La tomographie par émission de positons
(PET-scan) en cancérologie digestive
J. Taïeb
Introduction
La tomographie par émissions de positons (TEP) ou PET-scan pour les Anglo-
Saxons est un examen de médecine nucléaire datant des années soixante-dix et
dont le développement a pris un essor considérable ces dix dernières années, en
particulier en cancérologie. L’image est obtenue par une caméra à scintillations qui
détecte et localise, grâce à un système de circuit en coïncidence, les rayonnements
γde 511 Kev correspondant à l’annihilation des positons émis par certains isotopes
radioactifs (C11, N13, O15, F18). En raison de la demi-vie courte des substances
émettant des positons, la distribution de ligands marqués en dehors d’un site de
production est limitée à l’utilisation des dérivés marqués au F18, qui a une demi-
vie de 110 minutes permettant tout juste l’expédition et l’utilisation du produit.
Plusieurs traceurs radioactifs peuvent être utilisés en TEP. En cancérologie, le
traceur le plus couramment utilisé est le 18-fluoro-2-déoxyglucose (18 FDG) qui
permet spécifiquement la détection des sites tumoraux grâce à l’augmentation du
métabolisme glucidique qui existe chez toutes les cellules tumorales (1).
La TEP permet d’obtenir des images en trois dimensions, des coupes fines
(de 3 à 4 mm) peuvent être obtenues et reconstituées dans tous les plans de
coupe imaginables (le plus souvent frontal, transversal et sagittal). L’acquisition
des images peut débuter soixante à quatre-vingt-dix minutes après l’injection
intraveineuse périphérique du traceur (fig. 1).
Actuellement, les principaux constructeurs proposent des appareils
couplant une caméra TEP et un scanner. Ces machines permettent de bénéfi-
cier à la fois de la précision anatomique d’une scanographie et des informations
fonctionnelles (caractérisation tissulaire) apportées par la TEP.
La TEP a donc l’avantage indiscutable d’être une imagerie fonctionnelle et
non plus une imagerie anatomique. Elle possède déjà des indications en cancé-
rologie digestive qui s’élargiront dans les années à venir (2). Il s’agit néanmoins
d’un examen coûteux, de disponibilité pour l’instant réduite et il faut donc
tenter d’aborder ses indications dans un esprit d’évaluation et de rationalisation
des demandes.
Précautions techniques et pièges
La TEP nécessite une expertise et un entraînement non négligeables. Une
acquisition complète d’une exploration corporelle totale peut prendre jusqu’à
soixante minutes, une exploration limitée à un organe vingt minutes. Pour
donner des résultats optimaux, la TEP doit être effectuée sur un patient au
repos, ayant un bon équilibre glucidique, à jeun depuis six heures et à un
moment où les cellules tumorales ont une activité métabolique « normale »,
donc à plus de quatre semaines de traitement à but carcinologique comme la
radiothérapie ou la chimiothérapie. Le non-respect de ce délai augmente le
risque de faux négatifs. Des faux négatifs ont été observés en cas de lésions
tumorales très nécrotiques ou pour certaines tumeurs d’évolution très lente
ayant une faible activité métabolique. De fausses positivités ont par ailleurs été
décrites au niveau de lésions inflammatoires ou abcédées, riches en leucocytes
activés, sièges d’un hypermétabolisme glucidique. Une sédation peut être
recommandée pour les malades les plus anxieux afin d’éviter une fixation
musculaire trop importante.
46 Les cancers digestifs
Fig. 1
Coupe frontale, transverse et sagittale d’une TEP normale, on notera la prise de
18FDG par le cerveau, le cœur et l’élimination urinaire du produit, ces artéfacts sont aujour-
d’hui corrigés en grande partie grâce à la correction d’atténuation.
CORONAL TRANSAXIAL SAGITTAL
TEP et cancer colorectal
La TEP est un examen relativement performant pour le diagnostic et la localisa-
tion de tumeur colorectale primitive (fig. 2), mais, ne permettant pas d’examen
histologique. Contrairement à la coloscopie, elle ne trouve pas actuellement
d’indication dans cette situation. Si l’intérêt de la TEP est démontré dans
certaines situations pour cette localisation tumorale, le coût de l’examen et les
problèmes de disponibilité imposent cependant de sérier les indications des
plus prometteuses vers les moins intéressantes. Une méta-analyse récente
évaluant l’intérêt de la TEP pour le diagnostic de récidive de cancer colorectal
(figs 3 et 4) souligne la mauvaise qualité méthodologique des études dispo-
nibles et apporte les conclusions suivantes : la sensibilité globale était de 95%
et la spécificité de 76%. En fonction des questions posées, la sensibilité pouvait
aller jusqu’à 99 % et la spécificité jusqu’à 97% ; la TEP entraînait un change-
ment de stratégie thérapeutique chez 29% des patients (3).
Élévation isolée de l’ACE
La mesure répétée de l’ACE n’a jamais fait la preuve de son efficacité dans la
surveillance des malades opérés à but curatif d’un cancer du côlon ou du
La tomographie par émission de positons (PET-scan) en cancérologie digestive 47
Fig. 2
Images TEP et de fusion TEP/TDM d’une tumeur colique de l’angle droit.
rectum. Néanmoins, le dosage régulier (tous les
deux à trois mois) de ce marqueur figure dans les
recommandations de surveillance postopératoire,
en particulier aux États-Unis (4). En cas d’éléva-
tion confirmée du marqueur, l’attitude
recommandée consiste à faire une endoscopie et
une scanographie thoracique, abdominale et
pelvienne. Il arrive que, malgré ces examens, le
foyer sécrétant l’ACE reste introuvable. Dans
cette indication précise, il a été rapporté que la
TEP permettait de localiser la récidive chez 70 à
90% des malades (5-7). La TEP trouvait des sites
de fixation variés, à la fois dans des zones mal
explorées par l’imagerie conventionnelle (pelvis,
péritoine, rate, ganglions) et dans des sites « plus
classiques » (foie, poumon) (fig. 5).
Ces résultats imposent de réévaluer l’apport
de la surveillance par dosage régulier de l’ACE
chez les malades opérés d’un cancer colorectal. Il
n’est pas sûr que le caractère assez peu rentable,
en termes de rapport coût-efficacité, d’une stra-
tégie comportant les dosages réguliers de l’ACE
se vérifie si la recherche du foyer sécrétant va
48 Les cancers digestifs
Fig. 3
Métastases pulmo-
naires droites d’un cancer du
rectum opéré (flèches).
Fig. 4
Métastase hépatique d’un cancer colique opéré non vue sur la tomodensitométrie et
révélée par la TEP (flèche).
CORONAL
CORONAL TRANSAXIAL SAGITTAL
jusqu’à la TEP. En effet, ceci permettrait peut-être la mise en évidence d’un
nombre supérieur de récidives précoces et accessibles à un traitement curatif.
L’alternative est l’utilisation systématique de la TEP dans la surveillance des
cancers colorectaux opérés.
Les localisations tumorales « orphelines »
Un certain nombre de régions de l’organisme restent mal évaluées par l’ima-
gerie conventionnelle. Parmi elles, on retiendra le pelvis, les adénopathies
profondes et le péritoine.
Le diagnostic de récidive pelvienne
Le pelvis est une région difficile à examiner, en particulier lorsque les malades
ont reçu une radiothérapie pré-opératoire, et il est souvent difficile de faire la
part entre une fibrose post-radique et une récidive débutante qui pourrait à ce
stade être accessible à une thérapeutique à but curatif. En cas de suspicion
scanographique de récidive pelvienne d’un cancer du rectum déjà opéré et
irradié, la TEP a permis de différencier une cicatrice (5 cas) d’une évolution
néoplasique (32 cas) avec une précision diagnostique de 100% chez
La tomographie par émission de positons (PET-scan) en cancérologie digestive 49
Fig. 5
Récidive multi-métastatique (pulmonaire droite, supra-vésicale et carcinose périto-
néale) d’un cancer du rectum opéré, découverte dans le cadre d’une élévation isolée de l’ACE
(flèches). Récidive supra-vésicale avec envahissement urétéral d’un cancer du rectum opéré
(flèche).
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