TDAH: Le point de vue du neuropédiatre Dr. Denis VERHEULPEN Neuropédiatrie, Hôpital Erasme, CHU de Charleroi Université Libre de Bruxelles ADHD: Prévalence et démographie • Prévalence globale de 3% à 10% chez les enfants en âge scolaire • Diagnostiqué 3 à 4 fois plus souvent chez les garçons que chez les filles • Persiste chez 30 à 50% des patients jusqu’à l’adolescence et l’âge adulte (le profil des symptômes peut changer) Critères de diagnostic d’ADHD du DSM-IV • Symptômes présents depuis au moins 6 mois • Doit avoir 6 (ou plus) des 9 symptômes d’inattention ET/OU d’hyperactivité-impulsivité • Certains symptômes présents avant l’âge de 7 ans • Une certaine perturbation due aux symptômes doit être présente dans deux environnements ou plus (p. ex. à l’école et à la maison) • Altération significative du fonctionnement social, scolaire ou occupationnel • Exclure d’autres troubles mentaux (agitation réactionnelle, retard mental, autisme) Comorbidités couramment associées 60 40 (%) 20 0 Trouble Trouble Trouble oppositionnel de d’appren avec l’anxiété -tissage provocation Trouble Trouble de de la l’humeur conduite Milberger et al. Am J Psychiatry 1995; 152: 1793–1799 Biederman et al. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1997; 36: 21–29 Castellanos. Arch Gen Psychiatry 1999; 56: 337–338 Goldman et al. JAMA 1998; 279: 1100–1107 Szatmari et al. J Child Psychol Psychiatry 1989; 30: 219–230 Tabagisme Abus de Tics substances Impact développemental de l’ ADHD Trouble comportemental Problèmes scolaires Difficultés d’interactions sociales Problèmes d’estime de soi Problèmes judiciaires, tabagisme et lésions Age préscolaire Age scolaire Trouble comportemental Problèmes scolaires Difficultés d’interactions sociales Problèmes d’estime de soi Adolescent Echec professionnel Problèmes d’estime de soi Problèmes relationnels Lésions/accidents Abus de substances Adulte Age études supérieures Echec scolaire Difficultés occupationnelles Problèmes d’estime de soi Abus de substances Lésions/accidents Troubles des apprentissages – échecs scolaires • 50% des enfants ADHD ont des échecs scolaires • Les troubles d’apprentissage sont liés au trouble du traitement de l’information - tr. de la perception : auditive, visuelle - tr. du traitement des données : coordination motrice - tr. de la mémoire : implication dans la lecture - tr. de l’expression : langage, écriture... Neurobiologie: Trouble du système exécutif par déficit du contrôle inhibiteur Les fonctions exécutives Ensemble de processus contrôlés mis en œuvre en vue de l’adaptation à une activité peu routinière Cet ensemble peut impliquer un ou plusieurs des éléments suivants : a) l’intention d’inhiber une réponse ou de la différer pour un moment plus approprié, b) un plan stratégique des séquences d’actions c) une représentation mentale de la tâche Fortement relié à la notion d’un système central de traitement à la capacité limitée (Welsh et Ozonoff, 1988) L’hypothèse exécutive dans l’ADHD Revue des fonctions exécutives dans la psychopathologie développementale ADHD plutôt l’inhibition (Stroop) (Pennington et Ozonoff, 1996) 5 fonctions exécutives: inhibition, flexibilité, mémoire de travail, planification, fluences Déficit d’inhibition: Stroop, Stop task (Sergeant, 2002) Le test de Stroop • Evaluation de l’inhibition d’une activité automatique • Consigne: dire la couleur d’affichage • Activité automatique: lire le mot Système Attentionnel de Supervision Système exécutif mis en jeu lors de situation nouvelles, non routinière (planification et prise de décision, correction d ’erreurs, séquences d ’actions nouvelles, dangereuses ou difficiles, inhibition d ’une réponse prédominante) Norman et Shallice, 1986 Le modèle neuropsychologique du TDAH • Mémoire de travail = quantité d’informations qui peuvent être traitées au même moment • Mémoire de travail limitée • Mémoire de travail saturée d’informations non filtrées Le modèle neuropsychologique du TDAH • Déficit d’inhibition = manque d’inhibition de stimuli non prioritaires • Problème de gestion des priorités • Distractibilité Arguments en faveur d ’un dysfonctionnement de circuits préfronto-striataux • Trouble des fonctions exécutives (Stroop) • IRM morphologique réduction volume du noyau caudé, globus pallidus et cortex préfrontal côté droit (Castellanos, 1996) • IRM fonctionnelle déficit d’activation du cortex préfrontal droit lors d ’épreuves d ’inhibition (Rubia, 1999) • FDG-PET: hypométabolisme frontal au repos L ’hypothèse dopaminergique • Efficacité des agonistes dopaminergiques (méthylphénidate) • Modulation dopaminergique des voies préfrontostriatales • PET-DOPA: augmentation marquage mésencéphale • Modèle animal d ’ADHD par lésion de neurones dopaminergiques Importance des facteurs génétiques • Sujets apparentés du 1er degré de garçons ADHD: 5 x plus de chances d’être ADHD que les apparentés du 1er degré de garçons non ADHD • Incidence d’ADHD chez parents de sujets ADHD > si parents biologiques que si parents adoptifs • Concordance pour l’ADHD >> chez jumeaux monozygotes (80%) que jumeaux dizygotes Stratégies de prise en charge Evaluation d ’un enfant suspect d ’ADHD • Importance de l ’anamnèse • Examen neurologique: peu contributif (pas de signification des « soft signs ») • Importance d ’une évaluation multi-disciplinaire (détection de co-morbidité, évaluation affective et cognitive) • EEG à la moindre suspicion d ’absences épileptiques Outils diagnostiques • Critères DSM-IV, K-SADS, ADHD rating scale • Echelles de Conners pour l’enfant, les parents et les enseignants • Bilan neuro-psychologique complet (test d’attention, d’impulsivité) • Bilan logopédique et psychomoteur • ORL, ophtalmologue Options thérapeutiques dans le cadre d’un programme de traitement global • Thérapie comportementale • Traitement médicamenteux • Combinaison du traitement médicamenteux/ thérapie comportementale • Psycho-éducation des parents/ du patient • • Services de soutien éducationnels Agents pharmacologiques utilisés dans le traitement de l’ADHD* Stimulants (Traitement de première intention recommandé ) Méthylphénidate ( Rilatine®, Concerta® ) Amphétaminiques Dextroamphétamines Pémoline Antidépresseurs Antidépresseurs tricycliques Bupropion ( Zyban® ) Antihypertenseurs Clonidine ( Catapressan® ) Guanfacine ( Estulic® ) Agents du métabolisme Carnitine Acides gras * Dans certains pays, ces agents ne sont pas tous disponibles Wilens T, et al. ADHD, In Annual Review of Medicine, 2002: 53. Greenhill L. Childhood attention deficit hyperactivity disorder: pharmacological treatments. In: Nathan PE, Gorman J, eds. Treatments that Work. Philadelphia, PA: Saunders; 1998:42-64. Pharmacothérapie de l’ADHD– Taux de réponse Méthylphénidate Amphétamine y Pémoline Antidépresseurs tricycliques y Bupropion IMAO Clonidine/ Guanfacine 0 20 40 60 % Répondeurs 80 Wilens TE, Spencer TJ. Presented at Massachusetts General Hospital’s Child and Adolescent Psychopharmacology Meeting, March 10-12, 2000, Boston, MA. 100 Méthylphénidate • Le MPH est efficace dans la réduction des symptômes centraux d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité lors de la prise du médicament • L’utilisation du MPH pour le traitement de l’ADHD est supportée par NICE, SIGN, AAP, AACAP et les recommandations européennes • 133 études contrôlées et randomisées avec le MPH ont été publiées avant 19961 1. American Academy of Clinical and Adolescent Psychiatry Official Action. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2002; 41 (Suppl 2); 26S–49S Méthylphénidate Evénement indésirable* Maux de tête Maux d’estomac Vomissements Perte de l’appétit Vertige Insomnie Infection du tractus respiratoire supérieur Augmentation de la toux Pharyngite Sinusite Wolraich et al. Pediatrics 2001; 108: 883-892 Methylphenidate (n = 106) Placebo (n = 99) 14% 7% 4% 4% 2% 4% 8% 4% 4% 3% 10% 1% 3% 0% 0% 1% 5% 2% 3% 0% Traitement médicamenteux • Efficacité – Amélioration significative de l’attention et du comportement par rapport au placebo • Innocuité – Généralement bien toléré – Faible incidence d’insomnie (4%) et de perte de l’appétit (4%) Wolraich et al. Pediatrics 2001; 108: 883-892 Utilisation à long terme • Dépendance? Non (possibilité d ’arrêter brutalement pour WE ou vacances) • Accoutumance? Faible (études de suivi n ’en montrent pas mais sont à moyen terme) • Risque augmenté de consommation de drogue? Non (co-morbidité) • Retard de croissance? Faible (2 cm à l’âge adulte) Pharmacocinétique 20 RILATINE 10 mg 3x/j (n=15) CONCERTA® 36 mg 1x/j (n=15) Concentration (ng/ml) 16 12 8 4 0 0 (Swanson et al. 2002) 2 4 6 Temps (h) 8 10 12 Pharmacocinétique IR vs. MR 6 Ritalin® 10 mg bid Ritalin® MR 20 mg 4 3 2 1 15 13 11 9 7 6 5 3 1, 5 0 0, 5 Plasma yg/L 5 Time in h Modified from Markowitz J, et al. Clin Pharmacokinet (2003) 42(4) 393-401 Efficacité équivalente de l’atomoxétine par rapport au MPH Total Score Baseline Mean change in ADHD RS scores baseline to endpoint 0 39.4 37.6 Hyperactive/ Impulsive 17.8 17.0 Inattentive 21.7 20.7 -5 -10 -9.5 -15 -8.5 -9.9 -9.3 ATX (n=178); Mean dose, 1.4 mg/kg/day. MPH (n=40); Mean dose, .85 mg/kg. -17.8 -20 -19.4 Kratochvil CJ, et al. 2002 Effets indésirables: études court terme (Incidence > 5%) Evènement Diminution d’apétit Douleur abdomen supérieur Vomissements Nausées Somnolence Fatigue Irritabilité Douleur pharyngée a Treatment difference, Fisher’s exact test. Atomoxetine N=1298 n (%) Placebo N=797 n (%) P Valuea 193(14.9) 189(14.6) 141(10.9) 109(8.4) 105(8.1) 86(6.6) 79(6.1) 33(4.1) 77(9.7) 44(5.5) 36(4.5) 28(3.5) 24(3.0) 25(3.1) <.001 .001 <.001 <.001 <.001 <.001 .003 65(5.0) 65(8.2) .005 Data on file Tics • Tics sont traditionnellement une contre-indication du MPH (précipités ou aggravés) • Actuellement, tics ne sont plus considérés comme une contre-indication • Apparition des tics sous MPH dans des délais très variables après l ’introduction du médicament • Etude MPH vs placebo chez ADHD + tics: aggravation des tics chez 20% des patients dans les 2 groupes (Kurlan, 2002) • Atomoxétine: Pas d’aggravation (Allen,2005) Epilepsie • Epilepsie est traditionnellement une contre-indication au MPH • Démenti par des études récentes (pas d ’aggravation de l ’épilepsie sous MPH) • MPH très efficaces sur les symptômes d ’ADHD dans les syndromes épileptiques avec POCS Troubles du sommeil Sleep onset latency 50 Atomoxetine superior to methylphenidate (p<0.001) Mean Change from Baseline (Minutes) 39.2 40 * p <.001 30 20 * 12.1 •Sleep onset latency •Total sleep (p=0.016) •Settling at bedtime •Getting out of bed •Getting ready for school 10 0 Atomoxetine (n=44/37) Methylphenidate (n=41/42) Sangal et al. 2004