Hémodynamique et monitorage en réanimation 347
EVALUATION HEMODYNAMIQUE PAR
LE MONITEUR PICCO
F. Michard, C. Richard, J-L. Teboul. Réanimation Médicale, CHU de Bicêtre, 78 rue du
Général Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicêtre cedex.
INTRODUCTION
Le PiCCO (Figure 1) est un moniteur de surveillance hémodynamique commercia-
lisé par la société Pulsion Medical Systems (Munich, Allemagne, www.pulsion.de) et
disponible sur le marché français depuis 1999. Les paramètres hémodynamiques dis-
ponibles à partir du PiCCO sont obtenus au moyen de deux techniques distinctes : la
thermodilution transpulmonaire et la technique du contour de l’onde de pouls.
Figure 1 : Le moniteur hémodynamique PiCCO
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1. THERMODILUTION TRANSPULMONAIRE
1.1. MESURE DU DEBIT CARDIAQUE
Le principe de mesure du débit cardiaque par thermodilution transpulmonaire est
identique à celui de la thermodilution artérielle pulmonaire : l’intégration de la courbe
de dilution d’un indicateur dans la circulation permet le calcul du débit circulant selon
le principe de Stewart-Hamilton. La différence entre les deux techniques réside dans :
1. Le site d’injection de l’indicateur (bolus froid de sérum physiologique) qui est
veineux central et non auriculaire droit.
2. Le site de recueil de la courbe de thermodilution qui est l’aorte descendante et non
l’artère pulmonaire.
Dans la mesure où le volume de dilution de l’indicateur froid est bien plus grand
qu’avec la thermodilution artérielle pulmonaire, la courbe de thermodilution transpul-
monaire est moins ample et plus prolongée. Le calcul du débit cardiaque à partir de
l’intégration de l’aire sous la courbe de thermodilution est donc plus sensible à d’éven-
tuelles variations spontanées de la température sanguine (courbe moins ample). Cet
inconvénient potentiel est facilement compensé par l’injection d’un volume d’indica-
teur plus important (15 mL au lieu des 10 mL habituellement utilisés avec les cathéters
artériels pulmonaires). La mesure du débit cardiaque par thermodilution transpulmo-
naire est par contre moins sensible aux variations respiratoires physiologiques du volume
d’éjection (courbe plus prolongée). De fait, la reproductibilité de la mesure du débit
cardiaque est excellente, de l’ordre de 5 %, et deux bolus suffisent (contre 3 à 5 bolus
avec la thermodilution artérielle pulmonaire) [1]. La mesure du débit cardiaque par
thermodilution transpulmonaire a été validée par plusieurs études cliniques en compa-
raison avec la thermodilution artérielle pulmonaire [1-5] ou la méthode de Fick [6]
(Tableau I).
1.2. MESURE DU VOLUME TELEDIASTOLIQUE GLOBAL ET DE L’EAU
EXTRA-VASCULAIRE PULMONAIRE
Après injection par voie veineuse centrale, l’indicateur froid se dilue successive-
ment dans les cavités cardiaques droites, la circulation pulmonaire (± l’interstitium
pulmonaire), les cavités cardiaques gauches et l’aorte descendante. En conséquence,
l’analyse mathématique de la courbe de thermodilution permet de recalculer les volu-
mes de distribution de l’indicateur froid, en particulier le volume télédiastolique global
(quantité de sang contenue dans les 4 cavités cardiaques et l’aorte descendante) et l’eau
extra-vasculaire pulmonaire (cf. principes de calcul au Tableau II).
Tableau I
Principales études cliniques de validation de la mesure du débit cardiaque par la
technique de thermodilution transpulmonaire.
Auteur
(Référence) Technique de référence Coefficient de
corrélation
Biais (± écart
type)
Godje [1] Thermodilution pulmonaire 0,96 0,16
Sakka [2] Thermodilution pulmonaire 0,97 0,68 (± 0,62)
Goedje [3] Thermodilution pulmonaire 0,93 0,29 (± 1,31)
Bindels [4] Thermodilution pulmonaire 0,95 0,49
Goedje [5] Thermodilution pulmonaire 0,98 0,35
Tibby [6] Méthode de Fick 0,99 0,03
Hémodynamique et monitorage en réanimation 349
La mesure du volume télédiastolique global et de l’eau extra-vasculaire pulmonaire
par la technique de thermodilution transpulmonaire utilisée par le PiCCO (un indica-
teur froid) a été validée en comparaison avec la technique de double dilution (un
indicateur froid, un indicateur colorimétrique = vert d’indocyanine) [7, 8]. La mesure
de l’eau extra-vasculaire pulmonaire par la technique de double dilution transpulmo-
naire avait par ailleurs été validée en comparaison avec la gravimétrie, technique de
référence. La mesure de l’eau extra-vasculaire pulmonaire par le PiCCO a également
été validée récemment chez l’animal par la technique de gravimétrie [9].
En résumé, les paramètres hémodynamiques évalués par la thermodilution transpul-
monaire sont le débit cardiaque, le volume télédiastolique global, et l’eau extra-
vasculaire
pulmonaire. Le rapport du débit cardiaque et du volume télédiastolique global, appelé
indice de fonction cardiaque, est un indicateur de la performance cardiaque (équivalent
à une fraction d’éjection cardiaque globale) [10] également affiché sur le moniteur
(Tableau III).
Tableau II
Principes de calcul du volume télédiastolique global et de l’eau extra-vasculaire
pulmonaire.
L’injection par voie veineuse centrale d’un bolus (15 mL de sérum physiologique)froid
(< 8°C) a pour conséquence la distribution de l’indicateur froid dans un volume
thermique intrathoracique (VTIT) composé du volume sanguin intrathoracique (VSIT)
et de l’eau extra-vasculaire pulmonaire (EEVP).LeVSIT est la somme des volumes
télédiastoliques (VTDG Volume télédiastolique global)et du volume sanguin
pulmonaire (VSP).Lemoniteur PiCCO calcule le temps de transit moyen (MTt) et le
temps de décroissance exponentielle (DSt) de la courbe de thermodilution. Le produit
du débit cardiaque (DC) par le temps de transit moyen est égal au VTIT [22] :
VTIT = MTt x DC = VTDG + VSP + EEVP
Le produit du débit cardiaque par le temps de décroissance exponentielle est égal au
volume thermique pulmonaire (VTP) [23], composé du VSP et de l’EEVP :
VTP = DSt x DC = VSP + EEVP
Ainsi, le VTDG est égal à la différence entre le VTIT et le VTP :
VTDG = VTIT - VTP
Le VSIT est estimé par le moniteur PiCCO à partir du VTDG et de la régression linéaire
qui existe entre ces deux paramètres [8]: (VSIT = 1,25 x VTDG). L’EEVP est égale à la
différence entre le VTIT et le VSIT.
Tableau III
Paramètres hémodynamiques évalués par le moniteur PiCCO
Valeurs «normales»
Thermodilution transpulmonaire
- Index cardiaque > 3,5 L.min-1.m-2
- Volume télédiastolique global indexé * > 600 mL.m-2, < 1000 mL.m-2
- Eau extra-vasculaire pulmonaire indexée ** < 10 mL.kg-1
- Indice de fonction cardiaque > 4
Contours de l’onde de pouls
- Volume d’éjection indexé * > 40 mL.m-2
- Variabilité du volume d’éjection < 10 %
* Valeur indexée à la surface corporelle, ** valeur indexée au poids.
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2. CONTOUR DE L’ONDE DE POULS
Cette technique de mesure battement à battement du volume d’éjection ventricu-
laire gauche est basée sur la relation de proportionnalité qui existe entre la surface sous
la partie systolique de la courbe de pression aortique et le volume d’éjection ventricu-
laire gauche (Figure 2) [3] :
Volume d’éjection = Surface sous courbe x facteur de calibration
Dans la mesure où le facteur de calibration dépend des propriétés mécaniques du lit
artériel, il varie d’un patient à l’autre, et chez un même patient, d’un moment à l’autre
en cas de modifications importantes des propriétés mécaniques du lit artériel (expan-
sion volémique, drogues vasoactives). Cette technique requiert donc une calibration
par un moyen indépendant de mesure du volume d’éjection, par exemple la thermodi-
lution. Sur le moniteur PiCCO, la thermodilution transpulmonaire permet de calibrer
automatiquement la technique du contour de l’onde de pouls. Après calibration, cette
technique permet une surveillance continue du volume d’éjection et du débit cardiaque.
La mesure du débit cardiaque en continu par la technique du contour de l’onde de pouls
utilisée par le PiCCO a été validée en comparaison avec la thermodilution artérielle
pulmonaire et la thermodilution transpulmonaire [3, 11-13].
La mesure battement à battement du volume d’éjection permet également une quan-
tification automatique de la variabilité du volume d’éjection sur une période flottante
5de 30 secondes [14-16].
3. COMMENT UTILISER LE MONITEUR PICCO
L’utilisation du moniteur PiCCO nécessite un cathéter veineux central pour l’injec-
tion du bolus froid et un cathéter artériel fémoral pour le recueil de la courbe de
thermodilution et l’analyse du signal de pression artérielle par la technique du contour
de l’onde de pouls. Un cathéter veineux central et un cathéter artériel sont habituelle-
ment utilisés chez les patients susceptibles de justifier d’une exploration hémodynamique
(cathéter veineux central pour administration des drogues inotropes et/ou vasoactives,
cathéter artériel pour prélèvements sanguins itératifs et surveillance continue fiable de
la pression artérielle). La nécessité d’avoir à utiliser la voie artérielle fémorale peut être
considérée comme un inconvénient si on se réfère à la mauvaise image de la voie vei-
neuse fémorale par rapport à la voie veineuse sous-clavière. Cependant, il est important
de souligner que :
Figure 2 : Principe de calcul du volume d’éjection par la technique du contour de
londe de pouls : la surface (A) sous la partie systolique de la courbe de pression aor-
tique est proportionnelle au volume d’éjection : Volume d’éjection = A x facteur de
calibration. Le facteur de calibration (qui dépend de limpédance aortique) est déter-
miné par une technique indépendante de mesure du volume d’éjection : la thermodilution
transpulmonaire.
A
Hémodynamique et monitorage en réanimation 351
La voie artérielle fémorale n’est pas associée à un taux de complications plus impor-
tant que la voie artérielle radiale.
La longévité des cathéters artériels fémoraux est plus importante que celle des cathé-
ters radiaux.
La pression artérielle radiale sous-estime la pression aortique dans certaines situa-
tions cliniques comme la période postopératoire de chirurgie cardiaque ou le sepsis.
Il a d’ailleurs été démontré chez les patients septiques que l’utilisation de la voie
radiale conduisait à une sur-utilisation d’amines vasoactives par rapport à la voie
fémorale.
Aussi, à la différence du cathétérisme artériel pulmonaire, l’utilisation du moniteur
PiCCO ne nécessite pas en soi un abord vasculaire invasif spécifique, mais la simple
interposition d’un moniteur entre le cathéter veineux central et le cathéter artériel habi-
tuellement utilisés pour la prise en charge des patients en état de choc.
4. INTERET CLINIQUE
4.1. MESURE ET SURVEILLANCE CONTINUE DU DEBIT CARDIAQUE
La question de l’intérêt de la mesure du débit cardiaque ne date pas d’aujourd’hui,
et n’est absolument pas propre au moniteur PiCCO. Il est vrai qu’aucune étude n’a
démontré un bénéfice à la mesure du débit cardiaque chez les patients en état de choc.
Mais il est également vrai que :
La mesure du débit cardiaque permet de mieux comprendre les désordres physio-
pathologiques à l’origine du choc et donc un choix raisonné des thérapeutiques.
La multiplication actuelle des techniques de mesure du débit cardiaque témoigne de
l’intérêt que les réanimateurs portent à la mesure de ce paramètre.
Une exploration hémodynamique, comprenant la mesure du débit cardiaque, est
d’ailleurs recommandée par différentes sociétés savantes pour la prise en charge des
états de choc nécessitant l’administration de fortes doses de catécholamines.
4.2. EVALUATION DE LA PRECHARGE CARDIAQUE PAR LE VOLUME TELE-
DIASTOLIQUE GLOBAL (VTDG)
Le VTDG est un indice volumétrique de précharge bi-ventriculaire. L’intérêt des
indices volumétriques par rapport aux pressions n’est plus à démontrer. En effet, les
pressions veineuse centrale, auriculaire droite et artérielle pulmonaire d’occlusion
reflètent mal la précharge ventriculaire, et ce pour au moins trois raisons :
1. Les pressions de remplissage ne sont pas toujours mesurées correctement.
2. Les pressions mesurées ne sont pas des pressions transmurales chez les patients ven-
tilés avec une PEP externe ou ayant une PEP intrinsèque.
3. La pression artérielle pulmonaire d’occlusion est très dépendante de la compliance
ventriculaire gauche, souvent diminuée chez les patients de réanimation (ischémie
myocardique, sepsis...).
Aussi, dans de nombreuses situations cliniques, les pressions de remplissage car-
diaque ne sont pas corrélées aux volumes ventriculaires. De fait, les variations
(spontanées ou induites par une expansion volémique) des pressions de remplissage ne
sont pas corrélées aux variations de volume d’éjection ou de débit cardiaque. Plusieurs
études cliniques ont montré que les variations de VTDG sont corrélées aux variations
du volume d’éjection [5, 17] ce qui souligne l’intérêt du VTDG comme indice de pré-
charge cardiaque.
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