Conférence introductive du colloque DFLM 2001
Les tâches et leurs entours en classe de français
Joaquim Dolz, Bernard Schneuwly, Thérèse Thévenaz et Martine Wirthner
présent chapitre. Nous procéderons en deux mouvements, très différents l’un de l’autre. Dans le
premier, nous présenterons une petite recherche empirique, sans prétention méthodologique, visant à
observer si, dans les prescriptions concernant le travail de l’enseignant, la notion de tâche, au sens
quotidien défini plus haut, est un descripteur efficace. Dans le deuxième temps, nous décrirons les
principales lignes de recherche sur le travail de l’enseignant, en essayant de déceler quel rôle joue la
notion de tâche dans l’appareil conceptuel ou descriptif.
Le travail de l’enseignant dans les prescriptions: la place de la tâche
- Les cahiers des charges , les textes réglementaires et les plans d’études
Si la tâche est caractérisée notamment par l’obligation ou la prescription, comme nous l’avons dit
précédemment, l’examen des textes officiels nous donne les meilleures chances de trouver des traces
de la définition du travail d’enseignement en termes de tâche. Des obligations précises, des tâches
prescriptives, sont effectivement repérables dans les cahiers des charges ou chartes, dans les lois et
règlements (nous avons consulté au hasard des textes suisses romands ; voir la liste des sources en
fin du texte). Elles s’observent le plus massivement dans les parties des textes officiels relatifs aux
relations entre l’institution et les enseignants. Par exemple: le secret de fonction, la sécurité et la santé
des élèves, les horaires et le temps de présence de l’enseignant en classe. L’évaluation est
également réglementée en détail par l’institution: bulletins scolaires, épreuves de fin de cycle, tests
d’orientation ou de sélection sont édictés en termes prescriptifs; on trouve des formulations comme:
l’enseignant doit, il a l’obligation… En ce qui concerne les relations entre enseignants et parents, entre
enseignants et élèves, les formulations sont là encore prescriptives, mais relèvent principalement de
l’obligation morale.
La dimension prescriptive diminue, voire disparaît dès qu’il s’agit de la relation
enseignement/apprentissage; ce sont alors davantage les tâches de l’élève qui sont définies. On lit
plutôt des incitations du type: développer les capacités des élèves, construire des situations
d’enseignement. Ce qui incombe à l’enseignant, sans que cela soit nommé, c’est de concevoir,
d’anticiper, de piloter l’enseignement pour aboutir, en principe, à des apprentissages. Dans ce cas, les
recommandations ne renvoient pas à des tâches au sens où nous l’avons défini plus haut.
- Les moyens d’enseignement
Une tendance prescriptive concernant l’enseignement s’observe dans les textes des didacticiens-
ingénieurs: ils assignent parfois à l’enseignant des choses à faire, des “tâches”. Par exemple:
travailler des genres de texte diversifiés, faire lire la consigne (nous avons analysé les brochures
Nathan et des moyens d’enseignement romands). Une investigation systématique reste cependant à
mener. C’est de toute façon sur la tâche de l’élève qu’est focalisée le discours: faire lire faire observer,
etc… Par ailleurs, du point de vue de la dimension évaluative, voire «rétributive» de la tâche, incluse
dans notre définition, il apparaît que l’instance prescriptive, la didactique d’ingénierie, n’a pas pouvoir
d’évaluer; et si l’évaluation se faisait en fonction de tâches – ce qui n’est de loin pas la règle – la
rétribution, elle, n’en dépend nullement.
Cette brève exploration de textes possiblement prescriptifs nous semble montrer – mais c’est
précisément sujet à discussion - que l’enseignement, le cœur du travail de l’enseignant, ne semble
pas se prescrire en terme de tâches; il n’y a pas d’injonction pour enseigner… Si l’obligation apparaît,
elle est d’ordre moral.
Voyons maintenant ce qu’il en est du discours scientifique ou de la recherche.
La littérature scientifique à grands traits: la tâche dans l’analyse du travail enseignant
En didactique du français, peu de travaux utilisent le terme de tâche pour désigner ce que fait
l’enseignant; il apparaît le plus souvent dans une connotation de sens commun: “les choses qu’il a à
faire”, ou “qu’il serait bon qu’il fasse”. La tâche, ce que l’enseignant a à faire, ne se trouve pas définie
explicitement dans ce qui lui incombe au sein de la relation didactique; elle apparaît au travers des
problèmes que la tâche peut poser aux élèves. Le rôle de l’enseignant consiste alors à analyser la
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