Interview
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être dosé car le dosage de l’amylasé-
mie ne doit plus être fait en général et
a fortiori chez un malade asympto-
matique.
Le dosage du trypsinogène 2 par ban-
delettes urinaires a l’intérêt de la rapi-
dité d’obtention des résultats (dosage
semi-quantitatif). C’est très certaine-
ment le test enzymatique qui a la
meilleure valeur prédictive négative
pour exclure le diagnostic de PA. Lors-
qu’il est négatif, il permet d’éliminer le
diagnostic de PA et d’éviter tous les
autres examens.
Les autres dosages enzymatiques ne
sont pas supérieurs aux dosages de
la lipase.
Pancréascopie :A partir de quel
seuil faut-il s'inquiéter ?
Pr J.P. Bernard : Le seuil optimal d’in-
terprétation d’une élévation des
enzymes se situe au-dessus de trois
fois la limite supérieure de la valeur
normale. Au-dessous de ce seuil, le
dosage perd beaucoup en spécificité.
Il faut avoir à l’esprit que les dosages
doivent être réalisés dans les 48 pre-
mières heures suivant l’apparition des
symptômes. Lorsque les valeurs sont
au-dessous de ce seuil, on peut répè-
terépéter les dosages si les symp-
tômes le justifient. Si l’on observe une
élévation franche de ces enzymes
après quelques heures,ceci a valeur de
test de confirmation. En revanche, une
diminution du taux d’enzymes doit
faire reconsidérer le diagnostic, sur-
tout lorsque les examens d’imagerie
ne montrent aucune anomalie au
niveau pancréatique.
Pancréascopie : Que pensez vous
du dosage urinaire en bandelette
du peptide d'activation du tryp-
sinogène ?
Pr J.P. Bernard :Ce dosage est poten-
tiellement intéressant pour établir un
score de gravité biologique spécifique
du pancréas.Aujourd’hui, c’est le seul
test qui remplit cette fonction. Cepen-
dant, il permet de discriminer les
formes sévères de PA, mais ne fait pas
la différence entre les témoins et les
PA peu sévères, ce qui en limite l’in-
térêt pratique.Au total il n’est spéci-
fique que pour le diagnostic des PA
graves d’emblée. Il n’existe pas encore
de valeur seuil.
Pancréascopie : Quelle conduite
à tenir lorsque les enzymes ont
été dosées en dehors du contexte
d'une pancréatite aiguë et
qu'elles sont modérément éle-
vées (2-3 N) ?
Pr J.P. Bernard : Cette situation ne
devrait plus exister car elle génère
des dépenses inconsidérées, des
consultations et des examens com-
plémentaires inutiles et beaucoup d’in-
quiétude. Si malgré tout ce dosage est
fait et qu’il concerne l’amylasémie, il
faut tout d’abord éliminer le diagnos-
tic d’une macro-amylasémie, sans signi-
fication.
Il faut également rappeler que contrai-
rement à ce qui est fait pour le foie,
il n’est pas licite de doser les enzymes
pancréatiques chez un malade sans
symptôme qui reçoit un médicament
potentiellement pancréatotoxique.
Rappelons-le encore, les enzymes pan-
créatiques ne doivent être dosées que
devant des symptômes évocateurs de
pancréatite. La présence d’une éléva-
tion asymptomatique de la lipasémie
n’a pas la valeur d’une élévation des
transaminases. Cette dernière est
généralement le reflet d’une cytolyse
hépatique. Certains médicaments pan-
créatotoxiques peuvent n’entraîner
que des anomalies biologiques, sans
symptôme dont la signification patho-
génique est inconnue mais sans aucun
doute faible ou nulle. Si la PA n’a pas
de manifestation clinique, on est auto-
risé à poursuivre le traitement et une
surveillance régulière des enzymes
pancréatiques est inutile.
Pancréascopie :Pouvez vous nous
dire un mot de l'étude italienne
rapportant des cas d’« élévation
chronique non pathologique de
l'amylase sérique » ?
Pr J.P. Bernard : Cette étude reflète
l’inflation d’examens supplémentaires
induits par un dosage inapproprié des
enzymes pancréatiques, singulièrement
l’amylasémie. Cette hyperamylasémie
chronique, bénigne d’origine
pancréatique est idiopathique. Ce dia-
gnostic est un diagnostic d’élimina-
tion après :avoir éliminé une atteinte
pancréatique par des examens mor-
phologiques ; ou une macro-amylasé-
mie.
Cette entité a été caractérisée par
une étude italienne (Gastroentero-
logy 1996 ; 110 : 1905-8) qui a mon-
tré chez 18 patients ayant une
élévation chronique de l’amylase et
de la lipase sériques, que cette ano-
malie chronique n’était pas en rap-
port avec une affection caractérisée
notamment sur le plan morpholo-
gique. En effet,les 18 patients ont été
suivis pendant une période de 8 ans,
période pendant laquelle aucune mala-
die n’est apparue et aucune anomalie
morphologique du pancréas n’a été
mise en évidence par l’échographie
et la scanographie.
A l’issue de cette période de suivi,
une exploration fonctionnelle du pan-
créas a été réalisée et n’a montré
aucune insuffisance pancréatique fonc-
tionnelle. Les auteurs en ont déduit
qu’il s’agissait d’une anomalie consti-
tutionnelle de la sécrétion des
enzymes pancréatiques, avec un relar-
gage minime des enzymes pancréa-
tiques dans la circulation sanguine.
Ce diagnostic n’est à évoquer que
lorsque toutes les autres causes d’at-
teinte pancréatique ont été éliminées
et parfois en présence de plusieurs
cas dans la même famille.
Propos recueillis par Le Dr C. Mura
EN PRATIQUE
● Seul le dosage de la lipasémie est
recommandé.
● Il ne doit être demandé qu’en
cas de symptômes évoquant une
pancréatite aiguë.