
Prise en charge de la crise suicidaire S131
tionnalité, (3) éléments d’impulsivité, (4) éventuel élément
précipitant, (5) présence de moyens létaux à disposition et
(6) qualité de soutien de l’entourage proche. Lorsqu’il
repère des signes de crise suicidaire, le médecin ne doit pas
hésiter à questionner le patient sur ses idées de suicide,
dans un climat de confi ance, sans émettre de jugements de
valeurs. L’évaluation de l’accès aux moyens létaux est pri-
mordiale dans le cadre de l’évaluation de la dangerosité.
L’intervenant doit poser des questions précises.
3. Évaluer le(s) facteur(s) précipitant(s) survenu(s)
souvent les semaines avant la crise et ayant pu engendrer
une réaction en chaîne. Il est important de distinguer le
type de crise :
la crise de nature – psychosociale où l’intervention est cen-
trée sur l’expression de la souffrance, la restructuration
cognitive et le développement de stratégies de résolution
des problèmes : ceci peut être assurée par des interve-
nants para professionnels, bien formés ayant une supervi-
sion clinique [14] ;
la crise de nature – psychiatrique dans laquelle l’option
thérapeutique est de structurer la personne et de l’orien-
ter vers les professionnels de la santé mentale. Le traite-
ment du trouble psychiatrique reste le moyen le plus
effi cace de prévention des conduites suicidaires : le
lithium semble avoir un effet anti suicide chez les bipolai-
res, indépendant de son effet thymorégulateur [13] et la
thérapie comportementale dialectique de Linehan [12] a
montré une diminution des incidences suicidaires chez
des sujets borderline.
4. Encourager l’exploration et l’expression des émo-
tions afi n de diminuer le sentiment de détresse.
5. Reformuler la crise : l’intervenant tente d’expliquer
au consultant de façon compréhensible sa perception de ce
qui lui arrive en identifi ant les facteurs précipitants et pro-
pose une stratégie d’action, tout en intégrant les limites de
la personne suicidaire. Cela peut avoir une forte valeur de
soutien : « ce médecin s’engage, m’a compris et connaît
ces situations ».
6. Briser l’isolement, soutenir la famille et les proches,
et mettre en place un réseau social structurant. Il est utile
de rencontrer les proches avec le patient et d’aborder le
risque suicidaire. Cette mise à plat peut ainsi sceller « le
contrat de surveillance ».
7. Arrêter le processus auto-destructeur et établir une
entente avec la personne suicidaire afi n d’assurer un suivi
à court ou moyen terme : la règle devrait être d’orienter
la personne suicidaire vers un professionnel de la santé
mentale.
Le comportement suicidaire représente un motif
fréquent d’admission dans un service d’urgence [22].
L’hospitalisation s’impose lorsque l’absence de surveillance
est un risque. La présence d’idées suicidaires, un diagnostic
d’épisode dépressif sévère, une schizophrénie délirante, un
événement de vie stressant récent, une pathologie addic-
tive, un isolement incitera plutôt à hospitaliser. À l’inverse,
des patients demandeurs d’aide, au suivi régulier et bien
investi avec leur médecin traitant, un suivi psychiatrique
de qualité permet parfois de surseoir à l’hospitalisation.
Le suivi après la crise suicidaire : 10 à 20 % des suici-
dants récidivent à un an. Il convient de proposer un suivi
dans tous les cas. Le rôle préventif des contacts par télé-
phone permet de réduire l’inobservance des soins propo-
sés [11]. Bridge à partir de son expérience personnelle de
patient bipolaire, a développé une stratégie de lutte contre
les pensées suicidaires [5].
Conclusion
En pratique, il existe plusieurs types d’intervention utilisés
par des professionnels et paraprofessionnels qui concourent
à réduire le risque suicidaire. L’intervention de crise doit
être intensive, rapide et précoce. L’évaluation du potentiel
suicidaire est le premier temps indispensable. La prise en
charge de la crise pourrait permettre une diminution du
risque de passage à l’acte à court, moyen et long terme.
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