30 QUÉBEC PHARMACIE VOL. 54 N° 11 NOVEMBRE 2007
maladie cardiovasculaire. Cependant, le lien
causal demeure encore incertain. D’une
part, des taux élevés d’acide urique ont déjà
été associés à l’hypertension, mais, d’autre
part, on reconnaît également que la haute
pression est un facteur de risque pour des
crises d’arthrite goutteuse3,5,7,17. Enfin, parmi
les autres troubles pouvant précipiter une
crise de goutte, citons l’hypothyroïdie, la
malnutrition et certaines intoxications, le
plomb par exemple5.
Traitement
Le but du traitement dépend avant tout du
stade de la maladie. Dans le cas d’une crise
aiguë, le soulagement de la douleur et la maî-
trise de l’inflammation demeurent la prio-
rité3-8,18. Pour ce qui est de la goutte chroni-
que ou de la prophylaxie, on cherche à
diminuer la concentration d’acide urique à
des taux inférieurs à 360 µmol/L, le taux
exact recherché demeurant arbitraire, en
autant qu’il soit le plus éloigné possible de la
solubilité de l’acide urique18. Pour ce faire,
on a recours à des agents empêchant la pro-
duction ou accélérant l’excrétion d’acide
urique. On prévient ainsi la précipitation des
cristaux d’urate et la recrudescence de la
maladie. Cependant, les deux types de traite-
ment (aigu ou chronique) sont différents.
Par exemple, en sachant qu’une crise de
goutte peut se prolonger ou se détériorer
avec des fluctuations, à la hausse ou à la
baisse, d’acide urique, les agents antihyper-
uricémiques ne devraient pas être ajoutés,
modifiés ou cessés tant que la réaction
inflammatoire n’est pas maîtrisée ni traitée7.
Approche non pharmacologique
Lors d’une crise de goutte aigüe, il est impor-
tant d’immobiliser l’articulation atteinte en
plus d’appliquer localement de la glace à
l’aide d’une protection cutanée comme un
linge ou une serviette. Le froid rétrécit les
vaisseaux sanguins et diminue ainsi l’afflux
de médiateurs pro-inflammatoires à l’arti-
culation. Comme nous l’avons expliqué
auparavant, l’alimentation et le style de vie
peuvent jouer un rôle non négligeable dans
l’apparition d’hyperuricémie et de goutte.
Cependant, le régime alimentaire comme
seule approche thérapeutique tient un rôle
plutôt modeste dans le traitement de l’hype-
ruricémie. Un individu qui suit un régime
strictement pauvre en purines peut voir sa
concentration d’acide urique diminuer
d’environ 60 µmol/L en moyenne6,7. Or, si
on ajoute à cette diète une perte de poids,
une consommation accrue de produits lai-
tiers tout en modérant la prise d’alcool, on se
retrouve avec une méthode peu dispen-
dieuse et sécuritaire qui peut donner des
résultats significatifs7,14,15. En ajoutant ces
moyens non pharmacologiques à la thérapie
médicamenteuse, nous pouvons mieux maî-
triser la maladie.
Traitement de la goutte aiguë
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
En l’absence de contre-indications, les anti-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) cons-
tituent le traitement de première intention de
la goutte aiguë. Ils agissent en diminuant la
réaction inflammatoire dans les articulations
atteintes par une inhibition de l’enzyme
cyclo-oxygénase (COX) responsable de la
formation de médiateurs pro-inflammatoi-
res3-7,18. En général, on s’accorde pour dire
que les AINS peuvent soulager les symptô-
mes à l’intérieur des 24 premières heures
d’administration. Ils présentent également
un avantage étant donné leur faible coût5. Par
le passé et encore aujourd’hui, les cliniciens
utilisent l’indométacine, le naproxène et
l’ibuprofène. Bien qu’elle soit efficace à de
fortes doses, l’aspirine est très peu recom-
mandée en pratique. La comparaison des
différents AINS entre eux à des doses équiva-
lentes chez des patients en crise de goutte n’a
pas montré la supériorité d’un produit par
rapport à un autre19. Cependant, l’utilité de
ces produits peut être limitée par les nom-
breux effets indésirables qu’ils occasionnent,
surtout aux niveaux gastro-intestinal et ré-
nal5,7,18. Puisque les doses d’AINS utilisées
pour traiter la goutte sont élevées (tableau
II), ces effets indésirables apparaissent plus
souvent. Les patients âgés, avec une fonction
rénale réduite et avec des antécédents de ma-
ladies gastro-intestinales demeurent parti-
culièrement vulnérables aux hémorragies,
aux ulcères et à une insuffisance rénale7,10.
Une solution de rechange intéressante pour
les patients intolérants aux AINS résiderait
dans les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase-2
(COX-2), qui provoquent moins d’effets in-
désirables gastro-intestinaux en raison de
leur sélectivité pour la COX-2. Au Canada, il
n’y a qu’une molécule de la sorte présente-
ment sur le marché, soit le célécoxib (Cele-
brexMD). Le lumiracoxib (PrexigeMD) a été re-
tiré du marché récemment. Par contre, peu
d’études sur la goutte ont été effectuées en
utilisant ces molécules. En Europe et en
Amérique latine, un autre produit, l’étori-
coxib (ArcoxiaMD), est utilisé comme anti-in-
flammatoire et on a montré que son efficaci-
té était similaire à l’indométacine dans le
traitement de la goutte aiguë tout en causant
moins d’effets indésirables20. Ainsi, pour un
patient qui présente des crises de goutte répé-
tées, un traitement par les inhibiteurs de la
COX-2 serait envisageable chez ceux qui ont
des contre-indications aux AINS tradition-
nels5,7. Cependant, une mise en garde concer-
nant les inhibiteurs de la COX-2 a entraîné le
retrait en 2004 du rofécoxib (VioxxMD) et en
2005 du valdécoxib (BextraMD) à la suite de la
publication de résultats montrant une légère
hausse des événements cardiovasculaires lors
d’une utilisation prolongée de ces agents.
L’étoricoxib ne semble pas présenter de ris-
ques cardiovasculaires à ce jour21. Étant don-
né que l’utilisation des anti-inflammatoires
demeure périodique, soit à chaque crise de
goutte, l’utilisation du célécoxib devient plus
envisageable, puisque le risque cardiovascu-
laire avec les inhibiteurs de la COX-2 a été
établi dans les cas de leur prise prolongée et
continue. Le lumiracoxib (PrexigeMD), pour
sa part a été retiré récemment par Santé Ca-
nada en raison d’effets indésirables grave sur
le foie.
Colchicine
La colchicine correspond à un dérivé alca-
loïde de la colchique d’automne (ou Colchi-
cum autumnale). La colchicine présente une
activité anti-inflammatoire par différents
mécanismes. Elle bloque la formation de
microtubules à l’intérieur des neutrophiles,
elle inhibe la libération de facteurs pro-
inflammatoires tel le leucotriène B4 (LTB4) et
elle empêche le recrutement des autres globu-
les blancs dans la réaction inflammatoire.
Ainsi, pour que la colchicine soit efficace
comme anti-inflammatoire, elle doit être
amorcée très tôt dans le processus inflamma-
toire. Pour une crise de goutte, on devrait
amorcer le traitement dans les 24 premières
heures après le début de la crise; sinon, les
effets bénéfiques seront moins importants et
l’attaque pourrait être plus longue à trai-
ter7,18,19,23. Généralement, la douleur com-
mence à diminuer après 12 heures de traite-
ment et disparaît complètement à l’intérieur
de 48 heures. Un récent consensus internatio-
nal a standardisé la dose de départ à 1 mg
deux à quatre heures avec un maximum de
Cas clinique
M.T., un homme de 70 ans sans antécédents de
problèmes de santé, se présente à la pharma-
cie avec une prescription de :
n Naproxène 500 mg bid x 5 jours
n Allopurinol 100 mg die
n Colchicine 0,6 mg die
Le patient vous indique qu’il a été victime d’une
crise de goutte il y a 48 heures et qu’il sort tout
juste de l’hôpital. Il ne prend aucun autre médi-
cament et n’a pas d’allergie connue.
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