La mobilisation collective pour répondre à un - EURO-MENA

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MED 5 - Cinquième Dialogue Euro-Méditerranéen de Management Public (25, 26, 27 septembre
2012), Amman, Jordanie
Thème : « Education et Formation : Les défis des Politiques et du Management Publics en
matière de développement des compétences»
La mobilisation collective pour répondre à un changement institutionnel
imposé par le haut – le cas d’une université de petite taille dans le contexte
de mise en œuvre de la loi LRU
Corinne Grenier (*) et Christelle Zeller (**)
Corinne Grenier, professeur, HDR, Euromed Management, chercheur affilié à l‟Institut de Management Public
et Gouvernance Territoriale (IMPGT), Laboratoire CERGAM, Aix-Marseille Université ; mail :
[email protected]
Christelle Zeller, doctorante (Allocataire Région PACA), Institut de Management Public et Gouvernance
Territoriale (IMPGT), Laboratoire CERGAM, Aix-Marseille Université ; mail : [email protected] –
auteur de correspondance.
Introduction
Étudier l‟organisation au travers de la perspective institutionnaliste constitue désormais une
longue tradition initiée par les travaux de Selznick (1948) et de Parsons (1951), prolongés
plus récemment par le courant dit néo-institutionnel (DiMaggio et Powell, 1983 ; Tolbert et
Zucker, 1996). L‟institution est définie comme un ensemble de valeurs, normes, schémas
cognitifs, considérés comme acquis (taken-for-granted ), qui à la fois contraint le
comportement des individus et des organisations, tout autant qu‟elle le permet, en offrant à
ces individus et organisations un modèle (ou cadre) pour penser et agir (Powell, 1991 ; Scott,
2001). Elle est ainsi définie comme « enduring collection of rules and organized practices,
embedded in structures of meaning and resources that are relatively invariant in the face of
turnover of individuals and changing external circumstances » (Olsen, 2007:3). L‟institution
rend légitimes et façonne l‟identité, certaines pratiques et règles d‟actions et de
comportements, de ceux qui agissent au sein de l‟institution.
Alors que les institutions sont réputées stables par une littérature bien ancrée (DiMaggio et
Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977), reposant sur les comportements isomorphes des
acteurs qui y opèrent, de récents travaux ont mis en évidence depuis quelques années combien
elles peuvent évoluer, voire se créer, parlant ainsi d‟innovations ou de changements
institutionnels (ref.). La littérature a ainsi mis en évidence combien les institutions reposent
sur des mécanismes de pression et d‟isomorphisme à la stabilité mais aussi au changement,
quand ces dernières évoluent dans le temps (Greenwood et Hinings, 1996).
Le changement institutionnel est défini comme « une différence dans la forme, la qualité ou le
statut, dans le temps, d’une institution » (Hargrave et Van de Van, 2006, p. 866) ; il peut aussi
consister en la création d‟une nouvelle institution (Lawrence et Suddaby, 2006). A partir
d‟une littérature abondante, on peut considérer qu‟il existe deux types de changements
institutionnels : ceux qui émergent progressivement, portés par des acteurs (internes ou
1
externes à l‟institution) y trouvant un intérêt (et se diffusant et stabilisant au fur et à mesure de
l‟arrivée dans ce mouvement d‟un nombre croissant d‟autres organisations) (Hargadon et
Douglas, 2001 ; ref.) ; ou ceux qui sont provoqués par des évènements perturbateurs et
relativement soudains (Fligstein, 1991 ; Hannigan, 1995 ; Meyer, 1982). Ces évènements
peuvent être : la chute de l‟URSS en 1989 qui a obligé les entreprises cubaines à désormais
opérer sur le marché international et concurrentiel pour pouvoir respecter les objectifs de
production imposés par le gouvernement castriste (de Holan et Phillips, 2002), une nouvelle
réglementation…
Alors que les processus d‟innovation institutionnelle et d‟institutionnalisation du changement
ont été largement étudiés dans la littérature (Arndt et Bigelow, 2000 ; ref.), peu de travaux (de
Holan et Phillips, 2002 ; ref.) ont analysé comment les organisations, considérées
individuellement, répondent et s‟adaptent dans un tel processus de changement, en particulier
dans la phase initiale du changement, quand commence la phase de désinstitutionalisation de
l‟ancien ordre établi (ref.). A contrario, il existe de nombreuses raisons qui amènent les
organisations à ne pas bouger face à un changement : par conformité à l‟ancien ordre établi (et
alors que les ressources et les compétences, mais aussi les modes de pensées sont encore
adaptées à la situation qui prévalait avant le changement), en raison des pressions isomorphes
à ne pas changer (Scott, 1987), en raison de difficulté à comprendre le sens et les
caractéristiques du changement initié, parfois par manque d‟accompagnements
méthodologiques à s‟adapter à la nouvelle donne.
Ainsi en adoptant le point de vue de l‟organisation, nous nous intéressons à l‟adoption par
l‟organisation du changement introduit dans son environnement (Rogers, 1983), et imposé par
des autorités, à un moment elle ne peut imiter d‟autres comportements similaires. L‟analyse
des raisons et de la manière de s‟engager dans l‟innovation peut être conduite en regardant la
facette organisationnelle ou institutionnelle de l‟adoption ou en regardant la facette «
individus » de ces organisations qui sont impliqués dans cette adoption (Choi et Chang,
2009). Ces deux facettes sont inter-reliées, quand, par ex. des facteurs institutionnels peuvent
affecter les conditions et l‟issue de l‟implémentation d‟une innovation institutionnelle au sein
d‟une organisation, en influençant le comportement et les attitudes de ses membres
(Greenhalgh et al., 2005).
Dans notre étude, nous nous proposons d‟articuler ces deux facettes en mobilisant le concept
de mobilisation collective des acteurs d‟une organisation s‟engageant dans un changement
institutionnel (imposé par l‟extérieur), pour les raisons suivantes.
La mobilisation collective est définie comme « une masse critique d’employés qui
accomplissent des actions (faisant partie ou non de leur contrat de travail, rémunérée ou non)
bénéfiques au bien-être des autres, de leur organisations et à l’accomplissement d’une œuvre
collective » (Tremblay et Wils, 2005, p. 45). La finalité de la mobilisation est clairement
d‟amener le personnel (tout ou partie, mais envisagé collectivement) à déployer une énergie
non habituelle dans la réalisation des objectifs de l‟organisation, à s‟impliquer dans un
objectif par « une conduite (collective) qui va au-delà des attentes affichées de
l’organisation » (Bichon, 2005, p. 58). Le premier intérêt à mobiliser ce concept est que ce
dernier est de l‟ordre du comportement, à savoir de l‟observable. Le second intérêt est de
considérer la mobilisation comme un comportement discrétionnaire, à savoir « un
comportement qui est adopté à l’initiative de l’employé » (Bichon, 2005, p. 58). Nous
attachons une grande importance à la nature discrétionnaire de ce comportement, puisque
nous savons que l‟implication à mettre en œuvre une innovation ne peut uniquement résulter
2
d‟injonctions à faire venues du haut (top-management ou autorités extérieures de régulation).
D‟autre part, nous étudions une organisation de type bureaucratie professionnelle (Mintzberg,
1978), marquée par la forte autonomie des acteurs professionnels, qui agissent moins par
injonction managériale mais davantage selon d‟autres mécanismes (adhésion, conviction,
intérêt partagé…).
Ainsi, le contexte de changement institutionnel que nous étudions est la mise en place de la
Loi LRU qui modifie considérablement le mode de gouvernance et de management des
universités françaises. Cette loi porte un discours d‟excellence et de performance qui doit être
l‟objectif premier des universités pour affronter la concurrence internationale (symbolisée par
ex. par le « fameux » classement de Shanghai). Elle a été mise en œuvre en plusieurs vagues,
et la première vague d‟universités entrant dans le dispositif a vu le jour le 1er janvier 2009. Il
était attendu par le gouvernement ainsi que par les observateurs et experts de ce champ que
les universités entrant dans le dispositif lors de cette première vague seraient les plus
importantes en France, à savoir celles déjà confrontées à des enjeux majeurs de performance
et d‟excellence, car largement en compétition avec des organisations étrangères (par ex. pour
recruter et retenir des meilleurs chercheurs, pour remporter des appels à projets à un niveau
international, ou encore attirer les meilleurs étudiants et tisser un réseau partenarial
académique). Plus ou moins formellement et officiellement, ces universités avaient déjà
adopté dans leur management et dans leur discours, avant la loi, ces notions de performance et
d‟excellence, et voyaient ainsi, avec la loi LRU, la possibilité offerte d‟une plus grande
autonomie pour mieux affronter les universités étrangères. Or dans ce contexte, une université
de petite taille a répondu à l‟appel, désireuse de mettre en œuvre la loi LRU lors de cette
première phase. Ce cas est intéressant car, non seulement il nous permet de mieux
comprendre comment des organisations s‟adaptent à des changements institutionnels imposés,
et cela dans les tout premiers temps de sa diffusion ; mais également il nous permet d‟étudier
le cas d‟une université qui a priori ne correspondait pas au « portrait-type » de l‟organisation
pouvant répondre à un changement institutionnel majeur lors de sa phase de lancement.
Une première partie présentera les concepts d‟innovation institutionnelle et de mobilisation
collective. Nous présenterons le terrain étudié ainsi que la méthodologie déployée pour
collecter et analyser des données dans une seconde partie. Après avoir présenté le cas de
l‟université étudiée (dans une 3° partie), nous mettrons en évidence les résultats suivants.
Les acteurs se sont engagés de manière très volontaire dans le changement pour permettre à
l‟université de continuer d‟exister, malgré le peu de dispositifs qui existaient pour
accompagner ce changement. Les principaux facilitateurs ont été le leadership et la volonté du
Président porteur du projet, associés à l‟équipe administrative qui l‟accompagnait. Les
principales dimensions de la mobilisation collective identifiées dans la littérature se retrouvent
mais il apparait pourtant que l‟Université en tant qu‟organisation ne soit pas la priorité en
matière d‟efforts à fournir. La mobilisation collective est portée par un petit nombre d‟acteurs,
se dirige davantage vers d‟autres entités : l‟UFR, le laboratoire, le département, la
communauté universitaire, et se fait au nom du service public.
Les contributions de notre travail sont multiples. Tout d‟abord, nous complétons la littérature
sur le changement institutionnel en mobilisant le concept de mobilisation collective comme
variable permettant de relier les facettes institutionnelles et RH (Choi et Chang, 2009) pour
expliquer pourquoi et comment des organisations (et les individus en leur sein) s‟engagent
dans un changement qui, pourtant, est imposé par l‟extérieur et modifie profondément l‟ordre
préexistant établi. Nous offrons une compréhension additionnelle du concept de mobilisation
collective, qui reste encore peu étudié (Bichon, 2005 ; Wils et al., 2008 ; Barraud-Didier,
3
1999), en distinguant la mobilisation collective de l‟adhésion au changement. Enfin, notre
recherche contribue à mieux comprendre les attitudes et comportements d‟acteurs
professionnels (enseignants-chercheurs) encore mal connus, car ayant fait l‟objet de peu
d‟études (Musselin, 2008), en particulier dans des contextes de changements majeurs.
1° Partie – Se mobiliser collectivement pour répondre à un changement
institutionnel imposé « par le haut »
1.1 Adopter le changement institutionnel imposé « par le haut »
A partir de nombreux travaux sur les innovations sociales et technologiques, Hargrave et Van
de Ven (2006) identifient quatre modèles qui offrent différentes compréhensions du
changement institutionnel : le modèle du design institutionnel, le modèle de l‟adaptation
institutionnelle, le modèle de la diffusion institutionnelle et le modèle de l‟action collective.
Alors que les modèles de l‟adaptation et de la diffusion mettent au cœur des processus
d‟innovation le mécanisme de la reproduction à travers des processus évolutionnaires et
adaptatifs, les deux autres modèles (design et action collective) considèrent la capacité à
d‟être acteur (agency capacity) comme centrale pour expliquer le changement. Ces deux
derniers modèles valorisent l‟entrepreneur institutionnel (DiMaggio, 1988 ; Maguire et al.,
2004), voire l‟entrepreneur collectif institutionnel (Battilana et al. 2009 ; Leca et Naccache,
2006 ; Gambarelli et al., 2012 ; Wijen et Ansari, 2007). D‟une part, ces quatre modèles
s‟opposent autour de la dualité reproduction / construction. Les deux premiers modèles
s‟ancrent dans la logique de la reproduction et analysent comment les arrangements
institutionnels (existants ou nouveaux) façonnent les acteurs ; les deux autres modèles
s‟ancrent dans la logique de la construction et analysent comment les acteurs institutionnels
changent les arrangements qui prévalent dans une institution. D‟autre part, les modèles
s‟opposent quant à l‟unité d‟analyse : les acteurs construisant le changement ou participant à
sa diffusion, ou les institutions ainsi construites ou diffusées. Le tableau 1 ci-dessous
positionne ainsi les quatre modèles d‟analyse du changement institutionnel :
Mode du
changement
Reproduction
Construction
Unité d’analyse
Les acteurs
Les institutions
institutionnels
Modèle de l’adaptation Modèle de la diffusion
Modèle du design
Modèle de l‟action
collective
Tableau 1 – Les modèles de changement institutionnel d‟après Hargrave et Van de Ven (2006)
Pour autant, Hargrave et Van de Ven (2006) considèrent que chacun de ces modèles ne sont
pas exclusifs l‟un des autres, chacun offrant une facette explicative d‟un processus de
changement institutionnel complexe et reposant, in fine, sur des dualités entre construction /
reproduction et acteurs / systèmes. En particulier, le modèle de l‟adaptation et de la diffusion
paraissent pertinents pour analyser la phase d‟implémentation d‟un changement, une fois que
ce changement aura été décidé et ratifié (par des acteurs politiques ou ayant un pouvoir
normatif) ou qu‟il aura été suffisamment promu et légitimé par quelques entrepreneurs
institutionnels.
4
Nous adoptons la perspective du modèle de l‟adaptation, qui correspond aux évènements que
nous étudions. Ce modèle explique pourquoi et comment des organisations se conforment aux
caractéristiques et aux forces de leur environnement institutionnel, y compris quand ces forces
poussent à un changement institutionnel (que ce changement émerge de mouvements
innovants portés par des entrepreneurs institutionnels, ou qu‟il est imposé par des évènements
extérieurs). L‟accent est ainsi mis sur les efforts des organisations pour s‟aligner et adapter
les changements institutionnels (i.e. pression au changement), qui se diffusent par des
processus qui peuvent être coercitifs, normatifs ou mimétiques (Van de Ven et Hargrave,
2004). Les organisations qui adoptent ce changement en attendent alors une plus grande
légitimité dans leur environnement. Cette adaptation aux forces changeantes de
l‟environnement est analysée par Rogers (1983) selon le mécanisme de l‟adoption d‟une
innovation, qui se déroule selon le processus plus large : attention portée à l‟innovation
(awareness), adoption, implémentation (utilisation de l‟innovation par les acteurs de
l‟organisation, Klein et al., 2001), et routinisation.
La littérature nous offre différentes manières à comprendre l‟adaptation par des organisations
d‟un changement institutionnel. Un premier ensemble de travaux révèle combien l‟adoption
(ou la diffusion) d‟une innovation est toujours une articulation entre des pratiques et des
arguments en faveur du changement et des pratiques et arguments qui s‟ancrent dans les
institutions existantes. Par exemple, Hargadon et Douglas (2001) expliquent comment Edison
a attaché une grande importance au design du nouveau produit qu‟il voulait lancer, l‟ampoule
électrique et l‟éclairage électrique, de telle sorte qu‟il repose sur quelques similitudes avec le
mode d‟éclairage qui prévalait et qu‟il voulait changer (l‟éclairage par le gaz). Ainsi, c‟est
tout à la fois le démarquage par rapport à l‟institution existante tout autant que son
rattachement à cette institution existante qui permet de légitimer l‟engagement dans
l‟innovation (de Holan et Phillips, 2002), et ainsi, par accumulation, sa diffusion (Strang et
Meyer, 1993).
Un autre ensemble de travaux montrent combien l‟adaptation du changement institutionnel
par une organisation est une réponse à l‟existence de pressions coercitives et mimétiques
existantes dans le champ, tout autant que ces pressions servent d‟arguments à l‟organisation
pour légitimer les adaptations internes entreprises (Arndt et Bigelow, 2000). Naturellement,
cette forme de justification et de management du changement institutionnel est d‟autant plus
aisée que l‟organisation adopte ce dernier à un moment qui n‟est plus celui de son
initialisation, quand, dès lors, de nombreuses autres organisations ont également suivi la
même voie. L‟adaptation organisationnelle au changement se fait alors par l‟imitation de
nouvelles pratiques déjà largement disséminées et légitimées (Hinings et al., 2004; Hargrave
et Van de Ven, 2006; Czarniawska, 2009). Zietsma et Lawrence (2010) parlent alors de
restabilisation institutionnelle pour caractériser les situations où : « (a) de nouvelles pratiques
sont créées qui sont largement considérées comme légitimes, (b) les frontières légitimes
prévalentes sont remises en cause, et (c) une coalitions d’outsiders et d’insiders existe et qui a
la capacité de coopérer pour diffuser les nouvelles pratiques et légitimer de nouvelles
frontières ou de re-légitimer les frontières qui subissent un changement » (Ibid., 2010, p.
212).
Enfin d‟autres travaux insistent davantage sur la capacité à être « acteur » (agency capability)
des organisations pour adopter le changement et le mettre en œuvre en interne. L‟accent est
souvent mis sur des « facilitateurs institutionnels (institutional enablers) qui promeuvent
l‟adaptation d‟une innovation au sein de l‟organisation, tels qu‟une vision stratégique claire,
une structure adaptée, le leadership, le climat social général, des ressources spécifiques, la
5
capacité d‟apprentissage (Chatterjee et al., 2002 ; Greenhalgh et al., 2005). Ainsi, étudiant le
cas d‟une entreprise cubaine confrontée à devoir brutalement rénover ses pratiques
commerciales et de production suite à la chute de l‟URSS en 1989, de Holan et Phillips
(2002) mettent en évidence deux processus majeurs : faire sens du changement, modifier le
management (structure, gestion des RH et culture) de l‟organisation. De même, Choi et Chang
(2009) mesurent et étudient comment les individus dans des organisations assimilent et
mettent en œuvre une innovation (implementation effectiveness) et dans quelle mesure ils
bénéficient de cette innovation (innovation effectiveness).
1.2 Adopter le changement institutionnel en se mobilisant collectivement
Impliquer des acteurs dans un processus de changement ou d‟innovation a été étudié par
différents courants théoriques : théorie de l‟acteur-réseau (Callon, 1981), management des
parties prenantes (Turcotte et Pasquero, 2001), mécanismes supportant les équipes projet
(Dameron, 2004), processus de socialisation (Bernard, 2001)… Nous adoptons la perspective
de la mobilisation collective (Bichon, 2005 ; Tremblay et Wils, 2005 ; Wils et al., 1997) pour
étudier ce phénomène d‟implication dans le changement institutionnel.
La mobilisation au travail est un concept comportemental reconnu comme étant un puissant
levier de performance pour les organisations. Tremblay et Wils (2005) en parlent comme
d‟ « une arme stratégique » (Ibid., p. 37) pour atteindre les objectifs avec des effectifs et des
moyens réduits. Avons-nous dit que ce concept est de l‟ordre du comportement
discrétionnaire des individus et qu‟il décrit des taches et activités réalisées au-delà de ce qui
est habituellement faits par ces individus dans des circonstances « normales ». A savoir que le
concept de mobilisation collective est particulièrement adapté pour étudier des organisations
qui connaissent, de manière volontaire ou imposée, des tensions et enjeux particuliers, et
déterminants pour leur survie, ou la réalisation d‟objectifs importants.
La mobilisation collective peut être étudiée (Barraud-Didier, 1999) comme un processus (ou
approche managériale de la mobilisation, Bichon, 2005) ou comme un contenu, en
s‟intéressant à ce que font les individus. C‟est cette dernière voie que nous privilégions dans
cette recherche. D‟autre part cette notion peut être étudiée selon une approche individuelle
(Guérin et al., 1996 ; Wils et al., 1997) ou collective (Igalens, 1997 ; Morin et al., 1996 ;
Rondeau et al., 1994). Une réconciliation est trouvée par différents acteurs, comme
l‟expliquent Tremblay et Wils (2005) pour qui il n‟y a pas d‟opposition entre mobilisation
collective et individuelle, parlant alors de « dynamique mobilisatrice » (2005 : 43) avec à sa
source des individus motivés et mobilisés individuellement. S‟intéresser à la facette
individuelle de la mobilisation signifie comprendre ce que signifie « se mobiliser » pour les
individus (Bichon, 2005) ; s‟intéresser à la facette collective de la mobilisation signifie
comprendre l‟importance de cette mobilisation (nombre de personnes concernées dans
l‟organisation), ou encore comprendre ce que signifie « avoir des ressources humaines
mobilisées » (Barraud-Didier, 1999, p. 8). Se trouve alors au cœur de cette approche
définitionnelle la notion de « masse critique » (Tremblay et Wils, 2005), même s‟il existe peu
de travaux à ce jour pour évaluer ce que signifie une masse critique mobilisée. Nous adoptons
dans ce travail cette approche de la dynamique mobilisatrice (Tremblay et Wils, 2005), en
nous intéressant à comprendre des comportements de groupe, tout en portant attention à ce
que signifie se mobiliser pour les acteurs.
Le tableau 2 ci-dessous recense les définitions de la mobilisation tirées de la littérature.
6
Auteur
Wils et al., 1998
Bichon, 2005 : 51
Louart et
Beaucourt,
1992 : 55
Tremblay et
Wils, 2005 : 38
Tremblay et
Wils, 2005 : 45
Grisé et al.,
1997 : 162
Laflamme, 1998
Barraud-Didier,
1999 : 31
Barraud-Didier,
Guerrero,
Igalens, 2003 : 3
Guerrero et Sire,
2001 : 86
Définition
Le concept de mobilisation peut être appréhendé de deux façons :
1) Selon une approche managériale, la mobilisation correspond à
l‟ensemble des pratiques de GRH dont le but est de mobiliser le
personnel dans le sens des objectifs de l‟organisation ;
2) Selon une approche individuelle, le concept la mobilisation
s‟intéresse aux comportements de mobilisation d‟un individu et, plus
précisément, à la manière dont cet individu manifeste cette
mobilisation.
« Nous désignons par «mobilisation collective» l‟acte manifesté
volontairement et intentionnellement par le salarié, qui se traduit par
des efforts déployés à l‟égard des autres membres de son collectif de
travail ».
La mobilisation est « moyen de faire converger les efforts individuels,
en les intégrant à une dynamique globale qui réponde aux objectifs de
l‟organisation ».
« Une masse critique d‟employés qui accomplissent des actions
(faisant partie ou non de leur contrat de travail, rémunérée ou non)
bénéfiques au bien-être des autres, de leur organisation et à
l‟accomplissement d‟une œuvre collective ».
« La mobilisation est également une question de masse d‟employés
mobilisés individuellement qui arrivent à créer une synergie entre eux
pour s‟orienter vers une œuvre commune (par exemple, la vision
proposée) ».
« La mobilisation représente en fait tous les efforts des individus pour
exploiter les capacités des ressources humaines ».
« La mobilisation consiste à canaliser les efforts et les énergies des
individus et des groupes de sortes à ce que ceux-ci soient en mesure
d‟atteindre un ou plusieurs objectifs définis par l‟organisation et qu‟ils
maintiennent leurs efforts pendant une certaine période ».
« La mise en commun d‟efforts en vue d‟atteindre un objectif
organisationnel primordial ».
« Mobiliser les RH consisterait alors pour l‟entreprise à rassembler et
utiliser les intelligences, les idées et les motivations de l‟ensemble de
ses salariés ».
« Mobiliser les RH dans l‟entreprise c‟est agir sur l‟attachement du
salarié dans le but de développer des attitudes et des comportements
individuels qui concourent à la réalisation des objectifs de
l‟organisation ».
Tableau 2 – Différentes approches définitionnelles de la mobilisation collective
Différents travaux se sont intéressés au contenu de la mobilisation et ont ainsi identifié trois
types d‟efforts qui peuvent être fournis (Wils et al., 1998 ; Wils et al., 2008 ;Guerrero et Sire,
2001 ; Bichon, 2005) : des efforts d‟amélioration continue (travail de qualité), des efforts de
collaboration spontanée (travail en équipe) et enfin des efforts d‟alignement stratégique
(travail avec valeur ajoutée dans le sens des priorités organisationnelles).
Une part de la littérature s‟est enfin intéressée au « comment mobiliser », mais sans offrir un
ensemble d‟analyse consensuelle (Barraud-Didier, 1999 ; Bichon, 2005). Pour certains
(Barraud-Didier, 1999), la mobilisation supposerait un attachement à l‟organisation, variable
7
problématique dans notre contexte d‟étude, à savoir l‟organisation professionnelle
(Mintzberg, 1978).
Dans ces organisations, une des caractéristiques particulières est l‟autonomie des acteurs
professionnels qui y opèrent. D‟ailleurs, Bichon (2005) attire l‟attention sur cette liberté d‟un
individu d‟adopter des comportements de mobilisation collective, préférant parler de
« conduite » (Ibid., 2005, p. 51) et non de comportement, afin de mettre l‟accent sur le libre
arbitre de l‟individu dans le déploiement de ses efforts au sein d‟un groupe envers
l‟organisation. Deux manières complémentaires à envisager le « comment mobiliser » est
alors proposé par Bichon (2005). La première est de porter attention à la création de
conditions favorables à l‟émergence de cette mobilisation (rejoignant la littérature déjà citée
sur les facilitateurs institutionnels). La seconde est de considérer que l‟engagement dans la
mobilisation repose sur l‟activation de logiques instrumentales et identitaires : instrumentale
parce que c‟est à travers la collaboration qu‟ils atteindront leurs objectifs de carrière
personnels ; et identitaire parce qu‟un individu forge son identité par la reconnaissance des
autres. Ainsi, les acteurs produisent des efforts envers le groupe afin de parvenir à leur but
personnel. En reconnaissant chaque individualité au sein du collectif, l‟organisation
encourage les conduites de mobilisation collective. Nous pouvons ainsi supposer
qu‟autonomie et mobilisation collective envers une organisation ne sont pas incompatibles et
que cette situation peut se gérer par l‟organisation.
2° Partie – Méthodologie et terrain de recherche
21. Une université de petite taille s’engageant dans la mise en œuvre de la loi LRU dès sa
première phase d’implémentation
Un vaste changement d‟importance dans le mode de gouvernance, de management et de
financement des universités français a été introduit par la loi LRU (Loi relative aux Libertés et
Responsabilités des Universités, 2007), les dispositifs de 2009 définissant les modalités de
passage aux Responsabilités et Compétences Elargies (RCE). Il s‟agit d‟encourager les
universités à remplir au mieux leurs missions, et surtout à s‟engager dans des démarches
d‟excellence et à atteindre certains critères de performance. Pour ce faire, différents outils et
processus ont été mis en place tels que : le modèle SYMPA d‟allocation des ressources aux
universités en fonction de leur activité et de leur performance, l‟évaluation de l‟activité de
publication (quantité et qualité) des enseignants chercheurs par l‟AERES (en fonction depuis
2007). Les universités françaises connaissent donc une évolution dans leur mode de gestion
puisqu‟elles vont, pour la première fois, gérer seule leur budget, et rendre des comptes sur
leur performance. Il ne s‟agit plus de rechercher seulement la performance individuelle en
matière de recherche, mais de rechercher une performance globale (organisationnelle). Ces
évolutions modifient les rapports entre les professionnels et l‟organisation qui les emploie.
Tous les membres sont concernés par ce changement, qui introduit une vision gestionnaire et
stratégique. Ces changements institutionnels se sont déployés en plusieurs vagues : vague A
au 1er janvier 2009 (qui concerne l‟université étudiée), vague B au 1er janvier 2010, vague C
au 1er janvier 2011 et vague D au 1er janvier 2012.
C‟est donc dans ce contexte que nous étudions comment une université de petite taille,
engagée dans la première phase du changement (vague A), mobilise collectivement son
personnel pour atteindre ses objectifs et enjeux prônés par ce changement institutionnel
8
majeur. Toutefois, parce que les enseignants-chercheurs se trouvent au cœur de cette nouvelle
gestion par les résultats dans la mesure où ils constituent le cœur opérationnel de
l‟organisation (Mintzberg, 1978), nous nous intéressons à leur comportement de mobilisation
collective.
L‟université retenue est donc une université de petite taille ayant fait partie de manière
volontaire à la première vague (vague A) d‟universités à être passées aux Responsabilités et
Compétences Elargies (RCE). C‟est une université jeune qui a fait de l‟autonomie budgétaire
un réel levier de développement. La communauté d‟enseignants-chercheurs a élu son actuel
président en 2008 (qui réalise actuellement son deuxième mandat) et qui s‟était présenté en
lançant le projet d‟accéder aux RCE, espérant ainsi trouver des moyens d‟action renouvelés
pour lutter contre un effectif estudiantin en diminution les années précédentes (de 8% en 3-4
ans) ; et depuis les 4 dernières années, l‟effectif a progressé de 20 % (selon son Président).
Le tableau 3 ci-dessous présente les principales caractéristiques de cette université :
Nombre
d’étudiants
Nombre de composantes
7700
4
. UFR Droit et Gestion (34% des
étudiants)
. UFR LLSH 1 (27%)
. URF sciences Fondamentales (21%)
. IUT (18%)
Nombre d’universitaires
(enseignants, enseignantschercheurs, doctorants)
450
Tableau 3 : Caractéristiques du cas retenu
2.2 Méthodologie de la recherche
Nous avons retenu une méthodologie qualitative fondée sur une étude de cas menée sur un
site unique (l‟université) et composé de deux cas enchâssés (URF Droit et Gestion, UFR
LLSH) pour permettre une comparaison inter-cas (Eisenhardt, 1989 ; Musca, 2006 ; Yin,
2003). Les deux cas retenus représentent 61% des étudiants de l‟université. La méthodologie
de l‟étude de cas est particulièrement adaptée pour comprendre en profondeur un phénomène
(mobilisation collective) en appréhendant son contexte (organisation, changement
institutionnel) et pour étudier des processus de changement (Ayerbe et Missonier, 2006 ; Yin,
2003) (2).
La stratégie de recherche s‟est appuyée sur la collecte et l‟analyse de données primaires et
secondaires. Nous avons recueilli les données primaires à l‟aide d‟entretiens semi-directifs
auprès d‟enseignants chercheurs (17 enseignants-chercheurs, 3 doctorants, 3 enseignants),
dont nous cherchons à comprendre le comportement de mobilisation collective face au
changement imposé par la loi LRU, ainsi qu‟après d‟autres acteurs importants pour
comprendre le contexte général de ce changement (4 personnels administratifs et le
Président). Nous nous sommes appuyés sur le discours des acteurs, comme méthode
privilégiée lorsqu‟il s‟agit de faire ressortir les finalités recherchées par les individus (Bichon,
1
LLSH : Lettres, Langues, Sciences Humaines
Dans cette communication, nous n‟avons pas comparé les deux sites étudiées (les deux URF). Les résultats sont
donc présentés globalement.
2
9
2005). Le tableau 4 ci-dessous présente les acteurs interrogés (entre parenthèse, le numéro
d‟entretien, utilisé pour identifier les verbatim cités dans la 3° partie)
Professeur
MCF
Doctorant
PRAG
Prof associé
Prof agrégé
Resp Adm
Dir UFR
Vice-Présid.
DGS
Président
UFR Droit et gestion
UFR FLLASH
Droit
2 entretiens (1,13)
Histoire
1 entretien (19)
Gestion
1 entretien (11)
Lettres
1 entretien (24)
Gestion
4 entretiens (2, 3, 18, Géographie 2 entretiens (15,9)
10)
Droit
2 entretiens (7, 14)
Lettres
1 entretien (25)
Droit
1 entretien (12)
Histoire
2 entretiens (5,6)
Anglais
1 entretien (4)
Gestion
1 entretien (8)
Gestion
1 entretien (16)
1 entretien (20)
1 entretien (22)
1 entretien (26)
1 entretien (21)
1 entretien (17)
1 entretien (23)
1 entretien (27)
Tableau 4 : Caractéristiques des acteurs interrogés
Nous avons complété cette collecte par une observation non participante (les éléments
recueillis par l‟observation ont été notés dans un carnet de bord) à l‟occasion d‟une action de
communication « Journée Portes Ouvertes ». Cette vague de collecte s‟est ainsi étalée sur 4
mois (entre mars 2012 et juin 2012). Nous avons également collecté de nombreuses données
secondaires (contrat pluriannuel de développement, documents relatifs au projet stratégique,
bilans sociaux, etc.) pour donner plus de sens aux informations primaires recueillies, et ainsi
accroitre la validité interne de notre recherche (Drucker et al., 2002).
Nous avons analysé l‟ensemble du matériau collecté en nous appuyant sur le logiciel N‟Vivo,
et autour de catégories issues de la littérature et de catégories qui ont émergé de l‟analyse de
nos données. Les catégories issues de la littérature (présentée par la partie précédente) sont les
suivantes :
- quant au concept de changement institutionnel : sens donné au changement, les
raisons à s‟engager dans le changement, l‟adaptation au changement (pratiques
nouvelles et/ou pratiques ancrées dans l‟ordre préexistant, pressions mimétiques ou
coercitives, par imitation de pratiques déjà disséminées), facilitateurs institutionnels
favorables à l‟adaptation au changement ;
- quant au concept de mobilisation collective : le sens donné à « être mobilisé », les
raisons à se mobiliser (attachement à l‟organisation, atteinte d‟objectifs personnels de
carrière, recherche d‟une reconnaissance personnelle par les autres), le contenu de la
mobilisation (efforts d‟amélioration continue, efforts de collaboration spontané, efforts
d‟alignement stratégique).
Le tableau 5 présente en particulier le plan de codage du concept Mobilisation collective, qui
inclut les variables issues de la littérature et celles qui ont émergé de notre terrain :
10
1. Sens donné à être mobilisé
1.1. Dimension individuelle
1.1.1. Travail de qualité
1.1.2. Présence
1.1.3. Heures supplémentaires
1.1.4. Innovation (pédagogique + recherche)
1.2. Dimension collective
1.2.1. Aider les étudiants
1.2.2. Aider les collègues (chercheurs + administratifs)
1.2.3. Partager les informations
1.3. Dimension organisationnelle
1.3.1. S’engager dans les instances administratives (conseil d’UFR, CA, etc.)
1.3.2. Orienter ses efforts dans la direction de l’Université
2. Les individus mobilisés constituent un noyau dur
3. Opposition individu/collectif
4. Raisons de se mobiliser
4.1. niveau individuel
4.1.1. Motivation intrinsèque
4.1.2 Motivation au service public
4.2. niveau organisationnel
4.2.1. Reconnaissance des efforts collectifs
4.2.2. Reconnaissance pécuniaire
5. Niveau groupal de référence
5.1. UFR
5.2. département
5.3. laboratoire
5.4. Université
5.5. communauté scientifique
Tableau 5 : Plan de codage de la variable Mobilisation Collective
Enfin, nous avons déployé différentes tactiques pour augmenter notre compréhension du
phénomène étudié et nous assurer de la validité de notre démarche de recherche (Drucker et
al., 2001). Les auteurs ont codé séparément les données et ont confronté les tableaux de
codage avant de le stabiliser. Un retour sur le terrain a permis de valider l‟interprétation et la
compréhension des données ainsi que des résultats intermédiaires.
3° Partie – Se mobiliser collectivement pour adopter un changement
institutionnel « imposé par le haut »
Le sens donné au changement institutionnel : s’engager dans le changement pour
survivre
Les acteurs étaient globalement favorables à l‟autonomie offerte par la loi LRU, que le
président (à l‟époque candidat) présentait comme un moyen (voire le seul moyen) de sauver
l‟université. En effet, en raison de sa taille (faible attractivité), conduisant à une baisse
continue et sensible de ses effectifs, et à une difficulté à attirer ou retenir des enseignants
chercheurs de qualité, en raison également de sa localisation à moins de 2h. de route d‟une
11
grande université, et à moins de 2h. de route d‟une autre université de taille moyenne,
l‟organisation étudiée craignait une absorption voire une fermeture. C‟est donc avec surprise
que cette université de petite taille a répondu à l‟appel de la vague A. L‟enjeu à adhérer au
changement n‟était donc pas la recherche d‟une meilleure performance, mais le maintien en
activité tout simplement. La grande majorité du personnel a donc voté pour le candidat qui
déclarait vouloir s‟engager dans une réforme présentée comme une course à l‟excellence et à
la performance, au nom de la survie, et donc pour certains au nom du Service Public.
Argument a priori paradoxal, tant cette loi fut présentée par beaucoup comme la mise en
concurrence des universités, l‟entrée d‟une logique Marché dans ce champ de la formation et
de la recherche, et l‟introduction de logiques libérales prônées par le New Public
Management. C‟est à l‟inverse au nom du Service Public, expression qui rend mieux compte
du champ d‟avant la loi, que les acteurs interrogés comprennent et adhèrent au changement
entrepris. Par-là, ils signifient que maintenir une université de petite taille constitue un enjeu
de service public, quitte à se servir d‟une loi « libérale ».
L‟ambition de la Direction était véritablement de modifier radicalement l‟image que
pouvaient avoir les étudiants, les professeurs, les entreprises, de cette université, si elle
réussissait ce pari :
« j‟étais persuadé en faisant ça, on changerait les conditions de notre université… le premier
chantier c‟était passage à l‟autonomie, voilà, réussir le passage à l‟autonomie, et être dans les
premières universités françaises, c‟était un vrai challenge » (entretien 27)
L‟enjeu partagé par tous et construit par les acteurs était de pouvoir se distinguer dans le
paysage de la formation universitaire,
Il fallait « se faire remarquer » (entretien 6)
« on est une petite université et notre identité ne peut pas se construire sans une certaine dose
d‟innovation, que ça soit sur le terrain pédagogique, de la recherche, des formations nouvelles
qui existent peu.. moi c‟est comme ça que je l‟ai vécu la performance au quotidien, comme
une quasi obligation d‟en faire un peu plus que les autres si on veut émerger, si on veut
continuer à émerger » (entretien 21)
Et les acteurs ont alors construit la notion d‟université de proximité, véritable challenge pour
l‟équipe de direction, celui à faire valoir le rôle d‟une telle catégorie d‟université de proximité
:
« c‟était un peu l‟ambition au départ, qu‟une petite université c‟était pas simplement une
université de proximité parce qu‟il en faut sur un territoire, c‟est un pôle de stratégie et
performant c‟était ça le challenge et nous on a été élu avec mes collègues sur ce challenge-là »
(entretien 27)
Dès lors, le terme de performance n‟est pas forcément « claironné » (entretien 23).
L’adoption du changement : un tâtonnement supporté par quelques dispositifs
A ces arguments, l‟idée d‟une plus grande autonomie a véritablement créé une certaine
« euphorie » (entretien 21) à s‟engager dans le changement. Pour la plupart des individus,
l‟engagement dans le changement était finalement une quasi-obligation à défaut de
disparaître:
12
« Et on peut quand même dire que globalement il y a une communauté qui a adhéré parce
qu‟elle y a beaucoup contribué et parce que aussi elle s‟est senti dans l‟obligation acculée à le
faire parce que c‟est souvent comme ça dans les organisations publiques, il faut que ça soit
rendu au bout de l‟impasse pour que ça soit, pour que ça les mobilise. Mais là ils ont réussi
quand même à se mobiliser pour une œuvre commune » (entretien 23).
D‟autres acteurs sont plus nuancés et distinguent le principe même de l‟autonomie, qu‟ils
saluent, des modalités de sa mise en œuvre telles que prévues par la loi LRU :
« Je fais partie de ceux qui sont favorables à l‟autonomie des universités …. le seul problème
c‟est que la LRU c‟est un leurre tant que les décisions financières viendront de Paris… je ne
crois pas que la LRU est un élément d‟amélioration de la performance des universités »
(entretien 19)
Les acteurs ont, au départ, assez bien réagi aux demandes de la Direction de mettre en œuvre
le changement, en menant notamment un travail d‟auto-évaluation et de diagnostic. Cet
exercice a permis de développer un sentiment partagé sur la qualité des formations délivrées,
ce avant même l‟arrivée de l‟AERES :
« Et à ma grande surprise parce que ce n‟était pas, ce n‟était pas gagné, au départ, ils [les
enseignants-chercheurs] ont joué le jeu à la fois d‟autodiagnostic et puis aussi le lendemain
d‟accepter de faire un certain nombre de choix » (entretien 23)
Même si certains reconnaissent que le processus consistant à évaluer des formations en dehors
de ses propres champs de compétence peut prêter à discussion :
« il fallait évaluer les autres au sein de l‟université ; donc on s‟est retrouvé à évaluer des
choses sur lesquelles on avait aucune connaissance ; moi j‟ai évalué une licence de système
d‟information géographique en compagnie d‟un mathématicien ; j‟ai évalué par rapport à quoi
on me demandait des chiffres ça n‟a pas de sens mais on s‟est prêté au jeu » (entretien 24).
« tout le monde valide ça en disant ce n‟est pas bon mais on le fait parce qu‟on est obligé …
on valide nous même un système avec lequel on n‟est pas d‟accord mais on est les premiers
acteurs à le valider » (entretien 15)
« toutes ses normes si vous voulez de production, je les ai bien intériorisées, est-ce-que les
ayant bien intériorisées je les ai acceptées pour autant ? » (entretien 11)
Que signifie « se mobiliser collectivement »
Les trois dimensions de la mobilisation collective identifiées dans la littérature (efforts
d‟amélioration continue, efforts de collaboration spontanée, efforts d‟alignement stratégique)
se retrouvent dans le discours des répondants. L‟orientation individuelle de la mobilisation
collective, à savoir les efforts d‟amélioration continue, se focalise surtout la qualité du travail,
que ce soit en recherche ou en enseignement. L‟orientation collective, c‟est-à-dire les efforts
de collaboration spontanée, implique non seulement les collègues enseignants-chercheurs ou
administratifs mais également les usagers : il s‟agit d‟« aider les étudiants » (entretien 5), de
faire preuve de « solidarité vis-vis des autres collègues, vis-à-vis des étudiants » (entretien 1),
d‟être mobilisé « sur l'étudiant, la vie de l'étudiant, les différentes difficultés qu'ils
rencontrent » (entretien 13).
La dimension collective consiste par ailleurs à partager la connaissance, les informations
nécessaires au travail :
13
« un partage, une mise en commun de l‟information permanente c‟est-à-dire j‟ai accès au
support de cours de tout le monde et tout le monde les enrichi en réseau par exemple »
(entretien 10)
La dernière dimension, la dimension organisationnelle, qui consiste à fournir des efforts
d‟alignement stratégique, est la dimension qui prend le plus d‟importance dans les discours
sur la mobilisation :
« s'intéresser à l'institution dans laquelle il évolue ça c'est le minimum de la mobilisation »
(entretien 14)
« On attend d‟eux qu‟ils retroussent leurs manches et qu‟ils travaillent dans la direction vers
laquelle on veut les emmener » (entretien 3)
« je crois que je suis mobilisée, que je crois que j‟ai envie que ça marche la maison, de
travailler pour l‟entreprise université de La Rochelle, le département de lettres, que ça marche,
qu‟on est une bonne réputation, que les choses tournent que ça soit fait sérieusement, qu‟il n‟y
ai pas de dilettantisme dans les choses etc… qu‟on soit inséré dans le milieu économique parce
qu‟on a rien à y perdre, on a tout à y gagner, oui non ça c‟est bien, enfin je pense que je suis
très mobilisée sur ce point de vue-là » (entretien 25)
Plus précisément, un enseignant-chercheur mobilisé envers son université est un individu qui
s‟implique dans les instances administratives (allant de la direction d‟un master jusqu‟à la
direction d‟un UFR) :
Les enseignants-chercheurs mobilisés « sont les directeurs de département qui participent aux
conseils d‟UFR qui sont des institutions qui servent à faire vivre notre université » (entretien
24)
… mais une mobilisation effective portée par un petit noyau dur
De nombreux acteurs interrogés déplorent le manque de mobilisation de certains de leurs
collègues. Les individus fortement mobilisés constituent un noyau dur relativement étroit :
« ce sont toujours sur les mêmes que les tâches collectives reposent » (entretien 14)
« regardez on fait tourner la FAC on est 4 » (entretien 4)
« c'est toujours un petit peu déroutant quand on fait des réunions globalement il n'y a pas la
moitié des gens » (entretien 15)
« Maintenant encore une fois tout est question d‟investissement c‟est la clé c‟est-à-dire que
quand vous avez des réunions de département vous n‟avez pas la moitié des enseignants qui
sont là, ça pose souci c‟est la même chose pour les réunions de laboratoire donc tout tient à
l‟investissement personnel, tout tient à la manière dont les enseignants voient les choses donc
on en revient selon moi toujours à ce fameux maillage entre individualisme, pur
individualisme et esprit collectif volonté de marcher pour l‟intérêt général » (entretien 5)
En fait, les entretiens révèlent trois situations de non mobilisation. Une première est
représentée par les enseignants chercheurs qui privilégient leur carrière et donc leur
engagement personnel ; et la mobilisation collective est vue comme « prenant du temps » :
« je me mobilise quand il y a les journées portes ouvertes etc… du côté du VRP même si ça
m‟emmerde profondément, ce n‟est pas mon boulot, ça me fait perdre du temps, déjà qu‟on
n‟a pas beaucoup de temps pour écrire des articles, des bouquins etc… (entretien 25)
« on a aussi des collègues qui se sont mis à dire démerdez vous avec vos conneries et moi je
fais ce qu‟il faut c‟est-à-dire la recherche parce qu‟il n‟y a que sur ça qu‟ils nous évaluent
14
même pour progresser dans une carrière d‟enseignant chercheur il n‟y a que la recherche qui
compte » (entretien 24)
La seconde situation couvre les « déçus », ceux qui déplorent le manque de reconnaissance,
voire de rémunération additionnelle (prime) aux efforts qu‟ils font, se démobilisant peu à peu.
La reconnaissance passe notamment par une reconnaissance d‟ordre pécuniaire, qui soit
discriminante entre les personnes mobilisées et celles qui ne le sont pas, et donc plus
équitable :
« je suis souvent freiné par une institution qui ne comprend rien à rien et qui ne veut pas et qui
a peur de prendre des initiatives » (entretien 25)
« ceux évidemment qui se retrouvent comme moi et certains de mes collègues à diriger des
départements à être responsables des formations à aller au CEVU aller au CA à faire vivre
l‟université… et bien ceux-là sont purement ignorés … j‟ai des collègues qui sont très investis
ici qui ne seront jamais prof qui ne seront jamais maitres de conf hors classe parce qu‟on
évalue les gens que sur la recherche en tout cas les classements leurs publications » (entretien
24)
« finalement tout le monde peut avoir à un moment ou à un autre à le droit à une prime parce
qu'il a fait quelque chose pour l'institution. Résultats des courses, on fait que des mécontents
puisque la prime n'est pas à la hauteur de ce qu'on espérait il y a plein de choses qui à mon
avis font partie de notre travail et qui ne doivent pas faire l'objet de prime. Mais comme il n‟y
a personne qui veut s'investir, on a transformé le truc comme ça » (entretien 14)
« le bénévolat a ses limites » (entretien 1)
La troisième situation couvre enfin la dualité permanente qui règne au sein de leur profession
entre individualisme et l‟action collective ; et pour certains il est même vain de penser qu‟on
puisse mobiliser des enseignants chercheurs !:
« il y en a parmi les collègues qui n'ont toujours pas compris qu'ils appartenaient à un centre
de recherche ; et ils ne signent même pas quand ils signent des articles « membres du centre de
recherche » ; donc on a l'impression d'avoir à faire à des électrons libres » (entretien 14)
Les raisons à se mobiliser collectivement : au nom de l’université ? Pas réellement
Les entretiens révèlent combien dans leur grande majorité les enseignants chercheurs se
déclarent en adhésion avec le projet stratégique de l‟université et acceptent cette entrée dans
le changement (vague A). Mais pour autant, cela ne se traduit pas toujours en termes de
mobilisation collective.
Les notions de « conscience professionnelle » ou de « service public » reviennent très
souvent, soit pour justifier sa mobilisation, soit pour justifier sa non mobilisation, parce qu‟on
se « contente » de bien faire son travail. Ainsi,
« je pense que tout est une question de conscience professionnelle, c‟est une question de
vocation et voilà ça s‟arrête là » (entretien 5)
« Moi je considère que je suis un serviteur public comme on dit en anglais « public servant »
je suis au service de la fonction publique et je me dois de rendre ce service dans les meilleures
conditions de mon côté pour que le service public universitaire fonctionne bien, mon but c‟est
que le service public fonctionne bien et le mieux possible et qu‟on soit efficace » (entretien 4)
« j‟ai beaucoup donné on va dire durant dix ans dans ce collectif quelque part ne pas continuer
à jouer le collectif c‟est renier les valeurs qui ont fait que j‟ai choisi d‟abord l‟université
publique » (entretien 15)
15
Mais finalement l‟Université en tant qu‟organisation ne suscite pas d‟attachement de la part
des enseignants-chercheurs :
« le fait qu‟il y ait un attachement à la structure dans laquelle vous travaillez, ça je n'y crois
pas du tout c‟est-à-dire que je ne pense pas que l‟enseignant-chercheur soit attaché au lieu où
il travaille et je ne pense pas qu‟il ait comme dans une entreprise un sentiment
d‟appartenance » (entretien 2)
Toutefois, l‟Université sert de « carte de visite » à l‟international ou en dehors de la ville, car
elle est plus visible.
La mobilisation collective s‟envisage donc plus aisément à un autre niveau que l‟Université :
pour beaucoup ce sera l‟UFR, pour certain le département, pour d‟autres le laboratoire, voire
même la communauté scientifique :
« elle n‟existe pas en soi l‟université, c‟est qu‟une somme d‟individualités, après c‟est à
chacun de faire sa place et de donner les moyens » (entretien 9)
… un changement adopté permis par des facilitateurs institutionnels
Le leadership du président et sa volonté stratégique claire à vouloir sauver l‟université
constituent pour beaucoup le facilitateur le plus souvent cité pour expliquer les raisons à
adopter le changement :
« pour moi on a eu de la change d‟avoir un bon président » (entretien 15)
Les moyens mis en place pour faciliter le passage à l‟autonomie constituent un second
facilitateur :
« une équipe administrative autour du président pour gérer l‟autonomie… il a vraiment permis
d‟armer cette fac pour qu‟elle ait les moyens de son autonomie » (entretien 15)
Cependant, les acteurs n‟ont pas pu s‟appuyer sur des pratiques développées par ailleurs pour
imaginer comment mettre en œuvre le changement, ou évaluer ce changement même, créant
alors un contexte peu favorable :
« ça n'a pas été facile et on a fait l'expérimentation de la LRU avec tout ce que ça comporte et
on est parti sans savoir trop où on mettait les pieds » (entretien 14)
Evoquant le processus d‟évaluation, « ça fait partie à mon avis des effets pervers de la LRU
qu'on avait certes un peu imaginé mais pas autant » (entretien 14)
Dès lors les services administratifs ont dû apprendre par eux-mêmes les mécanismes de la loi,
et de nouvelles compétences, telles que négocier avec le Ministère des allocations de
ressources, supposant de comprendre ces nouveaux mécanisme d‟allocation, ainsi que savoir
comment prouver que l‟université répondait aux critères de performance qui lui étaient
demandés.
Et quelques années après, que retient-on du changement entrepris ?
Quelques années après l‟engagement dans ce changement, pour la survie de l‟université,
celle-ci est toujours en activité et a vu ses effectifs estudiantins augmenter.
16
La grande majorité des personnes interrogées (parmi les 23 EC interrogés) se déclarent
satisfaits de la décision prise du passage à l‟autonomie. Mais nombre en déplore les effets
pervers ou encore le manque de changement managérial, notamment quant à la gestion des
ressources humaines. Nous avons donc un discours ambivalent.
Ainsi, de nombreuses critiques se font jour dans les discours : surcharge de travail
administratif, diminution de poste ou de budget de fonctionnement de département, un
fonctionnement davantage bureaucratique :
« si je dois résumer l‟impact de l‟autonomie des fac… le département Histoire a eu moins 20%
sur son budget… ma prime recherche a été réduite… et là on me sucre un demi-poste
d‟ATER… pour les sciences humaines, l‟autonomie des fac est une mort annoncée » (entretien
5)
« ça a été … quatre ans intensifs avec une charge de travail que dont je ne doutais pas et je
dois dire que peut-être que si j'avais été complètement prévenu de ce que signifiait tout cela
j'aurai peut-être réfléchi avant de m'engager dans cette aventure » (entretien 21) « on est sous
la moulinette financière, strictement, qu‟il y a des effets désastreux, qu‟il y a des effets
désastreux pour nos enseignements, pour nos recherches … moi, j‟ai vraiment l‟impression
que les enseignant-chercheurs sont les perdants de cette autonomie des universités qui n‟en
n‟est pas une » (entretien 7)
Beaucoup déplorent l‟absence de moyens réels pour mettre en œuvre cette réforme, les
conduisant à questionner ce terme même d‟autonomie, et concluant que finalement :
« il n‟y a aucune liberté… aucune autonomie » (entretien 24)
« on va vers une centralisation et ça pour moi c‟est un cercle vicieux si on rentre dans ce
schéma-là, on bloque toutes les initiatives innovantes et on meurt. Voilà on est dans un cercle
vicieux bureaucratique classique, je pense que c‟est précisément l‟inverse qu‟il faut faire »
(entretien 10)
D‟autant plus que, l‟université s‟étant engagée dès la première vague (la vague A), et donc
sans référence aucune à de précédents engagements, les acteurs déclarent avoir été quelque
peu trompés, par un discours politique qui leur faisait « miroiter [ce changement comme
conduisant à] une université qui serait un peu à l’image d’une université anglo-saxonne, ce
qui n’est pas le cas » (entretien 24).
Discussions et pistes futures de recherche
Notre recherche porte sur l‟adoption par une organisation d‟un changement institutionnel
majeur imposé par l‟extérieur, au sein d‟une bureaucratie professionnelle marquée par
l‟autonomie de ses acteurs professionnels, et en particulier lors des premiers temps de la
diffusion du changement. Nous nous proposions d‟étudier cette adoption à travers le concept
de mobilisation collective, qui permet de relier les dimensions organisationnelle et
institutionnelle de l‟engagement dans le changement (Choi et Chang, 2009 ; Greenhalgh et al.,
2005).
Nous avons étudié le cas d‟une université de petite taille qui, curieusement, par rapports aux
attentes du Ministère et des observateurs du secteur, s‟est résolument engagée dans le
changement dès sa première phase de diffusion (vague A). Ce cas, paradoxal à première vue,
confirme la littérature sur le changement institutionnel, souvent rendu difficile en raison du
17
paradoxe de l‟enchâssement, à savoir le paradoxe à vouloir changer ou adopter de nouvelles
institutions, alors que celles prévalent dans un champ donne de la légitimité aux acteurs
(DiMaggio and Powell, 1983; Hargrave and Van de Ven, 2006; Holm, 1995; Seo and Creed,
2002; Uzzi, 1997). Ce paradoxe explique pourquoi le changement institutionnel est
généralement porté par une organisation périphérique (ne représentant pas le « cas type ») ou
une organisation extérieure à l‟institution. Telle est la situation de l‟université étudiée, qui est
de petite taille, et qui de facto, ne possède pas suffisamment de ressources (financières,
légitimité…) pour jouer dans un champ de plus en plus concurrentiel.
Notre cas confirme combien l‟adoption d‟un changement est toujours le fruit de pratiques
nouvelles et de pratiques héritées. Ainsi, si le terme de performance a parfois été mobilisé par
les acteurs et s‟ils ont dû déployer de nouveaux outils de management (évaluation des
programmes et de la recherche), ils ont aussi mobilisé des termes tels que « service public »
qui, dans la compréhension d‟une loi LRU plutôt libérale, portée par le courant du New Public
Management, fait davantage référence à l‟ancien ordre établi.
Nos entretiens montrent que l‟adhésion au changement a suscité un travail certain des
enseignants chercheurs, leur permettant de donner un sens à ce changement. Pour autant cette
adhésion ne s‟est pas traduite par un accroissement de la mobilisation collective, ceux
habituellement mobilisés le restant, les autres ne s‟engageant pas davantage. Pourtant ces
derniers se disent mobilisés, mais finalement au nom de l‟esprit du changement (notion de
service public), ou des raisons qui ont poussé le président de l‟université à s‟engager dans la
vague A (la survie de l‟université), estimant que leur implication habituelle suffisait à
répondre à ces enjeux. C‟est donc un travail différencié de construction du sens du
changement qui a été mené par les enseignants chercheurs, leur permettant de justifier leur
mobilisation ou leur non mobilisation, et que nous appelons un travail dual théorisation
(Greenwood et al., 2002 ; Munir, 2005) qui n‟a pas forcément pour point focal l‟université,
mais à un niveau supérieur le principe de service public (champ organisationnel
d‟appartenance de l‟université, DiMaggio and Powell, 1983), et à un niveau inférieur
l‟individu (carrière).
L’adhésion au changement ne signifie pas la mobilisation collective
A l‟évidence, tous les acteurs ont adhéré à l‟engagement dans le changement : la survie de
l‟université était en jeu ! Ou pour le moins cet argument présenté par le président (durant sa
campagne à l‟élection) a-t-il été accepté et compris comme tel. Mais cette survie prend
différents sens : pour ceux investis dans l‟université, il s‟agit de maintenir une offre de
formation sur le territoire, d‟offrir des formations de qualité aux étudiants, de montrer que
l‟université est innovante et qu‟elle a une recherche de qualité…. Pour les autres, peut-on
penser que la préoccupation de leur propre avenir professionnel explique cette adhésion.
Le principe d‟autonomie des acteurs professionnels, au cœur du modèle de la bureaucratie
professionnelle (Mintzberg, 1978) qu‟est l‟université est une explication, certes fondée, mais
pas unique. Il ressort des entretiens que l‟engagement dans le changement ne s‟est pas traduit
(tel que ressenti par certains répondants) par une modification des modes de management des
ressources humaines, en termes de valorisation financière ou d‟autres formes de
reconnaissance en compensation du surcroit de travail qui était demandé.
Actuellement, la mobilisation reste un acte complètement individuel, il n‟y a pas d‟espace de
développement de la mobilisation collective.
18
La création d‟espaces collectifs et d‟enjeux collectifs (qui peuvent prendre toutes sortes de
formes : évaluation transversale des étudiants, réunions pédagogiques, partage de ressources
pédagogiques, etc.) encouragerait l‟action collective et permettrait de rééquilibrer la dualité
entre l‟individualisme et le collectif, dont beaucoup des répondants semblent souffrir. Or en
raison de l‟absence (ressentie) de nouveaux modes de gestion des RH (prime, reconnaissance,
aide technique…), les enseignants-chercheurs ont peu de raison d‟adopter des conduites de
mobilisation collective, tournée vers l‟Université.
En effet, les réformes ont pénétré par le niveau technocratique de l‟université mais n‟ont que
très peu atteint les couches opérationnelles. La gestion des ressources humaines (GRH) en
direction des enseignants-chercheurs est quasi-inexistante au sein des universités, bien que le
Président de l‟université étudiée nous confiait que ce point fasse partie des projets de
l‟établissement. Ainsi, pour permettre la mobilisation collective du cœur opérationnel de
l‟Université, à savoir les enseignants-chercheurs, il semble important de développer des
pratiques de GRH en leur direction. Les pratiques de GRH sont reconnues par la littérature
comme ayant un rôle déterminant dans l‟adoption de comportements de mobilisation
(Kéramidas, 2005).
Deux pratiques semblent émerger de l‟étude que nous avons menée : la reconnaissance et la
gestion des carrières. Ces deux pratiques sont très liées à la mobilisation collective (Tremblay
et al., 2005).
Pour mener à bien leurs activités, les enseignants-chercheurs ont besoin de reconnaissance
(par les pairs) matérielle ou symbolique et de façon égale pour la recherche et l‟enseignement,
mais aussi pour toutes les tâches bureaucratiques, dites « administratives » (qui reposent,
selon les répondants, sur une poignée de personnes). Le fort besoin de reconnaissance dont
nous ont fait part les répondants concerne le travail individuel mais surtout le travail collectif,
qui n‟est pas valorisé. Les pratiques de reconnaissance ou de récompenses, pécuniaires ou non
pécuniaires sont reconnues par les théories de la motivation comme étant un facteur
d‟adoption de certains comportements, sur la productivité, la conservation, l‟attraction mais
également comme agissant sur le moral (St-Onge et al., 2008). St-Onge et al. (2008 : 686)
soulignent que la reconnaissance peut être une pratique « simple et à la portée de tous ».
L‟évolution de carrière ne se fait pas à l‟intérieur de l‟établissement, ce qui ne valorise pas
l‟Université en tant qu‟organisation d‟appartenance. Il n‟y a pas d‟accompagnement dans la
carrière. Les enseignants-chercheurs se sentent seuls dans l‟évolution de carrière ; par
exemple, lorsqu‟un Maître de Conférences n‟obtient pas un poste de Professeur dans son
établissement, il n‟y aucun accompagnement pour en trouver un à l‟extérieur. Il y a beaucoup
de concurrence entre collègues et énormément de non-dits, ce qui renforce l‟individualisme.
La carrière peut être appréhendée de deux manières, qui influencent toutes deux le parcours
de carrière d‟un individu : une approche individuelle où l‟individu est maître de sa propre
évolution de carrière et une approche structurelle où la carrière est agencée par les
caractéristiques internes du marché du travail et les politiques organisationnelles (Cerdin,
2004). La carrière des enseignants-chercheurs est essentiellement conditionnée par le modèle
individuel, et très peu par les politiques organisationnelles.
Dans le cas des universités, ces types de pratiques nécessiteront une professionnalisation des
directions (d‟UFR, de départements, d‟université) en matière de GRH et de management afin
19
de concevoir des politiques pertinentes de reconnaissance et d‟accompagnement des carrières
et de les décliner jusqu‟au bas de l‟organisation.
Nous trouvons aussi dans la manière dont la théorisation du changement a été menée par les
acteurs un autre argument sur le fait que l‟université (et donc se mobiliser pour l‟université)
n‟est pas au cœur du changement initié par le Président.
Un travail de théorisation qui ne met pas forcément au cœur l’université
Parce que le changement institutionnel suppose d‟évoluer d‟une « institution » à une « autre »
(ou modifiée), et donc de forger de nouvelles valeurs, cadres, normes… qui les caractérisent,
la littérature a montré l‟importance pour les acteurs de construire un sens et une légitimité à ce
passage et ce changement, ce qui est appelé le travail de théorisation. Ce travail est défini
comme « le développement et la spécification de catégories abstraites, générales, et
l’élaboration de chaines de cause-effet » (Greenwood et al., 2002, p. 61) ; il permet aux
acteurs de donner une cohérence de sens et une justification au changement qui est mené
(Greenwood et al. 2002 ; Lawrence et Suddaby, 2006 ; Munir, 2005). Deux activités
principales constituent ce travail (Greenwood et al., 2002 ; Maguire et al., 2004 ; Tolbert et
Zucker, 1996) : cadrer les problèmes (framing problems, à savoir affirmer le besoin de
changer) et justifier l‟innovation (à savoir démontrer la valeur ajoutée offerte par
l‟innovation). Initialement envisagé comme une étape d‟un processus de changement
institutionnel par Greenwood et al. (2002), le travail de théorisation a ensuite été
conceptualisé comme un travail se faisant tout au long du processus de changement, y
compris dès son démarrage (Munir, 2005). C‟est cette dernière conceptualisation que nous
retenons.
Incontestablement les entretiens montrent qu‟un travail de théorisation a été mené au sein de
l‟université, tant pour justifier les problèmes (faible taille, risque de fusion ou de disparition)
que justifier l‟innovation. Notons pourtant que la justification de l‟innovation ne s‟est pas
réellement faite au nom des enjeux de la loi porteuse du changement (loi LRU). Cette dernière
prônait la performance et l‟excellence et plaçait en exergue l‟université comme entité globale.
C‟est donc l‟université prise entité qui doit être excellente et performante et non pas ses
composantes (formations, laboratoires, centres de recherche…). Or le travail de justification
sur le cas étudié s‟est fait au nom de l‟innovation et de la nécessité de construire une
université distinctive, ce que chacun a pu interpréter à sa manière, justifiant pour certains la
nécessité d‟une mobilisation collective, et pour d‟autres une non mobilisation, arguant que
leur « seul » travail habituel (en tant qu‟enseignant ou chercheur) pouvait permettre
d‟atteindre cet objectif.
Cette recherche appelle naturellement différents développements. Un premier développement
consistera à analyser de manière comparative les deux cas étudiés (deux UFR) de l‟université,
afin d‟affiner nos résultats. Nous menons actuellement une collecte et analyse similaire de
données sur un second cas, une université de grande taille, qui est entrée dans le changement
de la loi LRU sur la vague A, nous offrant également l‟opportunité d‟affiner ou de compléter
nos résultats. Ces enrichissements porteront sur les deux volets, RH et institutionnel, de notre
travail, à savoir en particulier le management de la mobilisation collective par le déploiement
d‟outil RH, et le travail de théorisation. Enfin, nous entendons approfondir le concept
20
d‟adhésion au changement, comme variable intermédiaire entre changement et mobilisation
collective.
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