L’arrêt cardiaque extrahospitalier constitue un enjeu médi-
cal majeur tant par sa fréquence que son pronostic très
sombre à court terme. Les atteintes lésionnelles cérébrales
constituent une cause majeure de morbidité et de mortalité
après un arrêt cardiaque suivi d’une réanimation cardiopul-
monaire, en particulier en milieu extrahospitalier où les
délais de prise en charge initiale (premiers secours) et
médicale (par une unité mobile d’urgence et de réanima-
tion) sont plus importants qu’en secteur hospitalier. Une
évaluation précoce du degré d’atteinte cérébrale et de son
évolution après l’arrêt cardiaque et la réanimation influen-
cent la prise en charge médicale et les stratégies thérapeu-
tiques (pour revue voir [1]). Les examens neurologiques et
électrophysiologiques précoces ne sont en général pas pré-
dictifs de l’évolution à court (quelques jours), moyen ou
long terme (quelques mois) du patient et des séquelles neu-
rologiques éventuelles [2]. Un biomarqueur dont le dosage
sanguin refléterait la sévérité des lésions cérébrales
permettrait d’améliorer l’évaluation initiale et de quantifier
l’atteinte cérébrale post-arrêt cardiaque, comme les mar-
queurs cardiaques le font pour l’infarctus du myocarde.
Dans cette perspective, le dosage de différentes molécules
a été proposé au cours des dernières décennies, mais la
plupart d’entre elles ont été progressivement abandonnées
par manque de spécificité ou de sensibilité. Des marqueurs
biochimiques de l’état hypoxique cérébral aigu (énolase
spécifique neuronale (NSE), protéine S-100B…)oud’un
état inflammatoire réactionnel (interleukine IL-8) ont été
proposés [3].
La protéine S-100B est une protéine dimérique synthétisée
principalement par les cellules astrogliales du système ner-
veux central et les cellules de la gaine de Schwann. C’est
une protéine cytosolique fixant le calcium, mais des
actions extracellulaires sur la croissance et la prolifération
cellulaires lui ont également été attribuées (pour revue voir
[4, 5]). L’intérêt du dosage de la protéine S-100B en bio-
logie clinique est lié à sa libération au niveau extracellu-
laire au cours de processus tumoraux dans lesquels le gène
de la protéine S-100B est (sur)exprimé, et lors d’une
atteinte du tissu cérébral aiguë, d’origine vasculaire, trau-
matique, ou chronique. En raison de sa neurosélectivité
[6, 7] et de sa demi-vie d’élimination brève, la protéine
S-100B peut constituer un marqueur biologique précoce
et sensible pour évaluer l’atteinte cérébrale post-arrêt car-
diaque et son évolution.
L’objectif de notre étude a été d’apprécier le retentisse-
ment sur le cerveau d’un arrêt cardiaque intervenant en
milieu extra-hospitalier, récupéré par réanimation immé-
diate, et de rechercher un intérêt prédictif à court terme
du dosage de ce marqueur sur l’évolution du patient
après l’arrêt cardiaque. Les concentrations plasmatiques
de la protéine S-100B ont été déterminées dans les pre-
mières minutes et dans les 48 premières heures suivant la
réanimation cardiorespiratoire après un arrêt cardiaque
survenu en secteur extrahospitalier. Les valeurs de la pro-
téine S-100B et son évolution sur 48 heures ont été
confrontées à l’évolution (survie, décès) du patient après
sa réanimation initiale.
Patients et méthodes
Patients et prise en charge médicale
De façon spécifique à ce travail, un protocole d’étude entre
le Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) et
le Service de biochimie métabolique de l’hôpital de La
Pitié-Salpêtrière (APHP, Paris) a été établi, consistant à
prélever systématiquement tous les patients présentant un
arrêt cardiorespiratoire (ACR) survenu à l’extérieur de
l’hôpital et pour lequel le SMUR est appelé en urgence.
Au total, 27 patients présentant un ACR extrahospitalier
ont été inclus et exploités.
À la suite de l’arrêt cardiorespiratoire survenu à domicile
ou sur la voie publique, tous les patients inclus ont reçu
sur place un massage cardiaque externe, un choc élec-
trique externe ou les deux par l’équipe du SMUR (si
elle était déjà présente sur les lieux) ou lors du premier
secours par les personnes présentes ou un médecin appelé
pour intervention. À l’arrivée de l’équipe du SMUR, les
patients ont reçu quasi systématiquement plusieurs bolus
d’adrénaline (1 mg/3 min) permettant ainsi de récupérer
un rythme cardiaque spontané. Les patients ont ensuite été
transférés par le SMUR dans une structure hospitalière de
proximité pour poursuite de la prise en charge. À l’arrivée
àl’hôpital, tous les patients avaient un score de Glasgow
(GCS) à 3/15, étaient en mydriase bilatérale aréactive,
avec acidose lactique le plus souvent. Tous ont été
admis dans un centre de réanimation médicale. Les carac-
téristiques des patients et de leur prise en charge sont
regroupées dans le tableau 1.
Échantillons biologiques et dosage
de la protéine S-100B
Un prélèvement sanguin a été systématiquement effectué
sur le lieu de l’ACR, après la réanimation par l’équipe
du SMUR, le délai variant de quelques minutes dans la
majorité des cas à 35 minutes au plus tard (patients systé-
matiquement intubés, ventilés). Les échantillons corres-
pondants (H0) ont été transmis au laboratoire au retour
de l’équipe du SMUR à La Pitié-Salpêtrière. Des prélève-
ments sanguins à H12, H24 et H48 de l’ACR ont par la
suite été effectués par le service de réanimation ayant
accueilli le patient, puis transmis au laboratoire + 4 °C
dans un délai n’excédant pas 6 heures.
article original
34 Ann Biol Clin, vol. 68, n
o
1, janvier-fe
´vrier 2010