conjoncture
pouvoir). Les prévisions font état d’une pour-
suite du recul du chômage en 2011, même si la
croissance était plus faible. Ceux qui travail-
laient à temps partiel ont recommencé déjà à
travailler à temps complet. L’Allemagne fait état
d’une pénurie de main d’œuvre dans certains
secteurs et on envisage un allongement de la
durée du travail : 45 heures pourraient même
devenir la norme selon certains chefs d’entre-
prise. De toutes façons la loi permet déjà de tra-
vailler jusqu’à 48 heures. Entre 300 000 et
500 000 postes ne trouvent pas preneurs…
Un vrai marché du travail et une ouverture
extérieure
Faut-il parler à nouveau d’un miracle allemand ?
En réalité, il y a l’application de quelques
mesures simples. La question de l’emploi a été
réglée depuis longtemps, dès l’époque du
social-démocrate Schröder, par les mesures
telles que les quatre lois Hartz, qui ont donné de
la souplesse au marché du travail, réduit le coût
du travail, créé de la flexibilité, permis une
hausse de la population active, alors même que
la population globale diminuait. Les Allemands
ont simplement considéré que le marché du tra-
vail était…un marché. Et le coût de la main
d‘œuvre a augmenté de 2% en six ans contre
une moyenne de 18% ans dans l’Union euro-
péenne. La compétitivité est au cœur des préoc-
cupations allemandes.
Ensuite, il y a eu le choix allemand, toujours
maintenu (et encore rappelé au G20 par la
chancelière) de l’ouverture des frontières, du
refus du protectionnisme et de l’acceptation
totale de la mondialisation. Très compétitive,
l’économie allemande est tournée vers les
demandes des pays dynamiques et notamment
des pays émergents. Toute l’intelligence de
cette situation est d’avoir misé sur la reprise
mondiale, indiscutable dans tous les pays émer-
gents et d’abord en Chine et en Inde : les excé-
dents extérieurs allemands connaissent de nou-
veaux records, au moment où la France accu-
mule les déficits. Le vrai moteur de l’économie
allemande, ce sont les exportations (elles repré-
sentent 35% du PIB allemand). Les exportations
(en hausse de 15,3% cette année) tirent la crois-
sance. Cela implique de rejeter tout protection-
nisme, de jouer le jeu des échanges et de ces-
ser de se plaindre de l’euro fort : avec le même
euro, les Allemands sont en excédent et nous en
déficit.
Le refus du laxisme budgétaire
Enfin il y a le volet des finances publiques. Il est
admis par la vulgate keynésienne véhiculée par
les médias et la plupart des hommes politiques,
que la relance keynésienne de 2009 allait sau-
ver nos économies du désastre de la récession.
Un an plus tard, les pays, Europe en tête, pleu-
rent après les déficits excessifs, qui ont ruiné la
Grèce, puis l’Irlande, en attendant les autres.
Pour l’instant, on les règle à coup d’aides, c'est-
à-dire de nouvelles dettes, les pays plus solides
aidant les plus fragiles, en attendant que ces
nouvelles dettes les fragilisent à leur tour : on
soigne le mal par la mal.
Mais nos admirateurs de la secte keynésienne
persistent dans l’erreur : nos confrères titrent
presque tous, Monde en tête, que « les experts
redoutent que les plans de rigueur cassent la
relance », alors que c’est le laxisme monétaire,
puis budgétaire qui a provoqué la crise. Or qu’a
fait l’Allemagne ? Elle a refusé la relance mas-
sive pratiquée partout ailleurs. Résultat : cette
année, l’ensemble des déficits publics alle-
mands (y compris ceux des retraites et de l’as-
surance maladie) tombera à 2,4%, soit en des-
sous du critère de Maastricht. Un keynésien
peut-il expliquer comment, avec un déficit faible,
l’Allemagne a la plus forte croissance de la zone
euro, tandis que les pays à forts déficits comme
l’Irlande, la Grèce ou la France, ont la plus faible
croissance ? La crise de 2009 a été créée par le
laxisme monétaire ; et les déficits actuels par le
laxisme budgétaire. Si l’Allemagne s’en sort,
c’est parce qu’elle refuse ces politiques de
relance. Ajoutons que l’Allemagne, sans être un
pays de faible imposition, a par exemple un taux
d’impôt sur les sociétés de 29,4% contre 34,4%
en France, taux le plus élevé de l’Union euro-
péenne. Quant aux charges sociales, la diffé-
rence est de 9 points entre Allemagne et France.
Les entreprises allemandes s’en portent-elles
plus mal ? La protection sociale est-elle moindre
chez nos voisins ?
Faut-il parler de « modèle allemand » ? Sans
doute l’Allemagne pourrait-elle faire mieux
encore si elle allait plus loin dans la voie du libé-
ralisme. Mais pour l’instant, et par comparaison
avec la France, l’Allemagne se contente d’ac-
cepter l’économie de marché et sa logique, la
concurrence et le libre-échange, la liberté des
prix et le marché du travail, le tout avec une cer-
taine rigueur budgétaire. L’Allemagne a rejeté
étatisme et keynésianisme.
Jean-Yves Naudet
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