P. WAGNER Clinique de la Vision Strasbourg www.wagner-opthalmologiste.fr Chirurgie à globe ouvert (Prelex / ICL) en site dédié Retour d’expérience Depuis l’ouverture de la Clinique de la Vision de Strasbourg (1) en 2013, nous avons fait le choix clair de proposer à nos patients l’ensemble des moyens de diagnostic et de traitement de leurs troubles réfractifs. Nous réalisons ainsi dans nos blocs opératoires, sans anesthésiste (2), nos indications de chirurgie Prelex et ICL. C’est le retour d’expérience de l’année 2014 que nous vous proposons ici. Moyens - Site : Le site opératoire s’organise autour d’un sas d’accueil, d’une salle de repos, de deux blocs opératoires et d’une salle de décontamination – stérilisation. - Blocs opératoires : Nos deux blocs opératoires sont zone 4 ISO 5 (3) (4). Ils répondent aux exigences hygiéniques de la NFS 90-351 relatives au traitement de l’air dans les zones opératoires des établissements de santé. La zone 4 est une zone à très haut risque infectieux et correspond à des salles affectées à l’orthopédie, l’ophtalmologie, les immunodéprimés, les greffes, les grands brûlés, la neurologie et la cardiologie. La classe ISO 5 est une classe de propreté particulaires définissant une concentration maximale de particules / m3 d’air admissible en fonction de leurs tailles. S’y associent des classes de propreté bactériologiques, des températures limites de l’air, des taux d’humidité, des pressions acoustiques maximales et des régimes d’écoulement de l’air permettant d’atteindre une classification souhaitée. - Equipement : Le bloc opératoire dédié est équipé d’un phacoémulsificateur ALCON, d’un microscope ZEISS, d’un lit BMB Medical, d’un set de réanimation (moyens de perfusion, d’oxygénation, de ventilation, défibrillateur). L’instrumentation est en partie stérilisable mais le plus souvent en usage unique. La stérilisation est assurée par un autoclave EURONDA. Méthode Nous réalisons nos gestes Prelex et ICL sans anesthésiste (2) et sélectionnons, à cette fin, des patients ASA 1 et ASA 2 à l’aide d’une feuille de renseignements remise au patient à distance de l’intervention. Les chirurgies sont programmées à deux jours d’intervalle (J1, J3), contrôle à J5 et J90. 1. Protocole pré-opératoire - Le patient arrive 1 heure avant l’intervention, à jeun depuis 4 heures, accompagné et a pris ses médicaments habituels, - Il est dilaté par MYDRIASERT, - Il est sédaté par deux comprimés de NEURONTIN 300 mg (5) (6) (7) La Gabapentine a été initialement introduite comme antiépileptique, puis ses indications ont été élargies au traitement des douleurs neuropathiques, en particulier diabétique et herpétique, puis plus largement à toutes les douleurs d’origine neurogène. Les propriétés antihyperalgésiques et antiallodyniques de la Gabapentine favorisent son utilisation en pré-opératoire. Elle agit au niveau central en diminuant la libération des neuromédiateurs et en renforçant les contrôles descendants inhibiteurs noradrénergiques. Il semble que la Gabapentine puisse avoir des effets neurologiques supplémentaires comme un effet anxiolytique et marque ainsi un intérêt supplémentaire en prémédication. La pharmacodynamie révèle, après administration orale, des concentrations plasmatiques maximales de Gabapentine atteintes en 2-3 heures, caractérisée par une résorption intestinale active dose dépendante et saturable. Sa demie-vie d’élimination est indépendante de la dose, en moyenne de 5 à 9 heures. Les doses proposées en pré-médication sont variables, de 1 200 mg à 300 mg, dose qui s’avère peut-être trop faible. La dose optimale semble être de 600 mg en une prise. Les effets secondaires les plus couramment rapportés sont vertiges, nausées, somnolence, œdème périphérique et prise de poids. - Un accompagnement sous HYPNOSE est proposé, réalisé par une de nos assistantes formée à l’hypnose ericksonnienne (8). Hypnose que l’on peut définir comme un mode de fonctionnement psychologique dans lequel un sujet, grâce à l’intervention d’une autre personne, parvient à faire abstraction de la réalité environnante, tout en restant en relation avec l’accompagnateur - Il n’y a pas d’antibioprophylaxie pré-opératoire - Il n’y a pas de voie veineuse, ni de scope 2. Protocole peropératoire - Anesthésie topique par oxybuprocaïne et tétracaïne - Bétadine peau et culs de sac plusieurs fois - LIDOCAINE à 1% sans conservateur, 0,3 mg en intracamérulaire (9) L’immunité de cette injection est clairement établie, n’augmentant pas de façon apparente le nombre de décompensation endothéliale. Il s’agit cependant actuellement d’une utilisation hors AMM (10) - APROKAM 50 mg, en intracamérulaire à la posologie de 0,1 mg de solution reconstituée, soit 1 mg de Cefuroxime (11). Utilisé dans le cadre de l’AMM depuis 2013, l’injection permet, selon de nombreuses études, de diminuer de façon conséquente l’incidence de l’endophtalmie postopératoire. Il n’y a pas de toxicité endothéliale avérée mais de rares réactions anaphylactiques ont été observées, imposant des précautions d’emploi chez les patients aux antécédents de réactions allergiques aux pénicillines ou aux autres bêtalactamines - Quinofree à la fin 3. Protocole post-opératoire - Prelex : Le patient reste 15 minutes en salle de repos, est vu à la lampe à fente puis quitte la clinique - ICL : Le patient prend un comprimé de DIAMOX 250 mg en post-opératoire immédiat puis le soir au coucher. Il reste 2 heures en salle de repos et quitte la clinique après prise de TIO et contrôle à la lampe à fente. - Traitement post-opératoire classique (Tobradex – Indocollyre) Retours patients La série comprend 45 patients, soit 90 procédures : - 68 Prelex 21 ICL (1 ICL unilatéral) 1 échange d’implant Tous les patients sont, soit adressés par des médecins correspondants, soit par des proches de patients déjà opérés. Aucun n’a été recruté par nos canaux médiatiques. La plupart des patients ont été contactés et interrogés sur l’accueil à la clinique, l’information donnée, les freins et la prise de décision chirurgicale, le vécu de l’intervention, le sentiment de sécurité et la publicité qu’ils feraient de leur expérience. L’accueil a toujours été jugé excellent tant sur le contact téléphonique que sur la prise de rendez-vous, l’attente et les examens. Les freins à la chirurgie sont de façon très tranchés liés ou à la peur du geste lui-même ou à la crainte d’un mauvais résultat. C’est clairement la réputation du chirurgien qui fait la prise de décision, l’entretien, le site et l’équipe n’apportant qu’un plus. En corollaire, le sentiment de sécurité est lui aussi fortement associé au chirurgien, l’aspect de la clinique et des blocs, décrits comme impeccables, étant secondaire. L’absence d’un médecin anesthésiste, qui peut, pour nous médecins, sembler problématique, est une notion ignorée du patient qui ne pense jamais qu’une telle présence soit nécessaire. L’opération est bien vécue, l’attente décrite comme flippante, la chirurgie parfois désagréable, jamais douloureuse. Les suites opératoires ont été simples, les patients heureux d’être rappelés à J1, contents de pouvoir nous contacter au besoin (nos numéros de portable sont donnés). Referaient-ils l’expérience ? Tous ont répondu oui, même si le résultat n’a pas été parfois à la hauteur attendue. Conseilleraient-ils cette démarche à leurs proches ? Tous ont répondu oui. Retours chirurgiens La possibilité de réaliser sur site des chirurgies à globe ouvert procure un fort sentiment de liberté et d’autonomie mais impose un respect scrupuleux des protocoles et des gestes. Rigueur de la sélection Dans cette série, tous les patients recrutés sont ASA 1 ou ASA 2. Ils sont jeunes (ICL 37,3 ans en moyenne avec des extrêmes de 25 à 47 ans / Prelex 58,5 ans en moyenne avec des extrêmes de 49 à 71 ans), ceci pouvant expliquer le biais de recrutement. Un patient ASA 3 voire ASA 4 serait programmé avec l’assistance d’un médecin anesthésiste. Rigueur du geste Tous les temps opératoires sont décortiqués, maitrisés. Si notre attention est à 100% dans nos chirurgies conventionnelles, ici elle doit sans doute être au-delà, le moindre incident pouvant rapidement devenir problématique. Incidents - Aucun problème de coopération du patient - Aucun malaise Nous retrouvons des patients plus calmes et plus sereins que ceux rencontrés après passage dans les salles d’induction ou de réveil, globalement anxiogènes, de nos cliniques privées - Aucune rupture capsulaire - 3 hypertonies post ICL mises en évidence au contrôle tonométrique H2 gérées par irrigation-aspiration de chambre antérieure - Pas d’endophtalmie - Pas de problème endothélial - 1 décollement de rétine à J60 Conclusion L’expérience est intéressante. Nous sommes conscients de son caractère innovateur. Elle a le mérite de lancer le débat. Peut-on se rendre totalement autonome et offrir, sur site, l’ensemble des choix chirurgicaux à nos patients avec un maximum de confort et de sécurité ? La réponse semble oui. Bibliographie (1) www.clinique-vision-strasbourg.fr (2) La chirurgie réfractive à globe ouvert en centre autonome sans anesthésiste Dr Hauth - VISYA chirurgies-réfractives 2014 (3) Solutions traitement de l’air pour établissements de santé www.meiven.fr/images/meiven_rs-3500.pdf (4) Gestion du risque infectieux au bloc opératoire www.sf2h.net (5) La Gabapentine – J-P Estebe www.sfar.org (6) Gabapentine et dérivés – Frédéric Adam, Anne-Elisabeth Bossard www.mapar.org (7) Les nouveaux traitements médicamenteux – A. Belbachir www.sophia.medicalistes.org (8) Institut français d’hypnose ericksonnienne www.hypnose-ericksonnienne.com (9) Anesthésie topique ou anesthésie locorégionale – Emmanuelle Nouvellon, Jacques Ripart www.mapar.org (10) Des médicaments utilisés en dehors des indications de l’autorisation de mise sur le marché www.droit-medical.com (11) HAS Communication de la transparence Avis 20 mars 2013 Aprokam 50 mg, poudre pour solution injectable www.has-sante.fr