Lettre d’information de l’Office des eaux et des déchets Thème central édition no 4 / 2015 Nouvelle carte au géoportail Carte du toit du rocher dans le géoportail La carte du toit du rocherformation dans la nature La carte du toit du rocher est un modèle numérique du terrain du rocher. Le modèle numérique de la surface du terrain et de la partie supérieure du rocher fusionnent là où le rocher émerge à la surface de la terre ou n’est recouvert que par une zone réduite de roche altérée. C’est le cas qui se présente à maints endroits dans les Alpes et le Jura. Les isohypses de la surface du terrain peuvent alors servir également à la représentation du relief de la partie supérieure du rocher. Mais là où les deux reliefs se détachent parce que l’altération de la roche est profonde ou parce que le rocher est recouvert de roches meubles quaternaires, nous sommes tributaires de sondages pour suivre le parcours souterrain du toit du rocher. Pour les effectuer, il nous faut tout d’abord faire la distinction entre rocher et roches meubles. Les dépôts sédimentaires se transforment en rocher lorsque les zones poreuses entre les particules sont comblées par un liant cristallisé. Les galets d’une gravière sont un exemple de roche meuble, en revanche, le poudingue que l’on trouve au Guggershörnli et sous les collines de l’Emmental ainsi que le grès utilisé pour les monuments de la vieille ville de Berne sont des rochers. totalement effacées par les suivantes. C’est sur le rocher que les périodes de glaciation ont eu les effets les plus marqués. Lorsqu’il affleurait à nu, il s’est alors érodé et effrité sous l’influence du gel. L’érosion la plus importante s’est faite sous l’action du glacier, qui a poli pendant des centaines, voire des milliers d’années la roche nue et dont les eaux de fonte abrasives et chargées de sable se sont frayé un chemin vers le lit du glacier entre la glace et la roche. La pression hydrostatique élevée du glacier renforçait la puissance d’érosion des courants d’eau de fonte. Il ne faut pas croire que le talweg des eaux de fonte est toujours descendant comme on pourrait le déduire de l’observation de nos cours d’eau: il suit plutôt un enchaînement de cuvettes et de seuils. On peut observer des exemples de l’énorme puissance d’érosion des cours d’eau de fonte sous les glaciers (qui ont entretemps reculé) sur des sites d’excursion bien connus dans l’Oberland, comme les gorges du glacier de Rosenlaui et de Grindelwald, les chutes du Trümmelbach dans la vallée de Lauterbrunnen, les gorges de l’Aar derrière Meiringen, ou encore celles de Choleren près d’Adelboden. Or une longue période les sépare. La molasse d’eau douce supérieure représente la plus récente formation rocheuse dans le canton de Berne. Elle s’est accumulée entre 17 et environ 5 millions d’années avant notre ère, devant la chaîne alpine, dans un bassin qui a joué le rôle de piège à sédiments et accueilli les débris de l’érosion des Alpes. Par la suite, un soulèvement important des Alpes et du Mittelland a délogé les éléments rocheux qui venaient de s’y déposer. Le réseau hydrographique a dû s’adapter à son tour à la surrection et aux déplacements du sous-sol. L’Aar préhistorique formait autrefois un large arc vers l’ouest et s’écoulait en direction du Sud de la France et, de l’autre côté, le Rhin était un affluent du Danube et de la mer Noire. Ce n’est qu’au fil du temps que se sont formées les lignes de partage des eaux et les bassins versants d’aujourd’hui. Lorsqu’un refroidissement global est survenu il y a 2,5 millions d’années environ, de nouvelles forces sont entrées en jeu. Avec la détérioration progressive du climat, les premiers glaciers de hautes montagnes ont avancé vers l’avant-pays, puis ont reculé à nouveau avec l’alternance de périodes froides et chaudes. Ce rythme s’est intensifié il y a environ 800 000 ans, mais l’on ignore à quelle fréquence. Les traces de périodes glaciaires plus anciennes ont été en partie ou Gorges de Choleren, Adelboden Témoin des forces érosives de l’eau sous un glacier Adelboden Tourismus Lors du retrait des masses glaciaires, les bassins et gorges rabotés par le glacier se sont remplis de débris d’éboulement charriés puis déplacés par les eaux de fonte. Ces processus sont encore à l’œuvre aujourd’hui: les dépôts de sédiments des ruisseaux et des rivières, les glissements de terrain et 1 les laves torrentielles faisant suite à de fortes précipitations font de nous des témoins de la manière dont les déséquilibres hérités sont constamment réparés et comblés dans les formes du relief. Jusqu’ici, les très grandes et profondes cuvettes défient certes le comblement et forment des lacs qui embellissent nos paysages. Les crevasses et affouillements les plus importants ont été formés par le glacier de l’Aar sur l’axe reliant le lac de Brienz à celui de Thoune. Certes, on n’en connaît pas la profondeur exacte puisque les terrains meubles des bassins n’ont pas été forés dans leur épaisseur totale à l’heure actuelle, mais les méthodes d’exploration géophysique indiquent que l’assise rocheuse se trouve au-dessous du niveau de la mer. La somme de l’ensemble des actions des cinq derniers millions d’années est réunie dans notre carte du toit du rocher, mais il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une image virtuelle. Il n’y a jamais eu d’état de mise à nu totale avant que ne commence le recouvrement par des terrains meubles. L’érosion et la sédimentation se sont déroulées simultanément, mais pas aux mêmes endroits. Le relief du rocher naissance sur écran Dans l’établissement de la carte du toit du rocher, chaque étape a produit des couches thématiques particulières, qui ont pu être reprises directement. Leur superposition donne à cette carte son aspect final. Les différentes couches ont été formatées à l’aide de trames, de lignes et de points. Le thème principal – le toit du rocher – est représenté par une trame. Comme pour une carte topographique, un estompage du relief lui confère une apparence plastique tridimensionnelle. Les lignes représentent les courbes de niveau de la surface du rocher (isohypses du rocher). Elles favorisent la représentation tridimensionnelle et, lorsqu’elles comportent des inscriptions, elles assurent une meilleure lisibilité de la trame sous-jacente. Tout en haut de la carte, nous avons projeté les sondages utilisés sous forme de points et nous avons également joint le profil de plus de 12 000 forages au format PDF. Pour produire la carte, les niveaux thématiques ont été traités dans l’ordre inverse de la superposition: Les sondages ont d’abord été préparés sous forme de base de données. Dans la plupart des cas, il s’agit de profils de forage que nous avons rassemblés et numérisés dans le service de documentation hydrogéologique. Lorsqu’un forage a atteint le rocher, il fournit alors un point défini en trois dimensions par les coordonnées x, y et z. Pour les forages qui n’ont pas atteint le rocher, on ne dispose, pour la dimension de la profondeur, que de l’intitulé «cote du rocher plus profonde que z» (où z = profondeur finale du forage), mais cette information peut elle aussi être utilisée. Sur la carte, on distingue ces deux cas par des couleurs différentes: les points rouges représentent les forages avec cote du rocher, et les blancs, ceux qui n’ont pas atteint le rocher. Dans une première étape de travail, nous avons généré les lignes des isohypses du rocher espacées de 10 mètres. Les cotes de rocher ou les profondeurs finales des forages ont été utilisées comme repères pour le tracé de la ligne. Vu les résultats décevants de la phase pilote, nous avons renoncé Echantillon d’un forage carotté. Longeur du caisson deux mètres, toit du rocher à trente-cinq centimètres. Werner + Partner, Burgdorf à l’interpolation automatique des lignes entre les points. A la place, nous avons édité manuellement les isohypses du rocher. Dans les régions à faible couche de couverture, les isohypses du rocher ne sont pas très éloignées des lignes d’altitude de la surface du terrain. Aux endroits où l’épaisseur de la couche de couverture devient importante, mais où l’on ne dispose pas de résultats de forage, il faut s’attendre à de grands écarts entre le toit du rocher réel et notre modèle d’interprétation. Si la première étape consistant à produire les isohypses du rocher a représenté une charge de travail importante, l’étape suivante, permettant de générer la trame du toit du rocher, a été beaucoup moins laborieuse. Un outil standard de traitement des données dans les systèmes d’information géographique (SIG) a permis de calculer cette surface, qui vient épouser les isohypses du rocher. Nous avons généré un quadrillage de 10 x 10 mètres, ce qui représente 10 000 cellules par kilomètre carré. Chaque cellule contient une valeur pour l’altitude moyenne de la surface du rocher (m au-dessus du niveau de la mer). Ces données et une simple soustraction, à savoir «modèle numérique de la surface de terrain moins cote du rocher», nous ont permis de calculer l’épaisseur de la couche de couverture. Ce niveau thématique est également représenté sous forme de trame. La fourchette de valeur des épaisseurs de la couche de couverture est très large et s’étend de 0 à 600 mètres, ce qui exigeait une préparation cartographique à l’aide de catégories de différentes couleurs. Nous avons sélectionné les limites de catégories de manière à obtenir une meilleure résolution pour les couches de couverture peu épaisses, qui représentent le cas le plus fréquent. Les déblais d’un forage destructif sont prélevés au rythme de l’abaissement (tous les deux mètres). C’est alors la tâche délicate du géologue d’en déduire un profil en continu. Baustofflabor, Uetendorf L’ensemble de ce travail ne pouvait être réalisé avec les ressources en personnel limitées de l’administration cantonale. Le traitement des données initiales fournies par nos soins a été effectué à l’Institut de géologie de l’Université de Berne. 2 L’Assurance immobilière Berne a soutenu le projet de carte du toit du rocher par une généreuse contribution de parrainage. Nous tenons à adresser tous nos remerciements à ces deux institutions. Participent également au projet tous ceux qui nous aident à constituer la base de données géologique en nous indiquant leurs projets de forage et en mettant à notre disposition les profils et les rapports une fois ces forages menés à bien. Il nous manque probablement encore trop de données pertinentes pour améliorer cette carte du toit du rocher d’une part, mais aussi la carte des eaux souterraines d’autre part. Nous aurons atteint un objectif important si nous parvenons, par cette contribution technique, à convaincre notre lectorat de l’intérêt de la collaboration avec le service de documentation hydrogéologique. La carte du relief du rocher conseils d’utilisation La carte du toit du rocher est une carte prévisionnelle comportant de nombreuses incertitudes. Si elle permet de lire des résultats au mètre près, ils ne doivent pas être utilisés à titre de valeurs nominales, mais de valeurs indicatives. Leur fiabilité peut se résumer par une formule simple: plus le nombre de sondages disponibles est important et moins la couche de couverture est épaisse, plus l’affirmation relative à la situation de la surface du rocher sera fiable. Les principales sources d’erreurs sont les suivantes: • le dessin manuel des isohypses du rocher ne peut souvent se baser que sur un nombre très limité de points et permet différentes représentations; • des surfaces rocheuses érodées en profondeur compliquent le tracé de la frontière entre roches meubles et rocher; • en cas de forages destructifs (norme pour les sondes géothermiques), le profil de forage doit être enregistré à l’aide de déblais de forage; la délimitation entre roches meubles et rocher est alors souvent difficile; • l’imprécision des coordonnées du site et des cotes de terrain fausse le toit du rocher; • en cas de déplacements de masses tels que des glissements de terrain, des tassements ou des éboulements, la délimitation roches meubles/rocher est particulièrement incertaine. Dans ces cas-là, nous avons généralement pris des cotes de rocher proches de la surface. Cette dernière incertitude concerne tout d’abord le paysage alpin, où peu de profils de forage sont disponibles. Nous avons donc restreint la représentation du toit du rocher de l’Oberland bernois aux vallées principales fortement peuplées, mais traitons en revanche l’ensemble du territoire du Mittelland et du Jura bernois. La carte du toit du rocher couvre ainsi 61 pour cent de la superficie du canton. Dans les cinq mois et demi qui ont suivi la publication de la première version de la carte du toit du rocher dans le géoportail du canton de Berne, 192 nouveaux forages ont été réalisés dans la roche, permettant une comparaison avec la modélisation du toit du rocher. La répartition entre les trois catégories «rocher moins profond que prévu», «rocher plus profond que prévu» et «prévision exacte» est équilibrée; il faut souligner que nous avons défini une tolérance particu01.10.2015 lièrement faible de ± deux mètres pour la catégorie «prévision exacte». 34 % 32 % moins profond (10.8/12.3/79) plus profond (10.6/11.5/69) exact (± 2) 34 % Diagramme d’évaluation concernant 192 forages avec cotes du rocher. Entre parenthèses, mesurés en mètre: valeur moyenne de l’écart par rapport à la valeur prévue de la carte du toit du rocher / écart-type / plus grande valeur aberrante de la catégorie. La carte du toit du rocher peut rendre de grands services dans différents domaines : elle livre des indications sur le sol pour les fondations de bâtiments et d’infrastructures dans le domaine des travaux publics. Pour l’évaluation de la sécurité sismique des bâtiments et des ouvrages d’art, il est également important de connaître l’épaisseur de la couche de couverture et sa composition. Elle facilite également l’évaluation et l’exploitation des réserves pour les carrières et les gravières. Les forages pour les sondes géothermiques sont quant à eux plus simples à planifier et permettent au chauffagiste de mieux adapter l’installation aux besoins en énergie. La carte du toit du rocher pose enfin à la recherche scientifique la question des processus d’érosion et du remblai des ravines. Cette carte complète l’offre actuelle de notre base de données géologique. Grâce à sa présentation sous forme de trame, elle va encore plus loin et ouvre la voie aux évaluations tridimensionnelles, qui présentent encore un grand potentiel inexploité. Carte dans le géoportail Christian Isenschmid Service de documentation hydrogéologique Office des eaux et des déchets 3