DOSSIER FMC
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
1
!Dysthyroïdies : dosez la TSH P.2
!Tsh augmentée
Ralentissement global P.3
!Dysthyroïdies : dosez la TSH P.2
!Iatrogène L’iode en cause P.5
! Conduite à tenir Que faire devant
une TSH isolément abaissée ? P.6
!TSH BASSE Hyperthyroïdie
et maladie de Basedow P.8
!Nodulaire Fruste ne veut pas dire
bénin P.10
SOMMAIRE
D.R.
DYSTHYROÏDIES
Dosez la TSH
2187-dysthroîdies.pdfd 11/06/02 15:51 Page 1
LAséméiologie des dysthyroï-
dies a dû être réécrite à la
lumière des performances
d’une biologie triomphante.
Les dosages suivants peuvent être
obtenus en routine : TSH ultrasen-
sible (il n’y a plus que celle-là), frac-
tions non liées, dites libres, de la
thyroxine et de la triiodothyronine
(T4L et T3L) et anticorps antithy-
roïdiens. Encore faut-il s’en servir
à bon escient.
Les recommandations de l’Anaes
constituent un guide précieux. Elles
n’ont pas pour objectif de se substi-
tuer au bon sens. Elles ne concer-
nent pas la maladie de Basedow évi-
dente ou le myxoedème caricatural.
Elles visent cette multitude de situa-
tions incertaines qui suscitent d’in-
nombrables dosages d’hormones
thyroïdiennes imparfaitement sou-
tenus par l’argumentaire clinique.
Quel que soit le type de dysthy-
roïdie, la TSH est l’examen de pre-
mière intention. Lorsqu’elle est
anormale, il convient de la docu-
menter par le dosage de la T4L.
Sauf
exception, une TSH normale éli-
mine la possibilité d’une dysthyroïdie.
Ce n’est qu’en cas de conviction cli-
nique forte qu’il convient de pour-
suivre l’exploration par un dosage
de T4L. Idéalement, une fois le
dosage de la TSH effectué, le sérum
devrait être conservé au laboratoire
(au maximum sept jours) pour per-
mettre les dosages en seconde
intention de T4L et T3L.
Hyperthyroïdies : TSH basse
[voir page 8]
!Dans l’hyperthyroïdie patente,
la TSH est effondrée et la T4L ou
la T3L est augmentée. En pra-
tique, le dosage de la T3L ne
devrait être effectué que lorsque
la T4L est normale. L’élévation
isolée de la T3L survient dans 5
à 10 % des hyperthyroïdies, par-
ticulièrement lorsqu’elles sont
dues à un adénome toxique. En
réalité, le dosage de la TSH seul,
qui assure l’approche diagnos-
tique, ne suffit pas pour affirmer
l’hyperthyroïdie.
!Dans l’hyperthyroïdie fruste, la
TSH est isolément abaissée, la
T4L et la T3L étant normales.
Cela ne laisse préjuger ni des
répercussions cliniques (notam-
ment cardiaques et osseuses) ni
de l’évolution. Ce type d’hyper-
thyroïdie est fréquent chez la
personne âgée porteuse d’un
goitre multinodulaire toxique.
Le diagnostic étiologique de l’hy-
perthyroïdie repose sur la détermi-
nation du taux des anticorps et sur
la pratique d’une scintigraphie.
!Les anticorps antithyroperoxy-
dase (anti-TPO) confirment le
climat auto-immun. L’élévation
des anticorps antirécepteurs de
la TSH (souvent appelés TRAK)
confirme la maladie de Basedow
lorsque celle-ci ne s’impose pas
cliniquement.
!La scintigraphie précise le type
de fixation isotopique:
– nodulaire ou multiple, avec
extinction du reste du paren-
chyme, elle définit l’adénome
toxique ou le goitre multinodu-
laire toxique ;
diffuse, elle est en faveur d’une
maladie de Basedow ;
absente, elle suggère une hyper-
thyroïdie à l’iode.
L’augmentation de la CRP, asso-
ciée à une hypofixation thyroï-
dienne, évoque une thyroïdite. La
thyrotoxicose factice est suspectée
devant une absence de fixation
associée à une thyroglobuline basse.
Le test à la TRH, utile à l’époque
où la TSH n’était pas suffisamment
sensible, n’a plus guère d’intérêt
qu’en cas de suspicion d’adénome
thyréotrope associant une TSH nor-
male ou augmentée, non réactive à
la stimulation, à une élévation des
taux des hormones thyroïdiennes.
Hypothyroïdies : TSH élevée
[voir page 3]
!L’hypothyroïdie patente est
caractérisée par une élévation de
la TSH et une diminution de la
T4L. La TSH est l’examen de
référence. Un taux normal de
TSH élimine une hypothyroïdie
primaire. Le dosage de la T3L
n’apporte rien au diagnostic. En
effet, sa concentration est abais-
sée dans toutes les situations
comportant une inhibition de la
conversion extrathyroïdienne de
T4 en T3: traumatisme, chirur-
gie, maladie générale, prise
d’amiodarone ou de proprano-
lol, examens avec agents de
contraste iodés.
!L’hypothyroïdie fruste est défi-
nie par une élévation isolée et
modérée de la TSH. La coexis-
tence d’une augmentation des
anti-TPO accrédite l’hypothèse
d’une hypothyroïdie fruste. Le
dosage des anticorps anti-TPO
précise le caractère auto-immun
de l’hypothyroïdie périphérique.
!Dans l’hypothyroïdie centrale,
isolée ou associée à une insuffi-
sance hypophysaire, la TSH,
abaissée ou normale, est associée
à une T4L abaissée.
!Dans le rare syndrome de résis-
tance aux hormones thyroï-
diennes, l’élévation de la TSH
est associée à une élévation de
T4L, tout comme dans l’adé-
nome à TSH. C’est donc le
couple TSH-T4L qui fournit la
clé diagnostique dans la grande
majorité des dysthyroïdies,
contribuant notamment au dia-
gnostic différentiel entre les
formes centrales et périphé-
riques. Les autres dosages sont
facultatifs et n’ont d’intérêt éven-
tuel que pour préciser le dia-
gnostic étiologique.
* Service de médecine interne et nutri-
tion, CHU Strasbourg-Hautepierre, 67098
Strasbourg Cedex.
Référence générale
La thyroïde, sous la direction de J. Leclère,
J. Orgiazzi, B. Rousset, J.L. Schlienger et
J.L. Wémeau, 1 volume, deuxième édi-
tion, 2001, Elsevier.
DOSSIER FMC
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
2
Dysthyroïdies :
dosez la TSH
"Les dysfonctionnements thyroïdiens sont l’une des principales préoccupations diagnostiques
en médecine générale, car ils sont fréquents et peuvent avoir des répercussions masquées chez
les personnes âgées. Les formes monosymptomatiques et paucisymptomatiques, voire paradoxales,
des dysthyroïdies sont désormais aisément confirmées… à condition d’y penser. "Pour vous y aider,
ce dossier coordonné par le Pr Jean-Louis Schlienger*.
D.R.
LEXIQUE
!CPK = Creatine
Phosphokinase
!CRP = C-Reactive Protein.
!HDL = High Density
Lipoproteins
!INR = International
Normalized Ratio
!LDL = Low Density
Lipoproteins
!TPO = Thyroperoxydase
!TRH = Thyrotropin Relasing
Hormone
!TSH = Thyroid Stimulating
Hormone
2187-dysthroîdies.pdfd 11/06/02 15:51 Page 2
Elle a 78 ans et son état de
santé décline (perte de l’appé-
tit, tendance dépressive avec
désintérêt progressif), mais ne
perd pas de poids, bien au
contraire. Son médecin, qui ne
l’a pas vue depuis des lustres
(son passé médical se limite à
un traitement par iode 131 il y
a cinq ans pour un goitre
toxique), est surpris par sa
pâleur et son aspect bouffi,
avec un faciès de bouddha
cireux. D’une voix rauque, elle
se plaint d’avoir toujours
froid, d’être constipée et de
ressentir de pénibles et fré-
quentes crampes des membres
inférieurs. Son entourage
familial avait attribué ces
symptômes à l’âge.
Le premier bilan est le bon et
confirme l’impression cli-
nique: TSH à 120 U/l et T4L à
2 pg/ml (normale entre 9,5
à 18).
LAprédominance du sexe
féminin dans l’hypothyroïdie
est marquée (l’incidence
annuelle est de l’ordre de 3 ‰
chez la femme et de 0,5 ‰ chez
l’homme). L’incidence croît avec
l’âge pour atteindre 14 ‰ par an
après 75 ans. L’hypothyroïdie com-
porte une séméiologie riche dont
l’expression dépend beaucoup de
la sévérité et de l’ancienneté. Le
syndrome hypométabolique de l’hy-
pothyroïdie rend compte d’un
ralentissement global des princi-
pales fonctions de l’organisme.
Asthénie, frilosité, gain pondé-
ral constant et anorexie en sont les
principaux éléments. Le ralentis-
sement de la contractilité et l’hy-
potonie favorisent la constipation
et les manifestations dyspep-
tiques.
Les signes cutanéo-muqueux,
tardifs, contribuent à la reconnais-
sance de la maladie: sécheresse,
pâleur et froideur de la peau, pig-
mentation jaune orangé palmo-
plantaire, érythrocyanose localisée
aux lèvres et aux pommettes,
contrastant avec la pâleur et l’in-
filtration cireuse, ferme quoique
pseudo-œdémateuse, siégeant au
niveau du visage, sur les paupières
et boudinant les doigts, sont
autant de signes d’appel. Ce
myxœdème, terme utilisé impro-
prement pour désigner l’hypothy-
roïdie, ne prend pas le godet. L’in-
filtration concerne aussi les
muqueuses: macroglossie, raucité
de la voix, nasonnement, ronfle-
ment avec, parfois, apnées du
sommeil. Les phanères sont alté-
rés: cheveux secs et cassants, raré-
faction des sourcils (le fameux et
si peu spécifique signe de la queue
du sourcil) et de la pilosité
pubienne et axillaire, ongles cas-
sants, striés et amincis.
Les manifestations cardio-vas-
culaires, quasi constantes, sont
longtemps occultes, allant de la
bradycardie — qui procède de
l’hypométabolisme — à l’insuffi-
sance cardiaque, associée ou non à
une cardiomégalie, due à une infil-
tration myxœdémateuse du cœur.
De plus l’hypothyroïdie favorise
l’athéromatose : il existe une coro-
naropathie longtemps silencieuse
qui se révèle volontiers lors du
traitement, du fait de l’augmenta-
tion du travail myocardique.
Le syndrome neuro-musculaire
est fréquent. Myalgies, crampes
musculaires, sensation d’enraidis-
sement prédominant aux racines
et déficit rhizomélique (le signe du
tabouret), allongement du temps
de décontraction des réflexes
ostéo-tendineux (à l’origine du
désuet réflexogramme achilléen),
compressions canalaires avec
paresthésies sont des signes d’ap-
pel trop méconnus. Mentionnons
encore l’hypoacousie réversible ou
l’exceptionnel coma myxœdéma-
teux.
L’appareil ostéo-articulaire
peut également être concerné: ten-
dinites d’insertion, douleur des
grosses articulations avec épan-
chement articulaire visqueux,
pseudoarthrite aiguë et pseudo-
crise de goutte avec ou sans chon-
drocalcinose.
Les répercussions endocri-
niennes sont surtout nettes chez la
femme jeune: anovulation, spa-
nioménorrhée ou aménorrhée avec
même, parfois, une galactorrhée
due à une hyperstimulation des
cellules lactotropes par la « défrei-
nation » de la TRH à l’origine
d’une hyperprolactinémie. L’infer-
tilité est fréquente. Chez l’homme,
ce sont les troubles de la libido qui
dominent. L’hypométabolisme
sévère peut s’accompagner d’une
insuffisance surrénalienne fonc-
tionnelle, réversible lors du traite-
ment, à ne pas confondre avec
l’insuffisance surrénalienne auto-
immune associée à une hypothy-
roïdie auto-immune dans le syn-
drome de Schmidt.
DOSSIER FMC
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
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TSH AUGMENTÉE Ralentissement global
"L’hypothyroÏdie caricaturale est rare. Cette affection, au demeurant fréquente, avance souvent
masquée. Lors de son installation, elle se pare de signes discrets, volontiers trompeurs, voire paradoxaux,
à tel point que certains ont proposé un dépistage systématique, que les données épidémiologiques ne
justifient cependant pas. "Le diagnostic en est d’autant plus intéressant que le traitement
est simple, performant et peu coûteux.
PAR LE
PRJEAN-LOUIS SCHLIENGER
D’une voix rauque, elle se plaint d’avoir toujours froid.
BURGER /PHANIE
LE CAS PARTICULIER DE
L’HYPOTHYROÏDIE CENTRALE
Représentant moins de 1 % des hypothyroïdies, l’hy-
pothyroïdie centrale est habituellement associée à une insuffisance
hypophysaire plurihormonale. Chez l’adulte, elle est presque tou-
jours d’origine lésionnelle. Les signes cliniques sont plus modérés
que dans l’hypothyroïdie primaire. Il n’y a ni goitre ni infiltration
myxœdémateuse. La fatigue physique et psychique, la frilosité et la
dépilation dominent le tableau.
Le profil hormonal se singularise par un taux de TSH normal ou
abaissé, avec une T4L abaissée. Ici, le test à la TRH a un intérêt
théorique pour distinguer l’insuffisance hypophysaire de l’insuffi-
sance hypothalamique au cours de laquelle la réponse est conservée
sur un mode décalé. L’hyponatrémie est plus fréquente et plus
sévère. Son traitement repose également sur l’administration de
lévothyroxine, mais l’objectif est de corriger la T4L plasmatique. La
surveillance ne doit d’ailleurs se fonder que sur le taux de T4L, le
dosage de TSH n’étant d’aucun intérêt, une fois le diagnostic établi.
2187-dysthroîdies.pdfd 11/06/02 15:51 Page 3
Diverses anomalies biologiques
non spécifiques escortent l’hypo-
thyroïdie. La classique hypercho-
lestérolémie avec augmentation
des LDL (sans diminution des
HDL mais athérogène) est parfois à
l’origine de la découverte de l’hy-
pothyroïdie. L’hyponatrémie de
dilution est rarement sévère dans
les formes communes. L’hyperuri-
cémie est commune. Une anémie
de type varié, hypochrome, nor-
mochrome ou macrocytaire, rap-
pelle l’impact pluriel des hor-
mones thyroïdiennes.
L’hyperprolactinémie n’est pas
exceptionnelle chez la femme
jeune. L’augmentation des CPK
témoigne de la fréquence de l’at-
teinte musculaire.
L’élévation de la TSH
est quasi pathognomonique
Le diagnostic positif de l’hypo-
thyroïdie est aisé. Il se fonde sur la
TSH dont l’élévation est quasi
pathognomonique et renseigne sur
la sévérité de l’hypothyroïdie.
Toutefois, une élévation modérée
et isolée (il est toujours sage d’as-
socier un dosage de T4L) doit faire
envisager une hypothèse iatrogène
(antagoniste dopaminergique de
type métoclopramide et neurolep-
tiques, ou antagonistes des récep-
teurs alpha-2-hypophysaires de
type clonidine) ou une interaction
avec des anticorps anti-TSH ou
antihétérophiles.
De principe, il convient d’envi-
sager une sécrétion inappropriée
de TSH par un improbable adé-
nome thyréotrope ou une résis-
tance généralisée aux hormones
thyroïdiennes.
Le test de stimulation par la
TRH n’a plus de place dans l’ex-
ploration standard d’une hypothy-
roïdie périphérique.
Le plus souvent auto-immunes
L’auto-immunité est respon-
sable de la majorité des hypothy-
roïdies acquises spontanées.
Divers antigènes servent de cibles
aux anticorps. Les anticorps
antithyroperoxydases entraînent
une inhibition de l’organification
de l’iode. Les anticorps antithyro-
globulines ont un rôle pathogène
mal élucidé. La présence d’anti-
corps antirécepteurs de la TSH,
rarement impliqués dans les hypo-
thyroïdies, explique quelques
formes cliniques déroutantes où
une maladie de Basedow évolue
par phases successives d’hyper-
thyroïdie et d’hypothyroïdie.
La thyroïdite lymphocytaire
chronique de Hashimoto touche la
femme d’âge moyen. Elle com-
porte un goitre diffus, indolore,
non compressif, d’échostructure
hétérogène. Elle est presque tou-
jours marquée par un titre d’anti-
TPO très élevé.
La thyroïdite lymphocytaire
chronique s’installe insidieuse-
ment chez la femme après la
ménopause. Elle aboutit à une
atrophie thyroïdienne. Les anti-
TPO sont élevés de façon plus
inconstante.
La thyroïdite lymphocytaire
des adolescents se caractérise par
l’apparition, à la période puber-
taire, d’un goitre, d’une hypothy-
roïdie fruste qui n’est définitive
que dans un tiers des cas.
La thyroïdite du post-partum
survient au décours de l’accouche-
ment, parfois après une brève
phase d’hyperthyroïdie, chez des
femmes ayant un titre élevé d’anti-
TPO tout au long de la grossesse.
L’hypothyroïdie est spontanément
régressive après quelques mois et
ne persiste que chez moins de
20 % des jeunes mères. Elle est
parfois confondue avec le « baby
blues ». Le risque de récidive lors
des grossesses ultérieures est de
l’ordre de 30 %.
Fréquemment iatrogènes
Les hypothyroïdes iatrogènes
sont fréquentes. Elles peuvent être
induites par l’iode contenu dans
des médicaments (l’amiodarone
en est l’exemple type) ou apporté
lors d’examens radiologiques avec
agent de contraste (le scanner
« injecté » est un gros pourvoyeur
d’iode). L’hypothyroïdie est due à
une autorégulation défaillante,
avec blocage persistant de l’orga-
nification de l’iode. L’arrêt de l’ap-
port en iode suffit souvent à corri-
ger l’hypothyroïdie dans un délai
variable. Néanmoins, en cas de
nécessité, il est possible de corri-
ger l’hypothyroïdie sans inter-
rompre l’agent causal.
D’autres médicaments sont sus-
ceptibles de provoquer une hypo-
thyroïdie. Les antithyroïdiens de
synthèse, bien sûr, mais aussi le
carbonate de lithium utilisé dans
le traitement de la psychose
maniaco-dépressive ou les cyto-
kines utilisées lors du traitement
des hépatites virales B ou C. Dans
ce dernier cas, l’hypothyroïdie
correspond à l’exacerbation d’une
thyroïdite auto-immune latente
par l’interféron. Il est de règle de
dépister périodiquement la dys-
thyroïdie chez les patients traités
par ces médicaments. La détermi-
nation de la TSH suffit.
L’hypothyroïdie qu’elle soit
induite par l’iode ou par les médi-
caments est habituellement rapi-
dement réversible après arrêt de
l’agent causal.
L’hypothyroïdie radique est
par trop méconnue. Toute irradia-
tion cervicale antérieure externe
peut être à l’origine d’une hypo-
thyroïdie dans les mois ou années
qui suivent. Ainsi, à dix ans, on
note une hypothyroïdie fruste ou
patente chez 25 % des patients
irradiés pour lymphome hodgki-
nien. Le traitement par iode 131
d’une hyperthyroïdie détermine
une hypothyroïdie souvent tar-
dive, mais définitive, chez un
grand nombre de patients, d’au-
tant plus que l’hyperthyroïdie
était diffuse.
La chirurgie thyroïdienne occa-
sionne une hypothyroïdie, voulue
ou non. L’hypothyroïdie survient
immédiatement ou durant les
deux ans qui suivent, selon la
nature du geste. La carence iodée
majore le risque.
Traitement : préférer
la lévothyroxine sodique
Le traitement est simple, perfor-
mant et peu coûteux. Il suffit de
normaliser la TSH (entre 0,5 et
2 mu/ml) en administrant la dose
adéquate de lévothyroxine
sodique de préférence à toute
autre hormone thyroïdienne. Cette
forme a tout pour elle:
forme lévogyre active de la
thyroxine ;
demi-vie longue (une semaine) ;
absorption satisfaisante à
jeun ;
présentation commode de
25 µg à 200 µg par comprimé (les
besoins sont estimés à 0,4 micro-
gramme par kilo et par jour chez
l’adulte). L’utilisation de la triio-
dothyroxine, préférable d’un point
de vue théorique puisqu’il s’agit
de l’hormone se liant au récepteur,
est difficile et nécessite trois prises
par jour. Le mélange de T4 et de
T3, destiné à mimer la thyroïde
(qui sécrète simultanément T4 et
T3 dans une proportion de 80 et
20 %), se révèle de maniement dif-
ficile et ne doit pas être privilégié
car il expose au risque de surdo-
sage intermittent en T3.
Attention
au risque coronarien !
La mise en route du traitement
peut être rapide, avec prescription
d’une dose proche d’emblée de la
dose substitutive chez des sujets
jeunes (75 à 100 µg chez la femme,
100 à 150 µg chez l’homme), ayant
une hypothyroïdie récente (post-
chirurgicale) et n’ayant aucun
DOSSIER FMC
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
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DISCORDANCES HORMONALES:
IL N’Y A PAS
QUE LES DYSTHYROÏDIES
FRUSTES
Irremplaçable, le dosage hormonal est un point essen-
tiel de la stratégie diagnostique et décisionnelle. Il n’empêche que
le clinicien peut se trouver confronté à des résultats étonnants. La
confrontation du dosage de la TSH avec ceux des hormones thyroï-
diennes et avec le statut clinique du patient met la puce à l’oreille.
En cas de discordance, il est souhaitable de refaire le dosage de
TSH à l’aide d’une trousse de dosage différente afin d’écarter cer-
taines interférences liées à la présence d’anticorps inhabituels. Il
en est de même pour la T4L, dont le dosage peut être perturbé par
la présence d’anticorps anti-T4 ou anti-T3 ou par une anomalie des
protéines de transport. Ainsi, la dysalbuminémie familiale est asso-
ciée à une hyperthyroxinémie euthyroïdienne en raison de l’affinité
accrue de l’albumine pour la T4.
La discordance entre une TSH perturbée et des hormones thy-
roïdiennes normales, ou vice et versa, doit faire considérer, outre
les dysthyroïdies frustes, les effets des médicaments ou des patho-
logies associées. Les maladies graves aiguës ou chroniques, la
dénutrition, déterminent les dyshormonémies des affections non
thyroïdiennes caractérisées par une T3L effondrée, parfois une T4L
basse et une TSH basse réversibles avec l’amélioration clinique.
2187-dysthroîdies.pdfd 11/06/02 15:51 Page 4
L’HYPERTHYROÏDIE induite par
l’iode est fréquente dans nos
régions caractérisées par une
subcarence iodée. Elle survient sur-
tout lorsqu’il existe une pathologie
thyroïdienne sous-jacente, connue
ou non. La surcharge iodée massive
induite, par exemple, par l’amio-
darone (75 mg d’iode par com-
primé) est à l’origine d’une hyper-
thyroïdie assez fréquente en cas de
goitre multinodulaire. À la stimu-
lation de la synthèse hormonale
s’ajouterait un effet propre, à l’ori-
gine d’une sorte de thyroïdite. En
fait, c’est devant toute hyperthy-
roïdie ne s’accompagnant pas d’une
hyperfixation à la scintigraphie qu’il
faut se faire « chercheur d’iode ».
Une détermination de l’iodurie ou
de l’iodémie peut être nécessaire
pour faire la preuve d’une surcharge
iodée lorsque l’interrogatoire ne
lève pas le doute.
Les diagnostics cliniques et bio-
logiques ne présentent pas de par-
ticularité en l’absence de prise
d’amiodarone.
En fait, les effets
bêtabloquants-
like de l’amioda-
rone peuvent
masquer long-
temps les signes
d’appels de la
thyrotoxicose
dont la recon-
naissance n’est
faite qu’à un stade avancé de la
maladie: troubles du comporte-
ment, amaigrissement massif et
surtout récidive des troubles du
rythme. La preuve est apportée
par l’effondrement de la TSH et
l’augmentation de la T4L. Encore
faut-il avoir à l’esprit qu’une élé-
vation modérée de la T4L peut être
la conséquence d’une modifica-
tion du métabolisme hormonal dû
à l’amiodarone indépendamment
de toute hyperthyroïdie. Pour la
même raison, l’élévation de la T3L
est souvent tardive et différée par
rapport à l’hyperthyroïdie.
Le traitement des formes
modérées repose sur la suppres-
sion de la cause de la surcharge.
Les antithyroïdiens de synthèse
sont peu efficaces. Dans les
formes plus sévères, il est néces-
saire de recourir à des traitements
moins conventionnels: perchlo-
rate de potassium, corticothéra-
pie, voire plasmaphérèse ou thy-
roïdectomie.
L’HYPOTHYROÏDIE induite par
l’iode est moins fréquente et
réversible à l’arrêt de la sur-
charge iodée ou après administra-
tion de perchlorate de potassium
qui assure une « vidange iodée » du
parenchyme thyroïdien. Elle est la
conséquence d’un blocage de la
synthèse hormonale et de la pour-
suite du captage iodé, ce qui
entraîne une accumulation iodée
intrathyroïdienne et explique que
la scintigraphie (qu’il ne faut pas
faire) n’est pas blanche. Si le trai-
tement iodé ne peut être inter-
rompu, il suffit de corriger l’hypo-
thyroïdie par une substitution hor-
monale.
En conclusion, hyperthyroïdie
ou hypothyroïdie peuvent être
induites par une surcharge iodée
aiguë ou chronique. Dans ce der-
nier cas, dont l’exemple type est
la surcharge en amiodarone, il est
légitime d’instaurer une sur-
veillance systématique de la fonc-
tion thyroïdienne avant traite-
ment, puis un mois, puis tous les
six mois après traitement. Un
contrôle de la TSH est souhaitable
chaque fois qu’apparaissent de
nouveaux symptômes.
risque d’insuffisance corona-
rienne. En revanche, chez les per-
sonnes âgées, a fortiori chez les
coronariens connus, la mise en
route du traitement doit être pré-
cautionneuse et progressive (de
6,25, 12,5 ou 25 µg par paliers de
quinze jours ou plus). Par prin-
cipe, il convient de ne pas « res-
pecter » l’hypothyroïdie dans les
situations à risque coronarien,
mais de la traiter avec doigté. Tout
au plus peut-on attendre le béné-
fice d’une chirurgie de revasculari-
sation ou d’une angioplastie avant
de normaliser la TSH. Un traite-
ment adjuvant par bêtabloquants
minimise le risque coronarien.
En cas d’hypothyroïdie fruste,
définie par une TSH modérément
et isolément augmentée, l’intérêt
d’un traitement visant à corriger la
TSH est encore l’objet d’un débat,
bien que les preuves indirectes et
épidémiologiques de l’intérêt du
traitement s’accumulent. La pré-
sence d’anticorps anti-TPO est
considérée comme un argument
supplémentaire de traitement.
La surveillance du traitement
repose sur le dosage de la TSH
tous les six mois, autant pour
adapter la dose de lévothyroxine
sodique que pour vérifier l’obser-
vance.
DOSSIER FMC
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
5
IATROGÈNE L’iode en cause
"L’iode administré en excès, principalement sous forme médicamenteuse ou d’agent iodé, peut être
à l’origine, chez des sujets prédisposés, soit d’une hyperthyroïdie, soit d’une hypothyroïdie.
PAR LE
PRJEAN-LOUIS SCHLIENGER
Aspect
scintigraphique
caractéristique
d’un adénome
toxique.
PRJEAN-LOUIS SCHLIENGER
SCINTIGRAPHIE :
SI TSH BASSE
La scintigraphie apprécie le captage et la répartition d’un isotope
radioactif de l’iode ou du technétium dans la thyroïde. Il s’agit d’un
examen fournissant des indications morphologiques et fonctionnelles.
Le versant morphologique est aujourd’hui relégué par les performances
de l’échographie ; la séméiologie des « nodules froids » est obsolète.
Seule demeure intéressante la mise en évidence d’une hyperfixation
témoignant d’un hyperfonctionnement diffus ou nodulaire de la thy-
roïde. Cet examen reste indispensable dans le cadre de l’hyperthyroï-
die, car il contribue au diagnostic étiologique et participe parfois aux
choix thérapeutiques. En pratique, il ne devrait être effectué qu’en cas
de TSH basse.
Dans l’hyperthyroïdie, la scintigraphie peut orienter vers :
une maladie de Basedow : hyperfixation diffuse ;
un adénome toxique : plage hyperfixante extinctive ;
un goitre multinodulaire toxique : plusieurs plages hyperfixantes
extinctives ;
une hyperthyroïdie induite par l’iode (pas de fixation) ;
une thyroïdite subaiguë (pas de fixation) ;
une hyperthyroïdie factice (pas de fixation).
C’est dire que la scintigraphie thyroïdienne n’est ni nécessaire ni
souhaitable en cas d’hypothyroïdie, de goitre simple ou de goitre uni-
nodulaire ou multinodulaire à TSH normale. Par ailleurs, en l’absence
de procédures thérapeutiques spécifiques (cancer, traitement par iode
radioactif), il n’y a pas d’indication pour une seconde scintigraphie.
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