Droit de l`environnement

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Droit de l’environnement
Printemps 2005
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l.
La police verte! Que faire?
Par Marie-Claude Bellemare
Le 14 décembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté le projet de Loi 44 qui modifie la Loi sur la
qualité de l’environnement 1 (« LQE »). Cette loi permet notamment au gouvernement du Québec
d’adopter un règlement afin de percevoir, auprès des titulaires d’autorisation, des frais exigibles destinés
à couvrir les coûts engendrés par les mesures de surveillance et de contrôle, dont les inspections et les
enquêtes. Soulignons que le projet de loi 44 a déjà fait l’objet d’une analyse dans l’édition Été 2004 de
notre bulletin2.
Cette loi s’inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie du ministre du Développement durable, de
l’Environnement et des Parcs du Québec selon laquelle le recours aux mesures coercitives sera privilégié
pour assurer le respect des lois environnementales québécoises3. À cet égard, le ministre souhaite
embaucher de nouveaux inspecteurs afin de doubler le nombre d’inspections agricoles et industrielles
d’ici 2007 et ainsi porter le nombre de celles-ci à 30 000. Il souhaite aussi reconstituer une équipe
d’avocats spécialisés se consacrant exclusivement aux poursuites judiciaires en matière d’infractions
environnementales4.
Les nouvelles orientations du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du
Québec (« MENV ») peuvent avoir de nombreuses conséquences, telles que l’augmentation du nombre
d’inspections et d’enquêtes, desquelles peuvent résulter une augmentation du nombre de poursuites ou
de mesures coercitives, comme l’émission d’ordonnances ministérielles. Cet article a donc pour but de
vous faire part de divers conseils pour une gestion efficace des inspections et enquêtes
environnementales au sein de votre entreprise.
I.
Système de gestion environnementale
Dans le cadre d’une poursuite relative aux lois environnementales, une défense de diligence raisonnable
peut être soulevée visant à faire acquitter le défendeur s’il peut prouver qu’il a pris toutes les mesures
raisonnables afin de prévenir la commission d’une infraction.
À cet égard, un système de gestion environnementale peut constituer un outil utile pour démontrer la
diligence raisonnable. Parmi les mesures qui peuvent être incluses dans un programme de gestion
environnementale, soulignons les points suivants :
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT 2
·
Nomination d’un cadre supérieur à titre de personne responsable du programme de conformité
environnementale de l’entreprise;
·
Mise en œuvre d’un programme de formation des employés relatif à la gestion environnementale
et/ou à l’utilisation d’équipement permettant d’éviter les rejets de contaminants; et
·
Adoption d’une procédure d’intervention sur les mesures à prendre en cas de rejet accidentel de
contaminants.
Le nombre de ressources dédiées à un tel système et son niveau de sophistication varieront selon les
activités corporatives et leur impact potentiel sur l’environnement.
II.
Inspections et enquêtes environnementales : suggestions pratiques
La vérification du respect de la LQE est assurée par les inspecteurs et les enquêteurs du MENV. À cet
égard, précisons que le rôle d’un inspecteur diffère de celui d’un enquêteur :
·
Un inspecteur fait une visite routinière afin de vérifier le respect des normes applicables. La LQE
permet au ministre d’autoriser des fonctionnaires du MENV à faire des inspections en pénétrant sur
une propriété privée pour prélever des échantillons, installer des appareils de mesure, procéder à des
analyses, consulter des registres et examiner les lieux afin de vérifier le respect de la LQE et de ses
règlements.
·
Un enquêteur cherche plutôt à rassembler les éléments de preuve dans le but de déterminer si des
mesures coercitives, telles que des poursuites, doivent être prises. Les enquêteurs sont aussi
nommés par le ministre. Considérant les fonctions d’un enquêteur, une autorisation judiciaire sera
généralement requise. Un juge permettra à un enquêteur de pénétrer sur une propriété privée et/ou
d’exécuter un mandat de perquisition s’il est convaincu, sur la foi d’une déclaration d’un enquêteur,
que l’examen et/ou la perquisition demandé est nécessaire pour établir la preuve de la perpétration
d’une infraction.
Alors qu’il est prudent de coopérer avec les inspecteurs et les enquêteurs, il est aussi important d’éviter
de faire des déclarations préjudiciables. Il faut garder à l’esprit que constitue une infraction le fait
d’entraver le travail d’un officier, mais que l’objectif d’une enquête est de rassembler des éléments de
preuve dans le but d’une poursuite éventuelle ou d’autres mesures coercitives.
À la lumière de ces faits, la pratique généralisée a établi quelques recommandations à mettre en œuvre
advenant une inspection ou une enquête environnementale :
1. Lors de la rédaction de quelque document faisant suite à un incident ou à une rencontre avec un
inspecteur ou un enquêteur : il ne faut pas faire de spéculations.
Il ne faudrait pas : (i) estimer les quantités de contaminants émis ou rejetés, mais plutôt attendre
qu’elles soient calculées; (ii) spéculer eu égard à la cause de l’incident; (iii) imputer la
responsabilité à qui que ce soit; ou (iv) insister sur le passé et dire : « nous aurions dû… ».
Il faudrait: (i) prendre des notes et rédiger les documents avec attention, sachant que tout ce que
vous écrivez peut être saisi à titre d’élément de preuve; (ii) souligner les bonnes réalisations; et
(iii) faire appel aux services d’un conseiller juridique en cas de doute.
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT 3
2. L’entreprise doit nommer une personne à titre de responsable des inspections et enquêtes
environnementales. Cette personne doit avoir les qualifications techniques requises pour répondre à
toutes les questions d’un inspecteur ou d’un enquêteur. Il faut diriger l’inspecteur ou l’enquêteur à la
personne responsable pour les inspections et enquêtes environnementales. Celle-ci doit être la seule
personne pouvant parler à l’officier et doit l’accompagner tout au long de sa visite. Il est préférable
que la personne responsable soit accompagnée d’un autre représentant de l’entreprise.
3. Il faut demander à l’officier autorisé de s’identifier, d’exhiber son certificat attestant sa qualité et de
préciser le but de sa visite. Il faut demander à l’officier s’il appartient à la direction des enquêtes du
MENV et lui faire préciser s’il agit à titre d’inspecteur ou d’enquêteur.
S’il agit à titre d’inspecteur, il y a lieu de croire qu’il procédera à une visite routinière et que le but
de cette visite est de s’assurer du respect des normes environnementales. S’il agit à titre d’enquêteur,
le but de la visite consistera fort possiblement à rassembler des éléments de preuve afin de prouver
la commission d’une infraction présumée et justifier la mise en œuvre de mesures coercitives5. Dans
ce dernier cas, il serait préférable de demander à l’enquêteur s’il peut reporter sa visite afin que
l’avocat de l’entreprise puisse être présent et de communiquer immédiatement avec ce dernier afin
de discuter de la ligne de conduite appropriée à adopter.
4. Il faut aussi demander à l’enquêteur de produire son mandat de perquisition ou l’autorisation de
pénétrer dans un lieu et de faire copie de vos dossiers.
5. Il faut par ailleurs remettre une lettre selon laquelle toute information verbale ou écrite transmise de
la part de l’entreprise découle de l’obligation de la loi de collaborer avec les autorités
gouvernementales et que cette collaboration ne constitue aucunement une renonciation aux droits
fondamentaux conférés par la Charte canadienne des droits et libertés 6 ainsi que par la Charte des
droits et libertés de la personne 7 du Québec, notamment le privilège contre l’auto-incrimination.
6. Il faut informer les employés de l’entreprise de diriger toute demande d’information formulée par
l’inspecteur ou l’enquêteur à la personne responsable. Si l’officier persiste à poser des questions à
certains employés, il faut s’assurer que l’employé répondant aux questions soit en présence d’un
autre employé.
7. Si une personne est interrogée, il est important de déterminer au préalable si l’interrogatoire porte sur
la conduite de la personne ou sur la conduite de l’entreprise. En effet, si l’interrogatoire vise une
personne, celle-ci peut refuser de répondre et doit être informée de ses droits en vertu de la Charte
canadienne des droits et libertés.
8. Il est important de limiter tout commentaire aux seuls cas de nécessité et de ne pas élaborer sur des
informations telles que le caractère répétitif de l’incident, les défaillances répétées du système de
décontamination, etc.
9. Il faut refuser l’accès à un inspecteur ou à un enquêteur qui se présente à des heures autres que les
heures normales d’affaires, à moins qu’il ne soit muni d’un mandat de perquisition l’autorisant à agir
ainsi. Précisons cependant qu’en cas d’urgence l’enquêteur a le pouvoir de visiter les lieux en dehors
des heures d’affaires, et ce, même s’il n’a pas de mandat de perquisition. Il est possible toutefois à
l’officier autorisé agissant en vertu des lois ou règlements provinciaux ou en vertu de la
réglementation municipale d’obtenir un mandat de perquisition par téléphone dans les cas d’urgence.
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DROIT DE L’ENVIRONNEMENT 4
10. En principe, lorsque l’enquêteur procède en vertu d’un mandat de perquisition, il ne peut saisir que
les documents qui entrent dans le cadre de ce mandat. Si l’officier entend saisir certains documents,
il faut lui proposer de lui remettre des photocopies ou faire des photocopies des originaux qui seront
saisis. Il faut faire des copies de toute déclaration écrite qui pourrait être faite à un enquêteur par un
employé.
11. Lorsque l’inspecteur ou l’enquêteur procède au prélèvement d’un échantillon, il faut faire votre
propre prélèvement et envoyer les échantillons prélevés à un laboratoire d’analyse indépendant.
12. Il faut photographier ou filmer les sites ou objets photographiés par l’officier autorisé.
13. Il faut communiquer avec le service de relations publiques de l’entreprise advenant un incident
majeur afin de lui permettre d’informer le public et les médias des mesures qui seront mises en
œuvre.
La visite surprise d’un inspecteur ou d’un enquêteur du MENV est rarement une expérience agréable.
Cependant, lorsque des mesures préventives ont été mises en place et qu’un plan d’action détaillé a été
élaboré, la visite pourra connaître un déroulement plus prévisible et les impacts négatifs d’une telle
visite seront réduits d’autant.
Marie-Claude Bellemare se spécialise en droit de l'environnement et de l'énergie. Elle conseille les clients
concernant les aspects de leurs activités ayant ou pouvant avoir des conséquences environnementales et sur les
ententes contractuelles en matière d'approvisionnement en énergie. Elle rend également des avis sur la façon de
se conformer aux lois et règlements environnementaux et sur les moyens d'obtenir les autorisations et permis
environnementaux. Elle conseille aussi certains clients sur les changements climatiques et sur les réductions
d'émissions de gaz à effet de serre (GES).
On peut communiquer avec Me Bellemare au 514 397 7571 ou à [email protected].
__________________________
1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
L.R.Q. c. Q-2
Voir l’article de Charles Kazaz, Québec vise à instaurer des droits d’inspection, édition Été 2004 du bulletin Au-delà
des résultats
Charles Côté, « Le ministre Mulcair annonce un virage judiciaire », La Presse, Actualité, 5 juillet 2003. p. 5 et Discours
du Ministre lors de la conférence de l’Institut canadien intitulée « Les derniers développements en droit et gestion de
l’environnement », 26-27 janvier 2004
Radio-Canada, Les pollueurs dans la mire de Québec, http://www.radio-Canada.ca/nouvelles (date d’accès : 29 avril
2004)
Veuillez noter que les officiers autorisés du service de l’assainissement de l’air et de l’eau de la Communauté
métropolitaine de Montréal peuvent exercer tant les fonctions d’inspecteur que celles d’enquêteur
Loi de 1982 sur le Canada, Annexe B, 1982 (R.-U.), c. 11
L.R.Q. c. C-12
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