Avant-Propos
Le livre que nous proposons parle de la Suisse à l’époque du national-socialisme
en Allemagne et de la Seconde Guerre mondiale. Il condense une vaste entre-
prise de recherche, qui embrasse cette histoire mais aussi la façon dont elle fut
abordée plus tard, après la guerre. Ce livre concerne ainsi directement le présent:
cette histoire ne cesse de nous hanter. Elle nourrit les discussions d’aujourd’hui.
Elle implique des décisions. Elle façonne notre vision de l’avenir.
La Commission Indépendante d’Experts: Suisse – Seconde Guerre Mondiale
(CIE) rassemble dans ces pages les résultats de ses cinq années de recherche et
les situe dans leur contexte international. Au cours des mois qui avaient précédé
l’institution de cette Commission à la fin de 1996, un débat s’était engagé sur
deux sujets: celui des transactions sur l’or que la Banque nationale suisse avait
conduites à l’époque avec le Troisième Reich; et celui des biens restés «en déshé-
rence» dans les banques helvétiques. Exprimées à l’étranger surtout, les
critiques se multiplièrent. Parlement et Conseil fédéral résolurent de faire
procéder à l’examen approfondi de ces reproches que cinquante ans passés
n’avaient pu faire taire mais qui avaient pris tout à coup une acuité sans
précédent. La Commission reçut donc la mission de conduire ses recherches sur
l’ensemble des aspects contestés de ce passé. L’arrêté fédéral du 13 décembre
1996, adopté à l’unanimité par les deux chambres du Parlement fédéral, Conseil
national et Conseil des Etats, dispose par son article 1er («Champ d’investi-
gation») que «les recherches portent sur l’étendue et le sort de toute forme de
valeurs patrimoniales qui ont été, soit confiées en dépôt ou placement, ou pour
transmission à un tiers, à des banques, à des assurances, à des avocats, à des
notaires, à des fiduciaires, à des gérants de fortune ou à d’autres personnes
physiques ou morales ou associations de personnes ayant leur domicile ou leur
siège en Suisse, soit requises par ces personnes physiques ou morales ou associa-
tions de personnes, soit reçues par la Banque nationale suisse [...]».1
La mise en place d’une telle commission était jusque-là sans exemple. Elle s’est
pourtant inscrite dans une série d’initiatives prises en 1996 et 1997 pour
conjurer la crise qui ébranlait la Suisse, tant à l’intérieur que dans ses relations
avec le monde extérieur. Il y avait eu d’abord, au printemps 1996, le
Memorandum of Understanding créant un Independent Committee of Eminent Persons
(dit Comité Volcker, du nom de son président) chargé de repérer dans les