Introduction
Le principe dialogique a fini par s’imposer comme un fondement philosophique de l’échange social
entre individus et communautés porteurs de rationalités hétérogènes. Sans nul doute, il importe au plus
haut point dans le contexte des sociétés complexes de pouvoir établir un dialogue entre acteurs, qu’ils
soient gouvernants, experts, décideurs, élus, travailleurs, fidèles ou citoyens. Pour autant, le
dialogisme est-il le nouvel « horizon indépassable de notre temps », pour reprendre la formule de
Sartre à propos du marxisme ?
Le principe dialogique se trouve associé pour une large part à la philosophie de la raison et de la
communication d’Habermas, qui met en avant une conception procédurale de la discussion connue
sous le nom de procéduralisme. Elle concerne plus largement d’autres penseurs contemporains, de
Arendt à Rawls et Latour, auteurs qui participent chacun à leur manière de ce qu’il convient de
nommer le paradigme dialogique. Il convient toutefois de prendre acte des difficultés que rencontre la
procédure dialogique qui suppose chez Habermas une situation idéale de parole, une visée d’entente et
pour tout dire, une certaine idéologie du consensus, de la paix et de l’unité. Ces difficultés sont
particulièrement évidentes lorsque la procédure dialogique s’applique dans des milieux pour le moins
réfractaires dominés par la rationalité ou la légitimité de la technique, du travail, ou même de la
culture. Ces milieux peuvent du reste être appréhendés selon la perspective d’autres paradigmes que le
paradigme dialogique, soit les paradigmes technologique, ergologique et anthropologique. Dans ces
milieux, les asymétries ou antagonismes divers entre partenaires, que ce soit en termes de positions et
de dispositions, de savoirs et de pouvoirs, d’intérêts, de compétences et de ressources rendent la