« Attention-Deficit Hyperactivity Disorder » (ADHD) et trouble

S 30
L’Encéphale, 2006 ;
32 :
30-2, cahier 2
« Attention-Deficit Hyperactivity Disorder » (ADHD)
et trouble bipolaire (TBP) chez l’adulte
F. SLAMA
(1)
(1) Hôpital Chenevier, Créteil.
L’hyperactivité avec déficit attentionnel (ADHD) a
d’abord été décrite chez l’enfant : ce trouble concernerait
3 à 5 % des enfants d’âge scolaire. C’est l’institutrice qui
provoque la première consultation, plus souvent que les
parents. Le trouble concerne davantage les garçons que
les filles avec un sex ratio compris entre 6 et 9.
Dans le système DSM IV, pour poser le diagnostic, il
faut pouvoir identifier des symptômes liés à un déficit de
l’attention et/ou des symptômes liés à une hyperactivité
et une impulsivité.
Les troubles de l’attention chez l’enfant sont ainsi
caractérisés :
ne parvient pas à prêter attention aux détails, fait des
étourderies ;
a souvent du mal à soutenir son attention au travail
ou dans les jeux ;
semble ne pas écouter quand on lui parle
personnellement ;
ne se conforme pas aux consignes et ne parvient pas
à mener à terme ses devoirs, tâches domestiques ou obli-
gations professionnelles ;
a du mal à organiser ses travaux ou activités ;
fait à contrecœur les tâches qui nécessitent un effort
mental soutenu ;
perd les objets nécessaires à son travail et à ses
activités ;
se laisse facilement distraire ;
oublis fréquents dans la vie quotidienne.
Pour ce qui est des symptômes de l’hyperactivité-impul-
sivité, c’est un enfant qui :
remue souvent mains et pieds, se tortille sur son
siège ;
se lève quand il est supposé rester assis ;
court, grimpe dans situations inappropriées ;
a du mal à se tenir tranquille dans les jeux et les acti-
vités de loisir (sentiment d’impatience motrice chez
l’adulte) ;
est souvent « sur la brèche » ;
parle souvent trop ;
laisse échapper la réponse à question pas encore
entièrement posée ;
a du mal à attendre son tour ;
interrompt souvent les autres ou impose sa pré-
sence.
Pour poser le diagnostic d’ADHD, les symptômes de
troubles attentionnels et/ou d’hyperactivité-impulsivité
sont requis, mais il faut également que les troubles aient
débuté avant l’âge de 7 ans. De plus, les troubles doivent
persister au moins 6 mois et entraîner une altération cli-
niquement significative du fonctionnement dans au moins
deux domaines : à l’école, à la maison ou au travail.
La classification internationale ICD-10 ne permet de
poser le diagnostic que si les troubles attentionnels et
l’hyperactivité-impulsivité sont tous les deux présents. Elle
justifie cette restriction par le fait que si l’on se contente
des symptômes liés aux troubles de l’attention on risque
d’inclure à tort des enfants rêveurs.
La classification française des troubles mentaux de
l’enfant et de l’adolescent (CFTMEA) ne reconnaît pas ce
trouble comme un trouble à part entière mais l’identifie plus
comme un symptôme trans-nosographique secondaire
d’une entité nosologique pédopsychiatrique.
L’ADHD persiste à l’âge adulte : chez 2/3 des enfants
hyperactifs. Il n’existe pas d’ADHD
de novo
chez l’adulte,
c’est donc une persistance d’un ADHD de l’enfant qu’on
observe chez l’adulte, habituellement avec un tarissement
de l’hyperactivité au détriment du trouble de l’attention.
L’hyperactivité diminue sans doute grâce à des phénomè-
nes d’adaptation et ce sont les troubles de l’attention qui
sont au premier plan. Les symptômes chez l’adulte sont
moins spécifiques que chez l’enfant. À tel point que le
DSM IV autorise pour l’adulte un tableau moins complet
que pour l’enfant et on parle alors de « rémission
partielle ». La prévalence du trouble chez l’adulte est esti-
mée à environ 4,5 % (3, 4).
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30-2, cahier 2 « Attention-Deficit Hyperactivity Disorder » (ADHD) et trouble bipolaire (TBP) chez l’adulte
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Les symptômes de l’ADHD chez l’adulte sont :
Déficit de l’attention :
difficulté de concentration,
difficulté pour organiser, planifier,
oublis, distractibilité.
Hyperactivité-impulsivité :
accidents de la route,
sentiment d’impatience motrice,
changements intempestifs de travail,
absence de stabilité socio-affective,
consommation de substance.
Les comorbidités sont fréquentes : abus de substance,
troubles anxieux, épisode dépressif majeur et troubles
bipolaires.
En 2000, Faraone a étudié la validité du diagnostic
d’ADHD chez l’adulte (3). Il retient plusieurs arguments en
faveur de la validité du diagnostic : cliniques, épidémiolo-
giques, pharmacologiques, génétiques, neuropsychologi-
ques
(tableau I)
.
Des données épidémiologiques permettent d’éclairer
les liens entre troubles bipolaires et ADHD (8) : 20 % envi-
ron des adultes souffrant d’ADHD souffriraient également
de trouble bipolaire, notamment de type II ; parmi les bipo-
laires, 20 % auraient un ADHD. Il existe donc un lien bidi-
rectionnel entre bipolarité et ADHD.
L’ADHD est dans 96 % des cas « mixte » lorsque
comorbide d’un trouble bipolaire, c’est-à-dire avec autant
d’hyperavtivité/impulsivité que de troubles de l’attention
alors qu’il est mixte dans uniquement 59 % des ADHD non
comorbides. De plus, l’ADHD comorbide d’un trouble bipo-
laire a plus de symptômes d’ADHD en valeur absolue.
65 % des patients comorbides ont eu un diagnostic de
trouble bipolaire à début précoce.
L’étude de Sachs en 2000 a étudié 56 adultes souffrant
de trouble bipolaire et comparé l’âge de début du trouble
bipolaire en fonction de l’existence ou non d’un antécédent
d’ADHD dans l’enfance (5) : l’âge du premier épisode thy-
mique est plus bas chez les patients bipolaires avec anté-
cédent d’ADHD dans l’enfance comparativement aux
bipolaires sans antécédents d’ADHD. Les auteurs suggè-
rent qu’il faut considérer un enfant ADHD parent d’un
patient bipolaire comme un enfant à haut risque de déve-
lopper un trouble bipolaire.
Une méta-analyse a montré que les enfants de patients
bipolaires ont une prévalence significativement augmen-
tée d’ADHD. L’inverse est également retrouvé : une plus
forte prévalence du trouble bipolaire chez les apparentés
d’enfant souffrant d’ADHD, même si les résultats sont
moins statistiquement significatifs.
Sur le plan clinique, les points communs brouillent notre
diagnostic : l’irritabilité, l’hyperactivité, la logorrhée, l’inat-
tention, l’impulsivité, la labilité émotionnelle.
Les déficits neuropsychologiques que l’on retrouve
chez les ADHD sont également chez les bipolaires : déficit
attentionnel, troubles de l’apprentissage, de la mémoire
de travail, des fonctions exécutives. Enfin, il existe des
comorbidités communes pour l’ADHD ou le trouble
bipolaire : troubles anxieux, troubles des conduites,
dépression, troubles de l’apprentissage.
Sur le plan clinique, il existe donc un recouvrement de
la symptomatologie entre ADHD chez l’adulte et trouble
bipolaire.
TABLEAU I. —
Résumé des arguments pour la validité du trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité (ADHD).
D’après Faraone
et al. (3).
Domaine Score Commentaires
Symptômes de l’ADHD + + Existence chez l’adulte des mêmes symptômes d’inattention, d’impulsivité
et d’hyperactivité mais l’hyperactivité peut diminuer avec l’âge.
Comorbidités psychiatriques + Les abus de substance sont plus fréquents chez l’adulte.
Répercussion fonctionnelle + + Les adultes souffrant d’ADHD ont un retentissement fonctionnel de leur
trouble dans de nombreux domaines
Sex ratio + La prédominance masculine de l’ADHD est moins évidente chez l’adulte
que chez l’enfant
Antécédents familiaux d’ADHD + ADHD semble plus familial quand il existe un adulte souffrant d’ADHD dans
la famille
Réponse pharmacologique + + Les traitements avec une efficacité documentée dans l’ADHD de l’enfant
sont aussi efficaces chez l’adulte
Étude génétique moléculaire + Le gène du récepteur dopaminergique D4 a été impliqué à la fois chez
l’enfant ADHD et chez l’adulte ADHD
Neuropsychologie + + Les enfants et les adultes ADHD ont une altération de la vigilance, de
l’inhibition motrice, des fonctions exécutives et de la mémoire verbale
Neuro-imagerie ? Pas assez de données comparables entre l’enfant et l’adulte
Cours évolutif ? La définition de la persistance de l’ADHD à l’âge adulte varie de 4 à 80 %
en fonction de la définition de la persistance
F. Slama L’Encéphale, 2006 ;
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Par contre plusieurs éléments cliniques distinguent
l’ADHD et le trouble bipolaire. En premier lieu, le sex ratio
avec une nette prédominance masculine dans l’ADHD
alors qu’il est équivalent à 1 dans le trouble bipolaire.
Deuxièmement, l’évolution dans le temps n’est pas la
même : le trouble bipolaire évolue par cycles, avec une
tendance naturelle à l’accélération des cycles, ce que l’on
ne retrouve pas dans l’ADHD. Enfin, trois symptômes sont
spécifiques du trouble bipolaire et permettent de différen-
cier les deux troubles en cas d’hésitation diagnostique :
l’élation de l’humeur, les caractéristiques psychotiques et
la désinhibition sexuelle.
Les traitements de l’ADHD non comorbide chez l’adulte
sont en premier lieu les psychostimulants, comme pour
l’enfant. La posologie est de 1 mg/kg/jour soit une poso-
logie un peu supérieure à celle de l’enfant (0,3 à 0,8 mg/
kg/jour). Les études qui en évaluent l’efficacité thérapeu-
tique ont des résultats assez disparates. On a longtemps
pensé que la réponse thérapeutique était inférieure chez
l’adulte par rapport à l’enfant mais une étude récente mon-
tre qu’elle est comparable (78 % de réponses chez l’adulte
pour 70 % chez l’enfant et 4 % pour le placebo chez
l’adulte) (2).
Plusieurs traitements pharmacologiques non psychos-
timulants sont également utilisés pour traiter l’ADHD de
l’adulte. Ce sont la désipramine (à la dose de 200 mg avec
une réponse thérapeutique dans 68 % des cas) (7), la
tomoxetine non encore commercialisée en France (6) et
le bupropion dont une étude en ouvert a montré l’intérêt
(10).
Concernant le traitement de la comorbidité trouble bipo-
laire/ADHD, il existe peu de travaux (1). Le premier point
important concerne la mise en garde quant à l’utilisation
des psychostimulants qui peuvent alors déclencher un
état maniaque et favoriser l’émergence de caractéristi-
ques psychotiques. Les études réalisées chez l’enfant
rapportent une moins bonne efficacité des psychostimu-
lants en cas de comorbidité.
Dans ce contexte, le bupropion semble une molécule
intéressante puisque, aux USA, il est le premier traitement
de la dépression bipolaire dans la mesure où il induirait
moins de virages maniaques et a une efficacité dans
l’ADHD. Une étude a été menée en ouvert avec des résul-
tats qui semblent intéressants mettant en évidence une
nette diminution des symptômes de l’ADHD ainsi qu’une
nette amélioration thymique (9).
Références
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6. SPENCER T, BIEDERMAN J
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7. WILENS TE, BIEDERMAN J
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8. WILENS TE, J. BIEDERMAN J
et al.
Can adults with attention-deficit/
hyperactivity disorder be distinguished from those with comorbid
bipolar disorder ? Findings from a sample of clinically referred adults.
Biol Psychiatry 2003 ; 54 (1) : 1-8.
9. WILENS TE, PRINCE JB
et al.
An open trial of bupropion for the
treatment of adults with attention-deficit/hyperactivity disorder and
bipolar disorder. Biol Psychiatry 2003 ; 54 (1) : 9-16.
10. WILENS TE, Spencer TJ
et al.
A controlled clinical trial of bupropion
for attention deficit hyperactivity disorder in adults. Am J Psychiatry
2001 ; 158(2) : 282-8.
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