ENVIRONNEMENT
N° 84 El-Djazaïr.com 47
Mars 2015
Mme Dalila Boudjemaa, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement
« L’éducation environnementale
est un enjeu du développement
durable »
L’introduction de l’éducation relative
à l’environnement en Algérie s’inscrit
dans une stratégie institutionnelle
d’éducation à l’Environnement et au
développement durable.
L’objectif est, d’une part, de diffuser
des connaissances et des valeurs
pour faire évoluer les mentalités
et les comportements vis-à-vis de
l’environnement, et, d’autre part,
de développer des compétences
nécessaires pour participer de façon
responsable et efficace à la prévention
et à la préservation de la qualité
de l’environnement. Par ailleurs, il
est question de développer l’esprit
critique, d’augmenter la capaci
d’attention sur l’environnement
tout en privilégiant la pratique
du terrain, le travail de groupe,
la créativité, l’innovation. Ceci
implique une mutualisation, des
échanges et une complémentarité
entre les différents acteurs à même
d’inculquer aux élèves des valeurs
pédagogiques et scientifiques pour
les faire adhérer aux principes de
protection de l’environnement pour
un développement durable, condition
sine qua non pour améliorer leur
cadre de vie.
Par Leila BOUKLI
ENVIRONNEMENT
El-Djazaïr.com N° 84
48 Mars 2015
El-Djazair.com : L’objectif de la
sensibilisation à l’environnement est
de favoriser l’émergence de citoyens
conscients de leurs responsabilités
et actifs dans la conquête d’un
développement durable. Quels
dispositifs votre département a mis en
place?
Dalila Boudjemaa : D’abord, ce
qu’il faut savoir c’est que l’environnement
est surtout une affaire citoyenne, c’est
une véritable révolution des mentalités
et des comportements. A cet effet, et afin
de responsabiliser et de promouvoir les
actes écocitoyens, de nombreuses actions
de sensibilisation ont déjà été engagées
et se poursuivent auprès de tous les
publics : décideurs, administrations,
structures socio-éducatives, mosquées,
associations, mouvement de jeunesse,
élus, médias Chaque petit geste
peut être un geste en faveur de la
préservation de l’environnement, c’est la
raison pour laquelle nous encourageons
toutes les initiatives citoyennes et nous
les accompagnons au quotidien dans
l’optique d’un développement durable
et responsable de notre pays. J’insiste sur
le fait qu’il est important de convaincre
chaque citoyen que l’environnement
est l’affaire de tous et que chaque geste
compte et pour cela il est nécessaire
de sensibiliser, d’informer, d’éduquer
l’ensemble des citoyens à la protection de
l’environnement. Pour élever le niveau de
civisme et développer un comportement
éco-citoyen, nous avons impliq les
ONG activant sur le terrain, les médias
qui, également, ont un rôle très important
à jouer en matière de développement
durable notamment la télévision, la
radio, acteurs crédibles de l’éducation
du grand public à l’environnement dans
le cadre d’un développement durable.
L’objectif est alors clairement affiché :
faire progresser l’esprit de responsabili
afin qu’à la pratique habituelle du chacun
pour soi, qui est à la source de toutes les
pollutions et nuisances, succède celle,
vitale, du chacun pour tous. C’est un
«devoir supérieur» pour nous tous afin
que nous ne compromettions pas notre
droit légitime, et celui des générations
futures, à un environnement de qualité.
Mais pour réussir, il est aussi nécessaire
de changer chaque jour un peu plus
nos comportements et tendre ainsi vers
l’«écocitoyenneté».
El-Djazair.com : Justement,
cette grande idée d’«écocitoyenneté»
passe par un effort d’éducation et de
formation. Qu’avez-vous fait dans ce
sens?
Dalila Boudjemaa :
L’écocitoyenne n’est pas un concept
idéologique ni une simple idée ou encore
mieux une simple approche, il s’agit
plus d’actions concrètes. Le citoyen a
des devoirs envers son environnement,
l’environnement dans lequel il vit, il évolue
quotidiennement, et de ce fait, il doit se
comporter en acteur de la préservation
de l’environnement, en effectuant des
éco-gestes dans la vie de tous les jours.
C’est pourquoi il est impérieux de
responsabiliser chaque citoyen vis-à-vis
de ces problèmes. Nous sommes tous
concernés en tant que citoyens et mis à
contribution. L’enjeu est de taille et c’est
en cela que l’écocitoyenneté doit faire
comprendre aux citoyens les enjeux qui
les entourent.
El-Djazair.com : Lors de vos
visites au niveau des wilayas, vous avez
toujours fait part de votre attachement
à l’Education à l’environnement en
milieu scolaire. Pourriez-vous nous
expliquer ce qu’elle va apporter et ce
qu’elle implique ?
La Sensibilisation à
l’environnement pour une
écocitoyenneté : une démarche
opérationnelle
La sensibilisation à l’environnement
ne relève pas seulement d’une action
centrale : elle doit être concertée, relayée
et développée sur le terrain. A cet égard,
la mobilisation du plus grand nombre
d’acteurs de terrain tout au long de
l’année a été pour nous un des éléments
déterminants, car, sans une conviction
engagée des décideurs, sans une
motivation et une implication effective
des élus, des responsables locaux et sans
une participation active des populations
concernées, les objectifs assignés à
la stratégie nationale de protection
de l’environnement risquent d’être
compromis.
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Dalila Boudjemaa : Effectivement!
Je dois tout d’abord souligner que
l’éducation à l’environnement en milieu
scolaire vise à éveiller les enfants aux
enjeux écologiques. Cette dynamique
s’inscrit pleinement dans la stratégie
nationale de transition écologique
vers un développement durable. En
sensibilisant les enfants dès leur plus
jeune âge aux écogestes et à la vie en
commun, nous leur transmettons des
connaissances, une culture qui leur
permettront tout au long de leur vie, en
tant que citoyens, de comprendre, de
décider et d’agir en fonction des enjeux
du développement durable, je veux
également souligner que l’éducation à
l’environnement et au développement
durable est par nature émancipatrice, elle
développe l’esprit critique, elle est ancrée
dans l’environnement réel, et permet
d’apprendre le sens des réalités, celui
du bien commun. Je crois que donner
aujourd’hui davantage d’ampleur à
l’éducation à l’environnement, c’est
former une nouvelle génération sur les
principes et les valeurs de protection de
l’environnement et d’amélioration du
cadre de vie, et cette mission s’exerce bien
entendu dans le cadre d’une démarche
partenariale entre notre département
ministériel et celui de l’Education
nationale.
El-Djazair.com : Un mot si vous
le permettez sur le processus engagé
dans ce domaine !
Dalila Boudjemaa : Le
programme du gouvernement a accor
une importance particulière au volet
éducation à l’environnement, en tenant
compte du caractère stratégique de
l’école comme lieu d’apprentissage,
pour garantir aux générations futures un
développement durable. Pour répondre à
votre question, de 2002 à 2005, une phase
expérimentale des outils pédagogiques
dans les établissements scolaires de
23 wilayas soit 230 établissements
primaires, 115 établissements moyens
et 161 établissements secondaires, puis
entre 2005-2006, une phase d’extension
912 établissements scolaires à travers
les 48 wilayas du pays ont été dotés
en outils pédagogiques. A partir de
2010, l’éducation environnementale
a été généralisée à l’ensemble des
établissements scolaires (primaire, moyen
et secondaire), à travers l’attribution
d’outils pédagogiques et la formation
des formateurs. La formation a concerné
les enseignants et les inspecteurs des
trois paliers scolaires (primaire, moyen,
secondaire) leur permettant d’acquérir
les nouvelles méthodes pédagogiques
; à savoir, la pédagogie de projet, la
pédagogie systémique et la pédagogie de
résolution des problèmes. Dans ce cadre,
des séminaires et des ateliers de formation
ont été organisés à travers le pays dont
cinq universités d’été qui ont aborles
problématiques relatives à la progression,
à la cohérence et à la complémentarité des
activités tout au long du cursus scolaire, le
rôle de l’éducateur en matière de prise en
charge de l’éducation à l’environnement et
les outils d’évaluation des comportements
acquis. Par ailleurs, des actions de
recyclage et de formation ont été lancées
concernant les approches pédagogiques
de l’éducation environnementale, avec
la participation de 200 enseignants.
Aujourd’hui, nous voulons former des
noyaux durs au niveau de chaque wilaya
en vue d’assurer le suivi et l’évaluation
du fonctionnement de ce programme
au niveau national, ces mesures visent à
renforcer les capacités pédagogiques des
personnels et à mettre à la disposition
des enseignants et des apprenants les
instruments didactiques cessaires
pour aborder pleinement la complexi
des problèmes environnementaux et
envisager des solutions concrètes.
El-Djazair.com : Sur quoi
s’appuie justement l’éducation à
l’environnement ?
Dalila Boudjemaa : Elle s’appuie
sur les activités mises en place
par les programmes de l’éducation
nationale, des guides ont été élaborés
qui offrent une méthodologie innovante
et interactive, s’appuyant directement
sur les expériences menées et partagées
par les enseignants et éducateurs. 101
000 guides de l’éducateur pour les
trois paliers de l’éducation nationale,
56 000 mallettes des clubs verts et des
livres d’exercices de l’élève ont été mis
à la disposition des établissements
scolaires. Concernant l’enseignement
primaire, le guide suggère une approche
pédagogique interactive sensorielle et
ludique, basée sur la découverte, un
manuel pour l’enseignement moyen
qui encourage l’approche collective et
proactive et de là, les jeunes apprennent
à réaliser un compte rendu ou un exposé
à partir des éléments traités et enfin,
concernant l’enseignement secondaire,
un guide qui expose les lycéens à une
réflexion face à la complexité des relations
entre les divers acteurs et décideurs
des politiques environnementales.
Cette nouvelle dimension pédagogique
doit permettre de mieux identifier et
d’organiser une éducation cohérente et
progressive à l’environnement pour un
développement durable au bénéfice de
tous les élèves, sur l’ensemble de leur
parcours de l’école primaire au lycée.
Des outils pédagogiques sont également
mis à disposition des équipes éducatives
impliquées. Les enseignants disposent
d’une mallette pédagogique composée
de fiches techniques thématiques,
d’une charte et d’un livret, il est
également fourni aux élèves un cahier
complémentaire avec des exercices
relatifs aux thématiques traitées. Ces
outils favoriseront ainsi une meilleure
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appropriation des connaissances en
matière de protection de l’environnement
et de l’ouverture de l’école sur la vie. Cette
démarche vise à éduquer et à former les
jeunesnérations à l’écocitoyenneté.
El-Djazair.com : Cette
expérience s’acquiert, se construit
et se pérennise grâce aux projets
pédagogiques, et en particulier par les
projets des établissements scolaires.
L’éducation environnementale pour
un développement durable est-elle
aujourd’hui ancrée dans toutes les
disciplines scolaires ?
Dalila Boudjemaa : L’éducation
environnementale ne constitue pas une
nouvelle discipline, elle est transversale
à l’ensemble des disciplines de
l’enseignement et cela tout au long de
la scolarité, elle est ancrée dans la réalité
quotidienne du milieu scolaire, afin d’être
vécue par l’ensemble de la communau
éducative qui doit pouvoir y néficier
par une formation progressive tout au
long du cursus scolaire. Il s’agit bien
d’une démarche pédagogique sur le long
terme visant à faire évoluer les mentalités
et ainsi les comportements vis-à-vis de
l’environnement, elle prend également
forme lors de moments spécifiques tels
que les classes vertes ou clubs verts par
exemple.
El-Djazair.com : Parlez-nous des
clubs verts ?
Dalila Boudjemaa : En fait, le
club vert est cet espace pédagogique
qui permet de faire de l’école, du
collège et du lycée, des espaces dans
lesquels l’émergence de nouveaux
comportements devient une réali et
une culture partagée, il constitue le lieu
de découverte de la nature et d’échanges
d’informations sur la protection de
l’environnement, et justement en vue
de généraliser ces initiatives autour
de la nature et de la biodiversité, que
nous avons créée et renforces «coins
nature» dans les établissements scolaires,
un noyau de formateurs s’est constitué
autour des projets d’action éducative en
vue de l’échange de leurs expériences
et d’une formalisation des objectifs et
des écopratiques. Les sorties scolaires
dans la nature constituent des moments
forts pour les élèves. Des outils de
jardinage, de recyclage des chets… et
autres actions spécifiques sont mis en
place, pour permettre aux jeunes une
meilleure compréhension des messages
sur la protection de l’environnement et
pour accompagner leurs enseignants
dans la diffusion des connaissances
liées à l’écologie. Notre objectif est de
développer la conscience des élèves, afin
que demain ils puissent avoir conscience
des impacts sur leur environnement, mais
aussi et surtout leur donner la volonté et
la capacid’agir pour le protéger.
El-Djazair.com : Dès lors, doit-on
promouvoir et développer l’éducation à
l’environnement et au développement
durable seulement au niveau des
établissements scolaires, ou devons-
nous la développer à tous les publics ?
Dalila Boudjemaa : D’abord, je me
réjouis que l’éducation à l’environnement
et au développement durable ait fait son
entrée dans l’éducation nationale, mais
au-delà d’une démarche éducative limitée
à l’école et à un public qu’est l’élève, la
société civile a un rôle fondamental à
jouer dans cette éducation, la société
civile s’implique de plus en plus dans
cette politique vitale pour l’avenir du
pays et de ses enfants. Pas moins de
400 associations pour la protection de
l’environnement ont essaimé à travers le
territoire national, cette attention portée
aux problématiques de la préservation
de l’environnement est louable en soi,
certaines d’entre elles font un travail
fort efficace sur le terrain et ont mené
beaucoup d’actions que nous saluons. Ces
associations ont un rôle moteur et majeur
dans l’éducation à l’environnement, elles
apportent leur contribution pour relever
les grands défis environnementaux ; c’est
pourquoi, je veillerai à la mise en œuvre
la plus complète et la plus large de la
feuille de route qui consiste à mobiliser le
plus grand nombre d’acteurs de terrain
tout au long de l’année qui est l’un des
éléments déterminants pour la poursuite
de la mise en œuvre des objectifs
assignés à la stratégie de protection de
l’environnement. Il apparaît clairement
aujourd’hui que la notion d’éducation
englobe celles d’information, de
sensibilisation, de prise de conscience et
enfin de changement de comportements
de tous les citoyens et c’est sur la
base de ce postulat que la dimension
environnementale est aujourd’hui inscrite
au sein de toutes les politiques publiques
et en direction de tous les publics.
L. B.
L’Education Environnementale pour un Développement
Durable EEDD) : Impulser le changement et la participation
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Mars 2015
Une pièce théâtrale
pour sensibiliser
Le délégué pour l’environnement :
sensibilisation dans lentreprise
La pièce de théâtre,
Nimby, takhti rassi qui
se veut un plaidoyer
en faveur de l’écologie,
écrite et mise en scène
par Mahfoud Fellous,
est un appel pour un nouveau mode
de citoyenneté, basé sur l’adoption
de comportements respectueux de la
nature. La trame de la pièce, alliant
l’humour et la science, est basée
essentiellement sur la pédagogie pour
expliquer les concepts scientifiques
liés à la protection de l’environnement.
D’une durée de quatre-vingt minutes,
elle aborde des aspects liés à l’écologie,
à l’utilité des centres d’enfouissement
technique, aux changements
climatiques. L’auteur a choisi
l’humour, un style lant comédie et
tragédie, pour vulgariser les concepts
de protection de l’environnement.
La pièce expose le cas d’un citoyen,
Merzak, soudainement contrarié
dans sa transaction immobilière par
un projet environnemental d’utilité
publique, en l’occurrence un centre
d’enfouissement technique des
déchets ménagers. Pris de panique et
méconnaissant totalement les voies de
recours prévues par le droit algérien,
il décide d’en « découdre à sa façon».
S’ensuivent alors des quiproquos et
rebondissements, jusqu’à l’arrivée
de Brahim, un jeune spécialiste des
questions environnementales.
Sa désignation est une obligation par la loi relative
à la protection de l’environnement dans le cadre
du développement durable. Pour la première
fois, chaque exploitant d’une installation classée
soumise à autorisation désigne, parmi les cadres
de l’entreprise, une personne ressource ayant une
compétence en matière de protection de l’environnement qui
constitue l’interface entre les autorités, l’entreprise et le citoyen
en matière d’information, de sensibilisation, de conseil et de
communication sur les questions relatives à l’impact généré sur
l’environnement par l’activité de l’entreprise. Le délégué pour
l’environnement est char:
d’élaborer et de tenir à jour l’inventaire des pollutions de
l’établissement concer(effluents liquides, gazeux, déchets
solides, nuisances acoustiques) et de leurs impacts,
de contribuer, pour le compte de l’exploitant, à la mise en
œuvre des obligations environnementales de l’établissement
classé concerné, prévues par les dispositions législatives et
réglementaires en vigueur,
d’assurer la sensibilisation du personnel de l’établissement
classé en matière d’environnement
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