très concentrée (environ 1% en masse), on peut alors réaliser des dilutions pour
obtenir la concentration souhaitée. Typiquement, nous prélèvons 30 µL de cette solution mère que
nous complétons par du solvant pour obtenir une solution finale d’un mL.
3.3
Acquisition et traitement d’images
Dans cette section, nous allons voir comment avoir accès à la dynamique des particules autopropulsées
à l’aide de techniques de microscopie optique.
3.3.1
Acquisition
L’étude de mouvements à l’échelle de mes particules nécessite l’utilisation d’un microscope et d’un
système d’enregistrement des images. Pour cela, on utilise un Nikon AZ100 Multizoom qui dispose de
grandissements suffisants pour pouvoir distinguer les particules et suivre leurs trajectoires. On obtient
alors des images en champ clair (image 6a) sur lesquelles les particules apparaissent foncées sur fond
blanc. Cependant, j’ai aussi utilisé une lampe fluorescente afin d’inverser le contraste, permettant
d’avoir les colloïdes blancs sur fond noir (image 6b). Cette technique permet notamment de pouvoir
"tracker" plus facilement les particules (voir section 3.3.2) et de ne pas détecter les obstacles (cf partie
9.1) qui sont eux aussi noirs en champ clair.
De plus, la grande vitesse des particules impose de sérieuses contraintes sur l’enregistrement à haut
débit des images. On utilise une caméra rapide 8 bits (Basler Ace acA2040-180km) qui a une résolution
maximale de 4 Mpx (2048x2048 avec des pixels de 5,5 µm2 ) à un taux d’acquisition de 180 images par
secondes (fps). Afin d’avoir un bon suivi des trajectoires, il est même conseillé de diminuer la taille
de la fenêtre d’observation à 2040x900 pour atteindre les 400 fps, générant ainsi un grand nombre de
données (environ 800 Mo.s−1 ) que l’on doit enregistrer sur le disque dur. Pour cela, on utilise 4 disques
7
Dynamique de particules autopropulsées
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Figure 6: Acquisition d’images brutes, le canal fait 1 mm de large : a. Image en champ clair. b. Image
par fluorescence.
durs SSD montés en RAID0, permettant de répondre à ces contraintes d’acquisition avec une capacité
de stockage totale de 1 To.
3.3.2
Tracking de particules
Afin de suivre la dynamique des particules, il est nécessaire de déterminer leurs trajectoires ("tracking"),
ce qui nécessite un traitement d’un grand nombre d’images.
Tout d’abord, il faut procéder à la détection des particules, c’est-à-dire trouver la position (en pixel)
de toutes les particules, sur chaque image. C’est une étape cruciale, sur laquelle je me suis penché
en début de stage, afin de l’optimiser. Précédemment, l’équipe travaillait sur une macro ImageJ qui
prenait 2-3 heures pour traiter une centaine de milliers d’images (soit quelques minutes d’acquisition à
400 fps). À l’aide d’Alexandre Morin, un autre stagiaire au sein de l’équipe, nous avons repris un code
de détection écrit par Peter Lu au cours de sa thèse [9], rendant cette étape très performante et plus
rapide (environ une heure pour le même nombre d’images).
Afin de reconstruire le mouvement des particules, à savoir numéroter les particules et les suivre une par
une, j’ai utilisé la version Matlab de l’algorithme très répandu de J.C. Crooker et D.G. Grier [10]. Pour
que la détection des particules soit réussie, il est nécessaire que le déplacement maximal d’une particule
entre 2 images soit plus faible que la distance moyenne entre les particules. Afin de s’assurer que cette
contrainte soit respectée, on impose que ce déplacement soit inférieur au rayon d’une particule, ce
qui explique la haute fréquence d’acquisition vue précédemment. Un exemple de tracking de plusieurs
trajectoires (différentes couleurs) est presenté en figure 7.
Figure 7: Tracking des particules : un algorithme permet de reconstruire le mouvement de chaque
particule. Exemple de 13 trajectoires, représentées en différentes couleurs. Barre d’erreur : 100 µm
8
Dynamique de particules autopropulsées
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Deuxième partie
Dynamique individuelle des particules :
marcheurs aléatoires persistants
4
Objectifs
Maintenant que nous avons décris le mécanisme d’autopropulsion des particules, nous pouvons nous
intéresser à la caractérisation expérimentale du système. En effet, dans un premier temps, j’ai vérifié
que le mécanisme mis en jeu correspondait bien expérimentalement aux prédicitions théoriques de
l’effet Quincke. C’est pourquoi dans cette partie nous allons nous intéresser aux trajectoires et à la
dynamique d’un colloïde individuel en faisant varier l’intensité du champ électrique en régime très
dilué.
Nous nous apercevons que la particule a une vitesse constante mais que son orientation varie au
cours du temps. Cette orientation semble aléatoire, mais contrairement au mouvement Brownien, la
trajectoire est régulière (dérivée continue en chaque point), ce qui laisse supposer que notre particule
est un marcheur aléatoire persistant. Ceci fera aussi l’objet de mon étude dans cette partie de mon
rapport.
5
5.1
Caractérisation expérimentale des trajectoires
Vitesse des rouleurs colloïdaux
Dans un premier temps, je me suis intéressé à la dynamique de rouleurs. Ce dernier est un mouvement
dont l’orientation semble aléatoire, avec une amplitude constante (figure 7), ce qui correspond bien
aux hypothèses de l’effet Quincke. Afin de vérifier ces prédictions, je me suis intéressé aux distributions
de probabilité des vitesses vx et vy (fig 8a). Le profil circulaire de cette distribution montre que le
mouvement est bien isotrope. De plus, nous remarquons que cette distribution est très piquée autour
d’une valeur moyenne, notée v0 . En comparant la déviation standard autour de cette moyenne à v0 ,
nous voyons que celle ci est beaucoup plus faible. Ceci prouve que la vitesse est bien constante avec de
faibles variations.
D’un autre côté, nous pouvons essayer de confronter la valeur de cette moyenne aux prédictions théoriques de l’effet Quincke. Pour cela, j’ai réalisé des mesures de vitesses moyennes pour différents champs
électriques.
Les résultats obtenus sont présentés en figure 8b représentant la vitesse moyenne en mm.s−1 en fonction du champ électrique appliqué (V.µm−1 ). Tout d’abord, il y a mise en mouvement des rouleurs
uniquement à partir d’un certain seuil, appelé EQ . Ensuite, nous avons une augmentation de la vitesse
avec le champ. Pour caractériser cette augmentation, je réalise un fit en racine carrée sur les points
expérimentaux (courbe rouge sur la figure 8b).
Nous avons vu précédemment que la dépendance de la vitesse moyenne v0 en champ électrique E0
vérifie la relation :
s
a
E0 2
v0 = α
−1
(4)
τ
EQ
où α est une constante de l’ordre de 1 (α = 0.8 ± 0.1), a = 2.4µm est le rayon des particules, τ = 1 ms
est le temps de relaxation des charges dans le liquide.
En inset de la figure 8b, j’ai tracé le carré des deux quantités étudiées pour vérifier la relation linéaire.
Nous avons donc un bon accord avec la théorie, et un ajustement des paramètres nous donne la valeur
de EQ :
EQ = 1.0 V.µm−1
9
(5)
Dynamique de particules autopropulsées
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Figure 8: Caractérisation de la particule unique : a. Isotropie : Distributions de probabilité des vitesses
vx et vy pour des particules indépendantes montrant l’isotropie des trajectoires. b. Mise en mouvement
des particules : Évolution de la vitesse moyenne v0 en fonction du champ électrique appliqué E0 . Nous
observons une transition avec une valeur seuil, appelée seuil de Quincke qui vaut EQ = 1.0 V.µm−1 .
La courbe en rouge correspond à un fit en racine carrée. Les barres d’erreurs sont données par l’écart
type des statistiques de vitesses. Encart : Évolution de v0 2 en fonction de E0 2 .
Cette valeur est proche de la valeur théorique, formule 2, qui vaut :
EQ th = 0.8 V.µm−1
(6)
avec p = 2.40 , η = 3 mPa.s et l = 20 .
Ainsi, le mouvement des particules individuelles correspond bien aux hypothèses de Quincke. Dans la
suite, je vais m’intéresser à la diffusion angulaire de ces particules.
5.2
Diffusion orientationnelle
Les trajectoires des particules peuvent être déviées. Nous avons vu que l’amplitude de la vitesse était
constante, mais son orientation varie au cours du temps. Ces variations peuvent être expliquées par une
rugosité de l’électrode, les interactions entre rouleurs ou encore la diffusion brownienne. Il en résulte
une diffusion orientationnelle des particules. Cette diffusion reste relativement faible, car on peut voir
que les trajectoires sont lisses, elles ne varient que sur des échelles de quelques centaines de microns
(cf figure 7).
Afin, d’étudier ces trajectoires, j’ai tracé l’autocorrelation des vitesses. L’autocorrelation d’une particule
hv(t)v(t + T )ip est représentée en bleu pour différentes particules en fonction de la longueur v0 T sur
la figure 9a.
N
P
La courbe rouge représente la courbe d’autocorrelation moyenne : hv(t)v(t+T )i = N1
hv(t)v(t+T )ip
p=1
avec N le nombre de particules.
Nous observons un comportement linéaire (échelle logarithmique) aux temps courts, signe d’une décorrelation exponentielle des vitesses. Je réalise ensuite un fit linéaire sur chaque courbe d’autocorrelation
des particules. Je peux en extraire un temps caractéristique, noté 1/D, grâce à la pente des fits, divisée
par v0 . Ainsi, j’ai le coefficient de diffusion pour chaque particule Dp . Je définis alors le coefficient de
diffusion D comme étant la moyenne des Dp .
10
Dynamique de particules autopropulsées
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Figure 9: Diffusion orientationnelle : a. Autocorrelation des vitesses en fonction de la longueur :
en bleu, autocorrelation pour une particule. En rouge, autocorrelation moyenne. Nous observons un
comportement linéaire aux faibles déplacements. La décorrelation exponentielle permet donc de définir
une longueur caractéristique v0 /D aux faibles déplacements. b. Évolution du coefficient de diffusion D
en fonction du champ électrique : 3 couleurs représentent 3 conditions expérimentales différentes (date,
géométrie de la chambre, hauteur du dispositif). Barre d’erreur : 1 std.
Ensuite, l’autocorrelation diminue brusquement à cause de la taille finie de la fenêtre d’observation
(environ 3x3mm). En effet, à cause de leur vitesse, je ne peux pas garder les particules dans le champ
de vision pendant des temps très longs.
Afin de caractériser complètement ce coefficient de décorrelation D, je trace son évolution en fonction
du champ électrique E0 , figure 9b.
Trois couleurs sont présentes sur cette figure, et elles correspondent à 3 conditions expérimentales
différentes (date, hauteur de la cellule ou géométrie de la chambre), notamment l’expérience en bleu
clair correspond à une expérience sans confinement par système de chambre. Nous pouvons voir qu’il
y a des tendances moyennes, mais qu’il y a aussi de grandes variations. Il semblerait néanmoins que le
coefficient de diffusion augmente avec le champ électrique.
En résumé, les particules possèdent une amplitude de vitesse constante v0 , et une diffusion orientationnelle D. La donnée de ces deux paramètres permet de caractériser complètement le mouvement des
colloïdes.
6
Un modèle théorique minimal
Dans la section précédente, nous avons obtenu des résultats expérimentaux intéressants. Tout d’abord,
nous avons vu que la mise en mouvement était bien due à l’effet Quincke.
Je me suis ensuite penché sur l’origine de la diffusion rotationnelle en proposant un modèle simple.
6.1
Origine de la diffusion orientationnelle
Nous avons vu que l’orientation de la particule changeait au cours du temps. Une première hypothèse
est que cette diffusion pourrait être due au mouvement Brownien. Essayons de comprendre son origine.
6.1.1
Diffusion due au mouvement Brownien
Pour de la diffusion orientationnelle à deux dimensions due au mouvement Brownien, la déviation
angulaire s’écrit :
11
Dynamique de particules autopropulsées
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hθ2 i = 4Dbrown t
(7)
où l’expression du coefficient de diffusion est donnée par la relation d’Einstein :
Dbrown =
kB T
kB T
=
fr
8πηa3
(8)
où fr est le coefficient de frottement par rotation, exprimé ici pour une sphère.
Une application numérique donne, à température ambiante :
Dbrown ' 3.10−3 s−1
(9)
Cette valeur est très loin des résultats expérimentaux. On en déduit que le processus de diffusion n’est
pas Brownien, et qu’en réalité les colloïdes peuvent être considérés comme des marcheurs aléatoires
persistants.
6.1.2
Hypothèse de diffusion par impuretés
En supposant que les rouleurs soient suffisamment isolés les uns des autres afin de négliger leurs
interactions, nous pouvons imaginer que la diffusion des particules soit due à des défauts placés de
manière aléatoire à la surface de l’électrode. Notons Φi la densité en impuretés.
Considérons la probabilité p(θ, t) que la particule soit à un angle θ au temps t.
Si la particule diffuse d’un angle δθ au contact d’une impureté, nous trouvons, cf annexe B :
∂t p(θ, t) = 2av0 Φi (δθ)2 ∂θ2 p(θ, t)
(10)
Ce qui correspond à une équation de diffusion avec un coefficient de diffusion
D = 2av0 Φi (δθ)2
(11)
Afin de vérifier que D ∝ v0 , j’ai donc tracé ce coefficient en fonction de la vitesse moyenne, figure 10a.
Figure 10: Diffusion par impuretés : a. Coefficient de diffusion en fonction de la vitesse moyenne des
particules, trois couleurs représentent trois conditions expérimentales différentes. Barre d’erreur : 1 std.
b. Longueur de persistance Lp = v0 /D en fonction du champ électrique. Barre d’erreur : 1 std.
Les trois couleurs présentes sur cette figure, correspondent à celles de la figure 9b. Nous pouvons
voir que le coefficient de diffusion semble augmenter avec la vitesse, mais il y a toujours de grandes
variations. Ainsi, je ne peux pas trancher de manière certaine sur la question. Une analyse statistique
12
Dynamique de particules autopropulsées
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plus poussée est nécessaire. Un modèle plus complexe, considérant notamment un angle de déflection
non constant, est difficile à mettre en place.
Nous pouvons alors étudier la longueur de persistance Lp = v0 /D en fonction du champ électrique
(figure 10b). À part pour les points en bleu clair qui ont une grande barre d’erreur, il semblerait que
cette longueur soit constante avec le champ, ce qui correspond bien au fait que D soit proportionnel à
v0 .
Cette question de la diffusion rotationnelle n’est pas encore complètement résolue et nous pouvons
imaginer réaliser une étude dans une géométrie où les obstacles seraient placés de manière contrôlée
afin de mieux aborder ce problème (voir partie 9.1).
6.2
Caractérisation de la marche aléatoire
Dans cette partie, je vais vérifier que mes rouleurs sont bien des marcheurs aléatoires persistants comme
évoqué précédemment.
Nous avons vu que les trajectoires des particules étaient caractérisées par deux paramètres, leur vitesse
v0 qui est constante et leur orientation angulaire qui varie au cours du temps. Nous pouvons alors
écrire des équations d’évolution du mouvement pour ces marcheurs aléatoires persistants :
ṙ(t) = v0 p̂(θ(t))
(12)
√
θ̇ =
2Dξ
(13)
avec p̂ le vecteur unitaire donnant l’orientation de la vitesse (angle θ avec l’axe x) et ξ un bruit blanc
gaussien de correlation : hξ(t)ξ(t0 )i = δ(t − t0 )
Afin de trouver ce coefficient de diffusion D, nous pouvons nous intéresser à la décorrelation exponentielle des vitesses. Un rapide calcul donne hv(t)v(t + T )i = v0 2 exp(−DT). Ces équations donnent donc
bien le comportement observé expérimentalement (figure 9a.)
De plus, pour montrer que nous avons bien affaire à des marcheurs aléatoires persistants, je me suis
intéressé au déplacement quadratique moyen des particules.
En reprenant les équations du mouvement 12 et 13 , nous pouvons calculer ce déplacement quadratique
moyen [11] :
hr2 (∆t)i = h(x(t + ∆t) − x(t))2 i + h(y(t + ∆t) − y(t))2 ii
v 2
0
=
[D∆t − 1 + e−D∆t ]
D
(14)
(15)
On s’aperçoit qu’il existe deux régimes caractéristiques du mouvement des colloïdes, un régime balistique aux temps courts et un comportement diffusif aux temps longs.
6.2.1
Comportement balistique aux temps courts
Aux temps courts, ∆t tp = 1/D (temps de persistance), l’équation 15 devient :
hr2 (∆t)i
'
'
v 2
0
D
[D∆t − 1 + 1 − D∆t +
v02
(∆t)2
2
(D∆t)2
]
2
(16)
(17)
Ce qui correspond à un régime balistique.
Afin de vérifier cette hypothèse, j’ai tracé la racine carrée du déplacement quadratique moyen en figure
11 en fonction du pas de temps ∆t (échelle linéaire et logarithmique).
En bleu se trouve la courbe expérimentale. On remarquera qu’aux temps courts, la courbe augmente
linéairement avec ∆t. Sur le panneau de droite, en échelle logarithmique, nous avons un bon accord,
13
Dynamique de particules autopropulsées
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Figure 11: Déplacement quadratique moyen des particules
√ : a. Racine carrée du déplacement quadratique moyen. La ligne noire correspond à l’équation v0 / 2 ∆t. La ligne en pointillés bleus correspond
à tp ≡ 1/D et la courbe rouge correspond à la prédiction théorique pour un marcheur aléatoire persistant. b. Déplacement quadratique moyen en échelle logarithmique : la courbe en noir est de pente
1.
aux temps courts, avec la droite de pente 1. On en déduit que les particules ont bien un mouvement
balistique aux temps courts. Aussi, en regardant la pente de la portion linéaire, nous pouvons
√ en
déduire la valeur de v0 : la courbe en pointillés noirs est la prédiction du modèle balistique v0 / 2∆t
et donne v0 ' 1, 3mm.s−1 pour cette expérience. En pointillés bleus clairs, se trouve le temps de
persitance tp = 1/D. On voit ensuite qu’au niveau de cette droite, la courbe expérimentale s’éloigne
du comportement balistique.
En rouge, j’ai tracé un fit correspondant à l’équation 15. Nous avons un excellent accord entre l’expérience et le fit théorique, qui nous permet d’avoir une autre méthode pour calculer le coefficient de
diffusion D.
6.2.2
Comportement diffusif aux temps longs
Aux temps longs, ∆t tp , l’équation 15 devient :
v02
∆t
(18)
D
Les trajectoires ne sont pas assez longues, car le champ d’observation est restreint, pour pouvoir observer le comportement diffusif de la particule à partir du déplacement quadratique moyen. Cependant,
le bon accord avec la courbe théorique (en rouge, fig 11), conforte l’hypothèse des marcheurs aléatoires
persistants.
hr2 (∆t)i '
En conclusion, nous avons caractérisé la dynamique des particules individuelles. Leur mouvement est
isotrope, à vitesse constante, avec un coefficient de diffusion rotationnelle probablement dû à la présence
de défauts sur l’électrode. Ces colloïdes se comportent, en régime dilué, comme des marcheurs aléatoires
persistants. Maintenant, nous allons nous intéresser à la dynamique collective lorsqu’on augmente la
concentration en rouleurs.
14
Dynamique de particules autopropulsées
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Troisième partie
Emergence de mouvements collectifs
7
Objectifs
Nous avons étudié dans la partie précédente le comportement des colloïdes à l’échelle individuelle. Cependant, sous certaines conditions, nous pouvons avoir l’émergence d’une dynamique plus compliquée
que celle de marcheurs aléatoires persistants.
Dans notre système, nous avons deux paramètres de contrôle : l’intensité du champ électrique que nous
appliquons E0 et la concentration surfacique en colloïdes ρ. Dans cette partie, je vais étudier l’influence
de ces deux paramètres sur la dynamique collective des particules.
Tout d’abord, intéressons nous à l’influence de la concentration sur le comportement des particules.
Lorsque nous sommes en dessous d’une concentration critique notée ρc , nous avons une phase gaz (figure
12a). Dans cette phase, la direction des particules est aléatoire, et nous retrouvons les caractéristiques
étudiées dans la partie précédente (isotropie et vitesse constante). Dans ce gaz, les particules sont des
marcheurs aléatoires persistants, et il n’y a ni ordre orientationnel, ni ordre translationnel.
Figure 12: Images de la chambre pour différentes concentrations (microscopie à fluorescence) : a. Gaz
isotropique. Le canal fait 1 mm par 15, et la concentration en colloïdes est de ρ ' 10−4 . b. Mouvement
collectif sous forme de bande. La densité surfacique en colloïdes est de ρ ' 10−2 .
Puis, lorsqu’on augmente la concentration en rouleurs et que l’on dépasse ρc , nous observons une
transition vers une dynamique collective. Les particules se rassemble en un "troupeau", et se déplacent
dans la même direction au sein de ce groupe. Cet état, appelé une bande, se déplace au sein de la
chambre et coexiste avec la phase gaz (figure 12b).
Enfin, lorsqu’on augmente encore la concentration, on peut arriver à une phase plus homogène qui
présente des structures spatiales plus complexes. Ce régime très concentré ne sera pas étudié dans la
suite car je me suis focalisé sur la zone de transition au mouvement collectif.
Dans cette partie, je vais chercher la concentration critique ρc et à caractériser la transition vers le
mouvement collectif.
8
Caractérisation de l’état bande
Lorsqu’on impose le champ électrique, on observe instantanément des fluctuations de densité issues
d’une brisure spontanée de symétrie. Ainsi, on observe la présence de clusters au sein desquels les particules s’alignent, et se déplacent de manière cohérente. En effet, les interactions polaires, décrites dans
[2], surpassent la diffusion rotationnelle. Ensuite, les clusters vont fusionner par collisions ou coalescence pour ne former qu’un seul groupement appelé bande. Cet état de bande est un état stationnaire
et macroscopique.
Ainsi, la bande se propage dans la chambre avec un sens initial aléatoire, puis rebondit continuellement
sur les parois en bout de chambre.
15
Dynamique de particules autopropulsées
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Pour visualiser la bande, nous pouvons tracer un diagramme temporel représentant la fraction surfacique locale en fonction du temps. Un exemple de profil de densité est représenté en figure 13.
Figure 13: Profil de densité : Évolution de la fraction surfacique locale ρ en fonction du temps.
L’acquisition montre 5 aller-retours d’une bande pour une concentration ρ ' 10−2 avec un champ
électrique E0 = 2.36 V.µm−1 . Pour calculer la fraction surfacique, je compte le nombre de particules
passant dans une fenêtre de 50x1000 pixels, que je convertis ensuite en fraction surfacique.
Ce profil présente une forte asymétrie avec un front très dense qui coexiste avec une phase gaz, caractérisee par ρ∞ . Concernant la forme de la bande, nous avons ce front très concentré, puis la densité
surfacique décroît de manière exponentielle jusqu’à la fin de la queue où nous retrouvons la phase gaz.
À partir de ce profil, nous pouvons estimer des grandeurs intéressantes comme la longueur de la bande
Lband , son amplitude ρmax − ρ∞ ou encore sa vitesse vband . Ces grandeurs caractérisent la bande et
nous allons les étudier dans la suite.
8.1
Influence de la concentration en colloïdes
Dans un premier temps, je me suis intéressé à l’influence de la concentration en colloïdes sur les grandeurs caractérisant la bande. Ainsi, j’ai réalisé plusieurs expériences en faisant varier la concentration
surfacique en rouleurs. Le champ électrique est constant durant toute cette partie et vaut E0 ' 1.8EQ .
8.1.1
Diagramme de phase
Afin de comprendre l’influence de la concentration sur la dynamique des rouleurs, nous pouvons nous
intéresser aux fluctuations de densités et tracer ainsi le diagramme de phase du système en choisissant
hδρ2 it /ρ comme paramètre d’ordre. Le résultat est présenté en figure 14.
Figure 14: Diagramme de phase : Variance de la densité en particules en fonction de la densité
moyenne. Les fluctuations de densité sont moyennées spatialement et temporellement.
16
Dynamique de particules autopropulsées
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Nous voyons qu’à faible concentration, les fluctuations de densité sont faibles (proportionnelles à ρ). cela
correspond à la phase gaz que nous avons étudiée précédemment (mouvement aléatoire). Puis, lorsqu’on
augmente la concentration, on a rapidement des fluctuations de densités beaucoup plus importantes,
ce qui correspond à notre bande, avec une transition discontinue. En effet, les fluctuations de densité
sont plus importantes en présence de bandes, car il y a des zones très concentrées (front de la bande)
qui coexistent avec des phases très peu denses (gaz).
8.1.2
Excitation propagative
Intéressons nous un peu plus à l’état bande. Nous pouvons voir cette phase comme une onde qui se
propage dans la chambre. Ainsi, nous avons une onde avec un front très dense qui avance le long de
l’axe x. Pour déterminer sa vitesse, nous pouvons étudier l’abscisse du maximum de densité dans notre
fenêtre d’observation en fonction du temps. Pour cela, je somme les particules le long de l’ordonnée
y, ce qui me donne accès à la densité par pixel le long de l’axe x, figue 15a. Je m’intéresse alors à la
position en x du maximum de densité.
Figure 15: Excitation propagative : a. Calcul de la position xmax du maximum d’intensité dans ma
fenêtre d’observation (2000x1000 pixels). L’intensité est calculée par hρiy , moyenne du nombre de
particule calculée le long de l’axe y. b. Évolution de la position xmax en fonction du temps. La pente
des droites permet de déterminer la vitesse du front de la bande vband . c. Vitesse du front de la bande
vband en fonction de la concentration surfacique moyenne en colloïdes. Barre d’erreur : 1 std.
En regardant l’évolution de xmax au cours du temps, nous pouvons calculer la vitesse du front de la
bande, figure 15b. Nous voyons la bande qui passe de droite à gauche, puis de gauche à droite et ainsi
de suite. Je calcule alors la pente de ces portions de droite et je peux déterminer la vitesse absolue du
front vband .
J’ai ensuite tracé en figure 15c, la valeur de cette vitesse de bande, renormalisée par la vitesse des
particules individuelles v0 , en fonction de la densité en colloïdes. Nous voyons qu’en dessous d’une
concentration critique ρc , il n’y a pas de bande, la vitesse est donc nulle. En revanche, au dessus de ρc ,
nous obtenons une bande et la vitesse du front fait un plateau aux alentours de v0 et donc ne dépend
pas de la fraction en particules.
En conclusion, nous obtenons donc une structure qui se propage à vitesse constante au cours du temps.
De plus, la vitesse du front ne change pas avec la fraction surfacique ρ et vaut vband ' v0 .
17
Dynamique de particules autopropulsées
8.1.3
Guillaume Fabre
Morphologie de la bande
Maintenant, nous pouvons nous intéresser plus précisément à la morphologie de la bande. Nous avons
vu dans la figure 13 que la bande possède un front très dense puis sa densité décroît exponentiellement
jusqu’à atteindre une phase gaz. Nous pouvons alors calculer deux quantités caractérisant cette bande :
ρmax − ρ∞ qui mesure l’amplitude de la bande, avec ρ∞ étant la concentration dans la phase gaz, et
Lband = vband ∆t1/2 , la longueur caractéristique de la bande, avec ∆t1/2 le temps à mi-hauteur calculé
sur le profil temporel. La figure 16a explicite ces quantités.
Dans la figure 16b, je vérifie que la bande décroît de manière exponentielle en traçant log(ρmax /ρ∞ -1)
en fonction du temps, courbe bleue. Je trace ensuite un fit linéaire, en rouge, sur le début de la partie
décroissante (correspondant au cadre en pointillés). Nous voyons que la courbe bleue a une tendance
bien linéaire et donc, je peux dire que la densité au sein de la bande décroît de manière exponentielle.
Figure 16: Morphologie de la bande : a. Profils de densité représentant le passage d’une bande.
(superposition de 5 profils représentant 5 abscisses différentes). On peut alors représenter l’amplitude
de la bande par ρmax − ρ∞ et la longueur de la bande par la longueur à mi-hauteur : Lband . b.
Décroissance exponentielle de la bande : évolution temporelle de log(ρ/ρ∞ − 1). La courbe rouge
correspond à un fit linéaire sur la partie décroissante. c. Amplitude relative de la bande (ρmax − ρ∞ )/ρ
en fonction de la concentration surfacique ρ. d. Longueur de la bande Lband en fonction de ρ.
Dans la figure 16c, je m’intéresse à l’évolution de l’amplitude de la bande en fonction de la densité
moyenne en rouleurs. Pour cela, j’ai tracé l’amplitude de la bande normalisée par la fraction surfacique
moyenne. De même que précédemment, en dessous de la concentration critique ρc , nous n’avons pas de
bande, donc l’amplitude est nulle. Ensuite, nous avons une transition discontinue et il y a émergence
de la bande.
Enfin, dans la figure 16d, je regarde l’évolution de la longueur de la bande en fonction de ρ. Comme
18
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
pour l’amplitude, nous avons une phase gaz, puis une transition brutale vers le mouvement collectif,
avec une augmentation de la longueur de la bande avec la fraction surfacique en colloïdes.
Ces deux dernières courbes permettent de déduire que la transition entre ces deux états est une transition du premier ordre, pour une concentration critique qui vaut :
ρc ' 1.5 10−3
(19)
En conclusion, nous avons vu que la concentration en colloïdes était un facteur crucial dans l’émergence de mouvement collectif. Au dessus d’une densité critique ρc , nous avons un mouvement collectif
spontané sous forme de bande. Cette bande peut être considérée comme une excitation qui se propage
à vitesse constante. Cette phase possède une amplitude et une longueur qui augmentent avec le nombre
de rouleurs au sein de la chambre. Enfin, une diminution incrémentale de la concentration provoque
la suppression de ce mouvement macroscopique. Les courbes de transitions sont discontinues, ce qui
nous permet d’affirmer que la transition est du premier ordre.
8.2
Influence du champ électrique
Nous avons vu précédemment l’impact de la concentration en colloïdes sur la dynamique des particules.
Maintenant, nous allons nous intéresser à l’influence du second paramètre de contrôle, à savoir l’intensité
du champ électrique.
8.2.1
Morphologie et dynamique de la bande
Après avoir caractérisé l’impact de la concentration sur la morphologie de la bande, j’ai étudié l’influence
du champ électrique appliqué, sur l’amplitude et la longueur de la bande. Ainsi, pour une concentration
donnée (ρ ' 1.10−2 ), je réalise une expérience dans une chambre où je fais varier le champ électrique.
Dans la figure 17a, nous pouvons voir l’amplitude de la bande en fonction du champ.
Figure 17: Influence du champ électrique sur la morphologie de la bande : a. Amplitude de la bande
en fonction du champ électrique. b. Longueur de la bande en fonction du champ électrique
Au champ le plus élevé, l’amplitude est plus faible que pour les autres champs. Cette valeur de champ
correspond à la limite que nous pouvons imposer dans notre système car un autre effet, que nous
ne comprenons pas bien, apparaît aux champs élevés. Les particules vont s’immobiliser ("freezer") et
occuper tout l’espace à partir d’environ 2.5 EQ . Les particules sont comme piégées dans un puit de
potentiel et oscillent autour de leur position d’équilibre. Ainsi, peut-être que cet effet biaise mon calcul
d’amplitude pour cette valeur de champ car certaines particules freezent.
19
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
En s’intéressant aux points sous ce champ particulier, nous pouvons dire que l’amplitude est quasiment
constante.
Concernant la longueur de la bande, figure 17b, nous voyons une nette diminution de la longueur de
la bande lorsque le champ électrique augmente. Nous pouvons alors nous demander pourquoi cette
longueur diminue.
8.3
Longueur de la bande
Nous avons défini précédemment une longueur caractéristique pour l’état bande comme étant la longueur à mi-hauteur du profil de densité. Cependant, il est justifié de se demander quel mécanisme fixe
cette longueur de la bande lorsque nous sommes à concentration fixée.
Influence de la géomètrie de la chambre Dans un premier temps, nous pouvons supposer que
si nous changeons la géomètrie du canal, alors la longueur de la bande pourrait changer. Par exemple,
si nous prenons un canal deux fois plus long, est-ce que la bande double sa longueur ?
Afin de vérifier cela, nous avons fait des expériences à concentration fixée (ρ ' 2.10−3 avec des chambres
de différentes longueurs. Je trace ensuite la longueur de la bande en fonction de la longueur de la
chambre, sur la figure 18a.
Figure 18: Longueur de la bande : a. Longueur de la bande en fonction de la longueur de la chambre.
b. Évolution de l’inverse de la longueur, normalisé par v0 en fonction de la densité de la phase gaz ρ∞ .
Nous voyons que la longueur de la bande reste globalement constante alors que la longueur de la
chambre est multipliée par un facteur 5. Nous pouvons alors dire que la longueur de la bande n’est
pas fixée par la géométrie de la chambre, nous en déduisons que c’est une valeur intrinsèque à l’état
de bandes.
Une longueur intrinsèque Dans l’article [5], l’équipe a calculé toutes les solutions stationnaires
qui peuvent émerger et se propager dans un gaz isotrope. Ils ont identifié les différentes familles de
solutions possibles et notamment, ils ont montré qu’une bande propagative peut exister.
Ainsi, une excitation de la phase gaz de densité ρ∞ peut se propager à une vitesse vband . Une relation
relie alors ces deux quantités à la longueur de la bande (cf taux de décroissance τ+ ) :
Lband −1 = α
ρM F − ρ∞
vband − v02 /2vband
20
(20)
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
avec α = 0.6
τ , τ ' 1 ms étant le temps de Maxwell vu précédemment. ρM F est la concentration critique
au delà de laquelle la phase gaz isotrope est linéairement instable, ce qui correspond à une transition
de type champ moyen (MF).
Nous avons alors cherché à vérifier cette relation. Dans mon cas, vband ' v0 , je peux donc réécrire cette
équation :
v0 /Lband = 1.2 103 (ρM F − ρ∞ )
(21)
De plus, ρM F , la densité de transition vers le mouvement collectif, est une constante. Je peux donc
m’intéresser à la quantité 1/∆t1/2 = v0 /Lband où ∆t1/2 correspond au temps à mi-hauteur introduit
précédemment. J’ai alors tracé cette quantité en fonction de ρ∞ : figure 18b.
Nous observons une décroissance qui semble linéaire, comme le prédit la théorie (équation 21). J’ai
donc réalisé un fit linéaire de ces données (courbe rouge), qui donne :
v0 /Lband = 1.6 − 7.102 ρ∞
(22)
De plus, comme j’ai défini ma longueur caractéristique comme la longueur à mi-hauteur, nous avons
un facteur ln(2) à ne pas oublier pour pouvoir comparer mes résultats au modèle théorique, cf :
ρmax /2 = ρmax e−x/Lband
(23)
Ainsi, nous obtenons une valeur de la pente :
7.102
= 1.103
ln(2)
(24)
Nous avons donc une pente qui est très proche de la valeur théorique.
Concernant l’autre paramètre, nous obtenons :
ρM F ' 1.6/1.2 10−3 = 1.3 10−3
(25)
Cette grandeur avait été déterminée expérimentalement dans une géométrie circulaire dans une autre
publication du groupe [12] :
−3
ρth
M F ' 1 10
(26)
J’en conclus que la longueur de la bande est une longueur intrinsèque et vérifie bien les prédictions
théoriques. Cependant, une question reste ouverte concernant le processus de sélection qui fixe vband ,
ρ∞ et de fait Lband parmi l’infinité de solutions qui vérifient l’équation 21.
9
Perspectives
En effet, de nombreuses questions restent ouvertes et le projet offre de nombreuses perspectives.
9.1
Dynamique individuelle : Influence d’obstacles
Je l’ai évoqué plusieurs fois précédemment mais une optique intéressante est l’introduction d’obstacles
au sein de notre dispositif. Ils pourraient permettre d’affiner notre compréhension sur le mécanisme de
diffusion, comme évoqué dans la section 6.1.2.
Une mesure systématique des variations de diffusion rotationnelle dans une géométrie où la position
des défauts serait corrélée spatialement pourrait donner lieu à une dynamique non triviale. Un exemple
de réseau d’obstacles est donné en figure 19.
Des sauts d’orientation corrélés temporellement pourraient donner lieu à de la diffusion anormale avec
des zones de piégeage ou des chemins préférentiels.
21
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
Figure 19: Image d’un dispositif présentant un réseau d’obstacles répartis périodiquement avec un
motif carré. La chambre fait 1 mm de largeur.
9.2
Mouvement collectif
Nous nous sommes placés dans des conditions aux limites fermées dans ces expériences. Ainsi, un état
à plusieurs bandes, comme prédit dans [5], ne peut probablement pas exister à cause des rebonds
qui surviennent dans notre chambre. La dynamique oscillante de la bande est donc peu propice à
l’émergence de plusieurs excitations.
Dans une géométrie périodique de très grande taille, nous pouvons imaginer que plusieurs bandes
peuvent coexister. La question des interactions entre ces excitations restent donc ouverte.
Un dernier point, la phénoménologie observée dépend fortement des conditions aux limites qui sont
fixées par l’intensité du champ électrique. Une étude systématique de l’influence des conditions aux
bords sur la dynamique du mouvement collectif reste à réaliser. Cependant, j’ai obtenu quelques résultats préliminaires que je présente en annexe C.
22
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
Références
[1] Tamas Vicsek, Andras Czirok, Eshel Ben-Jacob, Inon Cohen, and Ofer Shochet. Novel type of
phase transition in a system of self-driven particles. Phys. Rev. Lett., 75(6), August 1995.
[2] Antoine Bricard, Jean-Baptiste Caussin, Nicolas Desreumaux, Olivier Dauchot, and Denis Bartolo.
Emergence of macroscopic directed motion in populations of motile colloids. Nature, 503(7474) :95–
98, 2013.
[3] Volker Schaller, Christoph Weber, Christine Semmrich, Erwin Frey, and Andreas R. Bausch. Polar
patterns of driven filamens. Nature, 467, September 2010.
[4] Guillaume Grégoire and Hugues Chaté. Onset of collective and cohesive motion. Phys. Rev. Lett.,
92(2), January 2004.
[5] Jean-Baptiste Caussin, Alexandre Solon, Anton Peshkov, Hugues Chaté, Thierry Dauxois, Julien
Tailleur, Vincenzo Vitelli, and Denis Bartolo. Emergent spatial strucutes in flocking models : A
dynamical system insight. Phys. Rev. Lett., 112(148102), april 2014.
[6] G. Quincke. Ueber rotationen im constanten electrischen felde. Annalen der Physik, 295(11) :417–
486, 1896.
[7] Nicolas Desreumaux. Émulsions Microfluidiques et Rouleurs colloïdaux : effets collectifs en Matière
molle forcée hors-équilbre. PhD thesis, Université Pierre et Marie Curie, 2015.
[8] Antoine Bricard. Dynamique collective de colloïdes auto-propulsés. PhD thesis, Université Pierre
et Marie Curie, 2014.
[9] Peter James Lu. Gelation and Phase Separation of Attractive Colloids. PhD thesis, Harvard
University, 2008.
[10] J.C. Crocker and G. Grier. Methods of digital video microscopy for colloidal studies. J. Colloid
Interface Sci., 179 :298–310, 1996.
[11] Fernando Peruani and Luis G. Morelli. Self-propelled particles with fluctuating speed and direction
of motion in two dimensions. Phys. Rev. Lett., 99(010602), July 2007.
[12] Antoine Bricard, Jean-Baptiste Caussin, Debasish Das, Charles Savoie, Vijayakumar Chikkadi,
Kyohei Shitara, Oleksandr Chepizhko, Fernando Peruani, David Saintillan, and Denis Bartolo.
Emergent vortices in populations of colloidal rollers. Nature Communications, June 2015.
23
Dynamique de particules autopropulsées
A
Guillaume Fabre
Mise en équation de l’effet Quincke
Dans cette annexe, je reprends la théorie de l’effet Quincke (vu en section 2.1), d’un point de vue plus
mathématique.
Considérons une particule isolante (permittivité p ) de rayon a, plongée dans une liquide conducteur
(conductivité σl , permittivité l et viscosité η).
~ 0 = E0 êz , on obtient une distribution de charges à la surface
Lorsqu’on applique un champ électrique E
qui vaut :
~ l − p E
~ p ).r̂|r=a
qs = (l E
~ l et E
~ p sont les champs dans le liquide et la particule :
où E
~p = E
~0 −
E
~l
E
P~
4π0 a3
~0 + 1
= E
4π0
P~ .êr
P~
3 3 êr − 3
r
r
!
L’équation de conservation de la charge à l’interface s’écrit :
~ s .~js = 0
∂ t qs + ∇
où le courant s’écrit :
~ l + qs Ω
~ × ar̂
~js = σl E
Ainsi, en combinant ces équations, on obtient l’équation d’évolution du moment dipolaire :
dP~
1
1
~0 + Ω
~ × (P~ − 4π0 a3 χ∞ E
~ 0)
+ P~ = − 2π0 a3 E
dt
τ
τ
+2
(27)
−
avec τ = p2σl l le temps de Maxwell et χ∞ = pp+2ll .
On introduit le couple électrique subi par la particule :
p
~0
T~ = P~ × E
0
qui s’équilibre avec le couple dû à la viscosité η (en négligeant l’inertie) :
p ~
~ 0 − 8πa3 η Ω
~ = ~0
P ×E
0
(28)
Les solutions stationnaires des équations 27 et 28 sont :
~ = 0 qui correspond à P~ anti-aligné avec E
~ 0.
- Ω
- rotation à vitesse angulaire constante :
Ω=
1
τ
q
(E0 /EQ )2 − 1
où apparait le seuil de Quincke EQ = [4πl a3 (χ∞ + 1/2)µr τ ]−1/2 avec µr = (8πηa3 )−1 .
24
(29)
Dynamique de particules autopropulsées
B
Guillaume Fabre
Mise en équation de la diffusion rotationnelle
Considérons une particule qui se propage à vitesse constante v0 dans le plan et qui diffuse au contact
d’impuretés, dont la densité est notée Φi .
Supposons que la particule soit diffusée d’un angle ±δθ constant lorsqu’elle entre en contact avec
l’impureté, figure 20a.
Figure 20: Diffusion rotationnelle : a. On suppose que la particule, qui avance à une vitesse v0
constante, diffuse d’un angle δθ constant au contact d’une impureté, de densité Φi . b. Calcul de la
surface parcourue par la particule durant un intervalle de temps dt.
Notons p(θ, t) la probabilité que la particule fasse un angle θ avec l’axe des abscisses au temps t.
Nous pouvons nous intéresser à l’évolution de cette probabilité :
p(θ, t + dt) = P(θ | θ − δθ) p(θ − δθ, t) + P(θ | θ + δθ) p(θ + δθ, t) − P(θ ± δθ | θ) p(θ, t)
(30)
où P(α | β) est la probabilité que la particule face un angle α sachant l’angle de la particule était β
avant collision.
Calculons ce taux de transition. Lors d’un intervalle de temps dt, la particule parcourt une longueur
v0 dt. De plus, elle possède un diamètre de 2a. Ainsi, elle parcourt la surface 2a v0 dt, figure 20b. Si dans
cette surface, elle rencontre une impureté, alors elle va diffuser. L’angle de diffusion étant constant, on
en déduit que :
P(θ | θ − δθ) = P(θ | θ + δθ) = P(θ ± δθ | θ) = 2a v0 dt Φi
(31)
Ainsi, l’équation 30 devient :
∂t p(θ, t)dt = 2a v0 dt Φi (p(θ − δθ, t) + p(θ + δθ, t) − 2p(θ, t))
∂t p(θ, t) = 2a v0 Φi (p(θ − δθ, t) + p(θ + δθ, t) − 2p(θ, t))
(δθ)2 2
(δθ)2 2
∂t p(θ, t) = 2a v0 Φi [δθ ∂θ p(θ, t) +
∂θ p(θ, t) − δθ ∂θ p(θ, t) +
∂ p(θ, t)]
2
2 θ
et au final, nous trouvons :
∂t p(θ, t) = 2a v0 Φi (δθ)2 ∂θ2 p(θ, t)
(32)
Ce qui correspond à une équation de diffusion avec un coefficient de diffusion :
D = 2a v0 Φi (δθ)2
25
(33)
Dynamique de particules autopropulsées
C
Guillaume Fabre
Impact des conditions aux limites : diagramme de phase hystérétique
Sur la figure 21, nous pouvons voir deux images prises dans des conditions identiques : la concentration
en colloïdes ρ = 1.5 10−2 et l’intensité du champ électrique E0 /EQ = 2.3 sont les mêmes.
Figure 21: Diffusion rotationnelle : a. Image d’un pattern de circulation à E0 /EQ = 2.3 et ρ = 1.5 10−2
b. Image d’une bande à E0 /EQ = 2.3 et ρ = 1.5 10−2
Jusqu’à présent dans mes expériences, je partais d’un champ élevé puis je diminuais jusqu’à l’intensité
souhaitée (figure 21b). A contrario, dans l’expérience 21a, j’augmente petit à petit le champ électrique.
Ainsi, nous avons coexistence de deux patterns. Nous en déduisons qu’une déstabilisation de la bande
peut survenir aux champs faibles.
Lorsqu’on augmente le champ électrique, nous augmentons la répulsion entre la paroi et les particules.
En diminuant le champ, un second phénomène physique apparaît et l’emporte sur la répulsion électrostatique, provoquant ainsi un accumulation des particules le long des parois. À cause des circulations
près des bords, la bande va se déstabiliser après plusieurs rebonds pour former une unique circulation
le long des parois, figure 22a. Les particules se déplacent alors en groupe dans le même sens, horaire ou
anti-horaire, comme si elles étaient sur une piste d’athlétisme. Au milieu de la chambre, nous retrouvons
alors une phase gaz où les particules se déplacent de manière désordonnée.
Afin de mettre en évidence ce phénomène, je trace les fluctuations de densité en fonction du champ
électrique appliqué, figure 22b.
Le code couleur correspond à l’ordre des expériences. Je pars de champs électriques importants (bleu
clairs, t=0) jusqu’aux champs faibles (violet, t=0.5). Ensuite, j’augmente à nouveau le champ électrique
jusqu’aux champs élevés (rose, t=1).
Dans les premières expériences, nous voyons des fluctuations de densité importantes, ce qui correspond
à l’état de bande (figure 22c) que nous avons vu précédemment, avec un front très dense et une
décroissance exponentielle vers la phase gaz.
Ensuite, en diminuant le champ, la bande se déstabilise et les fluctuations de densités chutent (à partir
de E0 /EQ ' 2). C’est l’apparition du nouvel état, correspondant à un mouvement ordonné en une
circulation le long des parois. Cet état stationnaire présente peu de variations de densité.
Enfin, lorsque j’augmente à nouveau le champ, je remarque que les particules restent dans cet état
(fluctuations faibles) et je ne retrouve pas de bande. En effet, les particules vont circuler de plus en
plus vite le long des parois, mais rien ne les déstabilise.
Cet état est donc différent de ce que nous avons vu auparavant. Il est dû aux conditions aux limites
qui sont difficiles à maitriser. Nous pouvons en conclure que le champ électrique va changer les lois
d’interaction des particules avec les bords de la chambre. Ce phénomène n’est pas encore bien expliqué,
26
Dynamique de particules autopropulsées
Guillaume Fabre
Figure 22: Diagramme de phase du système : fluctuations de densité en fonction du champ électrique.
Pour un champ électrique élevé (bleu clair), nous avons un état bande (panneau de droite). Puis je
diminue le champ électrique et j’observe une transition de phase à E0 /EQ ' 1.9 (violet) vers une
phase où les particules s’organisent en une circulation le long des parois (panneau de gauche). Lorsque
j’augmente à nouveau le champ électrique, les particules restent organisées en circulation (rose).
et nécessite d’autres expériences afin de mieux le comprendre.
27
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