Ce mouvement de renouveau militant s’appuie sur les travaux de la psychologie de
l’enfant, née au début du XX siècle. Les données recueillies sur le développement de l’enfant
donnent une assise scientifique à ces projets de réforme pédagogique. Decroly (1871-1932),
Claparède (1873-1940), puis Piaget (1896-1980) accréditeront l’idée que l’éducation doit tenir
compte des stades du développement physique et intellectuel de l’enfant, du développement de
ses intérêts, de ses modes d’appropriation des savoirs. Ce qui conduit l’école à transformer ses
méthodes d’enseignement pour appuyer un développement de l’enfant qui, pour grandir, se libère
ainsi des tutelles.
L’école des « maîtres » pédagogues
Ce mouvement produisait des réalisations dans les marges du système. Mais il n’aurait
pas progressivement gagné ses lettres de noblesse ni peut-être même survécu s’il n’avait pas
bénéficié, à l’intérieur même du système, du soutien d’une « cinquième colonne », celle des
professeurs pédagogues de l’école secondaire. Il y a ainsi à travers les siècles, inspiré par les
humanistes et Montaigne, puis par les Lumières et Rousseau, puis par Lagneau et Alain, un long
fil rouge d'une tradition pédagogique qui ne s’est jamais rompue, celle des professeurs
pédagogues, des professeurs éveilleurs, pour qui « les élèves ne sont pas des vases à remplir, mais
des feux à alimenter », pour qui « l’éducation ne consiste pas à gaver, mais à donner faim » et qui
en tirent les conséquences dans leurs pratiques d’enseignement.7
Jean Château, ancien élève d’Alain, mieux que quiconque a su rappeler cette pédagogie de
la grandeur pratiquée par ces maîtres. Obligé de se cacher pendant la guerre de 1939-1945, il
enseigne dans une école primaire d’un petit village, où il observe les jeux des enfants de divers
âges dans la cour de récréation. Ces jeux sont ceux du « faire semblant », du « comme si » où le
plaisir vient de l’appropriation d’un domaine nouveau, ceux où le plaisir vient de « l’avoir fait
tout seul », « comme les grands », ceux où le plaisir vient des épreuves maîtrisées : application
l’ensemble du système éducatif québécois. On trouve ainsi dans le réseau des écoles publiques quelques
écoles [en petit nombre] Freinet, Montessori, Waldorf [ou Steiner], un réseau d’Écoles alternatives [une
quarantaine d’écoles], un réseau de 25 centres CFER. Fondés par Normand Maurice, ces centres de
formation en entreprise et récupération offrent un enseignement à des jeunes âgés entre 15 et 18 ans et qui
ne peuvent suivre des études secondaires régulières. On trouve aussi des initiatives plus récentes, mais qui
n’entraînent pas nécessairement encore une transformation complète du fonctionnement de l’école : le
réseau des écoles entrepreneuriales et environnementales [près de 100 écoles], le réseau des
établissements verts Brundland [près de 1000 écoles], le réseau des petites écoles éloignés en réseau,
l’ÉÉR, [une quarantaine d’écoles primaires de petits villages très éloignés les uns des autres], un réseau
d’écoles [en développement] introduisant la pratique de la réflexion philosophique au primaire.
7 « La maîtrise commence au-delà de la pédagogie. […] La faute du pédagogue de type usuel, c’est qu’il
ne doute pas de lui-même. Détenteur de la vérité, il se propose seulement de l’imposer aux autres par les
techniques les plus efficaces. […] Le maître est celui qui a dépassé la conception d’une vérité comme
formule universelle pour s’élever à l’idée d’une vérité comme recherche. […] Il a en horreur l’esprit
propriétaire du pédagogue, et son assurance sur la vie […] À partir de sa propre situation à l’égard de la
vérité, le maître essaie d’éveiller l’élève à sa propre vérité ». (Georges Gusdorf, Pourquoi des professeurs,
Payot, Paris, 1963, pp. 254 à 256).