Maladie thromboembolique veineuse et thrombose veineuse

publicité
Maladie thromboembolique veineuse et thrombose veineuse
superficielle
S. Motte
Service de Pathologie Vasculaire
Hôpital Erasme, Bruxelles
Formation spécifique SSPF 2009
1
Table des matières
1. Introduction : le réseau veineux des membres inférieurs.
4
ƒ
Le réseau veineux profond et le réseau superficiel.
4
ƒ
Les valves veineuses.
4
ƒ
Physiologie du retour veineux.
4
2. Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire.
5
a) Définition et épidémiologie.
5
b) Physiopathologie.
5
c) Présentation clinique.
7
d) Examens complémentaires.
8
ƒ
Echographie-Doppler.
8
ƒ
Dosage des D-dimères.
8
ƒ
Phlébographie des membres inférieurs.
8
ƒ
Algorithme diagnostique de la TVP des membres inférieurs
9
e) Complications de la thrombose veineuse des membres inférieurs.
10
ƒ
L’embolie pulmonaire.
10
ƒ
Le syndrome post-thrombotique.
10
f) Traitement
11
1. Généralités.
11
2. Traitement anticoagulant.
11
ƒ
Le but et les principes du traitement.
11
ƒ
Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM).
11
ƒ
ƒ
•
Mécanisme d’action.
11
•
Modalités pratiques du traitement par HBPM.
12
•
Les contre-indications des HBPMs.
12
•
L’iatrogénie liée aux HBPM.
12
Les anticoagulants oraux (antivitamines K).
13
•
Mécanisme d’action des antivitamines K (AVK).
13
•
Modalité pratique de l’initiation du relais par les anticoagulants oraux.
13
•
Suivi du traitement au long cours.
13
•
Causes d’instabilité de l ’INR.
13
•
L’iatrogénie liée aux AVK.
14
15
Durée du traitement anticoagulant.
•
Les recommandations internationales.
16
3. Contention et mobilisation.
Formation spécifique SSPF 2009
15
2
4. Traitements réservés à des situations exceptionnelles.
16
•
Traitement thrombolytique
16
•
Interruption partielle de la veine cave inférieure
16
•
Traitement chirurgical
16
17
3. Thrombose veineuse superficielle.
a) Etiologies.
17
b) Présentation clinique.
17
c) Examen complémentaire.
17
d) Traitement.
17
4. Rôle conseil et de contrôle du pharmacien.
18
ƒ
Les principaux rôles du pharmacien.
18
ƒ
Les principaux signaux d’alarme.
18
ƒ
Précautions à prendre pendant le traitement anticoagulant.
19
ƒ
Conseils aux patients sous AVK
19
20
5. Conclusions.
Formation spécifique SSPF 2009
3
1. Introduction : le réseau veineux des membres inférieurs.
ƒ
ƒ
On distingue deux réseaux veineux au niveau des membres inférieurs : le
réseau veineux profond et le réseau superficiel.
•
Le réseau profond est sous-aponévrotique, satellite des artères.
•
Le réseau superficiel est au-dessus des aponévroses musculaires. Il
comporte deux axes de drainage veineux : les veines grande et petite
saphènes qui cheminent respectivement à la face interne de la jambe et à
la face postérieure du mollet. Les veines saphènes drainent de
nombreuses collatérales qui cheminent plus superficiellement et font saillie
sous la peau, se gonflant en fonction de la gravité. Le réseau superficiel
possède aussi des branches perforantes qui lui permettent de se drainer
dans le réseau profond.
Les valves veineuses.
•
ƒ
L’ensemble du réseau veineux (superficiel et profond) est muni d’un
système de valvules. Elles sont destinées à éviter le reflux du sang veineux
à partir de la veine cave inférieure dans le membre inférieur. Ces valves
permettent donc d’orienter la circulation du sang veineux vers le cœur. Les
valves sont insérées sur la paroi veineuse et comportent deux valvules.
Les valves veineuses en ouvrant et fermant leurs deux valvules autorisent
le passage du sang de la périphérie vers le cœur.
Physiologie du retour veineux.
•
La contraction des muscles de la jambe lors de la marche constitue le
mécanisme central qui favorise le retour veineux.
•
La pression du pied sur le sol et la contraction des muscles de la jambe
écrasent les veines qui se vidangent vers le haut du fait du jeu des valves.
La contraction musculaire permet la vidange des veines profondes tout en
évitant le reflux vers les veines superficielles par la fermeture des valves
des perforantes.
•
Lorsque le pied se relève, les muscles se relâchent et les veines profondes
se remplissent à partir des capillaires et des veines superficielles via
l’ouverture des valves des perforantes.
•
L’ensemble du mécanisme du retour veineux n’est performant que lorsque
les veines superficielles et profondes sont continentes, c’est-à-dire que les
valvules fonctionnent normalement.
.
Formation spécifique SSPF 2009
4
2. Thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire
a) Définition et épidémiologie
ƒ
Définition : thrombose partielle ou complète plus ou moins étendue du réseau
veineux profond des membres inférieurs:
•
Thrombose distale : l’atteinte du réseau veineux profond est limitée aux
veines du mollet (étage sous-poplité).
•
Thrombose proximale : atteinte du réseau veineux profond poplité ou plus
proximal (v. fém. superficielle, veine cave inférieure).
ƒ
Epidémiologie. Association fréquente avec l’embolie pulmonaire qui résulte le
plus souvent de la migration d’un thrombus dans une artère pulmonaire. Parmi
tous les patients avec thrombose veineuse profonde (TVP) proximale
symptomatique des membres inférieurs, 40-60% ont une embolie pulmonaire
asymptomatique et parmi tous les patients qui se présentent avec une embolie
pulmonaire, 50-70% ont une TVP. La TVP et sa complication l’embolie
pulmonaire sont considérées comme deux manifestations cliniques d’une
même maladie : la maladie thromboembolique veineuse.
ƒ
La maladie thromboembolique veineuse est une maladie fréquente.
L’incidence de la TVP et de l’embolie pulmonaire dans la population générale
est de l’ordre de 1/1000/an et 0.5/1000/an respectivement.
b) Physiopathologie
ƒ
Une thrombose veineuse peut être induite par des modifications de 3 types
(triade de Virchow):
•
du flux sanguin (stase veineuse)
•
de la paroi des vaisseaux (lésions pariétales)
•
de la composition chimique du sang (anomalies de l’hémostase).
ƒ
Les facteurs à l’origine de ces modifications, c'est-à-dire les facteurs de
risque, peuvent être regroupés en facteurs réversibles ou non (tableau 1).
ƒ
La connaissance des facteurs de risque est un élément permettant d’estimer
la probabilité clinique de TVP (voir algorithme diagnostique page 9) et est
indispensable pour déterminer la durée du traitement.
Formation spécifique SSPF 2009
5
Tableau 1
Facteurs de risque de thrombose veineuse des membres inférieurs
Facteurs réversibles
Facteurs non réversibles ou liés au patient
Chirurgie récente
Antécédents de TVP/EP
Traumatisme
Age avancé
Immobilisation récente
Néoplasie, désordres myéloprolifératifs
Grossesse, postpartum
Insuffisance cardiaque
Contraceptifs
Obésité, varices
Hormonothérapie
Syndrome néphrotique
Long voyage en avion
Inflammation (Crohn, RCUH, Behçet)
Anomalies de l’hémostase
Anomalies de l’hémostase
Facteur V Leiden
Facteur VIII élevé
Mutation du gène de la prothrombine Facteur IX élevé
(20210 A)
Facteur XI élevé
Déficit en Protéine C
Anticorps antiphospholipides
Déficit en Protéine S
Anomalies de la fibrinolyse
Déficit en Antithrombine
Dysplasminogénémie
Hyperhomocystéinémie
Dysfibrinogénémie
ƒ
Développement du thrombus veineux.
•
Les valvules veineuses forment entre leur bord libre et la paroi veineuse
une cupule en forme de sac dans laquelle le flux sanguin est turbulent.
•
Les turbulences du flux sanguin créent un remous et une stagnation du
sang au fond de la cupule, ce qui facilite l’agrégation plaquettaire.
•
Un thrombus mixte (fibrino-plaquettaire ou thrombus blanc), formé
essentiellement de fibrine et d’agrégats plaquettaires, se constitue d’abord
au niveau de la cupule valvulaire.
•
Le filet de fibrine emprisonne ensuite dans ses mailles tous les éléments
figurés du sang et la masse du thrombus est à ce stade essentiellement
constituée de globules rouges (thrombus de coagulation ou thrombus
rouge).
•
Il s’ensuit une propagation distale et proximale du thrombus rouge.
Formation spécifique SSPF 2009
6
c) Présentation clinique
ƒ
ƒ
ƒ
La présentation la plus courante est la phlegmatia alba dolens.
•
Oedème de la jambe ou de tout le membre inférieur unilatéral ou
asymétrique.
•
Douleur spontanée ou provoquée du mollet (signe de Homans) parfois à
l’aine, à la face interne de la cuisse sur un trajet veineux.
•
Signes inflammatoires avec hyperthermie cutanée locale.
•
Dilatation des veines superficielles.
•
Erythrocyanose déclive.
•
Parfois la température élevée est le seul signe.
Phlegmatia caerulea dolens (« phlébite bleue »).
•
Rare mais à reconnaître car nécessite un traitement urgent.
•
Implique une thrombose veineuse proximale extensive provoquant une
stagnation veineuse aiguë et un blocage de l’apport artériel.
•
Tableau d’ischémie aiguë (pied froid, pouls non palpés) associé aux
manifestations cliniques de TVP.
Les symptômes et signes cliniques de TVP ne sont ni sensibles (ils peuvent
être absents en présence de la maladie) ni spécifiques (ils peuvent être
présents en l’absence de la maladie). L’évaluation clinique est néanmoins
fondamentale et sert de base à la démarche diagnostique.
•
Elle englobe la recherche des symptômes et signes évocateurs, de
facteurs de risque et d’une explication alternative.
•
Elle permet d’estimer la probabilité clinique de TVP (faible, intermédiaire,
élevée) qui est indispensable pour orienter la démarche diagnostique et
interpréter correctement les tests diagnostics.
Formation spécifique SSPF 2009
7
d) Examens complémentaires
ƒ
Si l’évaluation clinique est fondamentale, il est tout aussi fondamental de
confirmer cette évaluation clinique par des examens objectifs qui sont
essentiellement en pratique courante l’échographie-Doppler des membres
inférieurs et le dosage des D-dimères.
ƒ
Echographie-Doppler : examen de premier choix.
• Avantages :
– innocuité
– excellente sensibilité et spécificité pour dépister une TVP proximale.
• Limites :
– mauvaise détection des TVP distales
– opérateur-dépendant.
ƒ
ƒ
Dosage des D-dimères.
•
Performances diagnostiques fortement dépendantes du test utilisé.
•
En général les tests utilisés en pratique courante ont une bonne sensibilité.
•
Limites : la spécificité de la plupart des tests est médiocre (beaucoup de
tests positifs chez des sujets sans TVP : patients âgés, présence d’un
syndrome inflammatoire, cancer, traumatisme, en postopératoire).
•
En pratique, le dosage des D-dimères est utile uniquement pour exclure la
TVP lorsque le résultat d’un test très sensible est normal.
Phlébographie des membres inférieurs: considérée comme l’examen de
référence.
•
Elle est obtenue après injection de produit iodé dans une veine dorsale de
chacun des pieds.
•
Avantages :
– étude complète de l’axe veineux du mollet jusque la veine cave
inférieure.
•
Limites :
– inconfort du patient
– injection de produit de contraste
– examen coûteux.
•
En raison de ses limites, la phlébographie n’est plus utilisée
qu’exceptionnellement lorsque le diagnostic reste incertain après une
approche non-invasive.
Formation spécifique SSPF 2009
8
Algorithme diagnostique de la TVP des membres inférieurs (première étape)
Estimation de la probabilité clinique
Probabilité clinique faible
ou intermédiaire
Probabilité clinique
élevée
Dosage des D-dimères
Traitement par HBPM
Normal
Anormal
Pas de traitement
Diagnostic alternatif ?
Echographie-Doppler
dans les 24-48h
Algorithme diagnostique de la TVP des membres inférieurs (deuxième
étape)
Echographie-Doppler
Normal
Pas de traitement.
Répéter l’échographie
après 1 semaine si
pas de diagnostic
alternatif
Anormal
Diagnostic incertain
Traitement
D-dimères
Normal
Anormal
Phlébographie
Formation spécifique SSPF 2009
9
e) Complications de la thrombose veineuse des membres inférieurs.
ƒ
L’embolie pulmonaire. Les manifestations cliniques évocatrices sont : douleur
de type pleural (augmente à l’inspiration), dyspnée d’apparition brutale ou
progressive, syncope. Forme grave : cyanose, hypotension artérielle,
tachycardie, tachypnée (fréquence respiratoire > 20/min.).
ƒ
Le syndrome post-thrombotique :
•
lourdeur de jambe, dilatations veineuses superficielles, crampes
•
oedème de cheville d’abord réversible évoluant parfois vers la « grosse
jambe tendue permanente »
•
troubles trophiques : dermite ocre, hypodermite
•
ulcères souvent sus-malléolaires, spontanés ou provoqués.
Formation spécifique SSPF 2009
10
f) Traitement
1. Généralités.
ƒ
L'objectif du traitement est d'améliorer les symptômes et d'éviter l'extension et
les récidives.
ƒ
Les moyens thérapeutiques utilisés sont essentiellement l’anticoagulation et la
contention veineuse.
ƒ
L'interruption partielle de la veine cave inférieure, la fibrinolyse et la chirurgie
sont d’autres moyens thérapeutiques dont les indications sont très limitées.
2. Traitement anticoagulant.
ƒ
ƒ
Le but et les principes du traitement.
•
Le but du traitement est d’éviter l’extension de la TVP, éviter l’EP ou la
récidive d’EP.
•
Le principe est d’assurer une anticoagulation rapide avec une héparine et
prendre le relais précocement avec les anticoagulants oraux.
•
Le traitement à domicile est possible pour la majorité des cas grâce à
l’utilisation des héparines de bas poids moléculaire (HBPM) qui
s’administrent par voie sous-cutanée.
Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM).
•
Mécanisme d’action. Les HBPM agissent de la même manière que
l’héparine non fractionnée. Elles se fixent à l’antithrombine, l’un des
inhibiteurs
physiologiques
de
la
coagulation
et
accroissent
considérablement la capacité de cet inhibiteur de neutraliser les facteurs
activés de la coagulation, en particulier le facteur X activé et la thrombine.
•
Sur le plan pharmacologique et par rapport à l’héparine non fractionnée, les
HBPM se caractérisent par une affinité diminuée pour les protéines
plasmatiques et pour la surface des macrophages et des cellules
endothéliales, une élimination des chaînes courtes plus lente par filtration
rénale et une affinité moindre pour les plaquettes. Ces propriétés
pharmacologiques se traduisent sur le plan clinique par les avantages
suivant par rapport à l’héparine non fractionnée :
– réponse plus prévisible et uniforme à des doses fixes
– dose calculée en fonction du poids
– pas de contrôle biologique de l’activité anticoagulante
– traitement possible à domicile, ce qui permet un meilleur confort pour le
patient et une diminution des coûts.
Formation spécifique SSPF 2009
11
•
Modalités pratiques du traitement par HBPM :
– seringues graduées, prêtes à l’emploi
– doses (1 ou 2 injections sous-cutanées/jour) adaptées en fonction du
poids
– durée du traitement : 5 - 10 jours
– pas de nécessité de vérifier l’activité anticoagulante (exceptions:
obésité importante, insuffisance rénale, grossesse)
– vérifier le taux des plaquettes tous les 2-3 jours
– relais précoce par les anticoagulants oraux sous couverture d’HBPM
pendant 4-5 jours.
•
Les contre-indications des HBPMs sont :
– hémorragie active
– accident vasculaire cérébral hémorragique (< 2 sem)
– neurochirurgie ou trauma crânien (< 3 sem)
– déficit de la coagulation, thrombopénie (< 50000)
– antécédents de thrombopénie induite par l’héparine
– HTA sévère non stabilisée
– insuffisance rénale sévère (clearance < 30 ml/min.).
•
L’iatrogénie liée aux HBPM.
– Accidents hémorragiques.
Dans la dernière méta-analyse des essais cliniques publiée en 2004,
l’incidence des hémorragies majeures dans les essais contrôlés était de
1.2% (Van Dongen CJJ. et Coll. Cochrane Database Syst Rev
2004;CD001100). Il faut préciser que les patients inclus dans le cadre
d’un essai clinique sont traités pendant une durée de 6 à 7 jours et que
les sujets à haut risque de saignement ont généralement été exclus.
Les facteurs de risque de complication hémorragique sous HBPM sont
présentés dans le tableau 2.
Tableau 2. Facteurs de risque de saignement majeur sous HBPM
Patients insuffisants rénaux
Patients âgés > 75 ans
Sujets de poids écarté de la norme
Traitement prolongé (> 10 jours)
–
•
La thrombopénie induite par l’héparine.
La seconde complication est la survenue d’une thrombopénie
(complication rare → thrombose).
En cas de contre-indication aux HBPM en raison d’une insuffisance rénale
sévère, l’alternative est l’héparine non fractionnée qui s’administre en
perfusion I.V. continue (ou par voie sous-cutanée). Il est impératif de
vérifier l’activité anticoagulante (allongement de l’APTT) ainsi que le taux
des plaquettes.
Formation spécifique SSPF 2009
12
ƒ
Les anticoagulants oraux (antivitamines K).
•
L’anticoagulation initiale est assurée avec une héparine. Le relais précoce
par les anticoagulants oraux doit être entrepris chez la majorité des
patients, sauf chez les patients avec cancer actif chez qui le traitement est
prolongé par HBPM pendant 3 à 6 mois sans relais par les anticoagulants
oraux.
•
Mécanisme d’action des antivitamines K (AVK).
– La vitamine K, permet la carboxylation au niveau hépatique de diverses
protéines vitamine-K dépendantes dont les facteurs II, VII, IX et X de la
coagulation, ainsi que les protéines C et S qui sont des inhibiteurs de la
coagulation. Cette carboxylation hépatique qui est nécessaire pour
obtenir des protéines fonctionnelles est inhibée par les AVK qui
bloquent le cycle de la vitamine K.
– L'effet anticoagulant résultant de l’action des AVK est fonction de
l'abaissement du taux des protéines plasmatiques sous leur forme
fonctionnelle. Cet abaissement est en rapport avec la demi-vie
respective de ces protéines. La protection antithrombotique est liée
principalement à l’abaissement suffisant du taux plasmatique de la
prothrombine (facteur II de la coagulation) dont la demi-vie est longue.
C’est pour cette raison que l’instauration du traitement par AVK, en
particulier à la phase aiguë d’un problème thromboembolique doit se
faire sous couverture d’héparine pendant 4 à 5 jours.
•
Modalité pratique de l’initiation du relais par les anticoagulants oraux.
– Débuter par dose moyenne (ex.: Sintrom® mitis : 3mg/j) le jour même
ou le lendemain de l’instauration du traitement héparinique chez la
majorité des patients sauf les patients avec cancer actif chez qui un
traitement prolongé par HBPM sans relais par les anticoagulants oraux
est recommandé.
– Instauration du traitement sous couverture d’héparine (non fractionnée
ou HBPM) pendant 4-5 jours.
– Adaptation posologique selon le contrôle quotidien de l’INR de J3 à J5
(INR cible : 2.5, range 2 - 3).
– Maintenir le traitement héparinique à doses thérapeutiques jusqu’à
obtention d’un INR supérieur à 2 lors de 2 contrôles successifs espacés
de 24 h.
– Estimation de la dose d’entretien selon l’INR au J4 et J5.
– INR tous les 2 jours après J5 pendant la deuxième semaine, puis 2 fois
par semaine.
•
Suivi du traitement au long cours du traitement anticoagulant oral :
– contrôles de l’INR tous les 15-28 jours dès que la dose de maintien est
déterminée.
•
Causes d’instabilité de l’INR : un changement de thérapeutique associée,
la survenue d’une pathologie intercurrente (digestive, fièvre, infection), un
changement de régime alimentaire, l’abus d’alcool, le manque d’adhésion
au traitement.
Formation spécifique SSPF 2009
13
•
L’iatrogénie liée aux AVK
– Accidents hémorragiques.
Les accidents hémorragiques constituent la première cause d’accidents
iatrogènes. Sur base d’une analyse exhaustive des études publiées,
(Schulman S. et coll. Chest 2008;133:257S-298S), l’incidence annuelle
des hémorragies majeures est de 0.3 à 0.5% et l’incidence de
l’hémorragie cérébrale est de 0,2 %. Il faut préciser que les patients
inclus dans la plupart des études cliniques sont étroitement contrôlés,
ils sont particulièrement motivés pour le suivi strict du traitement et les
sujets à haut risque de saignement ont généralement été exclus. Les
principaux facteurs de risque de saignement majeur sous traitement
anticoagulant sont présentés dans le tableau 3.
Tableau 3. Facteurs de risque de saignement majeur sous AVK
Age > 75 ans
Antécédent d’hémorragie digestive
Antécédent d’AVC non cardioembolique
Insuffisance rénale ou hépatique chronique
Traitement antiplaquettaire concomitant
Autre maladie sévère aiguë ou chronique
Contrôle non optimal de l’anticoagulation
–
Nécroses cutanées.
Des nécroses cutanées ont été rapportées chez des sujets avec taux
bas de protéine C. Cet effet indésirable est très rare (0,01 %) et
survient en début de traitement entre le troisième et le septième jour.
Formation spécifique SSPF 2009
14
ƒ
Durée du traitement anticoagulant.
•
La durée du traitement est déterminée en tenant compte de l’estimation du
risque de récidive et de l’estimation du risque de saignement.
•
Les paramètres utilisés pour estimer le risque de récidive en cas d’arrêt du
traitement anticoagulant sont :
–
présence ou non d’un facteur de risque réversible (chirurgie,
traumatisme, immobilisation, contraceptifs, hormonothérapie, postpartum, long voyage en avion)
–
premier épisode ou récidive
–
cancer évolutif.
•
Il faut souligner que depuis les dernières recommandations internationales
publiées en 2008 (Kearon et coll. Chest 2008; 133: 454-545S), la présence
d’une anomalie de l’hémostase sous-jacente n’est généralement plus prise
en compte pour déterminer la durée du traitement anticoagulant.
•
Le tableau 4 présente les recommandations internationales.
Tableau 4. Thrombose veineuse profonde:
Recommandations concernant la durée du traitement anticoagulant *
Premier épisode :
Facteur de risque réversible
AVK 3 mois
Pas de facteur de risque réversible
AVK
3
mois
puis
évaluer
rapport
risque/bénéfice du traitement à long terme **
Cancer
HBPM 3 à 6 mois, puis traitement à long
terme ou jusqu’à rémission du cancer
Deux ou plus de deux épisodes :
Considérer traitement à long terme.
Balance risques-bénéfice du traitement à
réévaluer à intervalles réguliers
* D’après Kearon et coll. Chest 2008; 133: 454-545S
** TVP proximale ou EP et pas de facteur de risque de saignement: considérer
traitement à long terme. TVP distale: AVK 3 mois plutôt que traitement à long terme
Formation spécifique SSPF 2009
15
5. Contention et mobilisation.
•
La contention doit faire partie du traitement car elle contribue largement à
la régression des symptômes et à la réduction de l’incidence du syndrome
post-thrombotique.
– Méthode : bandage adhésif (Tensoplast®) ou bande de type Ideallast®
puis bas de contention gradués. Généralement, bas médicaux de
compression moyenne (classe de compression 2).
•
Mobilisation.
Dès que le patient est correctement anticoagulé, il peut se mobiliser. La
mobilisation contribue à éviter l’extension du thrombus.
6. Traitements réservés à des situations exceptionnelles.
•
Traitement thrombolytique
Il n’y a pas de démonstration d’un bénéfice en terme de réduction du
syndrome postphlébitique et le traitement thrombolytique augmente le
risque d’hémorragies majeures par rapport à un traitement par héparine.
Les indications doivent donc rester exceptionnelles (patient jeune avec
TVP extensive et menace pour la jambe –«phlébite bleue», sans aucune
contre-indication).
•
Interruption partielle de la veine cave inférieure
– L'objectif est d'empêcher la migration des emboles vers les artères
pulmonaires.
– Méthode : insertion percutanée d’un filtre dans la veine cave inférieure.
– Les indications admises actuellement sont limitées et sont :
o la coexistence d'une TVP proximale ou d'une EP et d'une contreindication au traitement anticoagulant,
o les récidives thromboemboliques malgré un traitement anticoagulant
bien adapté.
•
Traitement chirurgical
– Indication exceptionnelle : thrombectomie veineuse si le membre est en
danger et contre-indication à la thrombolyse
Formation spécifique SSPF 2009
16
3. Thrombose veineuse superficielle
a) Etiologies
ƒ
La thrombose veineuse superficielle peut être iatrogène (cathétérisme
veineux)
ƒ
Dans 75% des cas, elles surviennent sur des varices, le plus souvent sur le
trajet de la grande veine saphène.
ƒ
Une thrombophlébite survenant sur une veine saine doit faire rechercher une
pathologie sous-jacente prédisposant telle que : néoplasie, artérite
inflammatoire (maladie de Buerger, maladie de Behçet), pathologie autoimmunitaire, pathologie hématologique, anomalies de l’hémostase.
b) Présentation clinique.
ƒ
Douleur sur le trajet veineux avec aspect rouge et induré (cordon).
ƒ
Hyperthermie locale.
c) Examen complémentaire.
ƒ
L’échographie-Doppler permet d’apprécier l’extension.
ƒ
Parfois :
• “battant de cloche” à la jonction entre la crosse de la grande veine
saphène et de la veine fémorale commune
• extension au réseau veineux profond via des veines perforantes.
d) Traitement.
ƒ
Symptomatique : anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), la contention et la
mobilisation sont essentielles.
ƒ
Prévention de l’extension : Le traitement par HBPM ou par AINS réduit
l’incidence des récidives ou extensions de la TVS. Le traitement par HBPM
reste toutefois controversé en raison de l’absence de preuve scientifique claire
de son bénéfice clinique. En générale, des doses prophylactiques ou
«intermédiaires» (par exemple 100 UI/kg, 1 injection par jour) sont prescrites
pendant 4 semaines. Des doses thérapeutiques et un relais par anticoagulants
oraux sont recommandés en cas de thrombose proximale remontant jusqu’à
proximité de la crosse de la grande veine saphène avec menace d’extension
au réseau veineux profond.
4. Rôle conseil et de contrôle du pharmacien
ƒ
Le rôle conseil et de contrôle du pharmacien est essentiel dans la prévention
de l’iatrogénie liée au traitement anticoagulant.
ƒ
Les principaux rôles du pharmacien sont :
•
contrôler l’ordonnance lors de la dispensation en officine
•
s’assurer que le malade a bien compris le pourquoi de son traitement et
ses modalités d’administration
•
s’assurer de l’absence de terrain à risque d’accident iatrogène
•
dépister les signaux d’alerte:
– récidive thrombotique
Formation spécifique SSPF 2009
17
–
ƒ
complication hémorragique.
Les principaux signaux d’alarme suggestifs d’une complication hémorragique
sont présentés dans le tableau 5.
Tableau 5.
Principaux signaux d’alarme suggestifs d’une complication hémorragique
Signaux d’alarme
A faire
Saignement du nez.
Saignement anormal des gencives
lors du brossage des dents.
Hématomes (« bleus ») fréquents.
Consulter le médecin.
Sang dans les selles, les urines ou les
expectorations.
Selles noires, vomissements, diarrhée.
Pâleur, vertiges, troubles de la vue ou de
l’audition, paralysies.
Maux de tête, vomissements ou perte de
connaissance après une chute ou un
traumatisme.
Formation spécifique SSPF 2009
Consultation immédiate.
18
ƒ
Quelles
sont
les
précautions
traitement anticoagulant?
à
prendre
pendant
•
Outre le dépistage d’un terrain à risque de complication hémorragique lié à
la présence de facteurs de risque de saignement, les précautions
générales sont d’éviter les injections intramusculaires et les activités
physiques à risque de traumatisme.
•
Le tableau 6 reprend les principales recommandations formulées lors de
l’initiation du traitement anticoagulant oral. Lors de cette initiation du
traitement, un livret d’anticoagulation reprenant l’essentiel des informations
expliquées oralement est remis au patient. Ce livret est également utilisé
pour colliger les résultats des contrôles sanguins ainsi que le schéma de
traitement.
•
Concernant l’alimentation, si celle-ci est équilibrée, elle n’aura pas
d’influence sur le traitement. La recommandation est essentiellement
d’éviter d’entamer un régime particulier qui risquerait de modifier l’apport
habituel de vitamine K.
Tableau 6.
Conseils aux patients sous AVK
•
•
•
•
•
•
•
le
Gardez constamment sur vous le livret avec vos résultats sanguins et
montrez le à chaque médecin ou dentiste que vous consultez.
N’interrompez jamais votre traitement sans l’accord de votre médecin.
Faites les prises de sang comme elles ont été prescrites par votre médecin.
Soyez vigilant aux signes indiquant un dérèglement de votre traitement
Evitez la consommation excessive d’alcool.
Consultez toujours votre médecin en cas de prise d’autres médicaments ou
en cas de maladie.
Consultez immédiatement votre médecin en cas de grossesse
Formation spécifique SSPF 2009
19
5. Conclusions
ƒ
La thrombose veineuse profonde des membres inférieurs est la présentation
clinique la plus courante de la maladie thromboembolique veineuse. Cette
maladie est une maladie fréquente dont les complications sont
essentiellement l’embolie pulmonaire qui peut être mortelle et le syndrome
post-thrombotique veineux qui est une source importante de morbidité.
ƒ
Sur le plan physiopathologique, le développement d’une thrombose veineuse
est favorisé par une modification soit du flux sanguin (stase veineuse), soit de
la paroi des vaisseaux (lésions pariétales) ou de l’hémostase. Une
combinaison de ces modifications est fréquente chez un même patient.
ƒ
Les symptômes et signes cliniques de TVP ne sont ni sensibles ni spécifiques.
L’évaluation clinique devra donc toujours être complétée par un examen
objectif complémentaire afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic suspecté
cliniquement.
ƒ
Le traitement initial curatif est assuré le plus souvent avec une HBPM
(pendant 5 à 10 jours), avec relais précoce par AVK chez la majorité des
patients, et chevauchement HBPM/AVK qui doit être maintenu pendant 4 à 5
jours.
ƒ
La contention doit faire partie du traitement car elle contribue largement à la
régression des symptômes et à la réduction de l’incidence du syndrome postthrombotique.
ƒ
La durée du traitement anticoagulant est basée sur l’estimation du risque de
récidive (facteur de risque transitoire ou pas de facteur de risque identifié,
cancer, premier épisode) et du risque de saignement.
ƒ
Le traitement à long terme par HBPM est proposé uniquement chez les
patients avec cancer évolutif.
Formation spécifique SSPF 2009
20
Téléchargement