NOVEMBRE 2007 VOL. 54 N° 11 QUÉBEC PHARMACIE 27WWW.MONPORTAILPHARMACIE.CA
Publié grâce à une subvention sans restrictions de
Le traitement de la goutte
Au fil des scles en médecine, plusieurs
maladies ont vu le jour, certaines ont disparu,
mais d’autres ont su résister au temps. Parmi
celles-ci, la goutte, qui demeure toujours un
sujet d’actuali chez les professionnels de la
san. En fait, de l’Antiquité jusqu’aux temps
modernes, la goutte a toujours été perçue
comme la maladie des riches et des déca-
dents, car seuls ces derniers pouvaient se pro-
curer de la nourriture et de lalcool en grande
quantité : on retrouvait d’ailleurs une pva-
lence plus marquée de goutte dans les familles
royales, tributaires de leur opulence, disait-
on1,2. Avec les années et les nombreuses publi-
cations sur le sujet, nous sommes mainte-
nant en mesure de nir plus concrètement
la pathologie de larthrite goutteuse.
Définition
La goutte est une forme d’arthrite provoquée
par laccumulation et la précipitation de cris-
taux d’urate de sodium dans certaines articula-
tions, surtout à la base du gros orteil, mais aussi
aux chevilles, aux genoux, aux poignets, aux
mains et aux coudes (au niveau des bourses olé-
craniennes); par contre, les épaules sont rare-
ment atteintes. Il en sulte une douleur lanci-
nante caracristique avec une inammation
aux articulations atteintes
3-8
. L’urate de sodium
constitue en fait la composante anionique (ou
le sel) de lacide urique, le produit final du
tabolisme des purines endogènes (acides
nuciques de lADN) et exogènes (dans la
nourriture) chez l’humain. Puisque la dégrada-
tion des purines s’effectue presque constam-
ment, on retrouve toujours une certaine con-
centration physiologique d’acide urique dans le
plasma. Par contre, lorsque la concentration
sanguine d’acide urique augmente, le risque de
crises de goutte devient plus important
3-8
.
Les crises de goutte (arthrite goutteuse
aig) apparaissent souvent sans avertisse-
ment : le patient ressent une douleur intense,
un érytme locali, une enure et de la
chaleur locale; on reconnaît les quatre points
cardinaux d’une réaction inflammatoire
5
. Ces
sympmes se manifestent souvent la nuit, car
la douleur devient de plus en plus insupporta-
ble et atteint son paroxysme 8 à 12 heures
après avoir débu. Le patient narrive plus à
toucher ni à bouger l’articulation atteinte tel-
lement la douleur est atroce
7,8
. Parmi les autres
signes et symptômes, on peut retrouver de la
fièvre, des frissons et une tachychardie. Lors
d’une première crise, 90 % des attaques ne
concernent qu’une seule articulation; dans
plus de la moitié des cas, c’est l’articulation
tatarsophalangienne du gros orteil qui est
touce
7
. Une premre crise non traitée dure
environ de 3 à 10 jours. La douleur disparaît
progressivement et l’articulation redevient
fonctionnelle. La riode asymptomatique
entre deux épisodes d’arthrite goutteuse aiguë
peut durer quelques jours à quelques mois.
Pendant cet intervalle, la maladie peut pour-
suivre sa progression si les taux d’acide urique
augmentent. Par conséquent, la riode de
temps pendant laquelle le patient ne présente
aucun sympme diminue, les crises durent
plus longtemps et elles affectent plusieurs arti-
culations
4-6
. Après des attaquespétées, la
goutte atteint un niveau de chronici et peut
causer la destruction de certains tissus et la
malformation de certaines articulations. En
La goutte constitue l’une des atteintes inflammatoires les plus douloureuses qui soient. L’article suivant présentera tout d’abord
une définition concise et détaillée des causes et des facteurs de risque de la goutte. De plus, nous examinerons les différents
traitements selon la phase de la maladie. En effet, une crise de goutte aigne se traite pas de la même façon qu’en prophylaxie.
Enfin, nous verrons la marche à suivre pour le traitement de la goutte chez une clientèle particulière, soit les patients ayant subi
une transplantation d’organe solide.
Texte rédigé par Jean-Michel Boileau,
B. Pharm., Pharmacie Chantal Ratelle.
Révision : Dre Anne-Laure Chetaille, MD, M.Sc.,
rhumatologie adulte et diatrique, CHUL du CHUQ,
Québec, et Chantal Duquet, B. Pharm., M.Sc.
Texte original soumis le 1er mai 2007.
Texte final remis le 4 octobre 2007.
Remerciements
L’auteur aimerait souligner l’apport de Mme
Lydjie Tremblay, pharmacienne au Centre
hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM),
à cet article. Mme Tremblay, qui possède
une expertise chez les patients greffés,
a contribplus particulièrement
à la section sur les patients transplantés.
Tableau I
Liste d’aliments selon leur concentration en purines40
Aliments riches en purines
Anchois
Bière
Bouillon
Consom
Oie
Hareng
Viandes de cerveau, de foie
Faisan
Sardines
Pétoncles
Levures (suppléments) et extraits de levures
Aliments à teneur modérée en purines
Asperges
Haricots
Lentilles
Champignons
Pois
Épinards
Viandes et poissons en général
Aliments à faible teneur en purines
Pain
Beurre
Céréales
Fromage
Chocolat
Café
Œufs
Fruits et jus de fruits
Lait
Nouilles
Noix
Olives
Beurre d’arachides
Riz
Sel
Sucreries
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effet, plus le temps passe, plus les mouvements
de larticulation atteinte deviennent restreints
à cause de l’obstruction des cristaux d’urate
de sodium et de la destruction articulaire. À
cette étape, on voit appartre des nodules ou
des masses bosselées sur les membres affec-
s : on les appelle des tophi. Ils consistent en
une accumulation importante de cristaux
d’urate de sodium. La formation de tophi est
un indice vélateur de la chronici de la ma-
ladie chez le patient. En effet, ils napparais-
sent qu’après de longues années sans que la
maladie soit traitée
5,6
.
Épidémiologie
Étant donné la nature épisodique des crises de
goutte, il est difcile de donner des chiffres sur
la prévalence de cette maladie. On estime
qu’environ 500 000 Canadiens sont affectés
par la goutte : plus de 1 % de la population
nord-américaine en souffrirait
3,9,10
.
Les hom-
mes constituent la majorité des patients
atteints. En fait, l’arthrite goutteuse est la mala-
die articulaire inflammatoire la plus fréquente
chez les hommes de plus de 40 ans
3,5,7,9,10
. En
néral, on parle d’un rapport homme/femme
oscillant entre 5:1 et 9:1. Cependant, l’équili-
bre entre les sexes setablit peu à peu avec le
vieillissement. On constate que les femmes
atteintes de goutte sont pour la plupart post-
nopausées. Cela sexpliquerait par la perte
de l’effet uricosurique (qui provoque une
exction accrue d’acide urique) des œstrogè-
nes. anmoins, chez les personnes âgées de
plus de 65 ans, le rapport hommes/femmes
atteints demeure à 3:1
6,10
.
Facteurs de risque
Certaines caracristiques intrinsèques des
individus les rendent plus à risque de déve-
lopper la goutte. Par exemple, nous venons
de voir que les hommes sont plus à risque
que les femmes. Dans le même ordre d’ies,
plus lindividu vieillit, plus la possibili d’en
être atteint augmente. Donc, avec l’esrance
de vie accrue de la population occidentale, il
ne faut pas s’étonner que la prévalence de la
goutte monte enèche. Comme ces facteurs
ge et sexe) sont inchangeables, on ne peut
pas les traiter. Par contre, il existe d’autres
facteurs de risque de la goutte sur lesquels les
professionnels de la san peuvent agir.
Hyperuricémie
La concentration plasmatique d’acide uri-
que constitue le facteur de risque le plus
important de l’arthrite goutteuse3-8. Cepen-
dant, l’hyperuricémie ne condamne pas
nécessairement le patient à des crises. Tout
dépend des caractéristiques particulières de
chaque patient. Les taux d’acide urique san-
guins sont maintenus à des niveaux stables
grâce à l’équilibre entre le métabolisme des
purines et l’élimination du produit de
dégradation5,7,8. À partir des acides nucléi-
ques de l’ADN, les purines sont dégradées
par une série de réactions enzymatiques
pour aboutir à la formation d’acide urique
par le biais de l’enzyme xanthine oxydase
(XO) qui agit de façon irréversible7.
La production d’acide urique s’effectue prin-
cipalement dans le foie. En moyenne, le tiers
de cette production provient de lalimentation
de l’individu, le reste étant le sultat du cycle
de vie d’une cellule et des acides nuciques.
La concentration plasmatique recommane
d’acide urique diffère selon le sexe. On sugre
des valeurs moyennes entre 200 et 400 µmol/L
pour l’homme et entre 150 et 350 µmol/L chez
la femme
3,5,7,8
. Ces chiffres peuvent varier sen-
siblement d’un laboratoire à l’autre et d’un
centre hospitalier à l’autre, mais on essaie de
maintenir les patients en dessous du seuil de
saturation de l’urate de sodium, soit à un taux
inférieur à 360 µmol/L
11
.
L’élimination de l’acide urique est majori-
tairement rénale, le reste étant élimipar
excrétion entérique. Pour quil y ait hyper-
uricémie, l’équilibre entre la production et
l’excrétion doit être brisé. Ainsi, certains
patients présenteront une excrétion défici-
taire et d’autres, une production accrue.
Dans les deux cas, la résultante est une aug-
mentation des réserves et des concentra-
tions plasmatiques d’acide urique. Une
forte majorité (> 85 %) des patients hyper-
uricémiques présentent un défaut de l’ex-
crétion, d’où la nécessité de développer des
agents uricosuriques7,8.
Régime alimentaire
Parmi les sources d’acide urique exogènes,
certains aliments renferment de grandes
quantités de purines, qui devront être méta-
bolisées et qui entrneront une production
plus importante d’acide urique. Le tableau I
présente une liste non exhaustive d’aliments
avec différentes concentrations en purines.
Une étude américaine de grande envergure a
examiné l’impact de l’alimentation sur la sur-
venue d’arthrite goutteuse chez une popula-
tion de 47 150 hommes pendant 12 ans
12
.
L’étude a montré qu’une plus grande consom-
mation de viandes et de fruits de mer était
associée à un risque plus élevé de crises de
goutte (RR = 1,41 et 1,51 respectivement,
p = 0,02). Pour ce qui est des légumes riches
en purines, ils nont pas mont de risque
accru sur l’apparition de goutte. Par ailleurs,
certains aliments semblent avoir un effet pro-
tecteur. Une consommation accrue de pro-
duits laitiers a entrné une diminution de
près de 50 % des cas de goutte
12
. Ces données
permettent de mieux cibler la nourriture à
privilégier ou à éviter chez les patients présen-
tant des taux élevés d’acide urique. Il ne faut
pas oublier le rôle de l’obési dans la goutte.
Au Canada, on estime que 50 % des individus
de plus de 18 ans ont des kilos en trop, soit
avec un indice de masse corporelle (IMC)
supérieur à 25
13
. Plus l’IMC est éle, plus le
risque de goutte est accru
3,12,14
. L’osité aug-
mente les taux d’acide urique en diminuant
l’excrétion nale avec une production renfor-
e. L’inverse est aussi vrai, car une perte de
poids significative entraîne une baisse des
taux d’acide urique
14
.
Alcool
Nos ancêtres du Moyen-Âge n’étaient pas
comptement dans l’erreur quant aux carac-
ristiques des personnes atteintes de la
goutte. Les grands consommateurs d’alcool
présentent une prédisposition apparente à
une attaque de goutte, mais le type de bois-
son alcoolisée pourrait jouer un rôle prépon-
rant14,15. Ainsi, la bière est très riche en
purines, particulièrement en guanosine. Plus
un patient consomme de la bière, plus son
risque d’hyperuricémie et de goutte est éle.
Choi et coll. ont utilisé lame cohorte
crite prédemment pour mesurer l’im-
pact de l’alcool. Ils ont mont un effet faste
chez les patients buvant en moyenne une
bière par jour (RR = 1,49; IC 95 % 1,32-1,70)
et, dans une moindre mesure, chez les hom-
mes buvant un verre de spiritueux par jour
(RR = 1,15; IC 95 % 1,04-1,28)15. Cepen-
dant, un verre de vin par jour n’a pas eu d’im-
pact significatif sur l’apparition de goutte
(RR = 1,04; IC 95 % 0,88-1,22). Évidem-
ment, les grands buveurs d’alcool psen-
taient des risques plus élevés quel que soit le
type d’alcool qu’ils prenaient.
Médicaments
Plusieurs dicaments couramment prescrits
inuencent positivement ou gativement la
concentration plasmatique d’acide urique. Ils
agissent plus souvent qu’autrement au niveau
nal en freinant ou en stimulant l’excrétion
d’acide urique
5,7
. Par exemple, l’utilisation
gulière de diutiques provoque une aug-
mentation de la concentration d’acide urique
dans le sang. Tant les diurétiques de l’anse que
les thiazidiques réduisent l’excrétion d’urate,
probablement par déplétion volumique, ce qui
entrnerait une réabsorption au tubule proxi-
mal, fidèle au gradient de concentration
3,7,14
.
L’aspirine, quant à elle, présente plusieurs pro-
prtés différentes dépendantes de la dose. En
effet, une dose élee d’aspirine (> 3 grammes
par jour) a des propriétés uricosuriques en
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empêchant la réabsorption, tandis que les plus
faibles doses, incluant la dose quotidienne de
80 mg, diminuent la clairance de l’acide urique
et augmentent la concentration plasmatique
en nuisant à l’excrétion
4,5,7
. Parmi les autres
dicaments pouvant prédisposer à une crise
de goutte, citons l’éthambutol, l’acide nicoti-
nique, la warfarine et la cyclosporine
5
. Par
contre, quelques dicaments provoquent
l’effet inverse (uricosurique) et permettent
donc une protection additionnelle face à la
survenue de goutte; le losartan et le nofi-
brate, entre autres, présenteraient cette
caractéristique
3,5,6
.
Autres facteurs
Plusieurs types de cancers se manifestent par
une augmentation d’acide urique, comme le
mlome multiple et plusieurs autres can-
cers des cellules de la moelle osseuse5. Les
cancers sont également précurseurs du syn-
drome de lyse tumorale, une urgence méta-
bolique qui s’observe dans les cancers ayant
une croissance tumorale rapide. Ces cancers
pondent habituellement bien à la chimio-
thérapie et à la radiothérapie. Cependant, la
mort d’une grande quanti de cellules can-
reuses en rapport avec l’efficacité du trai-
tement provoque un largage rapide dans le
sang de produits intracellulaires, dont l’acide
urique. Par conséquent, on observe une aug-
mentation marqe des taux d’acide urique
en l’espace de quelques jours suivant le trai-
tement oncologique16.
Évidemment, les patients souffrant d’in-
suffisance rénale courent également le ris-
que de présenter des crises de goutte. À
défaut de pouvoir excréter convenablement,
l’organisme accumule des déchets métabo-
liques, dont l’acide urique6,7. En fait, de
nombreuses maladies chroniques se pré-
sentent en association avec la goutte, tels le
syndrome métabolique, l’hypertension et la
Tableau II
Options thérapeutiques pour l’arthrite goutteuse aiguë3
Médicament gime posologique Commentaires
AINS
Naproxène 375 à 500 mg po bid pour 3 jours, Peu dispendieux
puis 250 à 375 mg po bid pour 4 à 7 jours
À éviter chez les patients en insuffisance rénale ou
Sulindac 150 à 200 mg po bid pour 7 à 10 jours patique et chez les patients à risque d’effets
gastro-intestinaux (GI), chez les patients asthmatiques
Indothacine 150 à 200 mg par jour po pour 3 jours, puis 100 mg ou en insuffisance cardiaque
par jour po pour 4 à 7 jours (divis en 2 à 4 doses)
Inhibiteurs de COX-2
coxib 200 mg po bid la premre journée, Meilleure torance GI que les AINS. Cet effet protecteur
puis 100 mg po bid pour 6 à 10 jours est dimin, voire élimi si prise d’aspirine
concomitante
Stéroïdes systémiques
Prednisone 40 à 60 mg par jour po pour 3 jours, puis diminuer À éviter si l’hypotse d’une sepsis articulaire
progressivement de 10 mg à tous les 3 jours jusqu’à cessation n’est pas exclue
À éviter chez les patients à risque d’hyperglycémie
Triamcinolone Une dose de 60 mg intramusculaire
Stéroïdes locaux
Triamcinolone Une dose de 40 mg intra-articulaire Utile si une seule articulation est atteinte
dans le genou ou 8 mg dans les petites articulations À éviter si l’hypotse d’une sepsis articulaire
n’est pas exclue
ACTH
25 U sous-cuta pour une crise Disponibili limie
monoarticulaire; 40 U intramusculaire ou Efficaci moindre chez un patient recevant
intraveineux pour une crise polyarticulaire des corticostéroïdes oraux à long terme
Risque de réactions d’hypersensibili
Colchicine
Pour un épisode aigu, dans les 24 premres heures, chez À éviter ou limiter chez les personnes âes et chez
un patient ne recevant pas de prophylaxie à la colchicine: les insuffisants rénaux et hépatiques. Tous les patients
0,6 mg initialement suivi de doses additionnelles recevant des doses trapeutiques de colchicine
de 0,6 mg à chaque heure jusquà un maximum de velopperont des effets toxiques.
8 doses par jour, à cause du risque de diarrhée, Interactions potentielles avec l’érythromycine,
de nausées et de vomissements. la simvastatine et la cyclosporine.
Le traitement de la goutte
30 QUÉBEC PHARMACIE VOL. 54 N° 11 NOVEMBRE 2007
maladie cardiovasculaire. Cependant, le lien
causal demeure encore incertain. D’une
part, des taux élevés d’acide urique ont déjà
été associés à l’hypertension, mais, d’autre
part, on reconnaît également que la haute
pression est un facteur de risque pour des
crises d’arthrite goutteuse3,5,7,17. Enfin, parmi
les autres troubles pouvant précipiter une
crise de goutte, citons l’hypothyroïdie, la
malnutrition et certaines intoxications, le
plomb par exemple5.
Traitement
Le but du traitement dépend avant tout du
stade de la maladie. Dans le cas d’une crise
aiguë, le soulagement de la douleur et la maî-
trise de l’inflammation demeurent la prio-
rité3-8,18. Pour ce qui est de la goutte chroni-
que ou de la prophylaxie, on cherche à
diminuer la concentration d’acide urique à
des taux inférieurs à 360 µmol/L, le taux
exact recherc demeurant arbitraire, en
autant qu’il soit le plus éloigné possible de la
solubili de l’acide urique18. Pour ce faire,
on a recours à des agents empêchant la pro-
duction ou accélérant l’excrétion d’acide
urique. On prévient ainsi la précipitation des
cristaux d’urate et la recrudescence de la
maladie. Cependant, les deux types de traite-
ment (aigu ou chronique) sont difrents.
Par exemple, en sachant qu’une crise de
goutte peut se prolonger ou se détériorer
avec des fluctuations, à la hausse ou à la
baisse, d’acide urique, les agents antihyper-
urimiques ne devraient pas être ajous,
modifiés ou cess tant que la action
inflammatoire n’est pas maîtrisée ni traie7.
Approche non pharmacologique
Lors d’une crise de goutte aie, il est impor-
tant d’immobiliser l’articulation atteinte en
plus d’appliquer localement de la glace à
l’aide d’une protection cutanée comme un
linge ou une serviette. Le froid rétrécit les
vaisseaux sanguins et diminue ainsi l’afflux
de médiateurs pro-inflammatoires à l’arti-
culation. Comme nous l’avons expliqué
auparavant, l’alimentation et le style de vie
peuvent jouer un rôle non négligeable dans
l’apparition d’hyperuricémie et de goutte.
Cependant, le régime alimentaire comme
seule approche thérapeutique tient un le
plutôt modeste dans le traitement de l’hype-
rurimie. Un individu qui suit un régime
strictement pauvre en purines peut voir sa
concentration d’acide urique diminuer
d’environ 60 µmol/L en moyenne6,7. Or, si
on ajoute à cette diète une perte de poids,
une consommation accrue de produits lai-
tiers tout en modérant la prise d’alcool, on se
retrouve avec une méthode peu dispen-
dieuse etcuritaire qui peut donner des
sultats significatifs7,14,15. En ajoutant ces
moyens non pharmacologiques à la thérapie
dicamenteuse, nous pouvons mieux maî-
triser la maladie.
Traitement de la goutte aiguë
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
En l’absence de contre-indications, les anti-
inammatoires non stéroïdiens (AINS) cons-
tituent le traitement de première intention de
la goutte aig. Ils agissent en diminuant la
action inflammatoire dans les articulations
atteintes par une inhibition de l’enzyme
cyclo-oxygénase (COX) responsable de la
formation de diateurs pro-inflammatoi-
res3-7,18. En général, on s’accorde pour dire
que les AINS peuvent soulager les symptô-
mes à l’intérieur des 24 premières heures
d’administration. Ils présentent également
un avantage étant don leur faible coût5. Par
le passé et encore aujourd’hui, les cliniciens
utilisent l’indométacine, le naproxène et
l’ibuprone. Bien qu’elle soit efcace à de
fortes doses, l’aspirine est très peu recom-
mane en pratique. La comparaison des
difrents AINS entre eux à des doses équiva-
lentes chez des patients en crise de goutte n’a
pas mont la supériorité d’un produit par
rapport à un autre19. Cependant, l’utilité de
ces produits peut être limitée par les nom-
breux effets indésirables qu’ils occasionnent,
surtout aux niveaux gastro-intestinal et -
nal5,7,18. Puisque les doses d’AINS utilisées
pour traiter la goutte sont élees (tableau
II), ces effets indésirables apparaissent plus
souvent. Les patients âgés, avec une fonction
nale duite et avec des andents de ma-
ladies gastro-intestinales demeurent parti-
culrement vulrables aux hémorragies,
aux ulcères et à une insuffisance nale7,10.
Une solution de rechange inressante pour
les patients intorants aux AINS siderait
dans les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase-2
(COX-2), qui provoquent moins d’effets in-
sirables gastro-intestinaux en raison de
leur lectivité pour la COX-2. Au Canada, il
n’y a qu’une molécule de la sorte psente-
ment sur le marché, soit le lécoxib (Cele-
brexMD). Le lumiracoxib (PrexigeMD) a été re-
ti du marché cemment. Par contre, peu
d’études sur la goutte ont été effectes en
utilisant ces mocules. En Europe et en
Arique latine, un autre produit, l’étori-
coxib (ArcoxiaMD), est utilisé comme anti-in-
flammatoire et on a montré que son efficaci-
était similaire à l’indométacine dans le
traitement de la goutte aiguë tout en causant
moins d’effets indésirables20. Ainsi, pour un
patient qui présente des crises de goutte répé-
es, un traitement par les inhibiteurs de la
COX-2 serait envisageable chez ceux qui ont
des contre-indications aux AINS tradition-
nels5,7. Cependant, une mise en garde concer-
nant les inhibiteurs de la COX-2 a entraîné le
retrait en 2004 du rofécoxib (VioxxMD) et en
2005 du valcoxib (BextraMD) à la suite de la
publication de résultats montrant une légère
hausse des énements cardiovasculaires lors
d’une utilisation prolone de ces agents.
L’étoricoxib ne semble pas psenter de ris-
ques cardiovasculaires à ce jour21. Étant don-
que l’utilisation des anti-inammatoires
demeure riodique, soit à chaque crise de
goutte, l’utilisation du cécoxib devient plus
envisageable, puisque le risque cardiovascu-
laire avec les inhibiteurs de la COX-2 a é
établi dans les cas de leur prise prolone et
continue. Le lumiracoxib (PrexigeMD), pour
sa part a été retiré récemment par Santé Ca-
nada en raison d’effets insirables grave sur
le foie.
Colchicine
La colchicine correspond à un dérivé alca-
loïde de la colchique d’automne (ou Colchi-
cum autumnale). La colchicine présente une
activité anti-inammatoire par différents
canismes. Elle bloque la formation de
microtubules à l’intérieur des neutrophiles,
elle inhibe la libération de facteurs pro-
inammatoires tel le leucotriène B4 (LTB4) et
elle empêche le recrutement des autres globu-
les blancs dans la réaction inflammatoire.
Ainsi, pour que la colchicine soit efficace
comme anti-inflammatoire, elle doit être
amore ts tôt dans le processus inamma-
toire. Pour une crise de goutte, on devrait
amorcer le traitement dans les 24 premres
heures après le but de la crise; sinon, les
effets néques seront moins importants et
l’attaque pourrait être plus longue à trai-
ter7,18,19,23. néralement, la douleur com-
mence à diminuer aps 12 heures de traite-
ment et disparaît complètement à l’inrieur
de 48 heures. Un cent consensus internatio-
nal a standardisé la dose de part à 1 mg
deux à quatre heures avec un maximum de
Cas clinique
M.T., un homme de 70 ans sans antécédents de
problèmes de santé, se présente à la pharma-
cie avec une prescription de :
n Naprone 500 mg bid x 5 jours
n Allopurinol 100 mg die
n Colchicine 0,6 mg die
Le patient vous indique qu’il a été victime d’une
crise de goutte il y a 48 heures et quil sort tout
juste de l’pital. Il ne prend aucun autre médi-
cament et n’a pas dallergie connue.
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4 mg par jour5,19,22,23. Bien que la colchicine
soit efcace, les effets indésirables gastro-
intestinaux (nausées, vomissements et diar-
rhée) et musculaires (myopathies) sont nom-
breux, et constituent une cause majeure
d’arrêt du traitement7. La diarrhée apparaît
souvent 24 heures après lebut de la tra-
pie dicamenteuse, même avec des faibles
doses. En fait, la colchicine est reconnue
comme étant un dicament à index théra-
peutique étroit, comme en font foi les nom-
breux effets indésirables et sa toxici. La col-
chicine peut provoquer des complications
très graves au niveau hématologique si elle est
utilie à fortes doses. On a rapporté des cas
de neutropénie, de pancytonie, de neuro-
myopathie avec des faillances de plusieurs
organes vitaux7,19,23. Une intoxication à la col-
chicine est presque impossible à traiter, car il
n’y a pas d’antidotes connus. Les troubles
digestifs, sanguins et neurologiques sont gra-
ves, et les conséquences peuvent être fatales5,23.
La colchicine peut également sadministrer
par voie intraveineuse. Les effets gastro-intes-
tinaux sont peu ou pas présents, mais une
crose au point d’injection et les effets ma-
tologiques demeurent fréquents. Cette voie
devrait rarement être privilégiée, mais si c’est
le cas, la dose maximale pour une seule crise
de goutte ne devrait jamais dépasser 2 mg7,19.
Corticostéroïdes et corticotropine
Les corticostéroïdes représentent une bon-
ne solution de rechange chez les patients
pour qui les AINS et la colchicine sont inef-
ficaces ou contre-indiqués5-7,24. Les stéroïdes
dérivés de la cortisone (prednisone, méthyl-
prednisolone) agissent comme anti-inflam-
matoire par leur action glucocorticoïde. Ils
inhibent les événements moléculaires liés à
l’activation des globules blancs et leur mi-
gration vers le site inflammatoire. Quelques
études ont montré l’efficacité de ces médi-
caments dans le traitement de la crise de
goutte, mais aucune jusqu’à ce jour n’a
compales différents corticostérdes en-
tre eux. Lors d’une crise de goutte impli-
quant une seule articulation, on peut envi-
sager une injection intra-articulaire de
corticostéroïdes. En effet, la triamcinolone
ou la prednisolone injectable après aspira-
tion de l’articulation atteinte constitue un
traitement de choix lorsque l’aspiration est
possible. L’injection provoque un soulage-
ment presque immédiat5,19. Dans le cas
d’une utilisation systémique, on peut utili-
ser des doses modérées de prednisone ou
son équivalent avec une diminution pro-
gressive pendant deux semaines (tableau
II). On observe une amélioration des symp-
tômes dans les 24 premières heures avec une
disparition complète en 7 à 10 jours24. Les
corticostéroïdes à court terme présentent
moins d’effets indésirables nocifs que la col-
chicine, mais ils peuvent causer une démi-
néralisation osseuse s’ils sont utilisés à de
hautes doses ou à trop long terme7,24.
La corticotropine, aussi connue sous le
nom d’hormone corticotrope ou Adreno
Cortico Tropic Hormone (ACTH), peut
également être utile pour les patients avec
plusieurs problèmes dicaux concomi-
tants empêchant l’utilisation des thérapies
de premre intention3,7,25. L’ACTH est pro-
duite normalement de façon endogène par
l’adénohypophyse pour stimuler la produc-
tion de cortisol par les glandes surrénales.
L’injection de corticotropine de synthèse
(SynacthenMD) se rajoute à l’ACTH déjà p-
sente dans la circulation et provoque une
plus grande libération de cortisol et une plus
grande réaction anti-inflammatoire au
niveau de l’articulation atteinte par des cris-
taux d’urate25. L’injection a mont une
action plus rapide et un meilleur profil d’in-
nocuité que l’indométacine. La douleur se
sorbait à l’intérieur des 4 premres heures
pour la corticotropine sans effets indésira-
bles rapportés, comparativement à 24 heu-
res pour l’AINS26. Cependant, l’utilisation
de l’ACTH de synthèse est limie en raison
du ct et de l’inconfort causé par l’admi-
nistration intramusculaire19.
Traitement prophylactique
de la goutte
Pour pvenir des crises subséquentes de
goutte, le meilleur objectif de traitement side
en une concentration d’acide urique inrieure
à la limite de solubilité (< 360 µmol/L).
Une
duction à long terme des taux sanguins pré-
vient et renverse la formation des cristaux
d’urate
3,7
. Une médication antihyperuricémi-
que sera envisageable pour des patients pré-
sentant des tophi visibles à l’œil nu (de plus en
plus rares) ou avec une moyenne de deux ou
trois crises de goutte par an
6
. En d’autres ter-
mes, les patients présentant de l’hyperuricé-
mie asymptomatique ne devraient pas rece-
voir de traitement tant et aussi longtemps
qu’une crise de goutte ne sest pas manifestée.
Afin de maintenir des valeurs trapeutiques,
le traitement dicamenteux devra être pour-
suivi à très long terme, voire toute la vie.
Cependant, tous les dicaments traitant
l’hyperuricémie peuvent précipiter une crise
de goutte lorsqu’ils sont initiés
3-7
. C’est pour-
quoi un traitement prophylactique par les
AINS ou par la colchicine peut être instauré
aume moment, mais à moyen terme, soit
de trois à six mois, parfois plus longtemps sil
y a psence d’un tophus, ce qui permettra de
duire le nombre et l’ampleur des attaques.
On recommande la plus faible dose trapeu-
tique possible pour les AINS et un maximum
de 1 mg par jour de colchicine et me 0,5
mg par jour chez les insufsants rénaux pour
éviter les effets indésirables qu’entraînent ces
traitements
7,22
.
Allopurinol
L’allopurinol (ZyloprimMD), utilisé depuis les
années 1960, agit en empêchant la produc-
tion dacide urique par inhibition de len-
zyme xanthine oxydase (XO). L’allopurinol
constitue le traitement de choix pour lhyper-
uricémie, tant pour ceux qui produisent trop
d’acide urique que pour ceux qui n’en élimi-
nent pas assez5,7,27. La dose de part est de
100 mg pour ensuite augmenter graduelle-
ment par incrément de 100 mg jusqu’à l’at-
teinte des cibles thérapeutiques. En néral,
une dose de 300 mg permet de ramener les
Le traitement de la goutte
Tableau III
Doses de maintien d’allopurinol recommandées
selon la fonction rénale
Clairance de la créatinine (mL/min) Posologie d’allopurinol
0 100 mg à tous les 3 jours
10 100 mg à tous les 2 jours
20 100 mg die
40 150 mg die
60 200 mg die
80 250 mg die
100 300 mg die
120 350 mg die
140 400 mg die
Le tableau est basé sur une dose de maintien usuelle de 300 mg die pour un patient avec une clairance de la créatinine
de 100 mL/min25.
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