
On voit bien d'ailleurs que dans son contenu, la publicité informe très peu et que, dans sa forme, les
méthodes de persuasion ne sont pas l'élément dominant. Au lieu de mettre le produit à l'avant-plan,
elle s'habille plutôt des parures de l'émotion, du ludique, du divertissement, de la mise en scène
d'histoires, de personnages, de messages aux accents de vérités existentielles... Elle utilise un ton
empreint d'émotion ou encore des formules «philosophiques». La majorité des slogans
commerciaux des entreprises de services financiers sont de ce type: «La tranquillité
[début de la p. 15 du texte original]
d'esprit», «Avant l'argent il y a les gens» (Banque de Montréal), «Conjuguer avoirs et êtres»
(Desjardins)... Reprenant des figures populaires, jouant sur les codes du langage, sur l'humour, les
sentiments, des allusions érotiques, invitant à des jeux d'esprit et des histoires à suivre: on cherche
bien moins à convaincre qu'à créer de la collusion, de la relation, du consensus.
L'offre marchande se présente comme sollicitude. Elle s'adresse aux gens sous les auspices d'une
relation attentionnée et personnelle. Si elle est parfois criarde, la publicité nous parle le plus souvent
sur un ton attendri, compréhensif et bienveillant. Elle injecte ainsi de «l'humain» et du «relationnel»
dans le système. Les publicités de téléphones et autres moyens de communication ne nous vendent
pas tant l'appareil et le service, qu'elles nous rappellent l'importance d'être en contact avec nos
proches. Récemment, les cabines téléphoniques de Bell, au coin des rues, étaient ainsi devenues -
selon les panneaux publicitaires qu'on y avait apposés - des «aires de rapprochement»...
La reproduction idéologique
Lors d'un sondage qui indiquait une légère augmentation de la «méfiance» des gens envers la
publicité, le président de la firme CROP s'inquiétait: «On risque d'avoir une pub désincarnée, ayant
perdu ses références et sa pertinence dans la vie des gens [...]. Il faudrait pouvoir rejoindre les gens
dans leur singularité, leur humanité. La publicité doit essayer d'arrêter de convaincre, il lui faut
émouvoir» (Le Devoir, 19 janvier 2006). Ces propos expriment exactement le motif publicitaire. Si les
gens manifestent un esprit plus critique, les publicitaires ne feront qu'aller toujours plus loin dans
l'émotion, le «vécu» et la personnalisation, bref dans le maquillage humaniste d'une logique froide
et abstraite.
Du côté des grandes compagnies, on constate que leurs vastes et permanentes campagnes
publicitaires misent assez peu sur la promotion détaillée de produits précis. Il s'agit plutôt de la
construction d'un «imaginaire», du faire-valoir d'une raison sociale sur la place publique. Ces
campagnes publicitaires ne sont pas qu'un jeu symbolique dans la virtualité médiatique. La
reproduction plus ou moins consciente d'une idéologie dominante profite à la classe dominante des
cadres du monde financier et industriel, dont les salaires ne cessent d'accroître leur écart avec ceux
des classes moyennes et inférieures. Cette classe dominante a fait de la publicité une activité
majeure des grandes compagnies. C'est aussi par la publicité qu'elle répond aux critiques pouvant
s'élever à son endroit dans la société.
À l'heure des préoccupations sur la «malbouffe», un géant des aliments industriels comme McCain
s'engage dans une campagne de messages portant sur la saine alimentation. Dans la controverse
entourant Wal-Mart et sa lutte anti-syndicale, la multinationale annonçait son programme d'aide à
des fondations pour les enfants pauvres. En même temps que s'élargissait la discussion sur les
changements climatiques, lors de la signature du Protocole de Kyoto, la pétrolière Shell produisait
une série de commerciaux à saveur «environnementale» et Petro-Canada mettait des ours polaires
sur de grands panneaux à l'entrée de ses stations-service. On dénonce l'aliénation des jeunes filles
par les standards de beauté de l'industrie du divertissement, de la mode et des cosmétiques: dans