Joëlle Zask,
Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation,
Paris, Le Bord de l'eau, 2011.
Note critique : Martine Legris Revel (http://lectures.revues.org/ 8055)
« Il incombe aux sociétés d’assurer la participation de leurs membres en mettant à leur disposition
les méthodes, outils, ressources, qui leur permettent de s’intégrer, non seulement sans qu’ils aient à
sacrifier leur individualité, mais en outre, en jouissant d’opportunités de développement personnel »
(p 278). Joëlle Zask, connue pour ses travaux sur le pragmatisme, et la théorie de la justice de Dewey,
nous invite cette fois à un voyage dans l’univers de la participation, qu’elle découpe en trois temps :
ceux de prendre part, de contribuer et de bénéficier, qui correspondent aux trois premières parties
du livre. Celui-ci se clôt sur un chapitre consacré aux notions de bénéfice et de reconnaissance. Voici
un projet intellectuel ambitieux qui renouvelle le débat sur les formes démocratiques de nos sociétés
en nous proposant un modèle de « démocratie contributive ».
2L’auteure soutient en effet la thèse selon laquelle l’étude des conditions de la participation revient
à s’interroger sur la production sociale des conditions de l’individuation. La combinaison des trois
temps de la participation assure aux individus de réaliser leur individualité, alors que leur séparation
est source d’injustice.
3Dans un contexte où la participation se réduirait parfois à un « mécanisme dont le but est de tirer le
meilleur parti possible des gens au profit d’une entreprise dont les finalités ne sont pas de leur
ressort » (p 8), participer ne peut être selon l’auteure qu’une tentative illusoire. C’est en prenant
l’initiative que les citoyens participent, à condition qu’ils puissent contribuer à la définition de la
forme et de la nature de l’expérience qu’ils vont vivre. Ainsi nombre de dispositifs participatifs
aujourd’hui développés en France, comme les débats publics organisés par la Commission Nationale
de Débat Public tout comme les jurys citoyens instaurés par les collectivités territoriales, sont
renvoyés à une expérience de participation illusoire puisqu’elles dessaisissent les participants de
toute influence sur leur forme et sur les règles qui y sont appliquées.
4Cette thèse assez forte de la participation comme entreprise d’individuation s’appuie sur une vision
de la « démocratie forte » (Barber 1984) dont Zask fait remonter la filiation à Jefferson, Tocqueville
et Dewey. Ce qui frappe à la lecture de cet essai tient en trois points. Premièrement il s’agit d’une
ambition intellectuelle de renouveler la réflexion sur la participation en évitant le « tropisme
procédural » (Mazeaud 2009) qui a amené ces dernières années à décontextualiser les recherches. Le
projet de ce livre est au contraire d’illustrer comment la démocratie s’incarne socialement,
politiquement et culturellement dans la participation conçue comme la combinaison entre prendre
part, contribuer et bénéficier.
5L’entrée par l’individuation est double elle permet de partir de l’expérience individuelle de celui qui
prend part à un groupe (ce qui se différencie d’en faire partie) ou de celle du groupe dont l’équilibre
se trouve modifié par l’apport de ses membres (à condition que cette contribution soit reconnue). La
question fondamentale ici est celle de la construction de l’individualité grâce à la participation des
individus à l’élaboration des finalités du groupe. L’auteure s’appuie sur des auteures et des courants
variés pour construire une théorie de l’individualisation comme capacité d’engagement et d’initiative