EVALUATION DE LA VIABILITE MYOCARDIQUE PAR IMAGERIE TEP

EVALUATION DE LA VIABILITE MYOCARDIQUE PAR IMAGERIE TEP-FDG
Docteur Roland AMIR : Centre Médical Bonsecours, Service de Médecine Nucléaire
21, rue de Bonsecours – 5500 DINANT
Indications classiques.
La tomographie par émission de positons au fluorodeoxyglucose (FDG) permet d'évaluer la
viabilité myocardique chez des patients présentant une insuffisance ventriculaire gauche
sévère d'étiologie ischémique et qui seraient candidats à une revascularisation.
Elle sera réalisée, de manière plus générales, lorsque les techniques d'imagerie fonctionnelle
(échocardiographie sous dobutamine) et les techniques d'imagerie tissulaire classique ou
d'imagerie de perfusion (étude de la fixation du Thallium après redistribution et/ou
réinjection, ou scintigraphie myocardique de perfusion au sestamibi-tc-99m) n'ont pas
retrouvé de viabilité myocardique ou n'ont pas pu être pratiquées.
Par ailleurs, la tomographie par émission de positons au FDG pourrait être d'emblée proposée
aux patients les plus graves pour lesquels la revascularisation comporte un risque mais qui
pourrait, néanmoins, être une alternative à la transplantation cardiaque en cas de viabilité
myocardique documentée.
La cible diagnostique est ainsi le tissu myocardique viable consommant du glucose mais
hypoperfusé, ce qui doit être démontré auparavant grâce aux techniques d'imagerie
appropriées de la perfusion sanguine.
En pratique clinique courante, il est souvent nécessaire d'apprécier la viabilité d'un territoire
myocardique dans deux circonstances :
au décours d'un infarctus du myocarde (souvent entre la première et la quatrième
semaine après l'infarctus) qu'il y ait eu, ou non, thrombolyse, car il existe dans la
majorité des cas au sein ou au pourtour de l'infarctus un tissu ischémique mais viable,
menacé à terme, mais susceptible d'être récupéré par une revascularisation (pontage ou
dilatation). La récupération de ce tissu permettra de garder au territoire myocardique
concerné une certaine capacité contractile qui est d'ailleurs ultérieurement démontrée
lors des explorations de contrôle après revascularisation.
chez un patient coronarien dont la ventriculographie ou l'échocardiographie met en
évidence un territoire ne se contractant pas normalement, en particulier dans les
coronaropathies chroniques. Après revascularisation, ce territoire récupèrera une
fonction contractile normale en cas de lésion réversible.
Dans les deux cas, la question est d'apprécier les possibilités de récupération fonctionnelle
après revascularisation.
Viabilité myocardique et dysfonction ventriculaire gauche.
L'évaluation de la viabilité myocardique est de plus en plus considérée comme un important
aspect du diagnostic et du pronostic chez les patients coronariens, présentant un
dysfonctionnement ventriculaire gauche.
Il a été clairement démontré que les patients avec myocarde viable documenté sur maladie
coronarienne, et qui ont bénéficié d'une revascularisation, présentaient ultérieurement une
amélioration de la fonction ventriculaire gauche, et ainsi un pronostic plus favorable
(1)
.
L'imagerie TEP-FDG combinée avec un traceur de flux tel que l'ammoniac
13
N est une
technique de diagnostic non invasive, et performante pour mettre en évidence une viabilité
myocardique sur lésions ischémiques chez les patients avec coronaropathie chronique
(2)
, et de
manière plus générale lors de lésions ischémiques avec dysfonction ventriculaire. Il convient
de ne pas perdre de vue qu'à un certain pourcentage de réduction du diamètre d'une artère
correspond une réduction bien plus marquée du pourcentage de la surface de section de cette
artère; ainsi pour des sténoses de 50, 75 et 90%, la surface de section est réduite
respectivement de 75, 95 et 99%.
La deuxième étape diagnostique est de déterminer l'impact fonctionnel de la lésion, c'est-à-
dire sa répercussion sur le flux coronarien tant au repos que lors de circonstances augmentant
les besoins en oxygène du myocarde.
Le flux coronarien régional en aval d'une sténose dépend avant tout du diamètre de cette
sténose mais également de sa longueur, de la pression de perfusion, de la morphologie de la
lésion et de la viscosité du sang
(3, 4)
.
La question posée est de savoir, après démonstration d'une ou plusieurs lésions obstructives
significatives, dans quelles conditions et selon quels critères une cellule myocardique
ischémique est susceptible de récupérer une activité contractile après rétablissement d'un débit
coronarien normal.
Définition de l'ischémie.
L'ischémie myocardique peut être définie comme la condition au sein de laquelle l'apport
sanguin au myocarde est insuffisant pour lui permettre de maintenir sa fonction normale.
Elle est surtout une inadaptation entre les besoins et la fourniture d'oxygène. L'une des
situations extrêmes est l'ischémie secondaire à une obstruction complète (spasme ou
thrombose d'une coronaire). C'est dans cette situation que les conséquences de l'ischémie ont
été les mieux étudiées.
Si cette ischémie totale est de courte durée (moins de 15 minutes) les anomalies cellulaires
sont réversibles. Par contre, si l'ischémie se prolonge au-delà de 15 minutes, les anomalies
deviennent irréversibles et les cellules meurent.
L'autre situation extrême est l'ischémie chronique au cours de laquelle le débit dans un
territoire est en permanence diminué avec diminution de l'activité contractile.
Cette dernière situation est réversible en cas de rétablissement du débit (myocarde en
hibernation). Entre ces deux extrêmes, il y a toute la gamme possible des ischémies
transitoires.
Ischémie aiguë : atteinte fonctionnelle.
La première étape de l'atteinte fonctionnelle en cas d'ischémie aiguë est une diminution de la
compliance ventriculaire.
Cette anomalie diastolique précède l'apparition des anomalies systoliques. Puis durant la
phase de contraction isovolumique, on note une légère élongation du segment ischémique et
un léger amincissement de la paroi
(5)
.
Durant l'éjection, il y a une diminution de l'étendue du raccourcissement et une diminution de
l'épaississement de la paroi (hypokinésie). Durant la relaxation isovolumique un
raccourcissement avec épaississement de la paroi peut être observé dans le territoire
ischémique. Ces changements deviennent plus marqués avec akinésie durant l'éjection lorsque
l'ischémie se prolonge. On a montré chez le chien en créant une sténose progressive qu'il y a
une corrélation linéaire entre les anomalies cinétiques régionales de la paroi et la diminution
du débit sanguin sous endocardique
Réponse à la perfusion.
Au cours des 10 à 15 premières secondes de l'ischémie, suite à une thrombose coronaire ou un
spasme, les conséquences sont d'ordre métabolique et fonctionnel. Sur le plan métabolique,
on constate une réduction rapide de la β-oxydation des acides gras et une augmentation de la
captation du glucose. Le glucose suit la voie de la glycolyse anaérobie avec production de
lactate entraînant une acidose cellulaire.
Sur le plan fonctionnel, l'activité contractile stoppe en 10 à 15 secondes après l'arrêt de la
fourniture d'oxygène, à un moment la cellule est encore viable, et avant qu'une déplétion
importante d'ATP n'ait eu lieu.
Après une occlusion coronaire de 15 minutes, les anomalies biochimiques persistent après la
reperfusion. La concentration d'ATP reste significativement abaissée après plusieurs heures,
voire plusieurs jours de reperfusion et redevient d'habitude normale au bout de 7 jours.
Le délai et la récupération de la contraction systolique du segment ischémique sont en
fonction de la durée de l'occlusion.
Après une occlusion brève (1 minute) le retour à une activité contractile normale est complète
en 30 minutes. La zone précédemment ischémique continue de montrer une expansion
systolique paradoxale après une heure de reperfusion
(6, 7)
.Après une occlusion prolongée (2 à
3 H.) suivie d'une reperfusion, la fonction myocardique récupérée par la revascularisation ne
se manifeste pas avant des jours voire des semaines
(8)
.
Le tissu myocardique viable dont le rétablissement de la fonction et de la concentration en
ATP sont retardés à la suite de la reperfusion est appelé "stunned myocardium" ou "myocarde
sidéré". Dans ce territoire, il y a une captation accrue du glucose par rapport aux territoires
sains.
Appréciation de la viabilité d'un territoire.
L'appréciation de la viabilité d'un territoire ne peut se faire ni cliniquement ni par l'analyse de
l'ECG. L'existence d'une akinésie voire d'une dyskinésie ne peut permettre d'affirmer
l'absence de viabilité cellulaire. Actuellement, on fait souvent appel aux techniques de
médecine nucléaire pour apprécier la viabilité cellulaire myocardique.
On peut les classer en 2 groupes selon qu'ils permettent d'apprécier l'existence d'un gradient
électrique transmembranaire (Thallium
201
, MIBI-Tc 99m) ou le métabolisme cellulaire (FDG,
acides gras, acétate). De manière plus générale, les traceurs TEP du métabolisme peuvent être
classés en : - traceurs du métabolisme glucidique (
18
FDG,
11
C-glucose,
11
C-lactate).
- traceurs du métabolisme lipidique (
11
C palmitate,
18
FTHA).
Ischémie chronique (myocarde en hibernation).
Il s'agit d'un myocarde irrigué par une artère coronaire sténosée dans lequel les cellules restent
viables et dont la contractilité est diminuée.
La réduction de la fonction contractile réduit les besoins en oxygène, ce qui protège les
myocytes. Cette dysfonction chronique peut durer des mois voire des années sans qu'il y ait de
nécrose. Cette dysfonction contractile observée au repos est réversible quand on rétablit un
débit normal. Un tel territoire est donc caractérisé par un débit diminué et une augmentation
de la captation du glucose. Cette anomalie peut exister avec ou sans angor et signe ECG
caractéristique de l'ischémie
(9)
.
18
F-Fluorodeoxyglucose (FDG) – traceur du métabolisme oxydatif (
11
C acétate).
Le
18
F-Fluorodeoxyglucose (FDG) capté par la cellule myocardique comme le glucose, est
phosphorylé et persiste sous cette forme dans la cellule. Il ne subit pas la glycolyse et n'est pas
stocké sous forme de glycogène. La membrane cellulaire est relativement imperméable au
FDG phosphorylé. L'accumulation cellulaire de FDG traduit donc l'importance de la
captation du glucose. Chez un sujet à jeun, un myocarde bien oxygéné tire l'essentiel de son
énergie de la dégradation des graisses et seul le territoire ischémique, tirant son énergie de la
glycolyse, aura une fixation du FDG. Après un repas riche en sucre, le myocarde tire
l'essentiel de son énergie de la dégradation du glucose et les territoires sains et ischémiques
auront une captation équivalente du FDG. Les territoires nécrosés seront caractérisés par un
débit nul et une absence de fixation du FDG (match), alors que les territoires ischémiques
seront caractérisés par un débit nul (ou très faible) et une fixation significative du FDG
(mismatch)
(10, 11)
.
Après une occlusion coronaire de 3 heures chez le chien, la fonction régionale s'améliore
entre 24 heures et 1 semaine après reperfusion mais est encore atténuée au bout de 4
semaines. Cette persistance des anomalies fonctionnelles s'accompagne d'une persistance de
l'augmentation de la fixation de FDG dans ce territoire. Après pontage la cinétique
ventriculaire s'améliore dans 85% des segments myocardiques présentant un mismatch alors
qu'une amélioration de la cinétique n'est notée que dans 8% des segments avec match. Avant
le pontage, les anomalies de la cinétique étaient identiques dans les territoires avec match et
mismatch. Une fixation de FDG témoignant de la persistance d'une viabilité myocardique
peut exister dans les territoires présentant une onde Q sur l'ECG
(12)
. En comparant le
Thallium
201
et le FDG
il a été montré qu'une fixation du FDG existait dans 40% des territoires
présentant un défect 4 heures après l'injection du Thallium
201
. De même dans la majorité des
segments avec fects persistant 24 heures après l'injection de Thallium
201(13)
il existe une
fixation de FDG
(14)
. Par contre, on obtient à peu d'exceptions près, les mêmes résultats avec
le FDG et la technique de réinjection du Thallium
201 (15)
.
En résumé le FDG reste le traceur de référence pour apprécier la viabilité d'un territoire.
Modélisation des représentations de l’index de perfusion et du métabolisme du glucose
L’approche iconographique comporte deux étapes :
1. L’évaluation de la distribution relative du débit sanguin myocardique au repos.
2. L’évaluation de la distribution myocardique de glucose également au repos avec
18
F-
déoxyglucose.
Typiquement, trois différentes possibilités existent en dysfonctionnement myocardique :
1. perfusion et distribution de
18
F-déoxyglucose normales,
2. réduction de la perfusion avec captation normale de
18
F-déoxyglucose voire même
élevée,
3. perfusion myocardique et captation du
18
F-déoxyglucose abaissées de manière
concordante.
Les réponses (1) et (2) reflètent une viabilité et la réponse (3) reflète une non-viabilité ou une
irréversibilité de la dysfonction contractile.
Les distributions relatives des traceurs et leur différence régionale (c’est-à-dire
18
FDG moins
le flux sanguin myocardique) sont représentées sous forme d’images paramétriques qui sont
comparées avec des données d’une base de données de sujets normaux.
Ceci permet la localisation d’un défaut de perfusion et l’estimation de son extension aussi
bien en cas d’imagerie concordante (match) que d’imagerie discordante de la captation du
FDG.
Une modification du protocole de l’étude initiale inclut l’évaluation de la perfusion par des
dérivés technéciés : Sestamibi-Tc
99m
ou Tetrofosmine-Tc
99m
, tout en préservant la
performance diagnostique
(16)
.
D’autres modifications, liées à l’imagerie TEP, ont inclus une stimulation au dipyridamole
couplé à une imagerie au repos de la perfusion myocardique
(17)
.
Ces études comparent la distribution régionale du flux myocardique
durant le stress à la
distribution de FDG au repos.
Cette approche discrimine moins bien entre les modifications concernant les anomalies de la
cinétique pariétale segmentaire au repos et la fraction d’éjection au repos
(18)
.
De manière prévisible, la tolérance à l’exercice et la fraction d’éjection ventriculaire à l’effort
sont significativement améliorées après revascularisation.
Plus récemment, l’imagerie SPECT a bien représenté l’alternance en objectivant avec le FDG
l’absence ou la présence de discordances (mismatches) entre le flux et le métabolisme et ainsi
la viabilité myocardique
(19, 20)
.
La question de la dysfonction réversible ou de la viabilité myocardique se pose tant au niveau
du suivi d’un infarctus myocardique aigu mais également chez les patients avec
coronaropathie chronique sans antécédent d’infarctus aigu.
La question de la viabilité est ainsi associée le plus souvent avec une dysfonction contractile
régionale, celle-ci peut affecter soit seulement une petite fraction de la paroi myocardique du
ventricule gauche où, dans la plupart des cas, la fraction d’éjection globale est conservée soit
une plus grande partie et l’intérêt de la détection d’une viabilité s’en trouve renforcée.
Néanmoins, une restauration adéquate du flux myocardique d’une portion myocardique viable
après un infarctus aigu du myocarde peut avoir un impact pronostic important, en particulier
en terme de prévention et de développement d’une dysfonction ventriculaire gauche sévère.
Ceci suggère alors, que la mise en existence d’une viabilité myocardique par le FDG présente
un intérêt clinique chez les patients en période post-infarctus précoce
(21, 22, 23)
.
Plus importante et souvent plus cruciale d’un point de vue pronostic est la recherche de
viabilité myocardique chez les patients en phase d’extension d’une pathologie coronarienne,
de perfusion ventriculaire altérée ou présentant des symptômes d’insuffisance cardiaque.
Les objectifs d’interventions thérapeutiques chez ces patients incluent la réduction de la
mortalité cardiaque, l’amélioration des symptômes de la cardiomyopathie congestive et dès
lors un gain en qualité de vie et en survie globale.
Les options thérapeutiques courantes chez ces patients sont limitées à :
1. une prise en charge médicale souvent agressive,
2. une revascularisation chirurgicale,
3. et une transplantation cardiaque.
Le nombre de patients présentant une insuffisance cardiaque a augmenté de manière quasi-
exponentielle, en particulier aux Etats-Unis. Récemment on a estimé à 4,9 millions de patients
aux Etats-Unis atteints d’insuffisance cardiaque chronique, avec 550.000 nouveaux cas
chaque année, donnant lieu à 970.000 hospitalisations
(24)
. L’étiologie sous-jacente de
l’insuffisance cardiaque est fréquemment la maladie coronarienne. Gheorghiade et Bonow ont
estimé que plus de 70% des patients atteints d’insuffisance cardiaque présentaient une
maladie coronarienne sous-jacente
(25)
.
Les patients avec viabilité myocardique bénéficieront de la revascularisation alors que ceux
avec atteinte irréversible seront orientés soit vers le traitement médical polyvalent soit vers la
transplantation.
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