Insuffisance ovarienne prématurée et désir d`enfant

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Résumé
La prévalence de l’insuffisance ovarienne prématurée (IOP) est estimée à 1/10 000
chez les femmes de moins de 20 ans, à 1/1 000 chez les femmes de moins de 30 ans et
à 1 % chez les femmes de moins de 40 ans. Hors conséquence d’un traitement stérilisant
(chimiothérapie ou radiothérapie) l’IOP reste le plus souvent inexpliquée (plus de 80 %
des cas), en dehors du syndrome de Turner. La fertilité spontanée de ces femmes est très
faible, mais non nulle, de l’ordre de 3 à 10 %. Si le diagnostic est confirmé, les
stimulations de l’ovulation n’ont guère de place dans la prise en charge. Les alternatives
actuelles à proposer sont le don d’ovocyte, l’accueil d’embryon, l’adoption et apprendre à
« vivre heureux à deux ». La prévention, possible dans le cadre des traitements
potentiellement stérilisants par conservation ovocytaire, embryonnaire ou ovarienne, n’est
guère possible que dans les cas familiaux l’autoconservation ovocytaire doit désormais
être proposée tout en restant conscient de ses limites.
Dans l’avenir, la stimulation de l’activation des follicules au repos, la
folliculogénèse in vitro, voire la culture d’ovogonies qui pourraient être présentes dans
l’ovaire adulte, constitueront, peut-être, un nouvel espoir.
Centre hospitalier des 4 Villes - Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la
reproduction - Site de Sèvres - 141 Grande Rue - 92318 Sèvres cedex
* Correspondance : j.belaischallart@ch4v.fr
Insuffisance ovarienne prématurée
et désir d’enfant
J. BELAISCH-ALLART *, J.M. MAYENGA, E. MULLER, M. BRZAKOWSKI,
A. CHOURAQUI, I. GREFENSTETTE, Y. BELAID, O. KULSKI
(Sèvres)
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Mots clés : insuffisance ovarienne prématurée, réserve ovarienne, don d’ovocyte,
accueil d’embryon, syndrome de Turner, préservation de la fertilité
Déclaration publique d’intérêt
Je soussignée, Joëlle Belaisch-Allart, déclare ne pas avoir d’intérêt
direct ou indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé,
industriel ou commercial en relation avec le sujet présenté.
INTRODUCTION
L’insuffisance ovarienne prématurée (IOP) est définie par une
aménorrhée de plus de quatre mois avant l’âge de 40 ans avec un taux
élevé de gonadotrophines (FSH supérieure à 40 UI/l) sur au moins
deux prélèvements distincts, réalisés à quelques semaines d’intervalle
[1, 2]. Sa prévalence est estimée à 1/10 000 chez les femmes de moins
de 20 ans, de 1/1 000 chez les femmes de moins de 30 ans et de 1 %
chez les femmes de moins de 40 ans [2]. En dehors des conséquences
d’un traitement stérilisant (chimiothérapie ou radiothérapie), l’IOP
reste le plus souvent inexpliquée (plus de 80 % des cas). Parmi les rares
étiologies connues figurent les causes génétiques, anomalies du
chromosome X en particulier le syndrome de Turner, et la prémutation
de l’X fragile, les causes auto-immunes et les causes environnementales
sont plus controversées. La fertilité spontanée de ces femmes est très
faible, mais non nulle, de l’ordre de 3 à 10 %. Avant de porter un
diagnostic définitif d’IOP chez une femme de moins de 40 ans qui
désire une grossesse, il faut réévaluer la situation et distinguer les
insuffisances ovariennes prématurées vraies, confirmées, des mauvaises
réponses aux stimulations de l’ovulation avec réserve ovarienne
normale ou perturbée. S’il s’agit réellement d’une IOP installée, la
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stimulation de l’ovulation n’a plus guère de place, malgré quelques
publications anecdotiques à ce sujet, et les alternatives à proposer sont
donc le don d’ovocyte, l’accueil d’embryon, l’adoption et apprendre à
« vivre heureux à deux », l’accompagnement psychologique de ces
alternatives s’imposant [3]. La prévention par congélation de tissus
ovariens ou d’ovocytes voire d’embryons avant l’installation de l’IOP
représenterait une prise en charge idéale.
I. LE DIAGNOSTIC D’INSUFFISANCE OVARIENNE
PRÉMATURÉE
L’insuffisance ovarienne prématurée vraie se définit par une
aménorrhée de plus de 4 mois avant l’âge de quarante ans avec un taux
élevé de gonadotrophines (FSH > 40 UI/l) sur au moins 2 prélève-
ments distincts, réalisés à quelques semaines d’intervalle [1, 2]. Ce
terme d’insuffisance ovarienne prématurée est souvent utilisé, à tort,
pour caractériser les femmes de moins de quarante ans dont les ovaires
répondent mal aux stimulations de l’ovulation quels que soient les
marqueurs de leur réserve ovarienne. Devant une patiente adressée
pour « insuffisance ovarienne prématurée », il est donc indispensable
de réanalyser la situation. S’il s’agit en fait d’une patiente conservant
des cycles et répondant mal aux stimulations de l’ovulation (les
mauvaises répondeuses françaises ou « low responders » anglo-
saxonnes) il est encore possible de stimuler son ovulation, avec des
résultats de l’ordre de 10 à 18 % de grossesses, aucun protocole n’ayant
fait preuve de sa supériorité comme le montre l’analyse de la Cochrane
database [4]. Plusieurs études ont démontré qu’avant 40 ans, malgré
une réserve ovarienne jugée insuffisante sur les dosages hormonaux
et/ou les marqueurs échographiques, il est légitime de faire un (voire 2)
essais de stimulation de l’ovulation avant d’adresser la femme dans un
programme de don d’ovocyte [5, 6], ce qui n’est pas valable en cas
d’IOP avérée. L’IOP n’est pas une ménopause précoce car très
fréquemment il n’y a pas de déplétion complète en follicules ovariens.
Pour optimiser la prise en charge il faudrait une connaissance précise
des mécanismes physiopathologiques de l’IOP.
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II. LA FERTILITÉ SPONTANÉE
L’IOP a longtemps été considérée comme définitive et irréversible
mais cette notion d’irréversibilité a été remise en question par
l’évidence de la survenue régulièrement publiée de grossesses
spontanées. Des grossesses spontanées sont en effet rapportées dans la
littérature chez 5 à 10 % des femmes en IOP secondaire, le taux
d’avortement spontané étant le même que dans la population générale
[1, 7, 8]. Zhang, sur 138 patientes, a rapporté 3 grossesses soit 2,17 % [9].
En France, en 2004, une enquête du groupe d’étude sur le don
d’ovocyte (GEDO) avait rapporté 27 grossesses spontanées sur 518
femmes en attente de don d’ovocyte, soit 5,2 % avec seulement 11 %
de fausses couches spontanées [7].
La quasi-totalité des grossesses spontanées publiées dans la
littérature est survenue sous traitement hormonal substitutif séquentiel
[10]. L’administration d’œstrogènes aurait un effet d’inhibition sur la
production des gonadotrophines et leur diminution sérique autoriserait
la restauration du nombre et de la fonctionnalité des récepteurs de la
FSH et de la LH et ainsi de la sensibilité des follicules ovariens restants
[11]. Toutefois une étude randomisée sur l’effet d’une œstrogéno-
thérapie substitutive n’a pas permis d’objectiver d’augmentation du
taux d’ovulation dans le groupe substitué [12].
L’usage de la déhydroépiandrostérone (DHEA) a été proposé pour
les IOP. Mamas et Mamas ont publié 5 cas de femmes en aménorrhée
avec des FSH comprises entre 30 et 112 UI/l qui ont conçu
spontanément après avoir reçu de la DHEA 2 fois 25 mg par jour pour
4 d’entre elles et 3 fois 25 mg pour la dernière [13].
Ces grossesses spontanées posent plusieurs questions : comment
déterminer les facteurs pronostiques favorables de ces grossesses,
comment les favoriser, que dire exactement aux patientes sans les
leurrer inutilement. Il n’existe pas de facteur prédictif de grossesse à ce
jour en cas d’IOP et les marqueurs classiques de la réserve ovarienne
ne sont dans ce cadre d’aucun apport [2]. Il faut donc informer les
femmes que des chances de récupération du fonctionnement ovarien et
de grossesse existent mais qu’elles ne sont pas prévisibles et qu’aucune
étude prospective rigoureuse n’a fait à ce jour la preuve de l’efficacité
d’une thérapeutique pour restaurer l’ovulation, le seul traitement
palliatif ayant fait ses preuves reste le don d’ovocyte.
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III. PLACE DE LA STIMULATION DE L’OVULATION
EN CAS D’IOP AVÉRÉE
Les tentatives de stimulation ovarienne par le citrate de clomifène
ou les gonadotrophines sont classiquement jugées inefficaces par la
grande majorité des auteurs, les agonistes comme les antagonistes du
GnRH se sont révélés inefficaces [1, 2, 8, 10].
Quelques rares publications sur de faibles effectifs de femmes à
caryotype normal font état de grossesse après induction de l’ovulation
dans de véritables IOP, avec ou sans traitement adjuvants, mais il s’agit
souvent de cas cliniques ou de séries de très faibles effectifs ce qui
relativise leurs conclusions. Check et Katsoff ont ainsi rapporté la
première grossesse après cetrorelix [14], Badawy et al., sur 58 femmes,
ont comparé dans une étude randomisée en double aveugle les
résultats d’une stimulation associant analogues du GnRH et gonado-
trophines avec et sans dexaméthasone et ont obtenu une ovulation
dans 20,7 % du groupe dexaméthasone contre 10,3 % dans le groupe
placebo avec 2 grossesses dans le groupe dexaméthasone [15].
Toutefois, l’utilisation de corticoïdes dans les cas d’IOP supposées être
d’origine auto-immune n’a pas fait la preuve de son efficacité dans une
étude prospective randomisée [16].
Un prétraitement par éthinyl œstradiol avant stimulation de
l’ovulation par gonadotrophines a également été proposé. Tartagni, dans
une étude randomisée en double aveugle sur 50 femmes, a obtenu
8 ovulations sur 25 (32 %) contre 0 dans le groupe placebo après
administration 2 semaines avant et pendant la stimulation de l’ovulation
d’éthinyl œstradiol avec 4 grossesses, soit 16 % [17]. Pour l’auteur,
l’administration d’œstradiol restaurerait une réponse ovarienne aux
gonadotrophines exogènes. Quant aux publications sur l’usage de
DHEA pour améliorer la réponse ovarienne aux gonadotrophines, elles
concernent des femmes dites mauvaises répondeuses mais non en IOP
vraie.Enfin, d’exceptionnels cas de stimulation de l’ovulation réussie en
cas d’IOP avec anomalie chromosomique sont également rapportés
dans la littérature [18]. Aucune étude randomisée de grande envergure
n’a confirmé ces résultats qui restent donc anecdotiques et une récente
revue de la littérature vient de conclure qu’aucun traitement autre que
le don d’ovocyte n’a fait la preuve de son efficacité en cas d’IOP et de
désir d’enfant [19].
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