la nouvelle lettre Directeur de la publication : J. GARELLO Commission Paritaire : 0411G87909 ISSN : 1951-4727 N°1058 du 4 décembre 2010 Hebdomadaire 1,50 € L’ENSEIGNEMENT PRIVE N’EST PAS LIBRE Dans notre pays l’enseignement privé n’est pas libre. Il est étatique et planifié. Il n’est qu’un sous-traitant de l’enseignement public et de plus un sous-traitant exploité et maltraité par l’administration qui le tolère à grand’ peine. Un incident passé presque inaperçu cette semaine me pousse à vous alerter sur ce problème de société, qui en dépit de sa gravité semble n’intéresser plus grand monde aujourd’hui. Dans la nuit de mardi à mercredi, le Sénat a voté un amendement à la loi de finances 2011 qui révèle, une fois de plus, la détresse et l’injustice qui frappent l’enseignement privé. AU SOMMAIRE DU N°1058 : EDITORIAL : L’enseignement privé n’est pas libre pp. 1-2 CONJONCTURE : Nouveau miracle alle- mand ? pp. 3-4 ACTUALITÉ : Les retraités veulent de l’ar- gent, pas des haricots ! p. 5 - La Turquie maillon faible de l’OTAN p. 6 - Cambriolage chez Ségolène Royal p. 6 - La gastronomie française, patrimoine de l’humanité p. 7 Jean Claude Trichet inspiré par Ben Bernanke ? p. 7 - Keynésiens, Monétaristes et Autrichiens face à la crise. p. 8. Abonnement Formule papier (1 an-40 n°): 60.00€ Formule électronique (1 an-40n°): 40.00€ Abonnement de soutien (1 an) : 100.00€ De quoi s’agit-il ? Le sénateur UMP Jean Claude Carle s’est mis en tête de proposer le versement de 4 millions d’euros à l’enseignement privé sous contrat pour « sauver » 250 postes d’enseignants condamnés par le ministère à disparaître. L’affaire est liée à la décision héroïque du gouvernement de supprimer quelques milliers de postes d’enseignants. Réduction des dépenses publiques oblige, d’ailleurs plus que tout autre le mammouth a besoin d’être dégraissé. En dépit des protestations véhémentes des syndicats, le ministère a donc prévu 16 000 suppressions de postes, dont 1.633 dans l’enseignement privé. Une répartition « équitable » dit le ministre de l’Education Nationale Luc Chatel. Or cette belle équité se trouve menacée par les sénateurs, qui ramènent ce dernier chiffre de 1.633 à 1.383 : une nouvelle « faveur au privé », proteste la Fédération UNSA-Education Nationale. SOCIETE D’EDITION ET DE FORMATION ECONOMIE ET LIBERTE Chez ALEPS, BP 80026, 13545 Aix en Provence Cedex 4 - Tél. : 01 43 80 55 18 www.libres.org Imprimeur : Omnis Coloris, 107 bd Jeanne d'Arc, 13005 Marseille 1 tractives : initiation à l’art, découverte de la vie, apprentissage citoyen et (bientôt) philosophie, etc. L’affaire n’en restera pas là. Certes l’amendement a été voté, au grand dam de Luc Chatel, mais le ministre se promet bien de faire annuler cette disposition par la prochaine commission mixte paritaire (sénateurs et députés). 3° Le financement du privé sous contrat est assuré par les forfaits d’externat versés par les conseils généraux (pour le secondaire) et les municipalités (pour le primaire). Mais le complément nécessaire (notamment pour les immobilisations) est à charge des familles, ou des propriétaires des établissements. La loi (et le conseil constitutionnel) veille à ce que les collectivités territoriales « n’avantagent pas » l’enseignement privé. Un comble, quand on sait que certaines familles payent à la fois pour le public (en tant que contribuables) et pour le privé (à titre volontaire). Malgré tout l’école privée accueille dans beaucoup de quartiers et de milieux déshérités les enfants de parents aux ressources très modestes. Les écoles chrétiennes ont scolarisé les enfants pauvres bien avant l’école publique. éditorial En quoi l’équité est-elle concernée ? C’est qu’il existe un mécanisme qui lie obligatoirement les effectifs des maîtres du privé à ceux du public. Il est impossible de créer de nouvelles classes dans le privé si le public n’en crée pas au moins autant. Symétriquement si le public supprime des postes, le privé doit en supprimer en proportion. Ainsi toute velléité du privé de se développer est-elle stoppée à la base. Aujourd’hui le privé scolarise plus de 2 millions d’enfants (17% du total, et 40% dans le secondaire) et la pression des parents est telle que chaque année le privé refuse quelque 80.000 inscriptions. On comprend le choix des familles : le privé offre une qualité et une sécurité qui ont fui depuis longtemps certains établissements publics. Il est donc interdit au privé de concurrencer le public. La concurrence pourrait pourtant améliorer le public aussi, l’obligeant à évoluer et à se libérer à son tour des carcans syndicaux et bureaucratiques. Mais on préfère protéger le monopole public. Voilà donc un enseignement « libre » qui n’est maître ni de son développement, ni de ses programmes, de sa pédagogie et de ses diplômes, ni de son financement. Cette situation, il est vrai, est le résultat de la laïcité républicaine, qui veut soustraire les enfants à tout conditionnement religieux ou sectaire. Mais c’est aussi le résultat de l’exception française : l’éducation appartient à l’Etat plutôt qu’aux parents, et tous les enfants doivent être « égaux ». Aujourd’hui c’est surtout l’égalité devant l’analphabétisme, la paresse et la violence. Ce monopole ne se limite pas au nombre de postes, à la création de classes ou d’établissements. Le privé « sous contrat d’association » (90% de l’ensemble) - un contrat dont l’un des contractants ne peut discuter les termes n’a pratiquement aucune autonomie : Ainsi notre pays tourne-t-il le dos à ce vaste mouvement de privatisation et de concurrence qui s’est développé en Europe et en Amérique depuis quelques années. Quant aux pays émergents, leur système éducatif s’appuie sur des entrepreneurs d’écoles qui pour 50 dollars par an transmettent un savoir faire et un savoir vivre à des millions de petits Indiens qui deviendront des dizaines de milliers d’ingénieurs et d’entrepreneurs. 1° Les enseignants, bien que choisis par les établissements privés, sont des agents publics, et tombent sous le contrôle pédagogique de l’inspection académique ; ils ne peuvent être licenciés que par les autorités administratives. 2° Le contrôle porte sur la conformité des enseignements au programme établi par le Ministère de l’Education Nationale. Le privé n’est maître ni des matières enseignées, ni de leur dotation horaire, et les diplômes sont des diplômes d’Etat. Par exemple, si une école privée se propose d’apprendre aux enfants à lire, écrire et compter, ce projet pédagogique est insuffisant aux yeux de l’administration, qui prescrit des occupations aussi futiles que dis- En France, tout programme de gouvernement devrait comporter à l’avenir un projet de libération de l’enseignement. Jacques Garello 2 NOUVEAU MIRACLE ALLEMAND ? conjoncture On avait parlé de miracle allemand après la guerre, dans les années 1950. Cette économie, totalement détruite au cours du conflit, avait connu une remarquable croissance, au point d’accéder au rang de premier exportateur mondial. En fait, il n’y avait aucun miracle, mais la simple application des principes économiques du libre fonctionnement du marché. En 2010, au sein d’une zone euro en stagnation économique, c’est encore l’Allemagne qui semble s’en sortir le mieux. Nouveau miracle ? Tout simplement un peu plus de liberté économique que chez ses voisins. Certes l’Allemagne est loin d’être un champion du libéralisme, mais, dans une Europe dominée par l’interventionnisme, Berlin fait presque figure d’îlot de liberté. Cela suffit à faire la différence. Le premier miracle allemand Au lendemain de la guerre provoquée par l’expansionnisme nazi, l’Allemagne était un pays totalement détruit sur le plan économique et politique. Un pays occupé, à l’Est par l’armée rouge, ce qui allait donner l’Allemagne de l’Est communiste (RDA), à l’Ouest par les occidentaux avec les zones américaine, anglaise et française qui allaient donner l’Allemagne fédérale (RFA). Dans un pays détruit, les déséquilibres étaient considérables, entre une offre inexistante et des besoins nombreux. Le conseil donné par les occidentaux était simple : bloquer les prix, pour éviter l’explosion inflationniste. Les chrétiens démocrates allemands, et en particulier le responsable des questions économiques, le futur chancelier Ludwig Erhard, étaient d’une autre opinion : il fallait libérer les prix. Ils ont aussitôt monté, mais cela a permis de rendre aux prix leur rôle d’indicateurs de rareté, donc d’incitateurs : l’offre a progressé, le prix élevé étant une forte incitation à produire, puisque cela permettait de dégager des profits. Cette progression de l’offre a peu à peu calmé les prix, réduit l’inflation, surtout avec la politique monétaire rigoureuse de la Bundesbank, et la concurrence a fait le reste. Le miracle allemand était né. Il n’avait rien de mystérieux, mais tenait à la redécouverte du rôle du marché, des prix libres et de la concurrence. D’où une croissance sans inflation, alors que la France, avec des prix contrôlés par l’Etat, connaissait plus d’inflation qu’une Allemagne aux prix libres. Il ne faut pas pour autant imaginer l’Allemagne comme le champion du libéralisme. Il n’y a pas eu au cours des dernières décennies l’équivalent d’un Reagan ou d’une Thatcher. Les syndicats jouaient un grand rôle et la cogestion existait plus ou moins. On parlait « d’économie sociale de marché ». Mais ce libéralisme bien limité ou tempéré contrastait avec le dirigisme ou l’étatisme français, ou anglais jusqu’à l’arrivée de Margaret Thatcher. La différence venait aussi du fait que tout le spectre politique admettait l’économie de marché, depuis le fameux congrès du parti social-démocrate allemand (SPD) en 1959 à Bad-Godesberg, qui avait abandonné toute référence au marxisme, et accepté les principes du marché, même si c’était un marché mâtiné de social-démocratie. Le champion de la zone euro Le monde a changé depuis cette époque, et l’économie libérale a fait la preuve de sa supériorité avec les pays émergents, comme le montrent les indices de liberté économique. Pourtant les pays développés en général, et la zone euro en particulier, ont indiscutablement des problèmes de croissance : celle-ci devrait être en moyenne de 1,7% seulement cette année 2010. L’Allemagne n’échappe pas à cette langueur générale, mais ses résultats sont bien supérieurs à ceux de l’ensemble de la zone euro, et de la France en particulier. C’est ainsi que pour 2010, la croissance du PIB devrait être de 3,4%, soit le double de celle de toute la zone et de la France en particulier. Les cinq sages qui conseillent officiellement le gouvernement ont même rectifié ce chiffre à 3,7%. Leur rapport s’appelle d’ailleurs « chances pour une reprise stable ». Le contraste est saisissant par rapport à 2009 où le PIB avait reculé de 4,7%. Pour 2011, les prévisions sont moins optimistes, mais ce sera au moins 2%. Le chômage ne cesse de reculer et il est tombé en dessous de la barre des trois millions en octobre, du jamais vu depuis 1992 (il était de 5 millions quand Angela Merkel est arrivée au 3 admis par la vulgate keynésienne véhiculée par les médias et la plupart des hommes politiques, que la relance keynésienne de 2009 allait sauver nos économies du désastre de la récession. Un an plus tard, les pays, Europe en tête, pleurent après les déficits excessifs, qui ont ruiné la Grèce, puis l’Irlande, en attendant les autres. Pour l’instant, on les règle à coup d’aides, c'està-dire de nouvelles dettes, les pays plus solides aidant les plus fragiles, en attendant que ces nouvelles dettes les fragilisent à leur tour : on soigne le mal par la mal. Mais nos admirateurs de la secte keynésienne persistent dans l’erreur : nos confrères titrent presque tous, Monde en tête, que « les experts redoutent que les plans de rigueur cassent la relance », alors que c’est le laxisme monétaire, puis budgétaire qui a provoqué la crise. Or qu’a fait l’Allemagne ? Elle a refusé la relance massive pratiquée partout ailleurs. Résultat : cette année, l’ensemble des déficits publics allemands (y compris ceux des retraites et de l’assurance maladie) tombera à 2,4%, soit en dessous du critère de Maastricht. Un keynésien peut-il expliquer comment, avec un déficit faible, l’Allemagne a la plus forte croissance de la zone euro, tandis que les pays à forts déficits comme l’Irlande, la Grèce ou la France, ont la plus faible croissance ? La crise de 2009 a été créée par le laxisme monétaire ; et les déficits actuels par le laxisme budgétaire. Si l’Allemagne s’en sort, c’est parce qu’elle refuse ces politiques de relance. Ajoutons que l’Allemagne, sans être un pays de faible imposition, a par exemple un taux d’impôt sur les sociétés de 29,4% contre 34,4% en France, taux le plus élevé de l’Union européenne. Quant aux charges sociales, la différence est de 9 points entre Allemagne et France. Les entreprises allemandes s’en portent-elles plus mal ? La protection sociale est-elle moindre chez nos voisins ? Faut-il parler de « modèle allemand » ? Sans doute l’Allemagne pourrait-elle faire mieux encore si elle allait plus loin dans la voie du libéralisme. Mais pour l’instant, et par comparaison avec la France, l’Allemagne se contente d’accepter l’économie de marché et sa logique, la concurrence et le libre-échange, la liberté des prix et le marché du travail, le tout avec une certaine rigueur budgétaire. L’Allemagne a rejeté étatisme et keynésianisme. conjoncture pouvoir). Les prévisions font état d’une poursuite du recul du chômage en 2011, même si la croissance était plus faible. Ceux qui travaillaient à temps partiel ont recommencé déjà à travailler à temps complet. L’Allemagne fait état d’une pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs et on envisage un allongement de la durée du travail : 45 heures pourraient même devenir la norme selon certains chefs d’entreprise. De toutes façons la loi permet déjà de travailler jusqu’à 48 heures. Entre 300 000 et 500 000 postes ne trouvent pas preneurs… Un vrai marché du travail et une ouverture extérieure Faut-il parler à nouveau d’un miracle allemand ? En réalité, il y a l’application de quelques mesures simples. La question de l’emploi a été réglée depuis longtemps, dès l’époque du social-démocrate Schröder, par les mesures telles que les quatre lois Hartz, qui ont donné de la souplesse au marché du travail, réduit le coût du travail, créé de la flexibilité, permis une hausse de la population active, alors même que la population globale diminuait. Les Allemands ont simplement considéré que le marché du travail était…un marché. Et le coût de la main d‘œuvre a augmenté de 2% en six ans contre une moyenne de 18% ans dans l’Union européenne. La compétitivité est au cœur des préoccupations allemandes. Ensuite, il y a eu le choix allemand, toujours maintenu (et encore rappelé au G20 par la chancelière) de l’ouverture des frontières, du refus du protectionnisme et de l’acceptation totale de la mondialisation. Très compétitive, l’économie allemande est tournée vers les demandes des pays dynamiques et notamment des pays émergents. Toute l’intelligence de cette situation est d’avoir misé sur la reprise mondiale, indiscutable dans tous les pays émergents et d’abord en Chine et en Inde : les excédents extérieurs allemands connaissent de nouveaux records, au moment où la France accumule les déficits. Le vrai moteur de l’économie allemande, ce sont les exportations (elles représentent 35% du PIB allemand). Les exportations (en hausse de 15,3% cette année) tirent la croissance. Cela implique de rejeter tout protectionnisme, de jouer le jeu des échanges et de cesser de se plaindre de l’euro fort : avec le même euro, les Allemands sont en excédent et nous en déficit. Jean-Yves Naudet Le refus du laxisme budgétaire Enfin il y a le volet des finances publiques. Il est 4 LES RETRAITÉS VEULENT DE L’ARGENT, PAS DES HARICOTS L’idée de la retraite par points fait son chemin, mais débouche sur une impasse plus simple de dire : on ne peut rien vous dire sur votre retraite, on fera pour le mieux, vous aurez ce qui restera dans la caisse. Les points accumulés s’assimilent ainsi à des haricots. Sans doute certains auront-ils plus de haricots que les autres, mais ce ne seront que des haricots à valeur inconnue. Cette façon de traiter le problème est propre à tous les systèmes appelés en langage savant « à cotisations données » : on sait ce que le cotisant doit verser, mais on ne sait pas le bénéfice qu’il en tirera. Par contraste un système « à bénéfices donnés » engage l’assureur sur un montant donné de retraites (ou au moins sur un minimum). Consensus en vue ? Elle consiste à capitaliser non pas des points mais de l’argent. Ce qui veut dire que les cotisations sont versées à un fonds de capitalisation qui va gérer l’argent, le faire fructifier sur dix, vingt ou quarante ans, chaque futur retraité disposant d’un compte personnel (qu’il peut d’ailleurs abonder au-delà des cotisations versées) dont il connaîtra sans cesse la position et le montant des retraites qu’il lui garantira le jour venu. Le seul aménagement technique délicat est de gérer la transition de la répartition vers la capitalisation, car il n’est pas question de faire perdre de l’argent à ceux qui sont engagés (malgré eux) dans le système actuel : on va continuer à honorer les droits acquis (ce que ne fera pas la Sécurité Sociale) et peu à peu on va éponger cette dette sociale. Ici des choix doivent être faits entre une liquidation rapide (25 ans) du système par répartition ou par une lente extinction (pouvant aller jusqu’à 91 ans). La véritable transition Le système par points a le mérite d’être familier aux Français, car il existe pour les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC : les cotisations des salariés leur donnent un certain nombre de points, et la retraite complémentaire sera liquidée le moment venu en fonction du nombre de points accumulés. On reconnaîtra aussi à Alain Madelin et Jacques Bichot le mérite d’offrir aux futurs retraités la possibilité de capitaliser des points, soit en les achetant soit en prolongeant leur période de cotisation ; on s’achemine ainsi vers une retraite à la carte, personnalisée et responsable. L’idée de la retraite par points fait donc aujourd’hui son chemin, et pourrait réunir un large consensus, de la part de certains syndicalistes (à la CFDT notamment) et de certains socialistes (Jacques Attali, Thomas Piketty, économiste du PS avec Michel Sapin). Alors, pourquoi pas ? actualités Dans un article récent à La Tribune (29 novembre) Alain Madelin vient de plaider une fois de plus pour un système de retraites par points, qu’il a exposé en 2004 dans un ouvrage rédigé avec Jacques Bichot. Dans cet article il forme le vœu d’une « autre réforme », sachant très bien que celle qui a fait grand bruit cette année est un emplâtre sur la jambe de bois de la répartition. Bien évidemment, nous formons aussi le même vœu ; n’ayant cessé de contester une réforme qui ne remet pas en cause le système par répartition et se contente de « bricoler » légèrement quelques paramètres du système, comme l’âge du départ à la retraite à taux plein. Tromperie La capitalisation est à l’œuvre, au moins en partie, dans plus de vingt pays. Pourquoi ce succès ? D’une part, la capitalisation est d’un rapport spectaculaire (placée à 4% l’an une somme double de valeur en 14 ans et triple en 22 ans) ; d’autre part, l’argent placé est mis à la disposition de l’économie, injecté dans l’investissement, et accélère la croissance, alors que dans la retraite par points, comme dans la répartition, l’argent sort du tiroir caisse aussi vite qu’il y est entré. La tromperie est visible, il n’est qu’à relire ce passage de l’article de La Tribune: « La valeur d’un point serait déterminée en fonction des recettes des caisses. Seul l’argent disponible serait distribué ». C’est clair, et c’est dramatique : le retraité ne connaîtra le montant de ses droits que le jour de son départ, et il ne touchera que l’argent disponible. Il aurait été Il est difficile de comprendre pourquoi les meilleurs esprits continuent à écarter une telle possibilité, pour se replier sur des projets purement factices. Ignorent-ils que l’ouverture à la capitalisation signifie tout à la fois la redécouverte de l’épargne, de l’effort personnel, de la responsabilité personnelle ? Le pays a grand besoin de cette révolution libérale : faisons-la ! C’est que Jacques Garello et Georges Lane, (« Futur des Retraites et retraites du Futur », IREF, Librairie de l’Université Aix en Provence, 3 tomes 2008-2009) ont fait la démonstration que la retraite par points est une tromperie, et qu’elle détourne les esprits de la seule véritable et durable réforme : la transition vers la capitalisation financière. 5 LA TURQUIE, MAILLON FAIBLE DE L’OTAN Ankara s’éloigne de l’atlantisme : est-ce pour se rapprocher de l’islamisme ? actualités Pendant plus de trente ans la Turquie a été l’allié le plus fidèle et le plus déterminant des pays occidentaux. L’armée turque, puissamment dotée par les Américains, a été le fer de lance de l’OTAN pendant toute la guerre froide, le verrou stratégique bloquant l’URSS et lui interdisant d’entrer en Méditerranée et de tenter une expansion vers le Moyen Orient. De plus, jusqu’à ces derniers mois, la Turquie était le seul grand pays sur lequel les Israéliens pouvaient compter pour se prémunir contre l’embrasement de la région et les attaques de l’Iran, de la Syrie et du Hezbollah. Avec la victoire électorale du parti musulman AK et l’arrivée au pouvoir du premier ministre Recep Tayyip Erdogan et du Président de la République Abdullah Gül, le paysage politique a totalement changé. Le kémalisme, nationalisme laïc et moderniste, a été progressivement et efficacement éloigné, le seul bastion restant étant celui de l’armée. Or, deux des plus grands généraux turcs viennent d’être limogés et ce « putsch civil » - comme on l’a dit - donne encore plus de pouvoir aux gens en place. Que vont-ils en faire ? La conférence de l’OTAN qui s’est tenue à Lisbonne la semaine dernière a marqué un tournant décisif. Les Turcs ont fait comprendre que leurs intérêts étaient maintenant ailleurs. Ils sont dans la défense de l’Islam ; d’abord dans les Balkans, en Bulgarie et à Chypre où ils entendent consolider leur présence et être les protecteurs des populations musulmanes, ensuite dans le Moyen Orient où le soutien à Israël est retiré au bénéfice d’une entente avec la Syrie et le Liban et, pourquoi pas, de l’Iran, dans le cadre de la « Conférence islamique » dont la Turquie devient maintenant l’un des leaders. Il faut dire que les Occidentaux ont mené à l’égard d’Ankara une diplomatie assez inadaptée. Depuis son accession au Secrétariat d’Etat Hilary Clinton n’a cessé de miser sur « les islamistes modérés », donnant beaucoup de gages aux ennemis inconditionnels d’Israël et refusant d’engager un bras de fer contre l’Iran. Mais les Européens aussi, par leur obsession de construire une Europe politique où l’importance de la population serait déterminante, ont laissé les Turcs à la porte de l’Union, et froissé l’orgueil national – ce qui n’a pas été étranger à la défaite des kémalistes. Si l’Europe était simplement un espace de libre échange le « péril turc » n’aurait jamais été évoqué, et les relations ne se seraient jamais envenimées. Enfin, à Lisbonne, la pugnacité de l’OTAN a sérieusement été écornée, faute d’une position claire sur l’Afghanistan et l’Iran. La cohésion de l’OTAN en a pris un bon coup, et il risque d’y avoir du nouveau à l’Est de l’Europe et au Moyen Orient. La Russie, invitée pour la première fois, jouera-t-elle un rôle modérateur dans cette région ? Ce serait paradoxal. D’ailleurs les Russes se sont montrés peu coopératifs mercredi au cours de la réunion de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) à Astana. Les échanges économiques peuvent-ils désamorcer les tensions stratégiques ? Ce serait souhaitable. En tous cas le basculement de la Turquie vers un islamisme intégral serait une sérieuse menace pour la paix. CAMBRIOLAGE CHEZ SEGOLÈNE ROYAL Mais que cherchaient donc les cambrioleurs ? c’est la troisième fois paraît-il que telle mésaventure survient. Que cherchaient les cambrioleurs ? On s’interroge dans les médias. Mais nous risquons une hypothèse : les cambrioleurs voulaient s’emparer du programme de la candidate. Ce document est en effet précieux, car un programme est chose rare et soigneusement cachée par les leaders politiques soupçonnés d’en posséder un. Qui a pu être l’instigateur d’un tel crime ? Sûrement le Parti Socialiste, qui n’a pas de programme pour l’instant, autre que le texte sur « l’égalité réelle » jugé trop conservateur, et désespère d’en avoir un le plus tôt possible. Autant s’emparer de celui de Ségolène. Hélas ils ont fait chou blanc : où donc Ségolène a-t-elle enfoui son trésor ? Ségolène Royal a tenu la vedette tous ces derniers jours. Elle a tout d’abord, avec grande bravitude, annoncé sa candidature aux primaires prévues par le Parti Socialiste, à moins que ce ne soit sa candidature à la Présidence de la République. Elle n’a pas été toujours très claire, affirmant qu’elle rompait un pacte de non agression triomphalement salué par Martine Aubry quelques jours plus tôt, mais sans vouloir agresser qui que ce soit. Elle a aussi laissé entendre que sa candidature et celle de Dominique Strauss Khan ne faisaient qu’une, un ticket donnant l’Elysée à Madame et Matignon à Monsieur. Mais Ségolène a aussi défrayé la chronique parce que son appartement a été cambriolé, et 6 LA GASTRONOMIE FRANÇAISE, PATRIMOINE DE L’HUMANITÉ De quoi donner une indigestion des gaspillages et déraisons de l’UNESCO aussi coûteuse qu’inutile. Ont été classées « les odeurs de la place El Djamena à Marrakech » et le flamenco apparaîtra bientôt sur la liste. Le coq au vin nous a valu un splendide cocorico. Le 16 novembre dernier l’UNESCO a classé « le repas gastronomique des Français » au Patrimoine de l’Humanité. Après un instant de surprise, tout le monde s’en est félicité, sauf quelques esprits chagrins au premier rang desquels Michel de Poncins, fondateur de CLE (Chrétiens pour les Libertés), et auteur d’un flash régulier « Tocqueville Magazine ». Lisons un passage du dernier de ces flashes (29 novembre) : « Pour arriver à leurs fins les autorités [françaises] ont déployé les grands moyens. Une foule de démarches diplomatiques pendant quatre ans ont été entreprises pour décrocher cette décoration de pacotille à grand renfort de dépenses publiques, c'est-à-dire d'impôts qui ruinent les restaurateurs petits ou grands ainsi que leurs clients. Une « mission » spéciale fut créée avec à sa tête Jean-Robert Pitte, alors Président de la Sorbonne. Mais la ruine vient aussi de l'existence de ce prétendu patrimoine mondial et de l'Unesco elle-même qui est un échelon avancé du pouvoir totalitaire mondial en accroissement permanent. » actualités L’UNESCO, de plus, a été un tel repaire de marxistes que les Américains, puis les Anglais, s’en étaient retirés, et avaient supprimé leurs contributions. Après la chute du mur de Berlin ils sont revenus, estimant que le marxisme n’était plus dangereux… Pourtant l’UNESCO continue à cultiver le tiers-mondisme, l’anti-capitalisme, l’écologisme et le panthéisme. En 1991 à Rio où devait naître le mythe du « développement durable » Boutros-Ghali déclarait : « La nature est la demeure des divinités. Celles-ci ont conféré à la forêt, au désert, à la montagne, une personnalité, qui inspire le respect. La terre a une âme, la ressusciter, telle est l'essence de Rio ». Autres obsessions des gens de l’UNESCO : les droits de l’animal, ou la négation des « genres » (plus aucune référence, y compris dans le vocabulaire, ne devrait être faite aux différences entre hommes et femmes). L’UNESCO est une machine à broyer l’humanisme. Le quotidien de l’UNESCO n’est pas toujours aussi éthéré. Il y a 175 directeurs et 1.000 consultants, qui sillonnent les hôtels cinq étoiles du monde entier et essaient de dépenser leur enveloppe d’environ un milliard de dollars. A juste titre Michel de Poncins rappelle que l’idée de « patrimoine de l’humanité », lancée en 1972, n’a été qu’une vaste farce pour donner de l’importance à une institution internationale JEAN CLAUDE TRICHET INSPIRE PAR BEN BERNANKE ? Pour sauver l’Euro la BCE va-t-elle le mener aux portes de l’inflation ? Jusqu’à présent la ligne de résistance de la Banque Centrale Européenne était l’interdiction statutaire de refinancer les dettes des Etats adhérents. Jean Claude Trichet s’était montré inflexible, bien déterminé à accomplir sa mission : assurer la stabilité de la valeur de la monnaie européenne. Cette conscience professionnelle lui a valu toutes les critiques des hommes politiques, désargentés et désolés de ne pouvoir utiliser la planche à billets. Changement de décor ces derniers jours. La pression politique sur le directeur de la BCE s’est faite un peu plus forte, et le marché mondial des devises a perdu confiance dans l’euro, dont le cours a chuté face à un dollar pourtant bien malade. C’est que la crainte de « l’effet domino » s’est accrue après l’affaire Irlandaise : on voit se profiler une dette portugaise puis une dette espagnole, et les Européens pourraient ne pas assumer sans un apport financier miraculeux. Vive le miracle : il suffit de vaincre les atermoiements de la BCE, et de la persuader de racheter des obligations émises par les Etats adhérents à l’euro. C’est la même démarche que celle de Ben Bernanke : la Réserve Fédérale s’engage à acheter pour quelque 500 milliards de dollars les bons émis par le Trésor américain. La situation est la même, bien que les EtatsUnis soient plus mal en point : les Etats endettés ne sont crédibles que s’ils trouvent de l’argent, et ils trouvent de l’argent en empruntant aux banques centrales. Le problème est que s’endetter pour rembourser des dettes n’a jamais mené qu’à la faillite, mais que la faillite des banques centrales n’est pas possible puisqu’elles payent avec la monnaie qu’elles fabriquent. Comme cette inondation monétaire n’est garantie par rien de réel ni d’immédiat, l’issue fatale est l’inflation. Y serons-nous bientôt ? 7 abc d’économie Qui a eu raison ? apparaissent donc comme « libéraux » du point La question s’était déjà posée après la Grande de vue scientifique et politique. Dépression, et c’est une erreur de croire que Ajoutons que sur le plan personnel Friedman, Keynes a réalisé un miracle en ressuscitant fondateur du monétarisme et Hayek, figure la l’économie américaine. La Théorie Générale est plus illustre de l’école autrichienne au XXème postérieure à la crise de 1929, conçue pour siècle aux côtés de Ludwig von Mises, étaient légitimer le New Deal de Roosevelt, qui loin de d’excellents amis, réunis autour de la Société sauver l’Amérique, l’a totalement désorganisée ; du Mont Pèlerin. le pic du chômage s’est situé après Roosevelt. Mais tandis que les monétaristes regardent du Il faudra certainement côté de la bien moins de temps demande, les KEYNESIENS, MONETARISTES pour reconnaître Autrichiens s’inl’échec total de la téressent avant ET AUTRICHIENS FACE relance keynésienne tout à l’offre. Ils A LA CRISE d’Obama et des autres renouent ainsi pays développés, qui a avec Jean Baptiste ruiné la monnaie et les finances publiques des Say, qui avait placé au cœur de son analyse Etats Unis, et provoqué partout le chômage en l’entrepreneur, estimant que tout revenu ne attendant l’inflation. Signe révélateur : les artipeut venir que de la production, c'est-à-dire de cles se multiplient déjà pour réhabiliter tantôt l’offre aux consommateurs de biens et services le monétarisme, tantôt l’analyse autrichienne. qui leur conviennent. Pour les Autrichiens, l’important est donc Les Keynésiens et les monétaristes l’adaptation permanente de la production aux Les sept erreurs majeures de la Théorie besoins au niveau des entreprises (micro-écoGénérale de Keynes ont été évoquées ici nomique). Cette adaptation est requise et même. Rappelons que pour les keynésiens la orientée par les signaux du marché : variations relance de la croissance exige que les gouverdes prix, des profits et des salaires d’une entrenements dépensent de l’argent à profusion, ou prise à l’autre, d’un secteur d’activité à un en distribuent au peuple pour qu’il puisse autre. L’économie est en rééquilibrage permadépenser. Cet argent n’est pas jeté d’un hélinent. coptère, comme disait Friedman : on fait tourner la planche à billets, la banque centrale L’analyse autrichienne explique complètecomblant ainsi les déficits de l’Etat et distriment la crise buant du pouvoir d’achat. La crise ne peut provenir que d’un erreur Les monétaristes sont les frères ennemis des d’orientation : les adaptations nécessaires Keynésiens. Ennemis, parce qu’ils veulent n’ont pas été faites, les investissements et les empêcher l’héliportage, la masse monétaire ne emplois ne sont pas allés là où ils auraient dû. pouvant pas être laissée à la discrétion des Pourquoi cette erreur ? Une part en revient banques centrales. L’émission de monnaie doit sans doute aux mauvais calculs des firmes être encadrée en permanence (peut-être même (mais elles en sont dissuadées par la concurpar une règle constitutionnelle), et le taux de rence et la nécessité de survivre de façon rencroissance de la masse monétaire doit être table). La responsabilité principale pèse sur constant, parce que le besoin de monnaie dans l’Etat, qui perturbe les signaux du marché par une économie est en proportion à peu près ses interventions, par son secteur public, par constante du taux de croissance permanent. sa fiscalité et sa réglementation. L’une des Mais les monétaristes sont frères des pires interventions est l’inflation, mais pour Keynésiens pour deux raisons : d’une part, l’éviter il faut en finir avec les banques cenc’est la régulation macro-économique qui les trales et confier l’émission de monnaies concurintéresse, d’autre part, ils établissent une liairentes à des banques privées. son entre quantité de monnaie et niveau d’acDans la crise récente, et dans les politiques de tivité économique ; ils regardent du côté de la relance qu’elle a inspirées, tout ce que prédemande globale pour juger de la santé d’une voyaient les Autrichiens s’est réalisé : malinéconomie. vestissement (argent gaspillé à des investissements sans rentabilité, comme les subprimes), Les Monétaristes et les Autrichiens surréglementation (rigidités du marché du traPourtant, on associe plus souvent les vail, mais aussi du marché des capitaux), Monétaristes aux Autrichiens. Il est vrai qu’ils inconscience des banques centrales et irresont en commun d’être hostiles aux politiques ponsabilité budgétaire. Les Autrichiens revienconjoncturelles, et persuadés que la relance nent à la mode. Leur recette est simple : moins d’Etat, plus de liberté économique, confiance keynésienne ne crée pas d’emploi mais au aux créateurs, aux travailleurs et aux éparcontraire entraîne chômage et inflation. Ils ont gnants. aussi en commun une même aversion pour l’intervention de l’Etat dans la vie économique ; ils 8