PANCREASCOPIE N¡27

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SOLVAY DIGEST
DECEMBRE 2003 N°28
E d i t o
Fidèle à ses engagements, Pancréascopie
vous propose un numéro essentiellement clinique et pratique sur les principales affections pancréatiques.
Le point est fait sur l’intérêt et l’interprétation du dosage des enzymes pancréatiques, notamment sur l'augmentation chronique et idiopathique de l'amylasémie, entité qui doit être connue pour
éviter la réalisation d'examens inutiles,
parfois invasifs, et ne pas inquiéter le
patient. La pancréatite chronique fait
l’objet d’une mise au point détaillée,
concernant sa prise en charge multidisciplinaire. Les critères de non résécabilité du cancer du pancréas sont rappelés. L’article sur les lésions kystiques
pancréatiques de découverte fortuite est
essentiel : l'article analysé montre que
plus de 60 % des lésions asymptomatiques étaient pré-cancéreuses ou cancéreuses. Cette situation de plus en plus
fréquente résulte des progrès de l’imagerie liés à la sensibilité de détection des
lésions et à la diffusion des techniques
d'imagerie médicale.
Parallèlement, la formation des médecins
chargés de prendre en charge les maladies pancréatiques se développe. Par
exemple, le diagnostic erroné de pseudokyste, qui était proche de 40 % dans les
séries anciennes est passé à moins de
10 % dans une étude française récente.
L'enjeu diagnostique est important car la
sanction thérapeutique peut aller d'une
simple surveillance à une résection pancréatique « prophylactique » parfois étendue, en cas de tumeur intra-canalaire
papillaire et mucineuse. Nous vous souhaitons bonne lecture
Patrick Hastier
RÉDACTEUR EN CHEF :
Pr Philippe Lévy, Hôpital Beaujon (Clichy)
COMITÉ DE LECTURE :
Pr Marc Barthet, Hôpital Nord (Marseille)
Pr Louis Buscail, CHU Rangueil (Toulouse)
Dr Patrick Hastier, CH Princesse Grace
(Monaco)
Dr Marc Zins, Fondation Hôpital St Joseph
(Paris)
S o m m a i r e
INTERVIEW (PR J-P. BERNARD)
P. 2-3
Quand doser et comment interpréter les dosages
des enzymes pancréatiques ?
Différents dosages sont à notre disposition pour diagnostiquer une pancréatite aiguë.
Ce fût l’un des objets de la conférence de consensus française sur la pancréatite aiguë
(2001) de clarifier cette question
MISE AU POINT (PR M. BARTHET)
P. 4-6
Que peut-on attendre du traitement médical de la
pancréatite chronique ?
Il n’est pas possible d’envisager de traiter un patient atteint de pancréatite chronique sans débuter par une prise en charge médicale, qui dans la moitié des cas permettra de stabiliser l’évolution de la maladie et de contrôler les symptômes.
EN PRATIQUE (PR J-L. FAUCHERON)
P. 7-9
Critères de résécabilité d’un cancer du pancréas
La seule chance de guérison d'un patient atteint d'un cancer du pancréas passe par
la résection chirurgicale. Cela revient à dire que récuser un patient pour une intervention sur une simple suspicion d'inextirpabilité en imagerie pourrait le condamner à tort.
IMAGE COMMENTÉE (DR P. HASTIER)
P. 10-11
Masse péri-duodénale et diarrhée chronique
P. 12
PUBLICATION COMMENTÉE (DR H. BÉCHEUR)
Attention aux lésions kystiques pancréatiques de
découverte fortuite !
REVUE DE PRESSE (DR H. BÉCHEUR)
P. 13-15
Interview
Quand doser et comment interpréter
les dosages des
enzymes pancréatiques ?
ifférents dosages sont à notre disposition pour diagnostiquer une pancréatite aiguë. Ce fût
l’un des objets de la conférence de consensus française sur la pancréatite aiguë (2001) de
clarifier cette question. Le Pr JP Bernard (Marseille) fait le point sur l’utilité de ces dosages
et la chronologie des examens à réaliser.
D
Pancréascopie : Quand faut-il
demander le dosage des enzymes
pancréatiques ?
Pr J.P. Bernard : Deux situations sont
à envisager.
➊ La première est le cas où le diagnostic de pancréatite aiguë (PA)
est hautement probable devant la
présence de signes cliniques très
évocateurs. On a besoin alors d’un
test de confirmation. Le dosage de
la lipasémie est le seul indiqué. Il
devrait désormais être accessible
dans tous les laboratoires
d’urgence. Il remplit toutes les
conditions pour donner cette
confirmation biologique. Cependant, il faut savoir que la spécificité
de ce dosage n’est pas absolue, mais
pour des valeurs supérieures à trois
fois la normale, il existe une bonne
spécificité (96 %). De plus, la sensibilité du test diminue si le dosage
est réalisé au-delà des 48 premières
heures après l’apparition des signes
cliniques. Le dosage conjoint de la
lipasémie et de l’amylasémie n’a
aucun intérêt par rapport au
dosage de la lipasémie seul. Il ne
fait que rajouter un coût. Rappelons de plus que le dosage de l’amylasémie seule est peu spécifique
puisqu’elle augmente également
dans d’autres situations : ulcère perforé, occlusion, dissection aortique
ou appendicite….
➋ La deuxième situation est celle du
dosage que l’on va réaliser au sein
des épanchements péritonéaux ou
pleuraux. Quand la lipase est très
élevée dans le liquide recueilli au
niveau des épanchements, il faut
suspecter une complication d’une
maladie pancréatique sous-jacente
(rupture de kyste pancréatique
dans la cavité abdominale, fistules
pancréatico-pleurales au cours de
l’évolution d’une pancréatite chronique…). Cette élévation au niveau
des liquides doit être supérieure à
10 fois la limite supérieure de la
normale plasmatique pour signer
une atteinte pancréatique. Le
dosage des enzymes pancréatiques
dans les épanchements séreux est
souvent omis pendant longtemps
quand ils sont le symptôme révélateur de l’affection pancréatique.
Rappelons enfin que le dosage des
enzymes plasmatiques n’est pas
recommandé si les symptômes ne
sont pas évocateurs d’une affection
pancréatique (troubles fonctionnels
intestinaux, etc… cf. ci-dessous).
Pancréascopie : Y a-t-il un intérêt à les doser devant une altération de l'état général, au cours
de la pancréatite chronique (PC),
dans la surveillance d'un cancer
pancréatique ?
Pr J.P. Bernard : Les dosages sanguins
des enzymes pancréatiques n’ont
aucun intérêt au cours de ces trois
situations. En aucune manière le
dosage plasmatique des enzymes pancréatiques ne permet d’évaluer la
fonction pancréatique. Une altération
de l’état général réclamera éventuellement une évaluation de la fonction
exocrine du pancréas s’il existe des
2
signes évoquant une stéatorrhée. Dans
le cas de la surveillance d’un cancer
pancréatique, le dosage des enzymes
pancréatiques a encore moins d’intérêt et n’est en aucune façon un paramètre de diagnostic ou de
surveillance. Enfin, au cours de la PC,
lorsqu’on se trouve dans le cas de la
confirmation d’une complication
(poussée aiguë sur une PC pré-existante ou pseudo-kyste), le dosage des
enzymes pancréatiques conserve sa
valeur.
Pancréascopie : Laquelle ou lesquelles doser ?
Pr J.P. Bernard : La conférence de
consensus a conclu que, dans tous les
cas, seul le dosage de la lipasémie est
utile et constitue l’examen de référence puisqu’il est sensible et spécifique d’une atteinte pancréatique.
Pancréascopie : L‘iso-amylase
pancréatique, l'amylasurie, les
autres dosages ont ils encore un
intérêt ?
Pr J.P. Bernard : Le dosage des isoenzymes de l’amylase ne conserve plus
aucun intérêt depuis l’utilisation en
routine du dosage de la lipasémie. Le
dosage de l’amylasurie ne conserve
plus qu’une indication : la confirmation du diagnostic de macro-amylasémie. En effet, la coexistence d’une
amylasémie modérément élevée et
d’une amylasurie normale signe la présence de cette anomalie qui n’a
aucune traduction clinique et permet
donc d’arrêter toutes les explorations
coûteuses. En fait, il ne devrait plus
Interview
être dosé car le dosage de l’amylasémie ne doit plus être fait en général et
a fortiori chez un malade asymptomatique.
Le dosage du trypsinogène 2 par bandelettes urinaires a l’intérêt de la rapidité d’obtention des résultats (dosage
semi-quantitatif). C’est très certainement le test enzymatique qui a la
meilleure valeur prédictive négative
pour exclure le diagnostic de PA. Lorsqu’il est négatif, il permet d’éliminer le
diagnostic de PA et d’éviter tous les
autres examens.
Les autres dosages enzymatiques ne
sont pas supérieurs aux dosages de
la lipase.
Pancréascopie : A partir de quel
seuil faut-il s'inquiéter ?
Pr J.P. Bernard : Le seuil optimal d’interprétation d’une élévation des
enzymes se situe au-dessus de trois
fois la limite supérieure de la valeur
normale. Au-dessous de ce seuil, le
dosage perd beaucoup en spécificité.
Il faut avoir à l’esprit que les dosages
doivent être réalisés dans les 48 premières heures suivant l’apparition des
symptômes. Lorsque les valeurs sont
au-dessous de ce seuil, on peut répèterépéter les dosages si les symptômes le justifient. Si l’on observe une
élévation franche de ces enzymes
après quelques heures, ceci a valeur de
test de confirmation. En revanche, une
diminution du taux d’enzymes doit
faire reconsidérer le diagnostic, surtout lorsque les examens d’imagerie
ne montrent aucune anomalie au
niveau pancréatique.
Pancréascopie : Que pensez vous
du dosage urinaire en bandelette
du peptide d'activation du trypsinogène ?
Pr J.P. Bernard : Ce dosage est potentiellement intéressant pour établir un
score de gravité biologique spécifique
du pancréas.Aujourd’hui, c’est le seul
test qui remplit cette fonction. Cependant, il permet de discriminer les
formes sévères de PA, mais ne fait pas
la différence entre les témoins et les
PA peu sévères, ce qui en limite l’intérêt pratique.Au total il n’est spéci-
fique que pour le diagnostic des PA
graves d’emblée. Il n’existe pas encore
de valeur seuil.
Pancréascopie : Quelle conduite
à tenir lorsque les enzymes ont
été dosées en dehors du contexte
d'une pancréatite aiguë et
qu'elles sont modérément élevées (2-3 N) ?
Pr J.P. Bernard : Cette situation ne
devrait plus exister car elle génère
des dépenses inconsidérées, des
consultations et des examens complémentaires inutiles et beaucoup d’inquiétude. Si malgré tout ce dosage est
fait et qu’il concerne l’amylasémie, il
faut tout d’abord éliminer le diagnostic d’une macro-amylasémie, sans signification.
Il faut également rappeler que contrairement à ce qui est fait pour le foie,
il n’est pas licite de doser les enzymes
pancréatiques chez un malade sans
symptôme qui reçoit un médicament
potentiellement pancréatotoxique.
Rappelons-le encore, les enzymes pancréatiques ne doivent être dosées que
devant des symptômes évocateurs de
pancréatite. La présence d’une élévation asymptomatique de la lipasémie
n’a pas la valeur d’une élévation des
transaminases. Cette dernière est
généralement le reflet d’une cytolyse
hépatique. Certains médicaments pancréatotoxiques peuvent n’entraîner
que des anomalies biologiques, sans
symptôme dont la signification pathogénique est inconnue mais sans aucun
doute faible ou nulle. Si la PA n’a pas
de manifestation clinique, on est autorisé à poursuivre le traitement et une
surveillance régulière des enzymes
pancréatiques est inutile.
Pancréascopie : Pouvez vous nous
dire un mot de l'étude italienne
rapportant des cas d’« élévation
chronique non pathologique de
l'amylase sérique » ?
Pr J.P. Bernard : Cette étude reflète
l’inflation d’examens supplémentaires
induits par un dosage inapproprié des
enzymes pancréatiques, singulièrement
l’amylasémie. Cette hyperamylasémie
chronique , bénigne d’origine
3
pancréatique est idiopathique. Ce diagnostic est un diagnostic d’élimination après : avoir éliminé une atteinte
pancréatique par des examens morphologiques ; ou une macro-amylasémie.
Cette entité a été caractérisée par
une étude italienne (Gastroenterology 1996 ; 110 : 1905-8) qui a montré chez 18 patients ayant une
élévation chronique de l’amylase et
de la lipase sériques, que cette anomalie chronique n’était pas en rapport avec une affection caractérisée
notamment sur le plan morphologique. En effet, les 18 patients ont été
suivis pendant une période de 8 ans,
période pendant laquelle aucune maladie n’est apparue et aucune anomalie
morphologique du pancréas n’a été
mise en évidence par l’échographie
et la scanographie.
A l’issue de cette période de suivi,
une exploration fonctionnelle du pancréas a été réalisée et n’a montré
aucune insuffisance pancréatique fonctionnelle. Les auteurs en ont déduit
qu’il s’agissait d’une anomalie constitutionnelle de la sécrétion des
enzymes pancréatiques, avec un relargage minime des enzymes pancréatiques dans la circulation sanguine.
Ce diagnostic n’est à évoquer que
lorsque toutes les autres causes d’atteinte pancréatique ont été éliminées
et parfois en présence de plusieurs
cas dans la même famille.
Propos recueillis par Le Dr C. Mura
EN PRATIQUE
● Seul le dosage de la lipasémie est
recommandé.
● Il ne doit être demandé qu’en
cas de symptômes évoquant une
pancréatite aiguë.
Mise au point
Que peut-on attendre du traitement médical de la
pancréatite chronique ?
e traitement médical comprend le sevrage alcoolo-tabagique, le traitement médicamenteux
de la douleur ou de l’insuffisance pancréatique exocrine et le traitement nutritionnel. De fait,
il n’est pas possible d’envisager de traiter un patient atteint de pancréatite chronique sans
débuter par une prise en charge médicale, qui dans la moitié des cas permettra de stabiliser
l’évolution de la maladie et de contrôler les symptômes.
L
SEVRAGE
ALCOOLIQUE
:
IL S’AGIT DE LA PREMIÈRE ÉTAPE
DU TRAITEMENT MÉDICAL
L’alcoolisme chronique est à l’origine
de 80 à 90 % de l’ensemble des pancréatites chroniques. En raison de la
difficulté de suivi des patients, de la
difficulté de l’arrêt de l’intempérance
chez ces patients et de la difficulté
d’obtention d’un chiffrage précis de la
consommation d’alcool et de sa réduction éventuelle, le sevrage alcoolique
est souvent négligé. Pourtant, le
sevrage est possible, est efficace sur
la disparition de la douleur et influence
les résultats des traitements associés
endoscopiques ou chirurgicaux.
La faisabilité du sevrage alcoolique au
cours des PC a été étudiée dans des
travaux d’origine médicale ou chirurgicale. L’abstinence alcoolique est
obtenue chez 64 % des patients
atteints de PC après un an de suivi.
Cette abstinence semble plus précoce
et plus fréquente que chez les patients
atteints d’hépatopathie alcoolique,
probablement en raison de l’intensité
des symptômes douloureux associés
à la PC. Le problème du sevrage alcoolique en cas de PC s’inscrit donc plus
dans sa durabilité que dans son obtention immédiate. Une série chirurgicale a montré qu’un sevrage définitif
était obtenu à 10 ans chez 50 % des
patients opérés et seulement 25 %
des patients dont la prise en charge
était médicale. L’efficacité du suivi et
également la sévérité des symptômes
initiaux semblent donc influencer
considérablement la prévalence du
sevrage, ce qui doit constituer un facteur de motivation pour les médecins
traitant des patients atteints de PC.
Le sevrage alcoolique est utile pour
ralentir la progression de la maladie,
pour faire disparaître les symptômes
douloureux et améliorer le résultat
des traitements associés [1]. Certes,
l’arrêt de l’alcool ne supprime pas
l’évolution de la maladie. Mais dans
une étude rétrospective italienne, la
progression de la maladie, évaluée sur
le plan de la fonction exocrine, était
moins sévère dans le groupe abstinent avec un suivi moyen de 7 ans
alors que le taux de calcifications pancréatiques n’était pas différent [1].
Chez ces mêmes patients, les fréquences de la douleur et du diabète
étaient moindres en cas d’abstinence.
L’arrêt de l’alcool diminue également
la prévalence de la douleur.
Dans 4 études évaluant la douleur
chez des patients abstinents, la proportion de patients asymptomatiques
dépassait la moitié des cas. Dans deux
de ces études, qui étaient comparatives, la proportion de patients asymptomatiques était significativement
supérieure en cas d’abstinence (6052 % vs 26-37 % respectivement).
LA
RELATION ENTRE LE SEVRAGE
ALCOOLIQUE ET L’EFFICACITÉ DES
TRAITEMENTS ASSOCIÉS EST PLUS
CONTROVERSÉE.
Dans trois études évaluant l’efficacité
du traitement endoscopique, l’arrêt
4
de l’alcool semblait sans influence sur
les résultats thérapeutiques. Sur le
plan chirurgical, la poursuite de la
consommation d’alcool détériorait les
résultats dans 3 études non contrôlées. La mortalité était nettement inférieure chez les patients sevrés.
LE
TABAC EST UN FACTEUR DE
RISQUE DISCUTÉ DANS LA
PC
Ce facteur de risque est présent dans
trois études, mais non retrouvé dans
deux autres [2]. Pourtant, la consommation d’alcool et celle de tabac sont
étroitement liées en cas de PC, l’association étant observée dans plus de
80 % des cas. Il n’existe pas à ce jour
d’étude ayant évalué l’impact du
sevrage tabagique sur l’histoire naturelle de la PC. Par contre, l’influence
du sevrage alcoolo-tabagique sur le
pronostic de la PC est essentielle [2].
En effet, si la survie actuarielle à 10 ans
des patients atteints de PC varie entre
69 et 80 %, le taux de décès imputable à la PC elle-même n’est que de
3 à 38 %, plus de la moitié des décès
étant d’origine cardiovasculaire ou par
cancer des voies aériennes supérieures et digestives. Dans l’étude de
Miyake et coll, la survie actuarielle à 20
ans était de 80 % chez les patients
sevrés et de 35 % chez les patients
non sevrés. Dans le travail de Lowenfels et coll., la mortalité à 10 ans était
de 30 %, les principaux facteurs de
risque étant l’alcool et le tabac. Le
sevrage alcoolotabagique est donc primordial pour le pronostic des patients.
Mise au point
DOULEUR
Kyste
Infiltration nerveuse
Hypertension canalaire
et hypertension tissulaire
reproductible pour prendre en
charge et suivre ces patients.
● La gradation des traitements doit
constituer la deuxième règle.
Des paliers progressifs doivent être
employés : paracétamol, paracétamol/codéïne, tramadol, buprénorphine, et enfin morphine et dérivés.
● Enfin, l’effet antalgique de ces médicaments peut être potentialisé par
l’emploi d’antidépresseur.
Inflammation
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX DE
L’INSUFFISANCE PANCRÉATIQUE
EXOCRINE : DES CONTRAINTES
antalgiques
AINS
PHARMACOLOGIQUES ET DES
RÈGLES DE PRESCRIPTION
LE
TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX
DE LA DOULEUR VISE À DIMINUER
LA PRESSION CANALAIRE
PANCRÉATIQUE ET À TRAITER NON
SPÉCIFIQUEMENT L’INFLAMMATION
ET LA DOULEUR
Les composantes de la douleur au
cours de la PC sont nombreuses
(figure 1) [3]. L’hyperpression canalaire et tissulaire est responsable d’une
partie seulement des phénomènes
douloureux de la PC [3]. Elle peut se
compliquer de kyste rétentionnel qui
peuvent aggraver la douleur de façon
considérable. Cette composante est la
cible principale des traitements inhibiteurs de la sécrétion pancréatique
exocrine (figure 1). L’inflammation
pancréatique et péripancréatique est
responsable d’un infiltrat nerveux
péripancréatique entraînant des douleurs permanentes dont la prise en
charge est difficile. Les anti-inflammatoires et les antalgiques sont utilisés
pour traiter de façon non spécifique
cette composante.
Une étude basée sur l’utilisation d’inhibiteur des récepteurs de la CCK
(loxiglumide) a été récemment effectuée [5]. Il s’agissait d’une étude doseréponse contrôlée, placebo versus
300, 600, 1200 mg/j. L’amélioration de
la douleur était significative chez tous
les patients traités par rapport au placebo. Ce travail demande bien sûr,
confirmation avant d’être suivi par
une éventuelle application thérapeutique.
L’utilisation d’anti-inflammatoires non
stéroïdiens est assez répandue, mais n’a
jamais fait l’objet d’études contrôlées
[3]. En pratique quotidienne, chez des
patients ne présentant aucune cause
traitable (kyste, dilatation canalaire…)
et résistant aux traitements classiques,
ces médicaments peuvent être efficaces. Leur potentiel ulcérogène ne
doit cependant pas être négligé chez des
patients souvent fumeurs, qui ont souvent une sécrétion hydrobicarbonatée
pancréatique faible.
LES TRAITEMENTS ANTALGIQUES
N’ONT FAIT L’OBJET D’AUCUNE
ÉTUDE RANDOMISÉE DANS LA PC
● La
première règle doit consister à
éviter la toxicomanie, chez des
patients qui ont souvent un comportement addictif, et qui souffrent
souvent de façon chronique. La douleur doit être soigneusement évaluée dans le temps, mais aussi dans
son intensité, grâce à une échelle
visuelle analogique qui constitue le
moyen le plus simple et le plus
5
L’insuffisance pancréatique exocrine
n’apparaît qu’au-delà de la destruction de 90 % du parenchyme exocrine
et donc, généralement, en cas de PC
évoluée et ancienne (après 10 ans
d’évolution) [4]. La maldigestion lipidique traduite par la stéatorrhée est
plus difficile à équilibrer que la maldigestion protéique. En effet, la lipase
pancréatique est diminuée plus précocemment et plus intensément que
les autres enzymes pancréatiques au
cours de l’insuffisance pancréatique
exocrine. De plus, la lipase est inactivée à pH acide et plus sensible à la
protéolyse des enzymes protéolytiques pancréatiques. L’équilibre de la
digestion enzymatique lipidique est
donc le plus difficile à obtenir. Enfin,
pour assurer une bonne digestion
enzymatique, les extraits pancréatiques
doivent être délivrés en même temps
que les aliments dans le duodénum
où ils seront actifs. Ils doivent être
mélangés harmonieusement au bol alimentaire gastrique et de taille adaptée
pour franchir le filtre pylorique avec
celui-ci.
Tous ces éléments (stabilité, enzymatique, vidange gastrique…) imposent
des contraintes pharmacologiques et
des règles de prescription [4]. Les
enzymes pancréatiques sont protégées par encapsulation (enteric coated) pour permettre leur libération à
suite page 6
Mise au point
Que peut-on attendre du traitement médical de la pancréatite chronique (Suite de la page 5)
un pH > 5, garant de la stabilité de la
lipase. Elles sont présentées sous
forme de granules de 1,5mm, qui
semble être le diamètre idéal pour
permettre un passage pylorique précoce. Les préparations d’extrait pancréatique doivent comporter plus de
10 000 UI de lipase car le taux de
lipase active parvenant à l’angle de
Treitz n’est que de 8 %. Les règles de
prescription tiennent également
compte de ces données. Les extraits
pancréatiques doivent être pris dès
la première bouchée afin d’être mélangés au chyme gastrique. La posologie
doit être adaptée à la charge calorique des repas, c’est-à-dire augmentée en cas de repas gras ou copieux.
Si une deuxième gélule est nécessaire,
elle doit être prise au milieu du repas
afin de permettre un meilleur mélange
au bol alimentaire. Si le traitement est
inefficace, un traitement antisécrétoire peut être rajouté. En cas de persistance de la stéatorrhée, une
pullulation microbienne ou un trouble
de la vidange gastrique doivent être
recherchés. Enfin, en cas de résection
gastrique antérieure, les gélules doivent être ouvertes avant ingestion.
Les indications du traitement de l’insuffisance pancréatique exocrine sont
l’existence d’une stéatorrhée clinique
ou mesurée par dosage de graisse
dans les selles > 15 g/j, un amaigrissement continu non expliqué par une
complication évolutive, l’association
diarrhée-météorisme qui peut être
un symptôme fruste de maldigestion.
NUTRITION ET PANCRÉATITE
CHRONIQUE : LES REPAS DOIVENT
ÊTRE FRACTIONNÉS LE PLUS
SOUVENT POSSIBLE
Plus de 95 % des patients atteints de
PC ont une alimentation orale exclusive. On estime que 1 % a recours à
une alimentation parentérale et 4 % à
une alimentation entérale. L’alimentation au cours de la PC doit être
normocalorique (35 Kcal/J), équilibrée
avec des repas fractionnés le plus sou-
vent possible. Elle doit tenir compte
de l’existence d’un diabète éventuel et
éviter la restriction lipidique .
En effet, de nombreux patients atteints
de PC ont un déficit en vitamine A et
vitamine E, vitamines liposolubles dont
la carence peut être aggravée par un
régime trop sévère. L’apport lipidique
doit être adapté à la tolérance digestive et à l’efficacité des extraits pancréatiques. En cas de mauvaise
tolérance digestive ou d’efficacité
incomplète des extraits pancréatiques,
l’apport lipidique peut être enrichi en
triglycérides à chaîne moyenne dont la
digestion enzymatique et l’absorption
intestinale sont facilitées. Enfin, il
convient de restreindre l’alimentation
en fibres alimentaires qui adsorbent
les enzymes pancréatiques et altèrent
leur biodisponibilité.
Pr Marc Barthet,
(Hôpital Nord, Marseille)
Références
EN PRATIQUE
Le traitement médical est à la fois le carrefour de tous les traitements
envisageables au cours de la PC et leur préalable.
• L’arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique est indispensable pour une
prise en charge correcte et pour préserver le pronostic. Le sevrage
alcoolique diminue la prévalence de la douleur, ralentit l’évolution de la
PC. La persistance de l’intoxication alcoolique altère les résultats de la
chirurgie pancréatique et obère significativement le pronostic.
• La prise en charge de la douleur vise à diminuer la pression canalaire
pancréatique et à traiter non spécifiquement l’inflammation et la douleur.
• L’insuffisance pancréatique exocrine n’apparaît qu’au-delà de la destruction de 90 % du parenchyme exocrine et donc généralement en
cas de PC évoluée. La maldigestion lipidique traduite par la stéatorrhée
est difficile à équilibrer, nécessitant des règles de prescription strictes.
Il faut utiliser des extraits pancréatiques à haute teneur en lipase, généralement délivrés sous forme de granulés enrobés, idéalement d’un diamètre de 1,5 mm.
• Enfin, l’apport nutritionnel doit éviter la restriction lipidique sous peine
de carences sévères.
6
1- Gullo L, Barbara L, Labo G. Effect of
cessation of alcohol use on the course of
pancreatic dysfunction in alcoholic
pancreatitis. Gastroenterology 1988 ;
95 : 1063-8
2- Levy Ph, Ruszniewski Ph, Bernades P.
Histoire naturelle de la pancréatite
chronique alcoolique. Gastroentérol Clin
Biol 2000 ; 24 : 725-41 (pas d'abstract)
3- Warshaw AL, Banks PA, Fernadez-delCastillo C (AGA). Treatment of pain in
chronic pancreatitis. Gastroenterology
1998 ;115 :763-76 (pas d'abstract)
4- Greenberger NJ. Enzymatic therapy in
patients with chronic pancreatitis.
Gastroenterol Clin N Am 1999 ;28 :
687-93
5- Shiratori K, Takeuchi T , Satake K et al.
Clinical evaluation or oral
administration of a cholecystokinin A
receptor antagonist (loxiglumide) to
patients with acute, painful attacks of
chronic pancreatitis : a multicenter doseresponse study in Japan. Pancreas 2002 ;
25 : e1-5
En pratique
Critères de résécabilité d’un cancer du pancréas
e cancer du pancréas est le quatrième cancer digestif en France. Son pronostic est sombre,
puisque moins de 5 % des patients sont en vie 5 ans après le diagnostic. La seule chance de
guérison d'un patient atteint d'un tel cancer passe par la résection chirurgicale. Cela revient
à dire que récuser un patient pour une intervention sur une simple suspicion d'inextirpabilité en imagerie
pourrait le condamner.
L
POURQUOI LE PRONOSTIC DU CANCER
DU PANCRÉAS EST-IL SI EFFROYABLE ?
pancréas, alors qu’il en existe par
exemple pour un cancer métastatique
colorectal).
● Enfin, il existe assez fréquemment des
formes plurifocales (dans la littérature,
le taux de foyers multiples varie de 3
à 30 %).
Pourtant le bilan,aussi complet et sophistiqué qu'il puisse être, ne permet pas
toujours d'affirmer absolument que telle
adénopathie supracentimétrique du pédicule hépatique est tumorale, que l'absence de liseré de sécurité avec une
artère hépatique est la certitude d'une
inextirpabilité de la lésion, que tel prolongement vers la racine du mésentère
est la signature d'une tumeur fixée ou
encore que telle image tumorale fusant
vers la gauche est à l'évidence une coulée tumorale et non un foyer de pancréatite chronique d'amont…
Le pancréas, en particulier céphalique,
comporte plusieurs spécificités qui expliquent en partie pourquoi un cancer qui
s’y développe est rapidement incurable.
● Tout d’abord,il contracte des rapports
LES LIMITES DU BILAN
très étroits avec les voies biliaires et le
D’UN CANCER DU PANCRÉAS
duodénum. Un cancer de la tête du
pancréas va rapidement avoir un retentissement sur ces organes adjacents. L'échographie abdominale,la TDM,l'échoLe traitement chirurgical devra sacrifier endoscopie, l'IRM et la cholangiopanune partie plus ou moins importante créatographie rétrograde par voie endodes trois éléments de ce carrefour,avec scopique (CPRE) sont autant d'examens
QU’EST-CE QUI PEUT RENDRE LE
la complexité que cela suppose et la morphologiques qui permettent de préCANCER DU PANCRÉAS
ciser les caractères de la tumeur, son
morbidité qui en découle.
IRRÉSÉCABLE ?
● Ensuite, le pancréas livre passage aux
retentissement d'amont et son extenvaisseaux mésentériques supérieurs, sion locorégionale. Les ponctions sous
en arrière de l’isthme. L’engainement, imagerie,ou lors d'une écho-endoscopie, LA TAILLE DE LA LÉSION
voire l’envahissement de ces vaisseaux les brossages ou les biopsies réalisés lors Le taux de résécabilité est corrélé à la
par une tumeur de la tête ou du corps des manœuvres endoscopiques peuvent taille de la tumeur : le cancer est en prala rendra rapidement inextirpable. Un souvent aboutir à un diagnostic histolo- tique toujours localement extirpable
lorsque le diamètre est inférieur à 2 cm
envahissement du mésentère signe l’im- gique précis.
tandis qu’il ne l’est quasiment
possibilité d’exérèse, tous les
jamais lorsque sa taille
auteurs s’accordant à considérer
dépasse 4 cm. Cela en fait
que l’ablation complète de l’intesd’ailleurs un critère prédictif
tin grêle n’est pas licite dans le
de survie dans plusieurs
contexte.
● Troisièmement, le drainage lymétudes, la limite faisant basphatique du pancréas est très comculer le pronostic étant à 2,5
plexe, se faisant soit vers la rate,
cm.
soit vers le tronc cœliaque, soit
L’ATTEINTE GANGLIONNAIRE
dans le mésentère, soit en arrière
Les groupes péripancréavers les vaisseaux aorticocaves
tiques sont atteints d’emblée
(Figure 1).Au moment du diagnosdans environ 50 % des cas.
tic de cancer du pancréas, les ganCes métastases, intracapsuglions sont atteints dans plus de
laires pour la plupart, sont
75 % des cas.
● Quatrièmement, les métastases,
cependant parfois compalorsqu’elles sont présentes,
tibles avec une longue survie.
condamnent le malade à brève
A l’inverse, l’envahissement
échéance, quel que soit le traitedes chaînes mésentériques,
Figure 1 : Principaux relais ganglionnaires dans le cancer du pancréas
ment proposé (il n’y a pas de surcœliaques ou aorticocaves
vivant à un cancer métastatique du
s’accompagne d’une survie
7
En pratique
Critères de résécabilité… (Suite de la page 7)
cable dans les trois quart des A
cas ; si les vaisseaux paraissent
comprimés ou refoulés, le taux
de résécabilité chute à un tiers
des cas ; en cas d’obstruction
vasculaire le taux d’exérèse est
nul. D’autres auteurs ont publié
des corrélations similaires avec le
scanner hélicoïdal, (Figures 2,3).
Le scanner hélicoïdal, couplé à
l’écho-endoscopie et surtout à
l’écholaparoscopie (tous, examens très opérateur-dépendants) permettrait d’être aussi
fiable que l’angiographie. La B
place de l’IRM pour préciser
l’extirpabilité d’un cancer du
pancréas est encore en évaluation.
Figure 2 : Cliché TDM réalisé chez une femme de 44 ans
Il est difficile de récuser un
montrant une volumineuse tumeur pancréatique céphalique avec
patient pour une opération si
perte du liseré de sécurité graisseux entre la tumeur et la veine
l’envahissement veineux n’est
mésentérique supérieure. L'exérèse a été possible et l'examen
pas massif et évident : un certain
anatomopathologique final a conclu en la présence
d’un adénocarcinome du pancréas exocrine envahissant la
nombre d’entre eux pourront
musculeuse duodénale.
en effet avoir une exérèse ; et
si les adhérences vasculaires ne Figure 3 : Cliché TDM (a) et écho-endoscopie (b) réalisés chez
un patient de 69 ans, faisant suspecter un envahissement
sont découvertes qu’en fin de
veineux.
L’intervention chirurgicale a infirmé cette atteinte et
toujours inférieure à 1 an. Comme l’ont dissection du pancréas, il est toula duodénopancréatectomie céphalique a pu être réalisée.
rappelé Baulieux et Delpero en 2000, jours difficile d’affirmer qu’elles
l’exérèse reste justifiée en cas d’enva- sont tumorales et non pas
hissement ganglionnaire proximal pour inflammatoires. Dans des séries
trois raisons : elle reste le meilleur trai- d’exérèses larges avec sacritement palliatif pour les tumeurs locale- fice veineux mésentéricoporte
ment extirpables par des équipes entraî- en cas d’adhérences serrées, il
nées ; l’extension ganglionnaire précise a été démontré que l’extenn’est connue qu’a posteriori ; des survies sion du cancer à la veine n’exisprolongées ont été publiées.
tait en fait que dans moins de
50 % des cas.
L’ENVAHISSEMENT VEINEUX MÉSENTÉRICOLa résection d’une partie du
PORTE
tronc porte ou de la terminaiL’extension d’un cancer du pancréas vers son de la veine mésentérique
le duodénum n’est pas un signe d’inex- supérieure est faisable, avec
tirpabilité, puisque cet organe est résé- suture directe si la longueur
qué dans le même temps que la tête du réséquée ne dépasse pas trois
pancréas.
centimètres, avec interposition
Car c’est en effet de là que peut venir la d’un greffon veineux sinon.
contre-indication à l’exérèse : le cancer Ishikawa a cependant publié un
peut envahir le système porte (veine article qui fait encore réféFigure 4 : Cliché TDM réalisé chez une femme de 62 ans montrant
mésentérique supérieure, tronc spléno- rence, montrant que la survie
un adénocarcinome pancréatique corporéocaudal avec
mésaraïque ou tronc porte pédiculaire). d’un patient ayant subi une
envahissement veineux splénique, qui a pu être réséqué.
Plusieurs équipes radiologiques ont publié résection veineuse pour un
des critères de résécabilité en se basant envahissement de plus de la
sur des séries d’angiographie : si l’angio- moitié de la circonférence sur une lon- à celle d’un même patient n’ayant pas
graphie est normale, la lésion sera résé- gueur de plus de 15 mm était identique subi d’exérèse…
8
En pratique
EN PRATIQUE
Figure 5 : Cliché TDM réalisé chez un patient de 52 ans
montrant un volumineux cancer du pancréas associé à des
métastases hépatiques, une carcinose péritonéale (ascite) et
des envahissements vasculaires.
Figure 6 : Cliché TDM réalisé chez un patient de 67 ans ne
montrant qu'une petite lésion pancréatique céphalique sans
signe d'inextirpabilité. La cœlioscopie première n'a montré
aucune anomalie patente. Malheureusement, lors de la
conversion, l'exploration a fait découvrir 3 nodules de carcinose
dans le plan de décollement du fascia de Toldt droit (derrière le
colon droit)
Un envahissement veineux et même
artériel splénique ne pose habituellement pas de problème lorsqu’il s’agit
d’un cancer du pancréas corporéal ou
a fortiori caudal : l’intervention consistant en une splénopancréatectomie
gauche avec curage (en l’absence de
métastases à distance bien sûr), ces
vaisseaux seront de toute façon emportés en monobloc avec le pancréas
tumoral (Figure 4).
L’ENVAHISSEMENT ARTÉRIEL
● S’il est vrai que l’existence de métastases ganglionnaires distales, l’existence de métastases dans le foie, le poumon ou le péritoine ou encore
l’existence d’une atteinte veineuse rendent un cancer du pancréas non
résécable, encore faut-il être sûr de ces atteintes.
● Les métastases à distance sont le plus souvent facilement et rapidement
confirmées ou infirmées par la ponction sous imagerie.
● Les adénopathies à distance, si elles ne peuvent pas faire leur preuve histologique formelle sur une biopsie par imagerie ou par écho-endoscopie, ne doivent conduire à l’abstention d’exérèse pancréatique qu’après
biopsie chirurgicale par laparotomie ou mieux par laparoscopie.
● L’envahissement veineux diagnostiqué sur une TDM ou même en échoendoscopie doit être réévalué de manière collégiale, en faisant intervenir
le radiologue, le gastro-entérologue et le chirurgien. Il arrive que l’absence de liseré graisseux de sécurité le long d’une veine mésentérique
supérieure en TDM associée à une suspicion de bourgeon tumoral intraluminal en écho-endoscopie conduise quand même à une exérèse curative…
● A l’inverse, il arrive de ne trouver la contre-indication à l’exérèse qu’à
la laparotomie, alors que les examens pré-opératoires et la cœlioscopie n’avaient identifié aucun critère d’irrésécabilité (Figure 6).
un problème : les artères hépatique,
mésentérique supérieure ou splénique sont pendant très longtemps
refoulées par la tumeur. Lorsqu’elles
sont malheureusement envahies franchement, il existe toujours de nombreux autres signes d’inextirpabilité
comme une tumeur énorme, des
métastases diffuses, une atteinte vasculaire multiple avec thrombose
porte, une ascite de carcinose péritonéale, etc. (Figure 5).
LES MÉTASTASES
Elles rendent le cancer du pancréas non
résécable, car la survie n’est de toute
façon que de quelques mois. Encore
faut-il faire la preuve, avant d’exclure
la chirurgie, de la nature d’un nodule
hépatique ou pulmonaire.
Pr Jean-Luc Faucheron,
(Département de Chirurgie
Digestive et de l’Urgence
Hôpital Albert Michallon, Grenoble)
Bibliographie
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pancreaticoduodenectomies without mortality. Ann Surg 1993 ; 217 : 430-5.
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La question d’une atteinte artérielle est
9
Image commentée
Masse péri-duodénale et diarrhée chronique
Observation
Un malade âgé de 37 ans était hospitalisé en octobre 2002 pour bilan d'une
diarrhée chronique. Cette diarrhée évoluait depuis le début de l'année 1999.
Elle était constituée initialement de
deux selles par jour, liquides sans sang,
ni glaire. Un bilan sanguin ne montrait
qu'une hypokaliémie à 3,3 mmol/l. La
gastroscopie avec biopsies duodénojéjunales était normale. L'iléocoloscopie
avec biopsies étagées était normale. Un
transit du grêle ne montrait pas d'anomalie tant sur le plan fonctionnel que
morphologique.
Un traitement symptomatique par antidiarrhéique était inefficace. Le malade
était hospitalisé en octobre 2002.
L'examen clinique était sans anomalie.
Le malade signalait une aggravation de
sa diarrhée estimée à 5-6 selles par
jour dont une selle nocturne, très abondantes et malodorantes, associée à une
perte de 9 Kg en un an. Le poids des
selles quotidiennes dépassait 1200
grammes.
Les examens biologiques montraient
uniquement une gastrinémie élevée à
146 ng/l (limite supérieure à 80). Le
test à la sécrétine était positif avec augmentation de la sécrétion acide basale
et des taux de gastrinémie.
Une tomodensitométrie abdominale
mettait en évidence un ganglion centimétrique se situant en arrière de la
portion moyenne du deuxième duodénum, au contact et immédiatement
sous la portion proximale du troisième
duodénum (photo 1).
Une écho-endoscopie pancréatique
notait, en péri-duodénal, en regard du
crochet pancréatique, une formation
ovoïde mesurant 2 cm de grand axe
tissulaire à centre anéchogène et aux
limites très régulières (photo 2). Cette
image était compatible avec un gastrinome. La scintigraphie à l'octréotide
marquée montrait un foyer de très
forte fixation en regard du pôle inférieur du rein droit en avant de celui-ci
(photo 3). Le diagnostic de gastrinome
était retenu.
Le bilan complémentaire à la recherche
d'une néoplasie endocrinienne multiple
(NEM) était négatif. L'intervention chirurgicale réalisée le 5 janvier 2003
retrouvait les lésions décrites sur le
plan morphologique et permettait l'énucléation de la tumeur duodénale. L'examen histologique confirmait une
localisation ganglionnaire d'un gastrinome. Les suites opératoires étaient
simples.
Un an après la chirurgie, le malade avait
un transit normal. La scintigraphie à
l'octréotide était normale.
Discussion
Le diagnostic de gastrinome doit être
évoqué devant de nombreuses situations cliniques parmi lesquelles des
ulcères multiples avec vomissements,
diarrhées et complications ulcéreuses
ou post-opératoires faisant suite à une
intervention sur l'estomac pour maladie ulcéreuse ou œsophagite. Le mode
de révélation par une diarrhée chronique isolée est rare. L'ulcère duodénal
et la diarrhée chronique sont les deux
signes les plus souvent observés dans
l'histoire naturelle de la maladie puisque
les lésions endoscopiques du tube
digestif supérieur sont présentes dans
80 % des cas et la diarrhée dans 65 %
des cas. Chacun de ces symptômes peut
inaugurer la maladie pendant quelques
années.
LA DIARRHÉE, COMME DANS NOTRE
OBSERVATION, EST DITE
VOLUMOGÉNIQUE
Photo 1 : Scanner abdominal
Ganglion en arrière de la portion moyenne du 2ème duodénum
10
Elle est liée à l'augmentation des sécrétions digestives hautes, gastriques, biliopancréatiques et duodéno-jéjunales
induites par l'hyper-acidité intra-intestinale.
La mal-digestion (pH intra-luminal acide)
et la malabsorption (jéjunite) y contribuent aussi ainsi que dans une moindre
mesure, l'accélération du transit intestinal.
Le diagnostic repose d'abord sur la mise
Image commentée
Photo 2 : Echoendoscopie pancréatique
Lésion tumorale de 20 mm péri-duodénale
en évidence d'une hyper-sécrétion gastrique acide, et d'une hypergastrinémie
non régulée à l'état basal. La gastrine
sérique est élevée dans 80-90 % des cas.
Le diagnostic de certitude est apporté
par le test à la sécrétine. Ce test est
actuellement le plus performant et le
mieux toléré.On observe sous sécrétine
une élévation en moyenne de la sécrétion acide et de la gastrinémie, alors que
l'effet physiologique inverse est généra-
lement observé dans l'ulcère duodénal
banal.
successives.L'hyperparathyroïdie est l'atteinte endocrinienne la plus souvent associée suivie par l'atteinte hypophysaire,puis
corticosurrénalienne, puis thyroïdienne.
La recherche d'une NEM doit être systématique car son existence peut modifier
fortement la conduite thérapeutique.
En cas de syndrome de Zollinger Ellison
de type sporadique, le gastrinome primitif est le plus souvent unique et situé dans
au moins 50 % des cas dans le duodénum (notre observation).
La localisation pancréatique est plus rare
(25 % des cas).Enfin,le gastrinome primitif
peut être ganglionnaire. En cas de gastrinome s'intégrant dans une NEM, ceux-ci
sont multiples dans plus de 75 % des cas.
La localisation des gastrinomes primitifs
repose essentiellement,outre sur la tomodensitométrie, sur l'écho-endoscopie
biliopancréatique et la scintigraphie des
récepteurs à la somatostatine.
L'ÉCHO-ENDOSCOPIE CONTRIBUE DE
AU COURS DU GASTRINOME, UNE
NEM DE TYPE I EST OBSERVÉE
DANS 25 % DES CAS
Ce syndrome est défini par l'association
d'au moins deux atteintes endocriniennes
bénignes ou malignes simultanées ou
Photo 3 : Scintigraphie à l’octréotide
Foyer de fixation en regard du pôle inférieur du rein droit
11
MANIÈRE PRÉPONDÉRANTE AU
DIAGNOSTIC PRÉ-OPÉRATOIRE DES
GASTRINOMES
Elle permet le dépistage de très petites
tumeurs mesurant de 5 à 20 mm de diamètre. Sa sensibilité est supérieure à
celle du scanner pour les tumeurs pancréatiques et ganglionnaires. S'agissant
des tumeurs duodénales, sa sensibilité
n'est que de 50 %. Dans ce dernier cas,
elle est donc complémentaire à la scintigraphie à l'octréotide marquée.
La scintigraphie à l'octréotide permet
de mettre en évidence 70 à 100 % des
tumeurs endocrines pancréatiques et
digestives. Pour le diagnostic de tumeur
endocrine pancréatique, la sensibilité de
la scintigraphie à l'octréotide est comprise entre 67 et 78 %.
Le pronostic et l'évolution sont
étroitement liés à l'appartenance
ou non à une NEM. En cas de
gastrinome sporadique, comme
dans notre observation, le traitement chirurgical est la règle.
Dr Patrick Hastier
(CH Princesse Grace, Monaco)
Publication commentée
Attention aux lésions kystiques pancréatiques de
découverte fortuite !
Incidental pancreatic cysts - clinicopathologic characteristics and comparison with symptomatic patients.
C Fernandez Del Castillo, J Targarona, SP Thayer et al. Arch Surg 2003 ; 138 : 427-33
La découverte fortuite de lésions kystiques pancréatiques tend à devenir plus
fréquente en raison de la diffusion des
examens radiologiques et de la pratique
plus facile des bilans systématiques.
Cette étude rétrospective (1997-2002)
avait comme objectif d’établir la fréquence et les caractéristiques clinicopathologiques des malades porteurs de
telles lésions et de les comparer à celles
des malades symptomatiques .
Parmi les 212 malades colligés, 78
(36,7 %) étaient asymptomatiques. Ils
étaient plus vieux, avaient des lésions
kystiques de plus petite taille plutôt
localisées dans le corps ou la queue du
pancréas. Dans ce groupe, la part des
malades ayant un pseudokyste (PK) était
moins importante (3,8 %) que celle
constatée dans le groupe symptomatiques (19,4 %). Globalement, la lésion
kystique la plus fréquemment rencontrée était la tumeur intracanalaire papillaire mucineuse du pancréas (TIPMP)
(n = 75) suivie par les kystes mucineux
(n = 43). A signaler que la moitié des
lésions de moins de 2 cm dans le groupe
asymptomatique, correspondait à ces
deux types de lésions qui devaient donc
être considérées comme potentiellement malignes.
Les symptômes les plus souvent objectivés étaient la douleur abdominale, la
perte de poids et à un moindre degré
l’ictère et la palpation d’une masse
abdominale.
Le diagnostic de lésion kystique du pancréas a été fait par scanner, échographie, IRM ou écho-endoscopie.
La sensibilité et la spécificité de ce dernier examen dans la détection d’une
lésion maligne (cancer in situ ou invasif)
étaient respectivement de 69 % et 90 %.
La plupart des malades a été opéré
(78 % dans le groupe asymptomatique),
ce qui a autorisé un diagnostic de certitude. Dans les autres cas, l’évolution,
les examens morphologiques ainsi que
la ponction et l’analyse du liquide du
kyste ont permis de caractériser les
lésions.
Dr H. Bécheur
(CHG, Evreux)
COMMENTAIRES
Cette étude, la première à s’être intéressée aux
caractéristiques des lésions kystiques du pancréas
découvertes fortuitement et surtout à leur devenir,est riche
d’enseignement.
Assez logiquement, on constate en premier lieu, que ces
lésions sont en général de plus petite taille et localisées
dans le corps ou la queue du pancréas, ce qui explique, en
partie, leur caractère asymptomatique.
De même, la faible fréquence des PK (3,8 %) paraît
compatible avec la découverte fortuite de ces lésions dans
la mesure où ces derniers sont dans la plupart des cas,
consécutifs à une pancréatite qui se traduit le plus souvent
par des symptômes.
L’élément le plus significatif consiste à objectiver parmi les
lésions kystiques fortuites de taille inférieure à 2 cm, jusqu’à
50 % d’atteintes potentiellement malignes. Il est à noter
que globalement sur les 212 patients colligés, 75 d’entre
eux avaient une TIPMP et 43 un cystadénome mucineux.
D’autre part, 12 adénocarcinomes ont été trouvés dans le
groupe de patients symptomatiques et 2 dans le groupe
asymptomatique.Au total plus de 60 % des lésions étaient
potentiellement malignes ou malignes !
A cet égard, les auteurs souligneront le rôle majeur de
l’écho-endoscopie dans le bilan des lésions kystiques du
pancréas, notamment de diagnostic de malignité avec, pour
cet examen, une sensibilité et une spécificité
(69 % et 90 %, respectivement) des plus respectables.
L’ensemble de ces données a conduit les auteurs à proposer
un arbre décisionnel pertinent en présence d’une lésion
kystique du pancréas de découverte fortuite, qui pourrait
se résumer comme suit :
● si la taille est inférieure à 2 cm : le risque de cancer est
faible mais dans un cas sur deux la lésion pourrait être
potentiellement maligne, ce qui implique une surveillance
morphologique régulière et une intervention chirurgicale (quand elle est possible).
● si la taille de la lésion est d’emblée supérieure à 2 cm et
que le patient est jeune, la résection est recommandée.
Dans les autres cas, l’écho-endoscopie, éventuellement
associée à l’analyse du liquide kystique (dosage de la mucine
et de l’ACE notamment),devrait permettre de trancher.Un
aspect évocateur de cystadénome séreux, l’absence de
mucine et un taux faible d’ACE dans le liquide de ponction,
incitent à une surveillance simple. En revanche, des images
écho-endoscopiques équivoques et/ou des taux de mucine
ou d’ACE intra-kystiques élevés indiquent plutôt la résection.
En définitive, ce travail a le grand mérite de clarifier la
conduite à tenir vis-à-vis des lésions kystiques du pancréas
dans leur globalité et concernant celles qui sont de
découverte fortuite à inciter les praticiens à la plus grande
vigilance afin de ne pas méconnaître une atteinte maligne.
12
Revue de presse... Revue de presse... Revue de presse...
Les résultats sont « dérangeants » à plus d’un titre : en examinant
782 malades suivis pendant 2 à 3 ans dans 29 hôpitaux, il
s’avère que la survie des malades traités dans les hôpitaux
les plus « experts » (ceux dont le volume de malades atteints
de cancer pancréatique était le plus élevé) était significativement plus longue que celle des malades pris en charge dans
les autres hôpitaux.
En revanche, cette corrélation n’était pas établie pour l’expertise médicale, même si celle-ci était liée, fort logiquement,
à celle de l’hôpital dans lequel le médecin exerçait.
D’autre part, on constatait une tendance à plus d’interventionnisme médical (examen anatomo-pathologique, résection
et prothèse biliaire) dans les hôpitaux considérés comme
experts par rapport aux autres. De là à y voir une explication
à la plus longue survie des malades traités dans ces hôpitaux
experts, il n’y a qu’un pas que les auteurs ne… franchissent pas.
Cependant, leur conclusion est sans ambiguité : en cas de
cancer du pancréas (quel qu’en soit le stade) mieux vaut se faire
soigner dans un centre spécialisé !
Une bonne partie de la discussion de ce travail a consisté à justifier sa méthodologie, effectivement très sujette à caution,
tant les biais (pour une large part reconnus par les auteurs
eux-mêmes) étaient multiples : nombreuses informations
absentes du dossier médical, seuil arbitraire entre hôpitaux
experts ou non, probable sur représentation de malades potentiellement curables dans les centres référents, absence de prise
en compte de la qualité de vie, etc …
Chacun jugera si à la lumière de ces… zones d’ombres, il est
capable de se faire une opinion tranchée !
MO Bachmann, D Alderson, TJ Peters and al
Br J Sur 2003 ; 90 : 171-7
Echo-endoscopie normale :
CPRE ou non ?
Influence de l’expertise dans la prise en
charge et le devenir des malades
atteints de cancer du pancréas
Le but de cette étude conduite dans des hôpitaux anglais et
gallois a été de déterminer dans quelle mesure la prise en
charge de malades atteints de cancer du pancréas et leur devenir étaient influencés par l’expertise de l’hôpital et/ou du
médecin qui les avaient soignés. Celle-ci était évaluée en
termes de volume de malades traités.
En présence de signes évocateurs de lithiase de la voie biliaire
principale (LVBP), la normalité de l’écho-endoscopie est-elle
suffisante pour se dispenser d’une cholangiographie endoscopique ?
Afin de répondre à cette question de pratique courante, l’équipe
lyonnaise a mené une étude prospective d’1 an comprenant
238 malades.
Durant le suivi, 59 malades (25 %) ont eu une cholécystectomie avec (n = 31) ou sans (n = 28) cholangiographie per-opératoire et 30 (13 %) ont eu une CPRE, dont la moitié a été
effectuée dans la première semaine suivant l’écho-endoscopie, en raison d’un haut risque de LVBP. La plupart (n=10) des
14 calculs cholédociens mis en évidence l’ont été à cette occasion.
La valeur prédictive négative de l’écho-endoscopie s’établissait à 95,4 %, ce qui était considéré par les auteurs comme un
taux élevé.
De ce fait, en cas de suspicion de LVBP, le risque de
13
Revue de presse... Revue de presse... Revue de presse...
méconnaître un calcul alors que l’écho-endoscopie est normale,
paraît très faible et rejoint celui rapporté dans d’autres études.
En définitive, concluent les auteurs, la stratégie diagnostique
adéquate en présence d’une suspicion de LVBP, pourrait être
la suivante :
- en cas de risque moyen ou intermédiaire (épisode d’angiocholite ou de pancréatite, perturbations du bilan hépatique,
dilatation modérée de le VBP), l’écho-endoscopie est proposée en première intention (ou la bili-IRM si le malade a une
anastomose gastro-jéjunale, une sténose digestive ou un
âge avancé) ;
- la CPRE (associée à une sphinctérotomie) pourrait être réservée aux malades à haut risque de calcul (en cas d’ictère ou
de dilatation importante de la VBP) ou, a fortiori, en cas de
calcul cholédocien connu.
B. Napoléon, J. Dumortier, O. Keriven Souquet et al.
Endoscopy 2003 ; 35 : 411-5
« L'insoutenable légèreté de l’être » de
la scanographie dans la pancréatite
aiguë
En examinant de façon rétrospective (Octobre 1999-Octobre
2001), 108 malades admis dans un hôpital universitaire pour
pancréatite aiguë dont 58 (soit 54 %) ont eu un examen tomodensitométrique, il s’avère qu’il n’y avait pas de différence
significative en termes de sévérité de la maladie entre les
malades ayant eu cet examen et ceux qui en avaient été « privés ». A signaler également que ces derniers quittaient l’hôpital 3 jours avant « les bénéficiaires » de la scanographie. De
plus, les scanographies jugées appropriées étaient le plus souvent prescrites par des gastroentérologues plutôt que par des
urgentistes. Le caractère approprié d’une scanographie était
défini par les critères suivants :
• existence d’un doute chimique quant au diagnostic de pancréatite aiguë ;
• situation clinique sévère à savoir distension abdominale,
contracture, fièvre, hyperleucocytose ;
• absence d’amélioration 72 heures après le début d’un traitement médical symptomatique ;
• aggravation clinique après une phase d’amélioration, dénotant d’une possible complication ;
• suspicion de malignité à l’échographie nécessitant une confirmation tomodensitométrique.
Les auteurs considèrent que les coûts indirects et directs (sans
bénéfice médical) générés par une prescription systématique
d’une scanographie en cas de pancréatite aiguë ne se justifient
pas et devraient inciter selon eux à revenir aux règles de prescriptions énumérées ci-dessus. Néanmoins, celles-ci, définies
par Balthazar et al en 1994, peuvent paraître un peu anciennes
et d’autre part le 5ème critère (la suspicion de malignité à l’échographie) est souvent difficile à préciser en raison des difficultés techniques de l’échographie dans l’exploration complète
du pancréas. A cet égard, une suivi prolongé des malades
après leur hospitalisation aurait sans doute été intéressant.
Enfin, l’effectif étudié (58 malades dans un groupe et 50 dans
l’autre) paraît un peu faible pour autoriser une conclusion définitive.
Néanmoins, à ces réserves près, il est effectivement utile de
se poser la question d’une scanographie systématique en cas
de pancréatite aiguë, dans la mesure où près de 85 % de
malades qui en sont atteints ont une forme modérée et non
compliquée de la maladie.
Affaire à suivre.
F. Fleszer, F. Frieddenberg, B. Krevsky et al.
Am J Med Sci 2003 ; 325 : 251-5
Moindre sévérité de la pancréatite aiguë
lithiasique en présence d’un pancréas
divisum
Il paraît logique de considérer que la pancréatite aiguë lithiasique puisse être moins sévère en présence d’un pancréas divisum dans la mesure où, dans ce cas, la sécrétion pancréatique
reste possible par la papille accessoire tandis que la papille
principale est obstruée par un calcul. Néanmoins, cette hypothèse n’avait pas encore été vérifiée.
Dans une étude rétrospective ayant concerné 13 malades avec
pancréatite aiguë et pancréas divisum et 39 malades également
atteints de pancréatite aiguë mais indemnes de pancréas divisum, constituant le groupe contrôle, un recueil des valeurs de
l’amylase, lipase, CRP et leucocytes avant la sphinctérotomie
endoscopique (effectuée chez tous les malades) ainsi qu’une
appréciation de la sévérité de la pancréatite sur la base de la CRP,
du score de Ranson, de la scanographie, de la nécessité de
soins intensifs, de la présence ou non d’une nécrose, de la
durée d’hospitalisation et enfin de la mortalité, ont permis de
comparer les 2 groupes.
Il s’avèrait que chez les malades avec pancréas divisum le score
de sévérité tomodensitométrique était significativement moins
élevé. De même, le temps d’hospitalisation était plus court et
la mortalité moindre (aucun décès dans ce groupe vs 4 décès
parmi les 39 malades de l’autre groupe). Pour les autres paramètres étudiés la différence n’était pas significative mais il existait une tendance vers des valeurs biologiques et un score de
Ranson moins élevés en cas de pancréas divisum.
Ces résultats confirment le caractère « protecteur » du pancréas divisum en présence d’une pancréatite aiguë. Même si
la prise en charge doit rester la même (d’autant que la pancréatite
aiguë peut être sévère quand il existe un pancréas divisum), la
connaissance de ce nouveau facteur pronostique pourrait avoir
une influence en termes de décisions thérapeutiques, notamment vis-à-vis de la sphinctérotomie endoscopique qui serait
- suggèrent les auteurs (sans le prouver) – moins nécessaire dans
ce cas.
N. Boon, M. Delhaye, O. Lemoine et al.Endoscopy 2003 ; 35 : 407-10
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Histoire naturelle de la pancréatite et
mutations du gène CFTR
L’implication des mutations du gène CFTR (celui de la mucoviscidose) est de plus en plus rapportée dans les cas de pancréatites chroniques idiopathiques.
Une équipe italienne a cherché ces mutations (au nombre de
18 connues à l’heure actuelle) parmi 99 patients dont 45
étaient atteints de pancréatite chronique idiopathique et 54 de
pancréatites aiguës itératives et inexpliquées.
Une ou plusieurs mutations étaient trouvées chez 14 patients
dont 3 avaient une authentique mucoviscidose. Tous ces
patients avaient un long passé de poussées récidivantes avec
un intervalle précédant le diagnostic de pancréatite chronique
plus long que dans le cas de pancréatites chroniques idiopathiques sans mutation CFTR (7,4 ans vs 2,1 ans). Par ailleurs,
le diabète et/ou la stéatorrhée évocateurs d’une insuffisance
endocrine ou exocrine étaient plutôt rares ou tardifs chez les
patients présentant une ou des mutations du gène CFTR. Il en
était de même concernant l’apparition de calcifications pancréatiques.
Ainsi, pour les auteurs, ces pancréatites semblent d’évolution
plus lente que les atteintes « classiques ». D’autre part il a été
constaté chez 2 de ces patients une dilatation importante du
canal de Wirsung qui a été rapportée, à tort, à une tumeur mucineuse papillaire pancréatique.
De ce fait, chez un patient plutôt jeune souffrant de pancréatites récidivantes inexpliquées, la constatation d’une dilatation canalaire doit conduire à la recherche d’une mutation du
gène CFTR avant toute chirurgie.
De façon plus générale, cette recherche devrait être systématisée en présence d’une pancréatite chronique considérée
jusque là comme idiopathique et dans le cas de poussées
aiguës itératives inexpliquées. En pratique, il faudra attendre
la « démocratisation » d’une telle recherche avant de l’inclure
dans le bilan étiologique courant, mais dans certaines situations
(par exemple pour le diagnostic différentiel avec une TIPMP)
y penser devrait permettre d’éviter des actes chirurgicaux
abusifs.
Un total de 75 patients, dont 58 étaient atteints de
tumeurs kystiques (toutes confirmées histologiquement)
et 17 de pseudokystes (6 diagnostics obtenus après
chirurgie et 11 à la lumière de l’évolution) ont été étudiés.
En analyse multivariée, les modifications parenchymateuses
pancréatiques étaient significativement associées aux PK tandis que l’existence de cloisons et/ou de nodules pariétaux
intrakystiques étaient évocateurs de tumeurs kystiques. Dans
ce groupe de lésions, l’aspect alvéolaire orientait vers le CS alors
que les nodules pariétaux étaient significativement associés aux
CM. Les auteurs n’ont pas trouvé de facteurs prédictifs de
malignité en écho-endoscopie s’agissant des TIPMP, mais l’effectif était trop faible (n=28) pour que les différences constatées atteignent le seuil de significativité. Néanmoins,
conformément aux résultats de la littérature, on constate
qu’une dilatation du canal pancréatique principal supérieure à
5 mm était plus souvent objectivée en cas de lésion maligne
par rapport à une lésion bénigne (63 % vs 25 %). Il en était de
même concernant la taille du kyste (> 4 cm) avec 33 % de
lésions malignes et 8 % de TIPMP bénignes dans ce cas. En
revanche et contrairement à d’autres résultats, la présence et
la taille des nodules pariétaux ne paraissent pas discriminantes
dans ce travail.
En définitive, l’EES paraît un bon examen d’orientation pour faire
la part entre PK et tumeurs kystiques et également entre CS
et CM même si cet examen ne peut à lui seul suffire (la clinique,
les autres examens morphologiques, ainsi que la ponction et
analyse du liquide kystique, sont également importants). Dans
le diagnostic de malignité de TIPMP, les résultats de cette
étude sont plus contrastés. Cependant, dans cette indication,
la capacité du patient à subir une résection pancréatique constitue souvent l’élément déterminant (sauf en cas de lésions
localisées au niveau des canaux secondaires où la TIPMP est
alors presque toujours bénigne) pour décider ou non de la
chirurgie.
M.H. Song, S.K. Lee, M.H. Kim et al.
Gastrointest Endosc 2003 ; 57 : 891-6
L. Frulloni, C. Castellani, P. Bovo et al.
Digestive and Liver Disease 2003 ; 35 : 179-85
Revue de presse réalisée par Hakim Bécheur
Pancréascopie Journal réalisé à l’initiative de Solvay Pharma
Editeur : Ektopic
n° d’ISSN : 1265-4043
Directeur de la publication : J.-P. Yaher
Maquette : C. Huzer - E. Pasquier
Rédacteur en chef : Pr Ph. Lévy
Imprimeur :Typoform
Echo-endoscopie et lésions kystiques
du pancréas
Le diagnostic de lésions kystiques du pancréas est souvent difficile. Les auteurs coréens de ce travail ont cherché à cerner la
place de l’écho-endoscopie (EES) dans le diagnostic différentiel entre pseudokystes (PK) et tumeurs kystiques, cystadénome séreux (CS) et mucineux (CM), malignité ou non dans
les tumeurs intracanalaires papillaires mucineuses du pancréas
(TIPMP).
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