Les processus de mobilisation collective des professionnels dans

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Titre de la thèse : Les processus de mobilisation collective des
professionnels dans une perspective de performance organisationnelle – le
cas des enseignants-chercheurs
Christelle ZELLER – Doctorat 2ème année
Chargée de mission d’enseignement, Allocataire Région PACA
Équipe Management Public – CERGAM
Institut de Management Public et de Gouvernance Territoriale
Aix-Marseille Université
[email protected]
Sous la direction de :
Corinne GRENIER
Professeur, HDR, Euromed Management
Chercheur affilié au laboratoire CERGAM (Equipe Management Public)
Aix-Marseille Université
[email protected]
Mots-clés : performance
universitaires
organisationnelle ;
mobilisation
collective ;
sensemaking ;
Les universités françaises connaissent une introduction progressive de la logique de
performance dans leur gestion pour répondre à des objectifs de compétitivité en matière de
recherche et d’enseignement supérieur, objectifs clairement inscrits dans la stratégie
européenne de recherche et d’enseignement supérieur (Déclaration de Lisbonne, 2000).
Les universités françaises semblent être face à un enjeu de taille dans le sens où d’une part,
elles sont, sous l’impulsion de l’Etat, poussées à se réformer pour être plus compétitives et
performantes d’autre part, elles sont portées, depuis leur création, par des professionnels
possédant leur propre cadre institutionnel : « dès leur naissance, au XIIe siècle, les universités
qui ont été créées par les corporations, refusent l’intervention de l’Etat et e l’Eglise » (Solle,
2008 : 144).
Les acteurs du niveau opérationnel, c’est-à-dire les universitaires, sont placés au centre de ces
changements (Solle, 2008) puisqu’ils ont en charge les activités de l’université, à savoir la
recherche et l’enseignement et nous nous intéressons à leur contribution à cette performance,
cette contribution étant de plus en plus sollicitée (Descombes, 2009).
Ces questionnements nous ont donc amenés à nous interroger sur le sens que donnent les
professionnels à cette notion de performance organisationnelle et comment ils s’approprient
cette nouvelle démarche de performance. Comment dès lors peuvent-ils se mobiliser
collectivement pour répondre aux exigences de cette performance ainsi comprise et construite
collectivement ? Et comment les outils de gestion permettent-ils leur mobilisation collective ?
Ainsi, la problématique générale qui guidera notre recherche peut être formulée de la façon
suivante :
Dans quelle mesure la construction collective du sens de la performance
organisationnelle permet-elle la mobilisation collective des professionnels ?
Notre hypothèse de recherche est que le sens de la performance organisationnelle doit
être collectivement construit par les universitaires pour permettre leur mobilisation
collective.
1
Questions de recherche
La revue de littérature nous permet de formuler les questions de recherche (QR) suivantes :
QR1. Que signifie se mobiliser collectivement ?
QR2. Quel sens les professionnels donnent-ils à la performance organisationnelle et comment
ce sens se construit-il ?
QR3. Comment les professionnels s’approprient-ils cette démarche de performance pour
laquelle ils sont appelés à se mobiliser collectivement ?
Résumé du cadre théorique
Organisations professionnelles :
Des logiques managériales ont petit à petit été introduites dans ces structures, s’installant aux
côtés des logiques professionnelles. Ces logiques marchandes et managériales, en exerçant
notamment un contrôle sur les professionnels, ont été perçues par de nombreux sociologues
(Eliot Freidson (2001) par exemple) comme une atteinte au professionnalisme. Beaucoup ont
alors parlé de déclin de l’autonomie, voire de déclin des professions. Même s’il est difficile de
nier les tensions existantes entre professions et management, la littérature récente (Bezes et
al., 2011) propose de dépasser cette analyse binaire en soulignant l’émergence de formes de
professionnalisme et d’organisation hybrides où la frontière entre managers et professionnels
n’est pas si marquée et où il s’agirait davantage d’une redistribution de l’autonomie que de sa
perte (Paradeise, 2011). La littérature appelle en effet à de nouvelles formes
organisationnelles, capables de répondre aux besoins du travail professionnel, de définir et
mettre en avant les valeurs professionnelles, tout en invitant également les professionnels à
développer des capacités organisationnelles (Noordegraaf, 2011).
Performance organisationnelle :
Les impératifs d’intérêt général auxquels fait face la sphère publique impliquent d’accorder
une définition large à la notion de performance (Guenoun, 2009). Ainsi, la conception
multidimensionnelle de Morin et al. (1994) retient notre attention. Elle intègre toutes les
grandes approches théoriques de la performance organisationnelle relevées dans la littérature,
à savoir une conception économique de la performance, une conception sociale de la
performance, une conception systémique de la performance et une conception politique.
Mobilisation collective
Il s’agit d’un concept comportemental, reconnu comme étant un levier de performance pour
les organisations. La mobilisation représente les efforts déployés volontairement par les
acteurs pour contribuer au bon fonctionnement de l’organisation, et donc à sa performance
(Guerrero et Sire, 2001 ; Wils et al. 2008 ; Bichon, 2005).
Le concept de mobilisation est de l’ordre du collectif, entendu de deux manières. Que l’on
étudie un individu mobilisé ou un collectif mobilisé (une équipe, un service, une organisation
dans son ensemble), ce comportement est toujours orienté vers l’amélioration ou la
performance de l’organisation (considérée comme une entité), ou encore vers une œuvre
collective (Tremblay et al, 2005).
2
Méthodologie
Nous avons retenu une méthodologie qualitative fondée sur des études de cas enchâssées
permettant une comparaison intra-cas et inter-cas. Ainsi, nous souhaitons étudier des UFR ou
départements en Sciences Humaines au sein d’universités. Nous envisageons de recueillir les
données primaires à l’aide d’entretiens et par observation non participante. Ces données
primaires seront complétées par des données secondaires.
Nous avons retenu deux cas nous permettant de faire une comparaison entre une petite
université et une grande université. Les deux universités sont autonomes depuis le 1er janvier
2009.
Un troisième cas sera éventuellement choisi en fonction des résultats obtenus lors de
l’investigation de ces deux cas.
Le tableau ci-dessous synthétise brièvement les caractéristiques des cas retenus.
Nombre
d’étudiants
Cas 1
Cas 2
Nombre d’universitaires
(enseignants, enseignantschercheurs, doctorants)
4
450
38
2700
Tableau 1 : caractéristiques des cas retenus
7700
42000
Nombre de
composantes
Présentation des cas
Nous avons mené 4 vagues d’entretiens pendant des périodes allant de 1 à 8 jours au sein de
notre premier cas. Nous avons ainsi pu récolter une vingtaine d’entretiens. Les figures 1 et 2
ci-dessous présentent les composantes des deux cas.
Cas retenus
34 %
UFR Droit et Gestion
Département Droit
27 %
21 %
UFR Langues, Lettres,
Sciences Humaines
UFR Sciences
Fondamentales
Département SHS
Département FLE
Département Gestion
Département Lettres
Département spécialisé
Asie
Figure 1 : Cas 1 - Présentation des composantes
1
Répartition des effectifs étudiants par composante
3
18 %
IUT
1
1er cas retenu
(le 2ème cas reste à déterminer parmi cette liste)
Faculté de droit, de sciences
politiques et de gestion
5000 étudiants
130 enseignants
Faculté des sciences
historiques
1400 étudiants
52 enseignants
Faculté des sciences
sociales
1300 étudiants
50 enseignants
UFR des langues et sciences
humaines appliquées
1200 étudiants
41 enseignants
Faculté des langues et des
cultures étrangères
5000 étudiants
83 enseignants
Faculté des sciences
économiques et de gestion
1700 étudiants
55 enseignants
Figure 2 : Cas 2 - Principales composantes en Sciences Humaines et Sociales
Eléments empiriques et conclusions préliminaires
Les résultats obtenus lors de l’étude du premier cas confirment l’unité d’analyse choisie, à
savoir l’UFR. En effet, il semble qu’une mobilisation collective soit envisageable au niveau
d’un UFR, voire d’un laboratoire, en fonction des disciplines (les juristes, par exemple, sont
plus individualistes et leur entité de référence sera généralement le laboratoire). Une
mobilisation collective autour des objectifs et de la vision de l’Université ne se retrouve pas
dans les discours. Il y en effet peu de sentiment d’appartenance à l’Université en tant
qu’organisation. Dès lors, les outils de gestion pouvant favoriser la mobilisation collective
doivent être pensés à un niveau organisationnel inférieur.
La démarche de performance semble être imposée « par le haut » (l’Etat, l’AERES, mais
également les pairs en charge de l’évaluation), selon une démarche top-down, ce qui ne
facilite ni sa compréhension, ni son appropriation. Le terme performance ne fait pas sens pour
tous les enseignants-chercheurs. Les répondants vont lui préférer le terme de qualité, laissant
le mot performance au secteur privé.
Nous remarquons à ce stade des caractéristiques individuelles pouvant expliquer la
mobilisation collective : une personne davantage collectiviste qu’individualiste aura tendance
à s’impliquer plus facilement dans les tâches collectives et administratives (tâches qui ne font
pourtant l’objet que de peu de reconnaissance de la part des pairs ou de l’institution), de
même qu’une personne présentant les caractéristiques de la motivation au service public
(Perry and Wise, 1990). Toutefois, nous remarquons une lassitude des ces personnes face à
l’absence de dispositifs permettant de reconnaitre et d’encourager la mobilisation collective.
Les individus reconnaissent que les activités d’enseignement et de recherche gagneraient à
être de meilleure qualité en présence d’une mobilisation collective mais déplorent l’aspect
individualiste de leur profession (par exemple, une recherche individuelle publiée sera plus
valorisée par la profession qu’une pratique collective innovante liée à l’enseignement).
4
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5
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