Jürgen Habermas ENTRE NATURALISME ET RELIGION. Les défis

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quoi invite le livre de Breyer. La fin de
ce livre concerne l’extension ou plutôt
l’universalisation de ce modèle her-
méneutique dont la visée est la concré-
tisation des divers horizons du texte.
Le livre de Breyer donne au moins
deux leçons : dans une démocratie, la
liberté active implique la participation
des citoyens à l’aventure démocratique
à travers le questionnement des prin-
cipes (les optatifs) au nom desquels les
lois (les impératifs) sont faites. Ce qui
implique que c’est dans la conversa-
tion ordinaire entre les citoyens – sur
les optatifs de leur société – que le
droit trouve à la fois sa justification et
son adaptabilité. C’est dans cette
« palabre ininterrompue » (comme on
le dirait dans des sociétés africaines
traditionnelles !) entre les citoyens et
surtout dans ce « non-droit » comme le
dirait Carbonnier que le droit trouve sa
sève ; le livre de Breyer était aussi une
réponse à ses collègues juges. La
grande leçon est à ce niveau « la
modestie herméneutique » qui doit
caractériser le juge. Modestie qui doit
conduire le juge, d’une part à prendre
le texte de loi comme prétexte en se gar-
dant d’en faire un fétiche, et d’autre
part à considérer l’acte d’interpréter
comme un acte approximatif, presque
frauduleux dans la mesure où l’expé-
rience des situations humaines fait de
nous non des propriétaires du sens mais
des transitaires et des voleurs de ce der-
nier. Hermès, fils de Zeus et de Maia,
avant d’être le messager/interprète des
dieux, n’est-il pas aussi le patron des
voleurs – qui vole cinquante vaches du
troupeau divin gardé par Apollon ?
Jean-Godefroy Bidima
Jürgen Habermas
ENTRE NATURALISME
ET RELIGION.
Les défis de la démocratie
Paris, Gallimard, 2008, 378 p.,
22,50
Avec ce nouvel ouvrage, Jürgen
Habermas poursuit la réflexion enga-
gée dans l’Avenir de la nature humai-
ne1, tout au moins en ce qui concerne
le statut de la religion dans les socié-
tés sécularisées.
Un long prologue est consacré à
l’examen de la portée actuelle de la
philosophie kantienne de la religion.
C’est en effet avec la Religion dans les
limites de la simple raison, qu’Haber-
mas voit s’opérer le virage anthropo-
centrique par lequel la discussion sur
la foi chrétienne est devenue ration-
nelle en sortant de l’enclos réservé aux
questions spirituelles. Habermas voit
en Kant le précurseur de sa propre pro-
blématique dans la mesure où pour ce
dernier la critique de la religion va de
pair avec l’idée qu’il y a quelque chose
à sauver dans ce que livre la religion.
Habermas nous donne alors une pre-
mière indication de ce qui va être sa
conviction principale : « Nous avons
plus intérêt désormais à tenter de récu-
pérer les contenus bibliques dans une
foi de la raison qu’à combattre la sou-
tane et l’obscurantisme » (p. 13-14). La
théorie de la justice ne suffit pas à don-
ner les bases d’une conscience qu’il
appelle normative. Revenant à Kant, il
rappelle que pour ce dernier, le prin-
cipe même de toute interprétation des
Écritures est le fait que l’amélioration
morale de l’homme constitue la fin de
toute religion. Est ainsi traduite phi-
losophiquement l’idée d’un royaume de
1. Jürgen Habermas, l’Avenir de la nature
humaine, Paris, Gallimard, 2002.
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