D O SS I E R Mémoire et vieillissement La plainte mnésique : épidémiologie et démarche diagnostique C. Derouesné, L. Lacomblez A travaux sur la plainte mnésique se sont u cours de ces 10 dernières années, les multipliés. Ils ont été suscités par la place particulière qu'a pris la mémoire dans notre société mais surtout par la fréquence de cette plainte chez les sujets âgés avec la crainte qu'elle ne témoigne d'une maladie d'AlzheiL ’ E S S E N T I E L mer (MA), débutante. Un préalable est nécessaire. Le terme de plainte mnésique recouvre, en fait, des réalités différentes selon : – que le sujet exprime spontanément sa plainte (plainte exprimée) au cours d'un entretien motivé ou non par cette plainte ou M A I N ■ Chez le sujet âgé : La plainte d'une diminution des capacités mnésiques dans la vie quotidienne est fréquente à tout âge, mais prend toute son importance chez le sujet âgé du fait de la crainte qu'elle ne traduise le début d'une maladie d'Alzheimer (MA). Deux grands types de plainte peuvent être opposés. ■ La plainte suspecte de révéler une MA : Elle traduit un trouble de la mémorisation : les difficultés ne portent que sur le passé récent, elles retentissent rapidement sur la vie quotidienne et s'accompagnent de modifications du comportement qui amènent l'entourage à demander la consultation. Un examen rapide de la mémoire met en évidence un trouble du rappel qui n'est pas amélioré par les procédures de facilitation (indiçage). ■ La plainte « bénigne » : Elle témoigne d'un trouble du rappel : elle porte aussi bien sur le passé ancien que récent, ne s'accompagne pas de modifications du comportement ou de diminution des activités de la vie quotidienne. La gêne est essentiellement subjective et le sujet vient seul consulter. L'examen montre une disparition des difficultés de rappel par l'indiçage. Cette plainte est essentiellement corrélée à des phénomènes psychoaffectifs et ne constitue pas un risque particulier d'évolution vers la démence. P O I N T S Complaints of poor memory In the elderly: Complaints of poor memory for everyday activities are common in the young as well as in the elderly. However, in the elderly, memory complaints are especially of interest on account of their frequency and the fear of being related to early Alzheimer’s disease. Two types of memory complaints should distinguished. ■ Encoding/storage defects: Memory difficulties related to early Alzheimer’s disease are mainly related to a deficit in encoding and / or storage. They are restricted to the recent past and rapidly associated with temporal disorientation, limitation in everyday activities and behavioral modifications alerting the family responsible for seeking medical advice in most cases. Short examination of memory performance shows a free recall deficit which is not improved by cued recall. ■ Benign difficulties: Memory difficulties of benign type are due to a pure recall deficit: they are experienced as well for ancient as for recent past and the difficulty in recall is transient. There are no behavioral modifications or limitation in everyday activities: the disorder is purely subjective. At examination, the deficit in free recall is corrected by cueing. Benign type of memory complaints is mostly related to psychoaffective disturbances and subjects experiencing this type of memory difficulties are not at high risk for developing dementia. ■ Presse Med 2000 ; 29:858-62 © 2000, Masson, Paris 858 ➞ La Presse Médicale C .D e rouesné, L. Lacomblez qu'il est interrogé au moyen de simples questions ou de questionnaires élaborés qui lui demandent d'apprécier le fonctionnement de sa mémoire (plainte ressentie) ; – le caractère de la plainte exprimée. La diminution des facultés mnésiques peut être exprimée par le sujet qui consulte spontanément ou par l'entourage qui est à l'origine de la consultation ; – le caractère des plaintes ressenties selon que l'évaluation porte sur le fonctionnement actuel de la mémoire du sujet ou sur la comparaison du fonctionnement actuel à un fonctionnement antérieur qui se réfère tantôt aux années précédentes tantôt à la période scolaire ; – le type des questionnaires ou autoquestionnaires utilisés pour l'évaluation. On en distingue deux principaux types. Les questionnaires de plaintes dans lesquels il est demandé au sujet d'évaluer la fréquence avec laquelle il rencontre un certain nombre de difficultés, mnésiques ou cognitives, dans la vie quotidienne et les questionnaires dits de métamémoire qui demandent de préciser, non seulement ce que le sujet pense de sa mémoire mais également ses connaissances sur le fonctionnement mnésique en général ; – la nature de l'étude. Les études épidémiologiques peuvent, seules, donner une idée de la fréquence et des corrélats de la plainte dans la population générale. Toutefois l'exploration du fonctionnement mnésique, dans ces études, se limite habituellement à quelques questions simples. Les études cliService d'Urgences cérébrovasculaires (CD), Département de Pharmacologie (LL), Département de Neurologie, Hôpital de la Salpêtrière, Paris. Correspondance : C. Derouesné, Service d'Urgences cérébrovasculaires, Hôpital de la Salpêtrière, 47, bd de l'Hôpital, F 75651 Paris Cedex 13. Tel : 01 42 16 18 12. Fax : 01 44 24 52 46. Reçu le 8 avril 1999 ; accepté le 14 septembre 1999. 22-29 avril 2000 / 29 / n° 15 C. Derouesné, L. Lacomblez niques, à l'inverse, utilisent des questionnaires qui précisent la sémiologie de la plainte, mais ces études portent sur des populations sélectionnées ; – le lieu du recueil de la plainte qui conditionne l'expérience du clinicien et sa façon d'appréhender la nature de la plainte. Pour ne citer que les consultations de mémoire, la fréquence relative des plaintes « bénignes » et des plaintes témoignant d'une affection organique cérébrale varie beaucoup selon le mode de fonctionnement du centre considéré, en particulier, si ce centre n'accepte les sujets que par le canal des généralistes ou fonctionne de façon ouverte [1]. Les corrélats de la plainte et son interprétation varient également selon qu'ils reposent entièrement sur le dépouillement de questionnaires ou sur un entretien. Ces différentes évaluations de la plainte mnésique expliquent, dans une large mesure, les différences observées dans sa fréquence et surtout dans sa signification diagnostique et pronostique. Données épidémiologiques La plainte mnésique est fréquente à tout âge comme le montrent les études épidémiologiques effectuées dans la population générale. Ainsi, une plainte mnésique a été recueillie chez 22 % des 810 sujets âgés de 18 à 85 ans étudiés par Bassett et Folstein [2] aux Etats-Unis. Aux Pays-Bas, la fréquence de la plainte était de 40 % chez 1971 sujets âgés de 24 à 86 ans [3]. Dans une étude portant sur 260 sujets cognitivement intacts qui s'étaient présentés à une consultation de mémoire sur une période d'un an, 30 % avaient moins de 50 ans [4]. Les corrélats de la plainte mnésique Les corrélats démographiques Toutes les études concordent pour souligner l'élévation de la fréquence de la plainte mnésique avec l'âge. Dans l'étude de Maastricht [3], la fréquence de la plainte passait de 29 % chez les sujets d'âge moyen de 31± 4,0 ans à 52 % chez les sujets de 77± 5,2 ans. Cutler et Grams [5] ont montré, sur plus de 1000 sujets, d'âge supérieur à 55 ans, 22-29 avril 2000 / 29 / n° 15 que 23 % des sujets âges de 85 ans et plus se plaignaient de difficultés fréquentes contre 10 % des sujets entre 55 et 59 ans. Dans une étude portant sur 1628 sujets nondéments examinés chez les médecins généralistes, nous avons également observé une augmentation régulière du score global d'une échelle de difficultés cognitives en fonction de l'âge [6]. L'étude de Ponds [3] a montré que le jugement d'un déclin du fonctionnement mnésique commençait à 50 ans et que sa fréquence augmentait régulièrement avec l'âge. Toutefois, il n'y avait pas d'effet de l'âge lorsqu'on demandait aux sujets de comparer le fonctionnement de leur mémoire à celle des sujets de même âge. En revanche, il existait un effet âge marqué lorsqu'on demandait aux sujets de comparer leur fonctionnement actuel au fonctionnement de 5 à 10 ans auparavant ou à l'âge de 25 ans. Il existait également un effet de l'âge sur la gêne et l'inquiétude que généraient les troubles de mémoire [3]. Les données des questionnaires ont montré qu'il n'existait pas de caractère sémiologique spécifique de la plainte des sujets âgés par rapport à celles des sujets jeunes. La fréquence absolue et la fréquence relative des différents items des questionnaires utilisés sont identiques chez les sujets jeunes et âgés [3, 4]. Dans la plupart des études, la fréquence de la plainte est plus élevée chez les sujets de fa i ble niveau d'éducation et chez les femmes [2, 3, 6]. Les corrélats de santé générale L'étude de Cutler et Grams [5] avait montré une plus grande fréquence de la plainte chez les sujets ayant une appréciation négative sur leur état de santé générale, une arthrose de hanche, des difficultés visuelles ou auditives. Nous avons montré la plus grande sévérité de la plainte chez les sujets ayant un diabète et une hypertension artérielle [6]. Ponds [3] a trouvé la corrélation entre la plainte et l'appréciation subjective de la santé générale. Plainte et performances cognitives La très grande majorité des études n'a pas montré de relation entre la plainte mnésique et la performance des sujets aux tests de mémoire, d'intelligence ou d'attention. Lorsqu'une liaison a été observée, cette liaison était toujours faible. En fait, les rapports entre la plainte et les scores de performance ne sont pas simples. En effet, plusieurs études ont montré que les sujets atteints de maladie d'Alzheimer débutante, bien que sous-estimant leurs difficultés par rapport aux difficultés rapportées par leur famille, avaient des scores supérieurs à ceux des sujets normaux dans les questionnaires de difficultés cognitives [7]. Toutefois, chez ces patients, la plainte mnésique diminue lorsque le déficit mnésique progresse et que la méconnaissance des déficits s'accentue. Plainte et corrélats psychoaffectifs De très nombreuses études ont montré que les principaux corrélats de la plainte mnésique étaient des facteurs psychoaffectifs : scores aux échelles de dépression, d'anxiété, de bien-être [2, 3, 8, 9], traits de personnalité [10, 11], sensation d'isolement [8], défaut de support social et la façon dont le sujet appréhende ses difficultés (style de « coping ») [3]. Les difficultés mnésiques sont également perçues différemment par les sujets jeunes et âgés [3]. Les sujets jeunes mettent leurs difficultés sur le compte d'une tension psychologique, du stress et les considèrent comme potentiellement réversibles. Les sujets âgés les mettent sur le compte de l'âge et, de ce fait, pensent n'avoir aucune possibilité d'action sur elles (externalisation du lieu de contrôle). Conclusion : la plainte mnésique apparaît comme un symptôme multifactoriel. Les différents facteurs liés à la plainte contribuent à diminuer l'estime de soi et la confiance que le sujet porte à sa mémoire (self-efficacy). Il en résulte une attitude négative qui le conduit à éviter les tâches mnésiques et à ne pas s'engager dans les stratégies nécessaires pour les accomplir, ce qui peut retentir sur les performances. Un déficit des performances n'entraîne pas automatiquement une plainte mnésique, comme cela est bien démontré chez les patients atteints d'une MA débutante. Toutefois, la diminution des performances peut contribuer à la baisse de l'estime de ● ● ● La Presse Médicale ➞ 859 D O SS I E R Mémoire et vieillissement soi et de la confiance qu'a le sujet dans sa mémoire, provoquant un cercle vicieux. Le devenir des sujets qui présentent une plainte mnésique La très grande majorité des études montre qu'une plainte purement subjective, sans diminution des performances ni retentissement sur l'activité quotidienne, est bénigne et que ce groupe de sujets (stade 2 de la Global Deterioration Scale, GDS, de Reisberg et al. [12]) ne présente pas un risque plus élevé d'évoluer vers la démence que les sujets qui ne se plaignent pas de leur mémoire (stade 1 de la GDS). Certaines études ont néanmoins considéré la plainte comme un facteur prédictif de démence [13-15]). L'analyse de ces études montre, en réalité, que la plainte n'est prédictive que lorsqu'elle s'accompagne d'une diminution de performances aux tests [13, 15]. Toutefois, dans l'étude de Dartigues et al. [13], il persiste un risque relatif plus élevé lorsque les performances sont normales mais l'intervalle de confiance de ce risque (1.010.8) conduit à relativiser ce résultat, d'autant que la plainte était appréciée par 3 questions dont une explorait une activité non habituellement perturbée dans les plaintes « bénignes » (difficultés à trouver les mots ou à reconnaître les objets). Nous adhérons néanmoins à la conclusion de ce travail : une plainte mnésique doit toujours être considérée avec sérieux lorsqu'il s'agit d'une plainte exprimée. La sémiologie de la plainte exprimée est essentielle pour orienter le diagnostic. En revanche, ni le score global, ni l'analyse des items d'un questionnaire comme l'Echelle de Difficultés Cognitives de Mac Nair et Khan [6] (plainte ressentie) ne permettent de différencier les sujets normaux des sujets pathologiques. La comparaison de la fréquence de la plainte mnésique avec celle de la MA et des autres démences chez les sujets âgés montre que la grande majorité des sujets qui se plaignent de leur mémoire n'ont pas d'affection organique cérébrale. En pratique, le problème est donc double : – comment reconnaître une plainte mnésique susceptible de traduire le début d'une affection organique cérébrale, tout particulièrement d'une MA débutante puisque le trouble de mémoire est le mode d'entrée habituel de la seule MA ; 860 ➞ La Presse Médicale – quelle est la signification de la plainte qui n'est pas en rapport avec une affection organique cérébrale ? Comment reconnaître une plainte mnésique révélatrice d'une affection cérébrale organique ? La mémorisation d'une information repose sur 3 processus : l'encodage de l'information, le stockage, la restitution. La clé du diagnostic entre plainte suspecte de révéler un début de MA et plainte « bénigne » repose sur le fait que le trouble principal, dans la MA, est un trouble de la mémorisation (encodage, stockage) alors que la difficulté à la base de la plainte « bénigne » traduit un trouble de la restitution d'une information qui a été mémorisée. Cette distinction explique les d i fférences entre les caractères de ces plaintes, leur retentissement sur l'activité quotidienne et la nature des déficits mnésiques observés à l'examen. La sémiologie de la plainte mnésique La plainte mnésique « bénigne » témoignant d'un trouble du rappel porte aussi bien sur le passé ancien que récent. Les informations recherchées (noms propres, détails d'événements) qui ne sont pas disponibles à un moment précis reviennent en mémoire quelques instants plus tard spontanément ou après une procédure de recherche. Le sujet est très conscient de ses difficultés et en souffre mais cette gêne est purement subjective, elle ne diminue pas les possibilités d'accomplissement de tâches de la vie quotidienne. Le sujet cherche ses affaires, mais il les retrouve à un autre moment. Du fait du caractère essentiellement subjectif des troubles, le sujet consulte seul. Pendant l'entretien, il existe un contraste entre l'intensité de la plainte et la précision de l'anamnèse. La plainte suspecte traduit un trouble de la mémorisation : elle ne porte donc que sur le passé récent. Très rapidement, ce trouble conduit à des difficultés d'orientation temporelle et retentit sur l'activité quotidienne : le sujet ne retrouve pas ses affaires, répète les questions de telle sorte que l'entourage s'en aperçoit et qu'il est, le plus souvent, à l'origine de la consultation car le sujet ne s'aperçoit pas qu'il oublie. L'orientation spatiale n'est que plus tardivement touchée car de nature moins épisodique. Le fait que le sujet méconnaisse ses difficultés ou en minimise ses conséquences introduit un contraste entre le faible niveau de la plainte et l'imprécision de l'anamnèse mais également entre le faible retentissement sur l'activité quotidienne reconnu par le patient et les difficultés rapportées par l'entourage. Les symptômes d'accompagnement La plainte mnésique « bénigne » peut s'accompagner de manifestations psychoaffectives, mais n'affecte pas le comportement. Dans la MA, très précocement, la plainte s'accompagne d'une modification du comportement qui frappe l'entourage : le patient présente une baisse de motivation, un repli sur soi, le plus souvent accompagnés d'une moindre réactivité émotionnelle aussi bien pour les stimuli à valence positive que négative. Cette modification (apathie) est souvent prise, à tort, pour une dépression. Elle s'en distingue par certains traits sémiologiques comme l'absence d'humeur dépressive et de troubles végétatifs de la dépression [16]. Les caractères du déficit mnésique La distinction entre trouble de mémorisation et trouble du rappel repose sur l'étude de l'effet des procédures de facilitation du rappel. Il existe plusieurs types de restitution de l'information : dans le rappel libre (« redonnez- moi les mots que je vous ai présentés tout à l'heure »), le sujet doit retrouver l'information à partir d'indices internes. Le rappel est facilité lorsqu'on fournit au sujet des indices externes sous forme de l'information ellemême (procédure de reconnaissance : « Parmi les mots que vous voyez, quels sont ceux que vous avez vus tout à l'heure ? ») ou d'indices fournis au moment de l'encodage (rappel indicé : par exemple au moment de l'acquisition, on demande au sujet de désigner le mot à apprendre à partir de sa catégorie : « montrez-moi le nom du poisson. » Au moment du rappel, on lui demande « quel était le nom du poisson ? »). En pratique, il est facile de recourir à cette procédure en demandant au sujet de retenir 3 à 5 mots, puis en lui faisant exécu22-29 avril 2000 / 29 / n° 15 C. Derouesné, L. Lacomblez ter une tâche interférente (comme compter à l'envers pendant 5 soustractions de 3 en 3 ou de 7 en 7) et en lui demandant de restituer les mots (rappel libre). On redonne alors au sujet les mots non restitués en rappel libre en lui demandant de déf inir la catégorie à laquelle ils appartiennent (« un citron appartient à quelle catégorie de choses ? »). Après quelques minutes d'entretien, on demande au sujet de redonner la liste de mots (rappel libre différé) en lui fournissant la catégorie pour les mots non rappelés spontanément (« quel était le nom du fruit ? » = rappel indicé). L'absence d'amélioration de la restitution par le rappel indicé signe un trouble de la mémorisation donc une atteinte hippocampique liée à une MA [17]. À l'inverse, la disparition du trouble du rappel libre par l'indiçage signe un trouble du rappel, donc est très en faveur d'une plainte « bénigne ». Toutefois, dans les atteintes hippocampiques très débutantes, le rappel indicé peut améliorer les performances. La présence d'un effet bénéfique de l'indiçage n'a donc pas la même valeur diagnostique que son absence. Il est important de noter que la procédure habituelle de passation du Mini-Mental State Examination [18, 19] ne permet pas de faire cette distinction essentielle. En revanche, il est facile d'appliquer la procédure d'indiçage au rappel des 3 mots pour les mots non restitués en rappel libre et de vérifier, à la fin du MMSE, l'influence de l'indiçage. A u moindre doute, un examen neurosychologique est nécessaire. Le test considéré actuellement comme le plus perform a n t dans l'analyse des troubles mnésiques est le test de Grober et Buschke [20] qui consiste dans l'apprentissage d'une liste de 16 mots appris 4 par 4 après vérification de l'encodage et qui permet une comparaison entre rappel libre, immédiat et différé, rappel indicé et reconnaissance. En conclusion, une plainte est suspecte si elle est présentée par l'entourage ou qu'elle est plus importante pour l'entourage que pour le sujet, si elle retentit sur l'activité quotidienne du sujet, si elle s'accompagne de modifications du comportement à type d'apathie et d'une absence de facilitation de l'indiçage à l'examen. Une plainte 22-29 avril 2000 / 29 / n° 15 de ce type nécessite une consultation spécialisée et, en particulier, un examen neuropsychologique. Cet examen est nécessaire pour confirmer la nature du déficit mnésique et pour préciser d'éventuels déficits d'autres fonctions supérieures. Il est nécessaire de rappeler que le diagnostic de MA probable, selon les critères internationaux actuellement utilisés, nécessite la présence d'une démence définie par l'association au déficit mnésique du déf icit d'au moins une autre fonction supérieure (langage, praxies, fonctions exécutives...) et d'un retentissement sur les activités régulières de la vie quotidienne. Bien souvent aujourd'hui, il est possible de dépister les sujets à un stade précoce lorsque les troubles de mémoire sont encore isolés ou que le retentissement sur la vie quotidienne n'affecte que les activités complexes (gestion des finances, déplacements dans des lieux inconnus...). On désigne aujourd'hui ce stade sous le terme non spécifique de « Mild Cog n i t ive Impairment » (Défi c i t Cognitif Léger, terme équivalent à celui de démence, c'est-à-dire désignant les sujets présentant un déficit pathologique relevant d'étiologies diverses et à haut risque d'évoluer vers la démence dans les années qui suivent) ou, plus spécifiquement, de MA au stade prédémentiel. Quelle est la signification de la plainte « bénigne » ? Le vieillissement s'accompagne de modifications cognitives, en particulier de diminution des performances dans les tests de mémoire. Un certain nombre d'auteurs ont considéré la plainte mnésique comme le reflet subjectif de cette diminution des performances et ont voulu isoler un syndrome clinique part i c u l i e r, l'« A g e - a s s o c i a t e d memory impairment » [21] caractérisé par une plainte mnésique et une diminution des performances par rapport aux performances des sujets jeunes. La réalité de ce syndrome est très discutable de même qu'il n'est pas possible de réduire la plainte à la diminution des performances aux tests. Nous avons vu l'absence de corrélation de la plainte avec les performances aux tests et l'importance des corrélats psychoaffectifs dans les études cliniques et épidémiologiques. L'âge, en soi, peut difficilement être considéré comme une variable explicative. Il s'agit, en réalité, d'une dimension sur laquelle s'inscrivent un c e rtain nombre de facteurs orga n i q u e s (vieillissement du cerveau, patholog i e s cérébrales, dégénératives, vasculaires, traumatiques associées mais aussi vieillissement des autres organes, endocriniens...), psychologiques (modifications de l'image corporelle, de la sexualité..) et sociales ● ● ● Figure 1. Les principaux corrélats de la plainte mnésique et de la diminution des performances aux tests de mémoire. La Presse Médicale ➞ 861 D O SS I E R Mémoire et vieillissement (modifications de rôle, de statut...) aboutissant à des modifications d'identité et d'estime de soi. Certains sujets s'adaptent à ces changements et trouvent des stratégies de compensation, d'autres non. La plainte de mémoire a pris, dans nos sociétés, le statut d'un symptôme traduisant un mal-être dont l'origine est bien souvent multifactorielle (fig. 1) mais dans laquelle l'importance des facteurs varie selon les individus. Le rôle du médecin est alors d'explorer les différents facteurs et de voir, pour chaque individu, quelle est la signification de la plainte pour essayer d'adapter sa réponse thérapeutique. [Références] 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Derouesné C. Quelles cliniques de mémoire et pour qui ? Thérapie 1997 ; 52:477-80. Bassett SS, Folstein MF. Cognitive impairment and functional disability in the absence of psychiatric diagnosis. Psychol Med 1991 ; 21:77-84. Ponds RWHM. Forgetfulness and cognitive aging. 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