CABINET Forum Med Suisse No 15 10 avril 2002 348 Diagnostic et traitement de l’ostéoporose 1er partie: Définition – Importance – Diagnostic J. Jeger Définition de l’ostéoporose Importance de l’ostéoporose L’ostéoporose est une maladie de tout le squelette caractérisée par une faible masse osseuse et par une perturbation de la micro-architecture du tissu osseux menant à un risque augmenté de fractures. Cette définition a été adoptée en 1993 par la «Consensus Development Conference» [1]. L’OMS a défini en 1994 l’ostéoporose en se basant sur la mesure quantitative de la densité osseuse de la façon suivante: Une étude récapitulative des hospitalisations en Suisse durant 1992 a montré que l’ostéoporose est la cause de 550 000 journées d’hospitalisations annuellement, un nombre plus élevé que celui dû aux maladies respiratoires chroniques obstructives, aux accidents vasculaires cérébraux, aux cancers du sein et aux infarctus du myocarde. Les coûts annuels directs ont été estimés à 1,3 milliard de Francs [2]. Aux USA surviennent chaque année environ 500 000 fractures ostéoporotiques de la colonne vertébrale, 300 000 fractures du col du fémur, 200 000 fractures du radius dont les coûts ont été estimés à 13,8 milliards de dollars [3]. On a enregistré environ 1,7 million de fractures du col du fémur dans le monde en 1990 et l’on estime le nombre de fractures du col du fémur qui surviendront en 2050 à plus de 6 millions en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’évolution démographique [4]. L’ostéoporose n’est pas seulement une grande charge pour le système de la santé, elle est pour les patients concernés la cause de grande souffrance, d’immobilité, d’handicap, de perte de qualité de vie et de décès précoce. Environ 20% des patients ayant eu une fracture du col du fémur décèdent dans l’année suivant leur fracture, environ 50% sont handicapés et tributaires d’une aide externe, et seulement environ 30% des patients se rétablissent grâce à la chirurgie moderne sans séquelles notables. Les fractures vertébrales sont aussi à l’origine d’une diminution considérable de la qualité de vie et le risque de fractures ultérieures augmente avec chaque fracture subie [5]. T-Score > –1: Densité osseuse normale T-Score entre –1 et –2,5: Ostéopénie T-Score < –2,5: Ostéoporose Ostéoporose sans fracture Ostéoporose sévère (avec fractures) Correspondance: Dr J. Jeger Rheumaerkrankungen FMH Obergrundstrasse 88 CH-6005 Luzern [email protected] On parle d’ostéoporose si la densité osseuse est inférieure à 2,5 déviations standard de la densité osseuse moyenne de jeunes femmes en bonne santé. Le nombre de déviations standard est exprimé en valeur de T-score: un T-score de –2,8 p.ex. signifie que la densité osseuse de la patiente mesurée est de 2,8 déviation standard inférieure à la valeur moyenne des jeunes femmes en bonne santé. Cette définition est indépendante de l’âge. La valeur seuil de –2,5 déviation standard a été choisie par l’OMS car elle corrèle assez bien avec la fréquence de fractures ostéoporotiques: Le risque, pour une femme de 50 ans, de se fracturer un os durant le restant de sa vie est d’environ 30% et environ le même nombre de femmes de plus de 50 ans ont une densité osseuse avec un T-score inférieur à –2,5. Le même seuil est employé pour l’instant chez les hommes, le T-score se basant par analogie sur la valeur de densité moyenne des jeunes hommes en bonne santé. Il n’est cependant pas encore établi si le risque de fracture chez les hommes dépend dans la même mesure du T-score que chez les femmes. Ostéoporose: pas seulement une pathologie de la femme Environ une femme sur 3 et un homme sur 7 souffriront durant leur existence d’une fracture ostéoporotique. L’ostéoporose postménopausique est la forme d’ostéoporose la plus fréquente chez la femme, et jusqu’à 50% des fractures sont secondaires chez les hommes d’après la littérature dont il est important d’identifier et de traiter la pathologie primaire. CABINET Formes d’ostéoporose Nous distinguons les formes d’ostéoporose suivantes: – Ostéoporose postménopausique – Ostéoporose sénile – Ostéoporose juvénile – Ostéoporose secondaire L’ostéoporose postménopausique est due avant tout à une insuffisance hormonale: Baisse de l’activité œstrogénique → augmentation de diverses cytokines (avant tout Interleukine-6) → stimulation des ostéoclastes → catabolisme osseux accéléré → turnover accéléré. Les facteurs suivants sont prédominants lors d’ostéoporose sénile: résistance relative à la vitamine D, déficit en vitamine D, résorption intestinale du calcium diminuée, malnutrition, mobilité réduite. Environ 20 à 30% des ostéoporoses sont secondaires chez les femmes, ce taux est encore bien supérieur chez les hommes (jusqu’à 50%). Les étiologies primaires les plus fréquentes entraînant une ostéoporose secondaire sont: Hypogonadisme (surtout chez les hommes), traitement stéroïdien au long cours, les néoplasies, l’alcoolisme prononcé, les maladies rhumatismales inflammatoires, les maladies gastro-intestinales inflammatoires chroniques et les hyperthyroïdies. Détecter les patient(e)s à risque De nombreux facteurs de risques, plus ou moins étroitement liés avec une fréquence de fractures ostéoporotiques, ont été identifiés ces Figure 1. Ostéoporose chez un homme: cyphose thoracique augmentée, plis de la peau en forme de sapin. Forum Med Suisse No 15 10 avril 2002 349 dernières années [6]. La National Osteoporosis Foundation estime particulièrement important les 5 facteurs de risque suivants: – Faible densité osseuse – Fractures survenues après 40 ans – Fractures du col du fémur, de la colonne ou du radius chez les parents du premier degré – Poids corporel dans le quart inférieur (poids absolu <52 kg ou BMI <19 kg/m2) – Tabagisme actuel Un des meilleurs paramètres qui prédit pour la survenue ultérieure de fractures est la faible densité osseuse, qui ne peut être constatée qu’avec une ostéo-densitométrie. Les autres facteurs de risques peuvent être recherchés ou mesurés facilement par l’anamnèse et l’examen clinique. D’autres facteurs de risques mentionnés fréquemment sont: Une ménopause avant 45 ans, des longues périodes d’aménorrhée, un traitement stéroïdien prolongé (plus de 7,5 mg d’équivalent de prednisone sur plus de trois mois), des maladies rhumatismales inflammatoires chroniques, des maladies intestinales inflammatoires chroniques (colite ulcéreuse, maladie de Crohn), les syndromes de malabsorption, un traitement anti-épileptique prolongé, une forte consommation d’alcool. Ce n’est pas tant un facteur de risque isolé, mais l’association de plusieurs facteurs de risques chez la même patiente [7] qui constitue un risque élevé, comme p.ex. l’accumulation d’une anamnèse familiale positive (mère avec fracture du col du fémur), une silhouette frêle et un fort tabagisme. Il faut donc surtout détecter les femmes avec plusieurs facteurs de risque et mesurer leur densité osseuse. L’examen clinique L’ostéoporose demeure longtemps asymptomatique avant qu’elle n’entraîne des fractures ou un effondrement de la posture. L’examen clinique (tabl. 1) ne permet malheureusement pas Tableau 1. L’examen clinique. Mesurer la taille et le poids Cyphose thoracique augmentée, posture altérée («bosse des veuves») Formation de plis de peau en forme de sapins sur la colonne vertébrale L’arc des côtes affleure la crête iliaque («kissing ribs») Examiner le rachis avec le marteau à réflexes (fractures récentes) Evaluer le risque de chutes: acuité visuelle, trouble de la marche, orthostatisme CABINET de diagnostiquer les stades précoces mais seulement les complications d’une ostéoporose. Il est important lors d’un examen clinique de mesurer la taille et le poids, et pas seulement de le demander. C’est une banalité, qui malheureusement ne va pas toujours de soi dans le rythme hectique quotidien. De nombreux patients s’étonnent d’apprendre leur valeur de poids et de taille actuels. Ils ont souvent en tête la valeur inscrite dans leur passeport et n’ont pas remarqué l’insidieuse perte de taille. Une perte de taille supérieure à 4 cm est suspecte de fracture vertébrale déjà intervenue, pouvant sans autre s’être déroulée sans douleurs massives. Seulement 1⁄3 des fractures vertébrales provoquent des douleurs aiguës [5]. L’examen clinique met en évidence la forme de la colonne vertébrale (fig. 1: cyphose thoracique augmentée, «la bosse des veuves», avec plissement de la peau en sapin sur la colonne thoracique), le tronc est trop court par rapport aux jambes, les côtes frôlent la crête iliaque («kissing ribs», souvent à l’origine de douleurs gênantes du bas ventre), la musculature cervicale et dorsale est tendue et douloureuse à la palpation, la mauvaise statique avec déplacement du centre de gravité provoque une démarche incertaine et des chutes fréquentes. Lors de l’examen soigné, chaque vertèbre est examinée individuellement (douleur à la pression ou à l’ébranlement) et le tapotement avec le marteau à réflexe permet de tester si certaines vertèbres sont particulièrement sensibles (indice de fracture récente). L’examen soigné doit aussi relever les indices de pathologies associées à un risque de chute accru: baisse de l’acuité visuelle, trouble de la marche, réaction orthostatique, trouble de rythme. Mentionnons dans ce contexte le danger de la prescription combinée d’antihypertenseurs et de médicaments psychotropes chez les patients âgés: fréquence de chutes accrues lorsque les patients vont la nuit aux toilettes sous l’influence de médicaments sédatifs. Les Tableau 2. Examens de laboratoires. Bilan de base Bilan extensif lors d’indications particulières Vitesse de sédimentation TSH Formule sanguine avec répartition Parathormone Calcium Vitamine-D-25-OH Phosphatase alcaline Electrophorèse des protéines Créatinine Excrétion de calcium dans les urines de 24 heures Protéines totales Ponction de moelle osseuse Tests hépatiques Biopsie osseuse Désoxypyridinoline urinaire Chez les hommes: Testostérone / FSH / LH Forum Med Suisse No 15 10 avril 2002 350 médecins de famille doivent saisir l’occasion lors de visite à domicile de rendre attentifs sur les dangers potentiels de chutes de certains détails d’habitation: tapis glissants, câbles placés en embuscade, chambres insuffisamment éclairées, sols mouillés dans la cuisine et la salle de bains. La place des examens de laboratoire Les examens de laboratoire ne sont de première utilité pour le diagnostic d’ostéoporose, mais sont utiles pour exclure d’autres pathologies (diagnostic différentiel). L’ostéoporose primaire ne se traduit pas par des altérations de valeurs de laboratoire, hormis des valeurs élevées de métabolisme osseux accéléré et de phosphatase alcaline lors de fractures récentes. Les examens de laboratoire donnent des indices sur l’origine d’ostéoporoses secondaires, sur des maladies métaboliques ou des néoplasies. La mesure de paramètres de métabolisme osseux donne des informations supplémentaires sur le risque de fracture. La valeur prédictive sur le risque de fracture ultérieure est cependant mal établie et demeure controversée. La mesure de la desoxypyridinoline dans l’urine du matin est la plus couramment utilisée aujourd’hui. (On utilise la deuxième urine du matin, sans diète préalable, L’urine étant envoyée au laboratoire dans un flacon protégeant de la lumière.) Les pyridinolines sont des molécules de liaisons («Cross links»), liant les fibrilles de collagène. Elles sont en partie excrétées dans l’urine lors de catabolisme osseux. Les télopeptides NTX et CTX sont d’autres paramètres de catabolisme osseux. Les paramètres anaboliques osseux (particulièrement l’ostéocalcine) sont régulièrement utilisés lors d’études cliniques, mais ne sont pas d’utilité essentielle pour la pratique clinique. La mesure de paramètres de catabolisme osseux peut avoir sa place pour surveiller un traitement antirésorption (monitoring) et aide pour motiver et conseiller des patients, lorsqu’on peut leur montrer après seulement quelques mois de traitement qu’il a déjà pu freiner efficacement le catabolisme osseux [8]. La mesure de la desoxypyridinoline est utile avant le début et après 2–3 mois de traitement. La place de l’imagerie médicale Les radiographies conventionnelles ne permettent pas de détecter les stades précoces. Lorsque nous soupçonnons une déminéralisation à l’examen d’une radiographie, la perte de la substance osseuse est estimée à déjà plus de CABINET Figure 2. Déformation cunéiforme d’une vertèbre (fracture vertébrale). Forum Med Suisse No 15 10 avril 2002 351 La place de la mesure de la densité osseuse 30%. Les radiographies conventionnelles ne permettent que de mettre en évidence les complications d’une ostéoporose: des fractures et des déformations de vertèbres, des fractures périphériques. Lorsqu’on envisage une ostéoporose à l’origine de douleurs vertébrales, il est utile de faire des clichés antéropostérieurs et latéraux de la colonne lombaire et dorsale. L’on examine la statique, la structure osseuse et les déformations éventuelles des vertèbres il faut être attentif à: des impressions des plateaux vertébraux, des vertèbres thoraciques cunéiformes (fig. 2), des vertèbres lombaires en forme vertèbres de poissons, des fractures fraîches ou anciennes avec des spondyloses réactives, des érosions des racines des lames vertébrales comme indices de métastases. Les radiographies conventionnelles sont avant tout indiquées pour éclaircir le cas de patients symptomatiques et des patients avec une forte présomption clinique (diminution de taille, déformation du rachis). Les radiographies conventionnelles ne sont généralement pas indiquées pour évaluer le risque de patientes asymptomatiques en périménopause. Une radiographie du bassin à la recherche de lignes de Looser, fréquemment observées aux niveaux des branches pubiennes et du col du fémur, peut être indiquée lors de soupçon d’ostéomalacie. Des examens plus poussés de l’imagerie médicale sont indiqués dans certains cas particuliers, comme une scintigraphie à trois phases du squelette par exemple lors de recherches de néoplasies ou de maladies rhumatismales inflammatoires. Une densité osseuse diminuée est l’un des meilleurs paramètres pronostiques pour la survenue de fractures ultérieures. Une diminution de la densité osseuse d’environ une déviation standard correspond à une perte de 10% environ. Le risque de fracture augmente de 2 à 2,5 fois par diminution d’une unité de déviation standard de densité osseuse. Il faut se rendre compte que le seuil de –2,5 déviation standard est arbitraire et a été choisi par l’OMS en se basant sur des considérations épidémiologiques. Une fracture peut sans autre survenir pour des patients individuels avec des valeurs densitométriques ostéopéniques et d’autres patients individuels avec des valeurs de densitométrie du domaine d’ostéoporose sévère peuvent rester sans fractures. La densitométrie osseuse ne livre pas une valeur absolue et certaine de risque de fracture, mais représente simplement une aide pour les décisions thérapeutiques. La détection précoce d’une ostéoporose est seulement possible grâce à une mesure de la densité osseuse (densitométrie osseuse). Une densitométrie est indiquée en présence de facteurs de risques et non comme instrument de dépistage généralisé. Ce sont surtout chez les femmes (et les hommes) avec plusieurs facteurs de risque qu’une densitométrie osseuse est fructueuse, à condition que les patients concernés soient d’accord de tirer les conséquences qui peuvent s’imposer (modification d’un comportement à risque, élimination des facteurs de risque, acceptation d’un traitement) si une ostéoporose est détectée. Un entretien avec les patient(e)s avant d’ordonner une densitométrie doit estimer quelles seraient leurs motivations le cas échéant. Une densitométrie n’a aucun sens si elle n’est pas suivie de conséquences! La mesure de la densité osseuse est tout particulièrement indiquée au début d’un traitement stéroïdien au long cours. De nombreuses femmes avec des maladies rhumatismales inflammatoires (arthrite rhumatoïde, polymyalgia rheumatica) sont déjà exposées à une ostéoporose en raison de leur âge et d’autres facteurs de risque et subissent des fractures ostéoporotiques vertébrales après seulement quelques mois de traitement stéroïdien. Une mesure de la densité osseuse devrait être ordonnée de routine au tout début d’un traitement stéroïdien au long cours (prestation obligatoire des caisses d’assurance-maladie) et un vigoureux traitement prophylactique contre l’ostéoporose, et thérapeutique si nécessaire, devrait être associé à tout traitement stéroïdien au long cours (plus de trois mois). On oublie souvent que les stéroïdes inhalés peuvent aussi favoriser une ostéoporose, même si ce n’est dans un moindre CABINET mesure qu’avec les traitements stéroïdiens oraux au long cours. La mesure de la densité osseuse est aussi utile pour motiver la prise de substitution hormonale après la ménopause, surtout chez les femmes asymptomatiques qui n’accepteraient sinon pas cette substitution. Quand la mesure de la densité osseuse est parfaitement normale, il n’existe pas de raison péremptoire à débuter une substitution hormonale. Elle le devient par contre quand les valeurs mesurées avoisinent le seuil d’ostéoporoses ou sont franchement pathologiques. Quelles sont les méthodes utilisées aujourd’hui? La DEXA (Dual X-ray Absorptiometrie) est l’étalon or universellement accepté de la mesure de la densité osseuse. Cette méthode a été utilisée dans la plupart des études cliniques et c’est avec la méthode DEXA que les valeurs normales ont été établies de façon la plus extensive. La définition OMS de l’ostéoporose qui se base sur le T-score, s’appuie également sur des valeurs obtenues par la méthode DEXA. La méthode DEXA utilise deux rayons X de fréquences différentes. On peut calculer la densité du tissu irradié en mesurant l’absorption des deux rayons et en la comparant avec l’absorption d’un medium standardisé. La mesure aux endroits où les fractures sont les plus fréquentes donne les résultats les plus utiles et les plus prédictifs: au niveau de la colonne vertébrale et du col du fémur. La mesure DEXA n’expose le patient qu’à une faible dose de rayons (DEXA 2–4 millirem, une radio du thorax environ 120 millirem), ne dure que quelques minutes, est indolore et coûte selon les différents instituts de radiologie environ 150.– sFr. L’inconvénient principal des instruments pour DEXA est leur coût élevé et qu’ils ne sont guère transportables. Les ultrasons gagnent de l’importance, mesurant selon les appareils deux paramètres différents: le «Speed of Sound» (SOS) (vitesse du son) et/ou le «Broadband Ultrasound Attenuation» (BUA) (atténuation du son). Il existe déjà différents appareils sur le marché, pouvant mesurer la densité osseuse au niveau du calcanéum, du tibia ou des phalanges des doigts. Les appareils les plus précis et donnant les meilleures valeurs pronostiques sont ceux mesurant la densité au niveau du calcanéum. Les autres types d’appareils sont relativement mal évalués. Plusieurs études ont montrés que les données de bases SOS et BUA mesurées par appareils ultrason au niveau du calcanéum corrèlent bien avec la survenue ultérieure de fracture du col du fémur [9]. Ces études ont en majorité été effectuées sur des femmes âgées et nous ne disposons encore que de peu d’éléments pour af- Forum Med Suisse No 15 10 avril 2002 352 firmer la valeur prédictive des ultrasons chez les femmes plus jeunes. Il n’existe encore très peu de données pour savoir si les ultrasons pourraient être employés pour le suivi du traitement. Les avantages particuliers des ultrasons sont l’absence d’irradiation, leurs petites dimensions, leur facilité de transport, et leur faible prix par rapport aux appareils DEXA. Les ultrasons donnent probablement aussi des informations sur la texture des os, qui ne sont pas obtenues par la mesure de la densité osseuse DEXA. Un inconvénient majeur est l’impossibilité d’effectuer des mesures au niveau de la colonne et du col du fémur. Les ultrasons et la DEXA ne mesurent pas exactement la même chose et la comparaison de leurs résultats est très limitée. Les ultrasons ne peuvent être recommandés pour l’instant comme seul élément d’aide de décision pour le traitement et son suivi. La tomographie quantitative computérisée est aussi parfois utilisée. La QCT au niveau du rachis est dépassée, d’une part en raison de la forte dose d’irradiation et aussi en raison de la pauvreté relative des données pour établir les normes de références. La tomographie quantitative computérisée périphérique PQCT (mesure à l’avant-bras) reste une modalité diagnostique utile pour certaines questions, en particulier quand l’on désire des informations sur la morphologie osseuse pour le diagnostic différentiel. La précision de mesure dépend cependant fortement du type d’appareil et cette modalité n’a pu s’établir sur le plan international. Important: Les mesures de suivi doivent non seulement être effectuées avec la même méthode de mesure, mais aussi avec le même type d’appareil. Quelles sont les critères de prises en charge des frais de la densitométrie osseuse par les caisses maladies en Suisse? D’après l’annexe du 1.1.1999 de l’OPAS (ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins), les indications suivantes sont pour l’instant nécessaires pour la prise en charges de la densitométrie par les caisses d’assurances maladie: – Lors d’ostéoporose manifeste ou lors de fracture par un traumatisme inadéquat. – Lors d’un traitement stéroïdien au long cours ou lors d’hypogonadisme. – Lors de maladies gastro-intestinales (malabsorption, maladie de Crohn, colite ulcéreuse). – Lors d’hyperparathyroïdie primaire (en l’absence d’indication opératoire claire). CABINET Forum Med Suisse No 15 10 avril 2002 – Lors d’osteogenesis imperfecta. – Tous les deux ans lors de traitement d’ostéoporose. Cette ordonnance ne définit pas explicitement ce que l’on entend par traitement stéroïdien au long cours et par hypogonadisme. La densitométrie n’est pas prise en charge lors des indications suivantes: – Dépistage d’ostéoporose en présence de facteurs de risque. – Suspicion d’ostéoporose sur une radiographie. – Désir de la patiente («j’aimerais connaître mon risque …»). Quintessence Environ une femme sur 3 et un homme sur 7 subiront une fracture ostéoporotique au cours de leur existence. Chaque fracture ostéoporotique augmente massivement le risque de fractures ultérieures. Les facteurs de risques les plus importants sont: une faible densité osseuse, les antécédents de fractures, des fractures ostéoporotiques dans la parenté du premier degré, un faible poids corporel (<52 kg/BMI <19 kg/m2), le tabagisme. Les patients avec des facteurs de risques bénéficient d’une mesure de densité osseuse. Les radiographies conventionnelles et les examens de laboratoire sont surtout utiles pour le diagnostic différentiel. Songer à l’éventualité d’une ostéoporose lors de chaque fracture. 353 Les caisses maladies ne sont tenues de prendre en charge les frais de densitométries dans ces dernières indications que lorsque les mesures ont montré des valeurs d’ordre pathologique. Mais la pratique quotidienne montre que de nombreuses femmes sont aujourd’hui prêtes à payer elles-mêmes les frais densitométrie pour obtenir les résultats qui les concernent. A quelle fréquence répéter une densitométrie? L’anabolisme et le catabolisme osseux s’effectuent avec une certaine inertie et les systèmes de mesures ont une reproductibilité de l’ordre de 0,5 à 2%. Il faut, pour des raisons statistiques, que la modification osseuse soit au moins 2,77 plus élevée que la reproductibilité de la méthode de mesure afin de pouvoir obtenir des résultats avec un risque d’erreur inférieur à 5%. Avec une reproductibilité de l’ordre de 1–2% (méthode DEXA) une modification de densité osseuse de 2,8 à 5,6% est nécessaire. C’est pourquoi un délai d’au moins 1,5 à 2 ans est nécessaire entre les mesures de contrôles (en Suisse une mesure de contrôle est prise en charge par les caisses d’assurance-maladie tous les 2 ans). Le risque de fractures peut être ainsi réévalué après les mesures sous traitement. Elles permettent de déterminer si la poursuite du traitement est nécessaire ou si une pause peut être faite. Remerciements L’auteur tient à remercier chaleureusement le Dr Andreas Steiner, Küssnacht, pour sa lecture critique du manuscrit et pour ses suggestions. Références 1 Consensus Development Conference Am J Med 1993;94:646–50. 2 Lippuner K, von Overbeck J, Perrelet R, Bosshard H, Jaeger P. Incidence and direct medical costs of hospitalizations due to osteoporotic fractures in Switzerland. Osteoporos Int 1997; 7:414–25. 3 Iqbal MM. Osteoporosis: Epidemiology, diagnosis and treatment. South Med J 2000;93:2–18. 4 Genant H, Cooper C, Poor G, Reid I, Ehrlich G, Kanis J, et al. Interim report and recommendations of the World Health Organization TaskForce for Osteoporosis. Osteoporos Int 1999;10:259–64. 5 Lindsay R, Silverman SL, Cooper C, Hanley DA, Barton I, Broy SB, et al. Risk of new vertebral fracture in the year following a fracture. JAMA 2001;285:320–3. 6 Osteoporosis: Review of the Evidence for prevention, diagnosis and treatment and cost–effectiveness analysis. Osteoporosis International 1998; 8(Suppl 4):7–80. 7 Lips P. Epidemiology and predictors of fractures associated with osteoporosis. Am J Med 1997;103(2A): 3S–8S. 8 Gonelli S, Cepollaro C, Ponderelli C, Martini S, Monaco R, Gennari C. The usefulness of bone turnover in predicting the response to transdermal estrogen therapy in postmenopausal osteoporosis. Journal of Bone and Mineral Research 1997;12:624–31. 9 Bauer D, Gluer CC, Cauley JA, Vogt TM, Ensrud KE, Genant HK, et al. Bone ultrasound predicts fractures strongly and independently of densitometry in older women: a prospective study. Arch Intern Med 1997; 157:629–34.