vécus psychiques douloureux liés à la précarité socio-professionnelle, l’on arrive à
l’expression commune d’un sentiment de précarité de l’existence, adressée aux acteurs
sociaux et sanitaires de première ligne dont le psychiatre, hospitalier particulièrement,
détiendrait la solution.
Mais, outre ces demandes des usagers et du réseau, la psychiatrie hospitalière reçoit
aussi des demandes croissantes des institutions et des associations : des établissements
médico-sociaux aux maisons de retraite en passant par les associations d’aide aux migrants ou
à d’autres minorités, partout où les personnels sont en difficulté pour accompagner une
personne exprimant une souffrance psychique. Or ces personnels, ou ces bénévoles, sans
formation psychologique, sans recul psychique ni émotionnel, exercent aussi avec la crainte
que leur responsabilité soit engagée face à des complications de santé pour la personne,
crainte qui va venir justifier à leurs yeux le recours à la psychiatrie.
Enfin, le spectre du coût de l’hôpital régnant, les services de psychiatrie sont très
sollicités comme voie finale commune pour tous les patients accueillis en service de soins
généraux et inaptes au retour à domicile… ce qui est éthiquement inacceptable mais
financièrement presque incontournable.
A côté de ce bref aperçu de l’évolution des demandes adressées à la psychiatrie pour
de nombreux motifs de souffrance psychique, quelle place pour la santé mentale dans les
textes officiels ?
1.2 La santé mentale dans les textes officiels
Rappelons que pour les psychiatres, aux débuts de l’organisation de la psychiatrie
publique en Secteurs il y a plus de quarante ans, la santé mentale et les dispensaires d’hygiène
mentale visaient au premier chef l’insertion des malades sortis de l’hôpital psychiatrique et
leur maintien dans la cité. La psychiatrie s’est donc initialement appropriée la notion de santé
mentale dans la mouvance de la « psychiatrie citoyenne » [12].
Voyons ce qu’il en est dans quelques textes français récents. Avec le Plan Santé
Mentale 2005-2008 [18], dont la révision est annoncée pour l’automne 2011, il est certes fait
état de perturbation de la santé mentale sous forme de souffrance psychique mais la réflexion
reste centrée sur le soin aux malades mentaux dans et hors les institutions. Le rapport Couty
au Ministre de la Santé de janvier 2009 « Missions et organisation de la santé mentale et de la
psychiatrie », quant à lui, valide l’évolution des concepts et souligne la nécessité de « Penser
la santé mentale comme une politique de santé publique s’appuyant sur trois aspects
indissociables : sanitaire, social et médico-social » [4]. Citons encore, le rapport intitulé « La
santé mentale, l’affaire de tous » [5], remis le 17 novembre 2009 par un groupe d’experts du
Centre d’Analyse Stratégique présidé par Viviane Kovess-Masféty à la Secrétaire d’Etat
chargée de la Prospective et du Développement Numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet. Ce
rapport, en s’inspirant de l’expérience québécoise, développe spécifiquement les enjeux de
l’évolution de cette notion désormais européenne depuis deux Résolutions du Parlement
Européen en 2008 et 2009 (au sujet de la Santé Mentale puis de la Santé Mentale et du Bien-
être [19, 20]) où il est question cette fois des populations vulnérables tels les âges extrêmes de
la vie, les chômeurs, les migrants, etc. Le rapport reprend la tripartition devenue usuelle
depuis le Plan Santé Mentale 2005-2008, et ce bien que discutable [10], qui attribue à la santé
mentale trois dimensions : les troubles mentaux, la détresse psychologique et la santé mentale
positive.
C’est donc la deuxième dimension de la santé mentale, celle de la détresse
psychologique, qui pose la question des limites de l’exercice psychiatrique ; à cet égard le
rapport indique que « Ce sont la mesure du degré d’intensité de la souffrance psychique, sa
permanence et sa durée, ainsi que ses conséquences, qui peuvent conduire à la nécessité d’une
prise en charge sanitaire. Si la souffrance est temporaire et fait suite à un événement stressant,