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Études thématiques
Droit de la concurrence et santé
Il existe, à l’égard de l’application des mécanismes concurrentiels au secteur de la
santé, une méance générale et historique. Concurrence et santé semblent appar‑
tenir à des sphères étrangères l’une à l’autre. La santé a certes un coût 1, mais elle
n’a pas de prix, ce qui l’exclurait de toute logique marchande, et donc concurren‑
tielle. Cet ancrage culturel est ancien: « Le serment d’Hippocrate, qui est probable-
ment l’un des plus anciens documents anticoncurrentiels de la planète [...], organise déjà
des marchés, et bien plus, légitime la vocation non économique du secteur 2. »
Les codes de déontologie, édictant des règles d’éthique aux professionnels de la
santé, sont représentatifs de cette orientation culturelle. Le comportement concur‑
rentiel paraît incompatible avec l’objet même du service rendu, et lorsqu’il est
fait référence à la concurrence, elle n’est envisagée que dans un but d’exclusion.
Plusieurs professionnels de la santé se voient ainsi interdire toute baisse d’hono‑
raires pratiquée dans un but de concurrence 3 ou toute « concurrence directe » avec
le confrère dont ils ont assuré le remplacement 4. Le professionnel doit exercer
son activité dans le souci du bien‑être du patient, et non par recherche de prot
personnel. Il est, ainsi, souvent libre de donner gratuitement des soins 5, et doit
déterminer le montant de ses honoraires avec « tact et mesure 6 ». De façon géné‑
rale, le Code de la santé publique prévoit que la médecine ne doit pas être prati‑
quée comme un commerce 7.
Ces dispositions font écho à celles de l’article16‑1 du Code civil selon les‑
quelles « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit
1. Selon les statistiques de l’OCDE, près de 9% du PIB sont consacrés au nancement des dépenses de santé
en France (chires de 2004).
2. N. Diricq, Introduction au colloque « Concurrence et organisation du système de santé », Concurrence-
consommation, no158, avril2008, p.22.
3. Interdiction adressée au médecin (article R.4127‑67 du CSP), à la sage‑femme (R.4127‑355), au pharma‑
cien biologiste (R.4235‑75), à l’inrmier (R.4312‑42), et au pédicure‑podologue (R.4322‑61).
4. Interdiction adressée au masseur‑kinésithérapeute (article R.4321‑130), au médecin (R.4127‑86), au chirur‑
gien‑dentiste (R.4127‑277), à la sage‑femme (R.4127‑342), à l’inrmier (R.4312‑47), et au pédicure‑podolo‑
gue (R.4322‑87).
5. Articles R.4127‑240 (chirurgien‑dentiste), R.4312‑40 (inrmier) et R.4322‑61 (pédicure‑podologue).
6. Articles R.4321‑98 (masseur‑kinésithérapeute), R.4127‑53 (médecin), R.4127‑240 (chirurgien‑dentiste),
R.4127‑341 (sage‑femme), R.4235‑65 (pharmacien), R.4235‑75 (pharmacien‑biologiste), R.4312‑40 (inr‑
mier), R.4322‑61 (pédicure‑podologue).
7. Article R.4127‑19.