Diverses anomalies biologiques
non spécifiques escortent l’hypo-
thyroïdie. La classique hypercho-
lestérolémie avec augmentation
des LDL (sans diminution des
HDL mais athérogène) est parfois à
l’origine de la découverte de l’hy-
pothyroïdie. L’hyponatrémie de
dilution est rarement sévère dans
les formes communes. L’hyperuri-
cémie est commune. Une anémie
de type varié, hypochrome, nor-
mochrome ou macrocytaire, rap-
pelle l’impact pluriel des hor-
mones thyroïdiennes.
L’hyperprolactinémie n’est pas
exceptionnelle chez la femme
jeune. L’augmentation des CPK
témoigne de la fréquence de l’at-
teinte musculaire.
L’élévation de la TSH
est quasi pathognomonique
Le diagnostic positif de l’hypo-
thyroïdie est aisé. Il se fonde sur la
TSH dont l’élévation est quasi
pathognomonique et renseigne sur
la sévérité de l’hypothyroïdie.
Toutefois, une élévation modérée
et isolée (il est toujours sage d’as-
socier un dosage de T4L) doit faire
envisager une hypothèse iatrogène
(antagoniste dopaminergique de
type métoclopramide et neurolep-
tiques, ou antagonistes des récep-
teurs alpha-2-hypophysaires de
type clonidine) ou une interaction
avec des anticorps anti-TSH ou
antihétérophiles.
De principe, il convient d’envi-
sager une sécrétion inappropriée
de TSH par un improbable adé-
nome thyréotrope ou une résis-
tance généralisée aux hormones
thyroïdiennes.
Le test de stimulation par la
TRH n’a plus de place dans l’ex-
ploration standard d’une hypothy-
roïdie périphérique.
Le plus souvent auto-immunes
L’auto-immunité est respon-
sable de la majorité des hypothy-
roïdies acquises spontanées.
Divers antigènes servent de cibles
aux anticorps. Les anticorps
antithyroperoxydases entraînent
une inhibition de l’organification
de l’iode. Les anticorps antithyro-
globulines ont un rôle pathogène
mal élucidé. La présence d’anti-
corps antirécepteurs de la TSH,
rarement impliqués dans les hypo-
thyroïdies, explique quelques
formes cliniques déroutantes où
une maladie de Basedow évolue
par phases successives d’hyper-
thyroïdie et d’hypothyroïdie.
La thyroïdite lymphocytaire
chronique de Hashimoto touche la
femme d’âge moyen. Elle com-
porte un goitre diffus, indolore,
non compressif, d’échostructure
hétérogène. Elle est presque tou-
jours marquée par un titre d’anti-
TPO très élevé.
La thyroïdite lymphocytaire
chronique s’installe insidieuse-
ment chez la femme après la
ménopause. Elle aboutit à une
atrophie thyroïdienne. Les anti-
TPO sont élevés de façon plus
inconstante.
La thyroïdite lymphocytaire
des adolescents se caractérise par
l’apparition, à la période puber-
taire, d’un goitre, d’une hypothy-
roïdie fruste qui n’est définitive
que dans un tiers des cas.
La thyroïdite du post-partum
survient au décours de l’accouche-
ment, parfois après une brève
phase d’hyperthyroïdie, chez des
femmes ayant un titre élevé d’anti-
TPO tout au long de la grossesse.
L’hypothyroïdie est spontanément
régressive après quelques mois et
ne persiste que chez moins de
20 % des jeunes mères. Elle est
parfois confondue avec le « baby
blues ». Le risque de récidive lors
des grossesses ultérieures est de
l’ordre de 30 %.
Fréquemment iatrogènes
Les hypothyroïdes iatrogènes
sont fréquentes. Elles peuvent être
induites par l’iode contenu dans
des médicaments (l’amiodarone
en est l’exemple type) ou apporté
lors d’examens radiologiques avec
agent de contraste (le scanner
« injecté » est un gros pourvoyeur
d’iode). L’hypothyroïdie est due à
une autorégulation défaillante,
avec blocage persistant de l’orga-
nification de l’iode. L’arrêt de l’ap-
port en iode suffit souvent à corri-
ger l’hypothyroïdie dans un délai
variable. Néanmoins, en cas de
nécessité, il est possible de corri-
ger l’hypothyroïdie sans inter-
rompre l’agent causal.
D’autres médicaments sont sus-
ceptibles de provoquer une hypo-
thyroïdie. Les antithyroïdiens de
synthèse, bien sûr, mais aussi le
carbonate de lithium utilisé dans
le traitement de la psychose
maniaco-dépressive ou les cyto-
kines utilisées lors du traitement
des hépatites virales B ou C. Dans
ce dernier cas, l’hypothyroïdie
correspond à l’exacerbation d’une
thyroïdite auto-immune latente
par l’interféron. Il est de règle de
dépister périodiquement la dys-
thyroïdie chez les patients traités
par ces médicaments. La détermi-
nation de la TSH suffit.
L’hypothyroïdie qu’elle soit
induite par l’iode ou par les médi-
caments est habituellement rapi-
dement réversible après arrêt de
l’agent causal.
L’hypothyroïdie radique est
par trop méconnue. Toute irradia-
tion cervicale antérieure externe
peut être à l’origine d’une hypo-
thyroïdie dans les mois ou années
qui suivent. Ainsi, à dix ans, on
note une hypothyroïdie fruste ou
patente chez 25 % des patients
irradiés pour lymphome hodgki-
nien. Le traitement par iode 131
d’une hyperthyroïdie détermine
une hypothyroïdie souvent tar-
dive, mais définitive, chez un
grand nombre de patients, d’au-
tant plus que l’hyperthyroïdie
était diffuse.
La chirurgie thyroïdienne occa-
sionne une hypothyroïdie, voulue
ou non. L’hypothyroïdie survient
immédiatement ou durant les
deux ans qui suivent, selon la
nature du geste. La carence iodée
majore le risque.
Traitement : préférer
la lévothyroxine sodique
Le traitement est simple, perfor-
mant et peu coûteux. Il suffit de
normaliser la TSH (entre 0,5 et
2 mu/ml) en administrant la dose
adéquate de lévothyroxine
sodique de préférence à toute
autre hormone thyroïdienne. Cette
forme a tout pour elle:
— forme lévogyre active de la
thyroxine ;
— demi-vie longue (une semaine) ;
— absorption satisfaisante à
jeun ;
— présentation commode de
25 µg à 200 µg par comprimé (les
besoins sont estimés à 0,4 micro-
gramme par kilo et par jour chez
l’adulte). L’utilisation de la triio-
dothyroxine, préférable d’un point
de vue théorique puisqu’il s’agit
de l’hormone se liant au récepteur,
est difficile et nécessite trois prises
par jour. Le mélange de T4 et de
T3, destiné à mimer la thyroïde
(qui sécrète simultanément T4 et
T3 dans une proportion de 80 et
20 %), se révèle de maniement dif-
ficile et ne doit pas être privilégié
car il expose au risque de surdo-
sage intermittent en T3.
Attention
au risque coronarien !
La mise en route du traitement
peut être rapide, avec prescription
d’une dose proche d’emblée de la
dose substitutive chez des sujets
jeunes (75 à 100 µg chez la femme,
100 à 150 µg chez l’homme), ayant
une hypothyroïdie récente (post-
chirurgicale) et n’ayant aucun
DOSSIER FMC
N° 2187 - MARDI 26 MARS 2002
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DISCORDANCES HORMONALES:
IL N’Y A PAS
QUE LES DYSTHYROÏDIES
FRUSTES
Irremplaçable, le dosage hormonal est un point essen-
tiel de la stratégie diagnostique et décisionnelle. Il n’empêche que
le clinicien peut se trouver confronté à des résultats étonnants. La
confrontation du dosage de la TSH avec ceux des hormones thyroï-
diennes et avec le statut clinique du patient met la puce à l’oreille.
En cas de discordance, il est souhaitable de refaire le dosage de
TSH à l’aide d’une trousse de dosage différente afin d’écarter cer-
taines interférences liées à la présence d’anticorps inhabituels. Il
en est de même pour la T4L, dont le dosage peut être perturbé par
la présence d’anticorps anti-T4 ou anti-T3 ou par une anomalie des
protéines de transport. Ainsi, la dysalbuminémie familiale est asso-
ciée à une hyperthyroxinémie euthyroïdienne en raison de l’affinité
accrue de l’albumine pour la T4.
La discordance entre une TSH perturbée et des hormones thy-
roïdiennes normales, ou vice et versa, doit faire considérer, outre
les dysthyroïdies frustes, les effets des médicaments ou des patho-
logies associées. Les maladies graves aiguës ou chroniques, la
dénutrition, déterminent les dyshormonémies des affections non
thyroïdiennes caractérisées par une T3L effondrée, parfois une T4L
basse et une TSH basse réversibles avec l’amélioration clinique.