Vol. IX, 2006 La Relativit´e g´en´erale aujourd’hui 5
d’´equivalence” entre gravitation et inertie. Ce principe a deux volets, qu’Einstein uti-
lisa tour `a tour. Le premier volet dit que, pour n’importe quel champ gravitationnel
ext´erieur, il est possible d’“effacer” localement le champ de gravitation en utilisant
un r´ef´erentiel local en chute libre ad´equat, et que, du coup, les lois de la physique non
gravitationnelle s’appliquent dans ce r´ef´erentiel local, comme elles le faisaient, dans
un r´ef´erentiel inertiel (libre de gravitation) en relativit´e restreinte. Le deuxi`eme volet
du principe d’´equivalence d’Einstein dit que, en partant d’un r´ef´erentiel inertiel en
relativit´e restreinte (et en l’absence de tout “vrai” champ de gravitation), on peut
cr´eer un champ gravitationnel apparent dans un r´ef´erentiel local, si ce r´ef´erentiel est
acc´el´er´e (soit en ligne droite, soit par une rotation).
4 Gravitation et chrono-g´eom´etrie de l’espace-temps
Einstein sut (par un extraordinaire chemin intellectuel qui dura huit ans)
construire une nouvelle th´eorie de la gravitation, bas´ee sur une ample g´en´eralisation
de la th´eorie de la relativit´e de 1905, en partant seulement du principe d’´equivalence
´enonc´e ci-dessus. La premi`ere ´etape de ce processus a consist´e `a comprendre que le
principe d’´equivalence sugg´erait une modification profonde de la structure chrono-
g´eom´etrique de l’espace-temps de Poincar´e-Minkowski rappel´e dans l’´equation (1)
ci-dessus. En effet, soit Xα,α= 0,1,2,3, les coordonn´ees d’espace-temps dans un
r´ef´erentiel local en chute libre (ou r´ef´erentiel localement inertiel). Dans un tel
r´ef´erentiel, les lois de la relativit´e restreinte s’appliquent. En particulier, l’intervalle
infinit´esimal d’espace-temps ds2=dL2−c2dT 2entre deux ´ev´enements infiniment
voisins d’un tel r´ef´erentiel Xα,X0α=Xα+dXα(proches du centre de ce r´ef´erentiel)
prend la forme
ds2=dL2−c2dT 2=ηαβ dXαdXβ,(5)
o`u l’on rappelle que les indices r´ep´et´es αet βsont somm´es sur toutes leurs valeurs
(α, β = 0,1,2,3). On sait aussi qu’en relativit´e restreinte les densit´es et flux lo-
caux d’´energie et d’impulsion se rassemblent dans les dix composantes du tenseur
d’´energie-impulsion Tαβ. [Par exemple, la densit´e volumique d’´energie est ´egale, dans
le r´ef´erentiel Xα= (X0, Xi), i= 1,2,3 `a T00.] La conservation de l’´energie et de
l’impulsion se traduit par l’´equation ∂βTαβ = 0, o`u ∂β=∂/∂ Xβ.
La th´eorie de la relativit´e restreinte nous dit que l’on peut changer de r´ef´erentiel
localement inertiel (tout en restant dans le voisinage d’un point d’espace-temps o`u
l’on a “effac´e” la gravitation) par une transformation de Lorentz, X0α= Λα
βXβ. Sous
une telle transformation, l’intervalle infinit´esimal ds2, Eq. (5), reste invariant, et les 10
composantes du tenseur (sym´etrique) Tαβ se transforment selon T0αβ = Λα
γΛβ
δTγδ.
En revanche, quand on passe d’un r´ef´erentiel localement inertiel (de coordonn´ees Xα) `a
un r´ef´erentiel non inertiel ´etendu (de coordonn´ees xµ;µ= 0,1,2,3) la transformation
reliant les Xαaux xµn’est plus une transformation lin´eaire (comme la transformation
de Lorentz) mais devient une transformation non lin´eaire Xα=Xα(xµ) d’une forme
qui pourra ˆetre quelconque. Du coup, la valeur de l’intervalle infinit´esimal ds2va
prendre, quand on l’exprime dans un r´ef´erentiel ´etendu g´en´eral, une forme plus com-
pliqu´ee que la forme tr`es simple, Eq. (5), qu’elle avait dans un r´ef´erentiel localement
en chute libre. En effet, en diff´erentiant les fonctions non lin´eaires Xα=Xα(xµ) on
obtient le lien dXα=∂Xα/∂xµdxµ. En rempla¸cant cette relation dans (5) on obtient
ensuite
ds2=gµν (xλ)dxµdxν,(6)
o`u les indices µ, ν sont somm´es sur 0,1,2,3 et o`u les dix fonctions gµν (x) (sym´etriques
sur les indices µet ν) des quatre variables xλsont d´efinies, point par point (c’est-
`a-dire en consid´erant pour chaque point xλun pr´ef´erentiel localement en chute libre
au point x, de coordonn´ees locales Xα
x) par gµν (x) = ηαβ ∂Xα
x(x)/∂xµ∂Xβ
x(x)/∂xν.