les portables, etc., ils sont sans cesse sollicités par des images et des sons et, le plus souvent individuellement. Cette
sollicitation permanente qui frôle la saturation n’est pas sans générer de la fatigue voire des troubles de sommeil souvent
renforcés par un rythme de vie particulièrement dense pour des enfants. Si le contexte affectif et social ne permet pas
d’endiguer les effets néfastes de cette surexposition, on peut rencontrer des situations particulièrement graves. Et,
souvent c’est le début d’une spirale infernale. Car, très vite, les troubles de comportement et de conduites que
présentent les enfants conduisent à leur marginalisation scolaire, voire à leur exclusion car l’école ne sait, ou ne peut,
pas gérer ces nouveaux comportements. Alors, on soigne les enfants hyperactifs à grands coups de Ritalyne
(amphétamine) et, pour un temps, on limite les dégâts…La France est le plus grand distributeur de médicaments des
pays d’Europe.Pourtant, il existe diverses thérapies voire des possibilités d’accueil et de soins dans des structures
spécialisées…
Dès que l’on repère des difficultés cognitives, des troubles du comportement, des troubles de sommeil ou un repli sur soi
de l’enfant, il convient d’intervenir car ce sont des signes, des alertes. Le recours à un psychothérapeute ou aux services
d’un centre médico-psychologique (C.M.P), ou un centre d’action médico-social précoce (C.A.M.S.P.) permet un
accompagnement des enfants généralement en leur permettant de rester vivre dans leur contexte social et familial. Pour
certains enfants, un accueil en centre spécialisé (instituts médico-éducatifs (I.M.E), instituts thérapeutiques éducatifs et
pédagogiques (I.T.E.P)..) est préférable. Néanmoins, il faut savoir que lorsque l’Education nationale fait un signalement
et que le besoin d’entrée en institution est démontré, l’enfant n’est pourtant pas obligatoirement orienté. En effet, et de
plus en plus, le pouvoir des parents étant plus important, ces derniers s’y opposent. Il est difficile d’admettre le handicap
ou la maladie de son propre enfant.
L’organisation et les moyens de la psychiatrie publique vous semblent-ils réellement adaptés aux nouvelles
formes de pathologies que l’on rencontre dans la société d’aujourd’hui ?
La psychiatrie est une discipline assez récente et qui n’a cessé d’évoluer. Elle a connu une première grande révolution
avec la mise en place de la sectorisation dans les années 1970. On a alors supprimé un grand nombre de lits et diminué
les temps d’hospitalisation en faveur de dispositifs plus souples permettant aux malades de rester insérés dans leur
milieu de vie. C’est une véritable avancée notamment pour les malades chroniques qui, ainsi, ne sont pas coupés de la
vie sociale. Les centres médico-psychologiques se sont pleinement insérés dans leurs différents territoires et
fonctionnent en réseau avec les autres professionnels au profit des populations suivies. La proximité a favorisé leur
accès, c’est évident. De son côté, l’hôpital a aussi, et de fait, évolué. Il est devenu plus complexe et regroupe plus d’une
centaine de métiers. Engagé dans des procédures de démarche qualité, d’évaluation et de contrôle, il s’est beaucoup
technicisé, peut-être un peu trop, peut-être au détriment d’une certaine humanité…
Quant aux moyens, ils sont toujours perçus comme insuffisants. Cependant je ne pense pas que les problèmes de la
psychiatrie publique se réduisent aujourd’hui à une affaire de moyens. La profession est aussi victime d’une évolution
démographique médicale néfaste. Les médecins qui partent en retraite ont du mal à se faire remplacer. La psychiatrie
publique doit aussi faire face aux conséquences de la féminisation et à une mauvaise répartition territoriale des
spécialistes. Or, plus un territoire est sinistré, plus la situation s’aggrave. Enfin, et je crois que cet élément est
fondamental, la profession a du mal à se positionner dans une société qui la somme de réparer tous ses maux.
Le rôle et les limites de la psychiatrie publique restent trop flous et fluctuants. Pour vous, qu’est-ce qui reste
essentiel ?
La meilleure thérapie consiste d’abord à prendre le temps de construire un lien, une relation. La notion de transfert reste
fondamentale : qu’est-ce que le patient déclenche chez moi? A quelle place m’identifie t-il ? La psychanalyse a
beaucoup apporté à la psychiatrie. De nouvelles formes de soins apparaissent aujourd’hui et sont intéressantes si le
praticien et le patient se retrouvent dans une relation constructive et si les querelles de clocher ne prennent pas le pas
sur l’intérêt du patient de bénéficier d’une offre de soin diversifiée, créative. Le meilleur thérapeute est celui avec qui le
patient se sent bien.
L’évaluation des différentes techniques de soin psychique est très utopique (qui évalue quoi, avec quel outil ?), l’accès à
un soin psychique relève souvent du parcours du combattant pour le patient qui a du mal à se repérer dans les différents
soins proposés (psychanalyse, thérapies cognitivo-comportementales, thérapies familiales, psychodrame, art thérapie,
thérapies émotionnelles, etc).
Notre société, dans un souci de prévention, voudrait même prétendre repérer dès leur plus jeune âge des enfants à
risque, on pourrait ainsi essayer de repérer les enfants qui deviendront des suicidants potentiels à l’adolescence, ceux
qui risqueraient de développer des troubles du comportement et des conduites, ceux qui seraient de futurs délinquants,
de futurs toxicomanes, pourquoi pas de futurs cosmonautes ? Ce repérage précoce permettant alors la mise en place de
soins spécifiques adaptés qui pourraient permettre à l’enfant d’échapper à son destin. Cette idée très simpliste dérivée
de travaux scientifiques « vulgarisés » est typique de notre époque qui voudrait pouvoir trouver des équations qui
permettraient de résoudre les problèmes de l’humain, sans tenir compte dans l’équation du caractère très dangereux de
cette malédiction qui viendrait dès l’âge de trois ans peser sur certains enfants, « tu seras délinquant mon fils, le docteur
me l’a dit quand tu avais trois ans », ni de la complexité de l’humain qui heureusement vient tous les jours nous
surprendre, nous interpeller et qui rend notre métier si passionnant. Il n’y a pas de « recette » pour soigner un enfant;
des enfants qui ont toutes les raisons d’aller très mal sur le plan psychique au vu de tous les traumatismes potentiels