Dynamique de particules autopropulsées Guillaume Fabre
Première partie
Stratégie et design de l’expérience
1 Introduction et motivations
1.1 Mouvement collectif et matière active
Les mouvements collectifs les plus impressionnants proviennent des animaux qui s’organisent et se
déplacent de manière cohérente à l’échelle du groupe. Des comportements collectifs émergents sont
observés à toutes les échelles, depuis les bactéries (de l’ordre du mm) jusqu’aux essaims de criquets
(allant jusqu’au km) en passant par les bancs de poissons (de l’ordre de la dizaine de mètres). Ces
individus motiles peuvent se regrouper et suivre une même direction. Ce mouvement collectif est
surprenant car il ne repose pas sur l’existence d’un leader ou d’une force extérieure mais il découle
d’interactions locales simples.
Dans les années 90, les physiciens se sont penchés sur des modèles théoriques pour expliquer l’émer-
gence de ces mouvements collectifs, à l’instar de la transition d’un matériau magnétique entre un état
paramagnétique (désordonné) et un état ferromagnétique (ordonné).
Les travaux pionniers de Vicsek et al [1], prenant en compte uniquement une simple règle d’alignement
local des vitesses pour des particules autopropulsées, ont montré l’émergence de mouvements collectifs
et ont permis le développement de nombreux travaux dans le domaine de la matière active.
La matière active est définie comme étant composée de particules individuelles se déplaçant seules
grâce à la conversion d’énergie, injectée à l’échelle microscopique, en mouvement. Dans le cas où les
corps motiles sont dotés d’interactions locales d’alignement des vitesses, on parle alors de matière active
polaire.
Peut-on alors décrire ces groupes d’individus mobiles comme des matériaux actifs ?
Plus récemment, au cours des 5 dernières années, les expérimentateurs ont proposé une démarche en
un sens dual, à savoir créer une matière active à partir de foules de particules autopropulsées.
Durant ce stage, j’ai réalisé des expériences sur un de ces matériaux : une assemblée de rouleurs
colloïdaux.
1.2 Population de rouleurs colloïdaux
En un mot, l’expérience consiste en l’étude de la dynamique collective de particules autopropulsées par
effet Quincke qui est présenté dans la partie 2.1. Afin de mieux contextualiser mon stage, je résume
brièvement les résultats obtenus précédemment et les questions ouvertes.
Dans l’article [2], l’émergence de mouvement collectif au sein d’une phase gaz (1b) a été observée.
Une bande (1c) se forme lorsque la concentration augmente, jusqu’à devenir une phase liquide polaire
(1d). Le diagramme de phase du système est présenté en figure 1e. Ce diagramme est cohérent avec
les observations de Vicsek (figure 1a) pour des particules se déplaçant à vitesse constante avec des
interactions d’alignement local.
Ainsi, à faible concentration, nous avons des particules qui se déplacent aléatoirement. En augmentant
la concentration, des bandes de particules apparaissent et se déplacent collectivement au sein d’une
phase isotrope. Puis en augmentant encore la concentration, les bandes s’étalent et le système s’auto-
organise en un liquide polaire homogène.
De manière surprenante, bien que les degrés de liberté des particules ne soient pas couplés à l’émergence
du mouvement collectif, le système se sépare en deux phases : une bande (goutte liquide polaire) qui
coexiste avec le gaz.
Les bandes ont été observées expérimentalement pour les rouleurs colloïdaux [2], des filaments d’actine
[3] ou numériquement dans [4], cependant elles restent mal caractérisées et mal comprises. Quel mé-
canisme fixe la taille caractéristique de ces bandes ? Leurs vitesses ? Quelle est la forme typique d’une
bande ? Plusieurs bandes peuvent-elles coexister ?
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