LSVS – Semestre 6 – Régulations géniques : phage lambda - 1
REGULATIONS GENIQUES :
PHAGE LAMBDA
Frédérique VIDAL - Frederique.VIDAL-ZOCCOLA@unice.fr
INTRODUCTION
Dans ce cours, nous nous intéresserons à deux modèles classiques en régulation génétique : le phage lambda,
étudié depuis de longues années et dont l’approche nécessite de nombreuses techniques d’analyse de la
régulation génétique, et l’opéron lactose, modèle dont nous aborderons la régulation fine.
Les exemples choisis concerneront volontairement des organismes procaryotes, mais les techniques et
mécanismes abordés seront identiques à ce qui se fait chez les eucaryotes, à certains paramètres près.
PROPRIETES DU PHAGE LAMBDA
Le phage lambda est un bactériophage, ou virus bactérien. Celui-ci, et de la
même façon que n’importe quel virus, étant incapable de se répliquer en
dehors d’une cellule hôte, il constituera un parasite obligatoire. De ce fait, il
sera impossible d’étudier le phage lambda en dehors de son te. Nous
utiliserons ainsi de manière currente la bactérie E. coli comme hôte du
phage lambda.
SENSIBILITE ET PERMISSIVITE
Les bactéries naturellement capables de permettre la transmission du phage
sont dites sensibles et permissives. D’une manière générale, ces propriétés
sont partagées par tout hôte d’un virus.
Sensible : se dit lorsque l’infection peut physiquement avoir lieu, et
que le génome viral peut nétrer au sein de la cellule hôte. Cette
notion se ramène donc à la possibilité d’infection par le virus. Un tel
processus cessitant une reconnaissance cellule/virus, les hôtes
sensibles possèdent obligatoirement un récepteur spécifique au parasite. Dans le cas dE. coli par
exemple, le récepteur du phage lambda n’est rien d’autre qu’une protéine de transport du lactose.
Permissif : se dit lorsque la cellule permet la réplication du virus. Certaines bactéries sont ainsi
sensibles mais non permissives. Les virus utilisant la machinerie cellulaire de l’hôte pour se multiplier,
de telles cellules ne possèderont ainsi pas les protéines nécessaires au mécanisme de réplication, ou
bien seront en possession d’une protéine empêchant celui-ci. Inversement, il existe à l’état naturel des
cellules non sensibles mais permissives. Il sera alors possible d’y faire entrer de manière artificielle un
virus, lequel s’y répliquera.
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LYSE ET LYSOGENIE
Le phage lambda peut aussi bien pratiquer la lyse que la lysogénie : on le dit tempéré.
Le cycle lytique est commun à tous les virus. A la suite de l’infection, les processus cellulaires sont
bloqués, la machinerie protéique est utilisée à des fins de réplication, et les virus néosynthétisés sont
relargués en entraînant la mort de l’hôte. On parle aussi de transmission horizontale. Les phages ne
pratiquant qu’un cycle lytique sont dits virulents.
Lors du cycle lysogénique, le génome viral est intégré à celui de la cellule hôte, il y devient un
locus : la cellule ne sera ainsi pas détruite. Ce génome pourra cependant être réactivé plusieurs
générations après l’infection, en basculant sur un cycle lytique. On parle aussi de transmission
verticale.
Les virus tempérés possèdent le choix de leur cycle de vie. Même si 90% des phages lambda pratiquent un
cycle lytique, 70% préfèreront un cycle lysogénique dans le cas d’un milieu carencé.
Cette dernière stratégie peut s’expliquer de manière simple : un apport réduit en nutriments induit non
seulement une disponibilité en énergie et en molécules de base insuffisante en vue de la réplication virale,
mais empêche aussi le développement d’une population importante de cellules-hôte. Un cycle lytique, tuant le
faible de nombre d’hôtes déjà présents, serait ainsi peu avantageux.
Chez des virus tempérés dont le phage lambda, la répartition entre lyse et lysogénie pourra donc varier en
fonction d’un certain nombre de paramètres relatifs à l’environnement.
PROPRIETES DES BACTERIES LYSOGENES
Une bactérie est dite lysogène lorsqu’elle a intégré le génome du phage lambda au sein de son propre matériel
génétique. Afin que celle-ci puisse se diviser et ainsi transmettre le génome viral, elle doit être résistante à une
infection ultérieure à travers une perte de sensibilité (infection ultérieure impossible) ou de permissivité
(réplication du virus impossible).
EXPERIENCES PRELIMINAIRES
Afin d’en savoir plus sur les réactions de bactéries lysogènes vis-à-vis d’une nouvelle infection, une expérience
peut être effectuée. Son protocole est le suivant :
1. Prenons un phage lambda et des bactéries sensibles et permissives, et infectons ces dernières en
présence de dXTP radioactifs. Tout processus de synthèse d’ADN mènera ainsi à la production de
molécules marquées. Dans 90% des cas, le phage procède à sa réplication : le génome neosynthétisé
des phages nouveau-nés sera radioactif.
2. Récupérons par rinçage et purification les phages radioactifs produits, et utilisons-les pour infecter des
bactéries lysogènes. Le temps d’infection est d’approximativement 10 minutes.
3. Après rinçage et élimination des phages radioactifs du milieu, nous récupérons les bactéries et
procédons à un comptage de la radioactivité du culot.
LSVS – Semestre 6 – Régulations géniques : phage lambda - 3
Après mesure, le culot étant bel et bien radioactif, nous pouvons conclure sur le fait que les bactéries lysogènes
restent sensibles, mais deviennent non permissives. On parle alors de bactéries immunes. Deux hypothèses
permettent d’expliquer cette immunité :
Un activateur cellulaire nécessaire à la permissivité est interrompu ou muté par l’insertion du génome
viral
Un gène du phage rend la bactérie non permissive et empêche la réplication virale
GENES IMPLIQUES DANS LIMMUNITE DES BACTERIES LYSOGENES
Afin de tester ces hypothèses, nous utiliserons les propriétés de conjugaison des bactéries.
APPROCHE PAR CONJUGAISON
Chez les procaryotes, deux types de conjugaison sont possibles, et le premier a lieu entre une bactérie
possédant un facteur F et une n’en possédant pas. Ce facteur F peut être de trois types :
F
+
: épisome sexuel de base de nature plasmidique, permet la mise en place d’un poil par lequel circule
vers une autre bactérie une copie de lui-même.
F’ : épisome sexuel de nature plasmidique portant un gène bactérien issu de l’excision anormale d’un
facteur F intégré au génome.
HFR : facteur à haute fréquence de recombinaison intégré au génome bactérien, permet également la
mise en place d’un poil par lequel circule vers une autre bactérie une copie de lui-même.
Lors d’une conjugaison HFR x F
-
, l’intégralité du génome de la bactérie HFR peut être transférée dans la
bactérie F
-
, permettant d’éventuels évènements de recombinaison ainsi que l’acquisition, par exemple, d’une
résistance à un antibiotique. Cette propriété permet en particulier la mesure des fréquences de recombinaison.
Lors d’une conjugaison HFR porteur du génome lambda x F
-
, et dans l’hypothèse « activateur cellulaire », il y a
présence de l’activateur chez la bactérie conjuguée, et la lyse est donc possible. Dans le cas de l’hypothèse
« répresseur », le transfert du génome lambda dans un milieu sans répresseur rend la lyse également possible.
Lors d’une conjugaison HFR x F
-
porteur du génome lambda, et dans l’hypothèse « activateur cellulaire », le
gène activateur est transfé et sera transcrit, rendant la lyse possible. Dans le cas de l’hypothèse
« répresseur », nous n’observerons pas de lyse.
Les résultats expérimentaux ayant démontré qu’il n’y a au final pas de lyse, l’hypothèse de la présence d’un
répresseur de la lyse au sein du génome viral est validée.
Notons que le site d’insertion du génome lambda au sein du génome bactérien est toujours le même : on parle
d’un site unique. Celui-ci, situé à proximité du locus Gal, est dénommé ATT B pour « site d’attachement dans le
génome bactérien ».
DETERMINATION PAR COMPLEMENTATION FONCTIONNELLE
Il existe ainsi un gène responsable de la lysogénie. Afin de le déterminer, nous pouvons travailler à l’aide de
groupes de complémentation, dont le nombre sera égal au nombre minimal de gènes impliqués. Pour
commencer, nous aurons besoin de définir les phénotypes normaux et mutants de la lysogénie.
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DEFINITION DES PHENOTYPES WT ET MUTANTS
Le phénotype WT du phage lambda est caractéri par la formation en culture de « plages troubles ». Pour
vérifier ce phénotype, infectons des bactéries à basse MOI multiplicité d’infection »). Afin de s’assurer que
les bactéries sont en excès, rajoutons-en. Selon la composition du milieu, 90% d’entre elles seront lysées, et
10% entreront en lysogénie. Ces dernières, immunes, pourront alors continuer à se développer pour former de
petites colonies au sein des plages de lyse, leur conférant un aspect trouble.
Le phénotype mutant de la lysogénie induira quant à lui la formation de plages de lyse nettes, dites claires.
MUTAGENESE
La seconde étape concernera la génération de mutants, parmi lesquels nous isolerons ceux formant des plages
claires. Les agents mutagènes agissant sur les mécanismes de réplication de l’ADN, la mutagénèse devra être
effectuée lors du cycle de réplication viral d’une infection classique. Pour cela, mettons en contact phages,
bactéries et agents mutagènes durant 30 à 40 minutes. Parmi les mutants produits, certains seront devenus
des mutants de la lysogénie. L’isolement de ces derniers sera rendu possible par une dilution et un étalement
des phages totaux, et repiquage des phages de plages claires.
VERIFICATION DE LA RECESSIVITE DE LA MUTATION
Les groupes de complémentation devant se faire entre mutants récessifs, il faudra ensuite vérifier la nature
dominante ou récessive de la mutation des phages repiqués. On pratique pour cela une coinfection entre un
phage mutant et un phage sauvage. Celle-ci nécessitant au moins un phage de chaque type par bactérie, nous
pratiquerons une infection à haute MOI, l’excès de phages étant ensuite éliminé par centrifugation et lavage.
Cette opération doit être de courte durée, afin que l’étalement soit réalisé avant que la lyse ne se produise.
Nous avons alors :
Plages claires : les bactéries pratiquent exclusivement la lyse. C’est un mutant dominant.
Plages troubles :
o On retrouve dans toutes les bactéries lysogènes un génome WT. Les phénotypes ne
s’entravent pas mutuellement : on parle de cisdominance.
o On retrouve dans les bactéries lysogènes un génome WT ou mutant : c’est un mutant
récessif.
On récupère ainsi ces bactéries lysogènes et on les force à démarrer un cycle lytique à l’aide d’un traitement
aux UV. Les phages produits sont récupérés et dilués avant d’être utilisés dans une infection à basse MOI suivie
d’un étalement. Si, à l’issue de celui-ci, nous obtenons :
100% de plages troubles : le mutant est cisdominant.
50% de plages troubles, 50% de plages claires : le mutant est récessif.
TEST DE COMPLEMENTATION
On peut alors effectuer nos tests de complémentation fonctionnelle. Pour cela, on coinfecte à haute MOI les
bactéries. Après étalement, l’obtention de plages claires correspond à une non complémentation : la capacité
lysogénique n’est pas restaurée, les phages font partie du même groupe de complémentation. L’obtention de
plages troubles en revanche est significative de la réparation de l’activité de lysogénie : ce sont deux groupes
de complémentation différents.
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Comme précisé auparavant, le nombre de groupes correspond au nombre minimal de gènes impliqués. Ici, trois
gènes ont été mis en évidence : CI, CII, et CIII.
GENES CI, CII, CIII
1
Chacun de ces trois gènes peut être impliqué au sein des mécanismes d’intégration de l’ADN viral dans le
génome bactérien (établissement de la lysogénie) ou dans l’instauration de l’immunité (maintien de la
lysogénie). Afin de déterminer le rôle de chacun d’entre eux, générons des mutants thermosensibles TS, définis
par des mutations faux-sens codant pour des protéines instables fonctionnelles à une température faible dite
« permissive » et non fonctionnelles à une température élevée dite « restrictive ». En fonction de la
température, nous pourrons ainsi observer les phénotypes WT ou mutants pour chacun des gènes considérés.
A température permissive, nous observerons les plages troubles caractéristiques du phénotype WT. A
température restrictive, et en fonction du gène muté, deux observations différentes pourront être faites :
Phénotype WT : les protéines mutées jouent un rôle dans l’établissement de la lysogénie
Lyse : les protéines mutées jouent un rôle lors du maintien de la lysogénie
De telles expérimentations ont permis de montrer que CII et CIII sont des protéines d’établissement, et que CI,
codant pour le répresseur viral assurant l’immunité, est la protéine de maintien de la lysogénie.
REGULATIONS GENIQUES CHEZ LE PHAGE LAMBDA
TRANSCRITS IMMEDIATS ET PRECOCES
Réalisant une infection, et prélevant les ARN transcrits dans les 5 à 10 minutes la suivant, il est possible de
détecter par Northern Blot et à l’aide du génome lambda (40KpB, extrémité cohésive, forme circulaire et
linéaire possible) :
Après 5 minutes, deux transcrits courts ou immédiats (« immediate early »), correspondant à deux
régions du phage codant pour le gène N et le gène Cro
Après 10 minutes, deux transcrits longs ou précoces (« early »), correspondant aux deux régions du
phage :
o l’une contenant le gène N ainsi que la région en aval de celui-ci, le gène CIII
o l’autre contenant le gène Cro ainsi que la région en aval de celui-ci, le gène CII
Il existe à priori deux promoteurs P
L
et P
R
permettant l’initiation respective de la transcription des gènes N-CIII
et Cro-CII.
1
Chapitre et suivants en grande partie repris d’après « II – Le phage lambda » par Krys3000, http://www.cours-en-ligne.tk
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