QUAND LA MEMOIRE FLANCHE Avec l`hypermédiatisation de la

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QUAND LA MEMOIRE FLANCHE
Avec l'hypermédiatisation de la maladie d'Alzheimer, on a tendance à partir d'un
certain âge à s'alarmer vite pour quelques oublis de clés ou trous de mémoire.
Réponses à ces inquiétudes de Jocelyne Marguerite de Rotrou,
neuropsychologue à l'hôpital Broca.
A partir de quel âge commence-t-on a se plaindre de troubles de mémoire?
Jocelyne Marguerie de Rotrou - C'est surtout à partir de 50 ans qu'on enregistre la
plainte mnésique. Les plaintes les plus fréquentes sont celles de vous et moi: "Je ne me
souviens pas de ce que je suis venu chercher dans telle pièce. J'ai oublié nom de tel
présentateur de télévision..." Mais elles ne sont pas forcément une preuve de troubles. Il
y a 20 ans la plainte était banalisée, comme un effet normal de l'âge. Elle ne l’est plus à
présent.
Quand commence-t-on réellement à perdre la mémoire ?
JM.R - Il n'existe pas de réponse simple à cette question car toutes les fonctions ne
déclinent pas au même moment. Certains travaux disent 75 ans, mais les avis sont
partagés. D'autre part, un comptable de 75 ans comptera toujours mieux qu’une
personne de 25 ans ne sachant pas compter. L’exercice d’une fonction entretient et
développe celle-ci.
Quand convient-il donc de s'inquiéter ?
JM.R – En cas de doute, il faut se poser la question : mon trouble apparaît-il rarement,
jamais, souvent, très souvent ? Si la réponse est “souvent”, il faut analyser la plainte, la
décoder, l'étudier, la quantifier, la qualifier à l’aide de questionnaires.
Qu'en est-il des examens ?
JM.R - Dès qu'on est fatigué, stressé, surmené, déprimé, on se plaint de troubles de
mémoire sans en avoir obligatoirement. Le médecin traitant saura s'il faut traiter
l'anxiété, la dépression, si ces troubles viennent de médicaments pour dormir qui
altèrent la vigilance ou si le patient doit être orienté vers une consultation spécialisée.
Quels sont les meilleurs tests ?
JM.R - Aujourd'hui, en matière de repérage d'un trouble de mémoire, les tests neuropsychologiques sont les plus pertinents: tests de mémoire, d'attention, de concentration,
de langage, d'intelligence. Si les résultats montrent des dysfonctionnements dans les
tests, il faut se montrer vigilant.
Y a-t-il des précautions à prendre sur le plan diététique pour conserver une bonne
mémoire ?
JM.R - Tout ce qui est bon pour le corps est bon pour la mémoire. Les neurones ont
besoin de sucre et d'oxygène comme de stimulations intellectuelles, psychologiques et
sociales. Une nourriture équilibrée, diversifiée joue ainsi un rôle considérable dans
l'alimentation du cerveau.
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Y a-t-il des médicaments pour la mémoire ?
JM.R – Ceux que l'on trouve dans les pharmacies sont des psychostimulants. Ils
peuvent avoir un effet sur l'attention et la concentration, et donc optimiser la mémoire,
mais de manière secondaire. Pour les pathologies, Alzheimer ou Parkinson, il existe des
médicaments qui donnent des résultats encourageants mais pour une personne
normale, c'est un leurre.
Y a-t-il des médicaments néfastes pour la mémoire?
JM.R - Ceux qui ont un effet amnésiant, comme les somnifères, et encore, tout dépend
de la classe de somnifères. Certains agissent plus ou moins sur l'attention, la fixation
des souvenirs, la consolidation chimique des souvenirs. Mais pour une personne qui ne
dort pas du tout, mieux vaut la prise d'un somnifère, avec un sevrage progressif. Tout
comme pour une personne anxieuse ou déprimée, celle d'anti-dépresseurs ; d'autant
plus qu'avec l'évolution de la pharmacologie, ils sont mieux tolérés, mieux conçus pour
favoriser le fonctionnement intellectuel.
Que pensez-vous de la "gymnastique cérébrale"?
JM.R - On ne gonfle pas les neurones comme les biceps avec de la musculation. C'est
un autre leurre. Mais en revanche, le travail intellectuel stimule : lire, écouter la radio, la
télévision, communiquer. Les neurones paresseux sont voués plus facilement à la
disparition. L'exercice intellectuel favorise le travail neuronal et le développement
progressif du cerveau. Il augmente sa capacité à s'interconnecter, à communiquer, à
échanger les informations. C'est ce qu'on appelle la plasticité cérébrale.
Quels conseils donneriez-vous en termes de prévention ?
JM.R - Les périodes optimales de plasticité cérébrale sont l'enfance, l'adolescence, les
premières années de l'âge adulte. Je dirai donc avec Jules Ferry : “Eduquons tout le
monde”. Donnons aux enfants, aux adolescents des outils intellectuels afin de leur
apprendre à penser, de leur donner envie de penser.
Je dirai aussi qu'il faut maintenir ses centres d'intérêt, ses relations sociales, même
après la retraite ; conserver des activités physiques, des activités intellectuelles ; lire,
échanger, rencontrer, suivre l’actualité et en discuter, toutes occasions de stimulation.
Cela fait partie de l’hygiène de vie.
Je dirai encore : apprenons à maîtriser le stress car il fait énormément de dégâts dans
l'organisme ; mettons-nous à l'abri de l'anxiété et de la dépression pour retrouver un
équilibre organique, physiologique et aussi psychologique. L'un ne va pas sans l'autre.
Aimée-Catherine Deloche
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LES ATELIERS MEMOIRE
Ils sont aujourd'hui la réponse thérapeutique à la plainte mnésique. Psychologues,
neuropsychologues, orthophonistes y expliquent le fonctionnement de la mémoire et du
cerveau ainsi que les raisons des "pannes" et les méthodes pour y remédier.
5 grandes questions permettent de cerner les troubles:
• 1 - Est-ce que j'ai bien vu, bien entendu ? La question porte sur la qualité de la
réception sensorielle : vision et audition, les deux fonctions les plus employées, mais
aussi les mémoires olfactive, gustative, tactile, bien que moins utiles dans la vie
quotidienne. En effet, nous ne nous souvenons pas de ce que nous n'avons pas bien
enregistré. En termes préventifs, il ne faut pas s'accommoder d'une mauvaise vue ou
d'une piètre audition, mais porter des lunettes ou se faire appareiller.
• 2 - Est-ce que ça m'intéresse ? Nous ne nous souvenons pas de ce qui ne nous
intéresse pas. L'intérêt, l'utilité, la motivation sont importants.
• 3 - Dans quel état suis-je au moment où je vis tel événement ? Une disposition
affective positive va favoriser la rétention de l'information. Si le climat affectif est pénible,
on aura tendance à refouler, à "trafiquer" la mémoire et à avoir des trous ou des erreurs.
Les blocages jouent dans les deux sens : dans l'encodage mais aussi dans la
récupération. L'état psychologique est donc important.
• 4 - Est ce que j'ai compris ? On ne mémorise pas ce que l'on n'a pas compris, ou on le
trahit, on le mémorise mal. L'intelligence, la faculté de comprendre, de mettre en relation
ce que l'on connaît déjà et ce que l'on découvre, tout comme le langage vont permettre
d'"assimiler". Ce sont des outils puissants, beaucoup plus encore que la mémoire.
• 5 - Est-ce que j'ai traité l'information ? Elle complète la précédente. Il s'agit d'effectuer
de façon consciente et volontaire des opérations permettant de fabriquer les souvenirs,
un peu comme le petit
Poucet avait semé ses cailloux. Ce sont des repères, des
indices. On appelle d'ailleurs cela “indiçage” dans notre jargon.
Dans les ateliers mémoire, les patients apprennent à élaborer associations d'idées,
représentations mentales, visualisation, classification, organisation. Egalement à parler,
à développer le langage, le vocabulaire. Et ceci dans toutes les situations de la vie
quotidienne.
A-C.D
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