Techniques de prise en charge psychothérapeutique d`un patient

Techniques de prise en charge psychothérapeutique d'un patient non demandeur
Extrait du Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique
http://www.systemique.be/spip
Techniques de prise en charge
psychothérapeutique d'un
patient non demandeur
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Date de mise en ligne : jeudi 13 octobre 2005
Description :
Dans cet article, l'auteur discute de l'approche systémique lors des premières rencontres avec des parents demandant de l'aide pour une pathologie d'un enfant.
L'aspect essentiel considéré ici est la non-coïncidence du demandeur et du patient. Comment passer du premier contact au premier entretien ? Quels en seront les
objectifs ? Comment favoriser la poursuite du parcours psychothérapeutique ? L'accueil de la demande est orienté vers la construction d'une alliance avec le
patient, fondée sur la reconnaissance de sa souffrance. La position classique interventionniste centrée sur le changement immédiat est réexaminée pour faire place
à un modèle de psychothérapie vu comme une « procédure » en phases progressives, ayant chacune ses objectifs spécifiques, plutôt que comme une série de «
séances uniques » orientées vers la solution. Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique
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Techniques de prise en charge psychothérapeutique d'un patient non demandeur
<h3 class="spip">Techniques de prise en charge psychothérapeutique d'un patient non demandeur </h3> <h3
class="spip">par Matteo Selvini</h3>
« On ne soulignera jamais assez que la thérapie (et en particulier son avenir) commence dès le premier contact
téléphonique. »
Mara Selvini Palazzoli (1987, p.96)
<h3 class="spip">1. Avant-propos</h3>
Depuis plus de vingt ans, j'ai expérimenté diverses procédures de prises en charge et de demandes d'aides
psychothérapeutiques dans des contextes variés (Centre de Thérapie de l'Adolescence, cf Cirillo et al. 1990 -Centre
Psychiatrique Ambulatoire Territorial de Corcico, cf Covini et al. 1984).
Cependant, cet article décrit essentiellement le travail mené dans un centre de psychothérapie familiale, le Nuovo
Centro per lo Studio della Famiglia, fondé et dirigé pendant longtemps par Mara Selvini Palazzoli.
Dans tous ces contextes, l'une des difficultés essentielles concerne la gestion de la très fréquente absence de
coïncidence entre le demandeur et le bénéficiaire : un parent ou un autre membre de la famille sollicite une
intervention spécialisée pour un enfant ou un parent.
Dans la pratique psychiatrique ou psychothérapeutique, ce type de demande reçoit des réponses très différentes
selon le modèle thérapeutique de référence. J'entends traiter ici les réflexions systémiques-relationnelles qu'inspire
ce thème qui pèse grandement dans le choix des stratégies.
<h3 class="spip">2. L'abandon de la fiche téléphonique</h3>
Lorsqu'a débuté ma collaboration avec le Nuovo Centro en 1982, toutes les communications téléphoniques
concernant des nouvelles demandes de rendez-vous aboutissaient au secrétariat et étaient réorientées en fonction
des disponibilités de la thérapeute responsable des premiers contacts (Guliana Prata).
Elle menait un bref entretien, remplissait une fiche téléphonique (Selvini Palazzoli et al. 1978, p.20 ; Selvini Palazzoli
et al. 1990, pp.237-238) et, le cas échéant, fixait un rendez-vous avec l'une des équipes thérapeutiques.
Depuis 1985, nous continuons à recourir à la technique de la disponibilité téléphonique puisque nous considérons
que le rôle de filtre d'accès au cabinet des psychothérapeutes associés et de coordinateur doit être assuré par un
professionnel et non par une secrétaire.
Cependant, à partir de 1990, nous avons cessé de compléter la fiche durant l'appel téléphonique au profit
d'entretiens directs de prise en charge (Selvini, 1991) fixés par l'un des professionnels après une brève conversation
téléphonique qui avait lieu durant les permanences de chacun.
Dès ce moment, je suis devenu responsable des premiers entretiens avec les nouveaux usagers. Le premier motif
d'un tel changement fut initialement très concret vu que le nombre d'informations que nous estimions utiles d'avoir
avant la première séance familiale (Selvini Palazzoli et al. 1988) était en constante augmentation, les échanges
téléphoniques destinés à remplir la fiche devenaient de plus en plus longs, ce qui engendrait un double inconvénient
: a) la ligne téléphonique était constamment occupée ; b) cette opération longue était gratuite (puisqu'il nous
semblait peu élégant de demander des honoraires pour une première communication téléphonique).
Mais d'autres changements plus essentiels poussèrent à l'abandon de l'accueil téléphonique : nous nous dirigions
vers l'établissement d'une relation de moins en moins interventionniste et combative, plus centrée sur la collaboration
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avec les familles.
Nous étions en effet en train d'abandonner la logique du « harponnage » des familles avec des paradoxes ou des
prescriptions invariables, et sur cette voie, il était incontestablement préférable d'utiliser l'approche personnelle
directe avec un accueil plus chaleureux et une acceptation du patient. En définitive, nous commencions à penser
qu'il devenait intéressant que la première phase de la prise en charge thérapeutique ne soit pas menée en équipe,
mais au contraire par un seul professionnel : la réduction du coût s'allie avec la mise en place d'une attitude d'accueil
et de collaboration mieux ajustée.
Des informations plus nombreuses permettent une hypothétisation mieux élaborée, mais pour cela, une équipe n'est
pas forcément nécessaire.
<h3 class="spip">3. Diversité des cas traités</h3>
Cela fait donc treize ans que j'assume au Nuovo Centro le rôle de responsable des premiers contacts. Durant cette
période, environ 1000 familles sont venues, surtout pour de graves pathologies d'adolescents et de jeunes adultes
(troubles alimentaires, psychoses, troubles graves de la personnalité, dépressions, toxicomanies, déviances).
En examinant les données de mes « premières entrevues » (à l'aide d'un questionnaire auto-administré), je fus
surpris de constater une diminution constante des abandons après la première rencontre, c'est-à-dire du nombre de
patients qui ne reviennent plus après une première séance : de 30/40 % au début, on est passé à moins de 20 %
durant les dernières années.
Il est à noter qu'une série de recherches estiment à plus ou moins 50 %, le nombre de patients qui ne vont pas
au-delà d'une première séance avec un psychothérapeute (cf Talmon, 1996, pp.20-21).
Cette diminution du pourcentage d'abandons dans mes premiers entretiens m'a encouragé à écrire cet article parce
qu'elle confirme l'adéquation des changements de procédure qui furent progressivement mis en place.
Un certain pourcentage d'abandon est habituel, surtout dans un contexte ou le demandeur et le patient ne sont pas
la même personne.
Je ne traiterai pas ici la problématique de l'analyse de la demande, mais rappelons l'exemple du conjoint qui
demande une thérapie familiale dans le but agressif de nuire à l'autre conjoint.
D'une manière générale, il est évident qu'il est plus difficile d'élaborer un consensus sur un projet de thérapie pour
une famille entière, que pour une seule personne.
<h3 class="spip">4. Changements dans les procédures</h3>
Les changements introduits peuvent être synthétisés comme suit :
1. Transformation du premier contact téléphonique en une brève conversation visant uniquement à préparer et
négocier des invitations au premier entretien.
2. Invitation au premier entretien non seulement du demandeur (qui, dans la fiche téléphonique, était l'unique
porte-parole de la famille), mais aussi des autres membres de la famille.
3. Organisation du premier entretien comme une procédure semi-standardisée basée sur trois phases
fondamentales :
Définition descriptive du problème.
Explication psychologique du problème.
Proposition éventuelle d'un contrat de consultation psychothérapeutique.
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Le changement fondamental apporté à la procédure de prise en charge, du point de vue du « climat relationnel » ,
concerne surtout l'accueil centré sur l'acceptation, comme cela a déjà été mentionné, en vue d'éviter que les usagers
n'abandonnent la thérapie sur base de sentiments de culpabilité et de honte.
Aujourd'hui, l'idée fondamentale d'accueil se substitue à l'idée dépassée de neutralité qui était également comprise
comme la manière d'éviter d'entrer dans le jeu familial pathogène en action (Di Blasio et al., 1987).
Cette étape caractérise, me semble-t-il, une grande part de la thérapie familiale qui, dans les années 90, a évolué
globalement dans un sens « anti- autoritaire ».
De nombreux facteurs ont contribué à la crise des modèles plus interventionnistes (modèles stratégique/eriksonnien,
paradoxal, provocateur, prescripteur).
Parmi ceux-ci, la conception du rôle du thérapeute comme expert a été largement critiquée, autant par les
constructivistes et les constructionnistes sociaux que par les adeptes de l'approche narrative.
Le parti pris du courant de la psychoéducation en faveur du soutien prioritaire à fournir à la famille, est également un
facteur qui a contribué à cette crise. Il est évident que le follow-up direct des premiers entretiens n'est possible que
s'ils sont suivis d'une thérapie.
Toutefois, dans une série de cas, grâce aux contacts avec les envoyeurs et l'entourage, j'ai pu connaître les
motivations de certains abandons.
Le dénominateur commun le plus fréquent est la culpabilisation, le sentiment d'être accusé ou jugé, la honte.
En premier lieu, ces rétroactions m'ont conduit à réfléchir à mon inconscience parfois totale d'avoir induit de telles
réactions.
Il semble très probable qu'un certain pourcentage de familles soient très vulnérables sur ce plan ; dès lors, le
principal « accusé » dans ma recherche des explications possibles de ces sentiments que j'avais involontairement
induits, est devenu le mode « standard » d'explications que je proposais depuis la moitié des années 90 pour justifier
une consultation familiale ; nous l'avions synthétisé dansLes jeux psychotiques dans la famille (Selvini Palazzoli et
al., 1990, p.249) :
« En premier lieu, je dois vous expliquer la ligne directrice de notre mode de travail. Il consiste à chercher ce qui n'a
pas fonctionné dans les relations entre les différents membres de la famille. En effet, nous pensons que les
problèmes personnels du patient sont en prise directe avec les relations familiales et tout spécialement avec les
difficultés que rencontrent ses parents entre eux ».
J'ai acquis la conviction qu'un tel message (qui peut être exprimé aussi en d'autres mots) pouvait être incorrect, voire
dangereux puisqu'il impliquait une causalité linéaire fallacieuse qui liait le symptôme uniquement aux mauvaises
relations dans la famille, en nette contradiction avec une vision complexe, circulaire et multifactorielle du
symptôme.
En effet, ce message exclut du champ d'observation aussi bien le niveau intrapersonnel dans la détermination du
symptôme, c'est-à-dire le rapport de la personne à elle-même, que les influences microsociales et culturelles au-delà
de la famille étendue.
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J'ai donc fait l'hypothèse qu'un tel message formulé à toutes les familles dans une perspective relationnelle radicale,
de manière stéréotypée, s'avérait finalement banal pour nombre d'entre elles, alors qu'au contraire, il pouvait être
vécu comme arbitraire et accusatoire par d'autres.
Ceci m'a conduit à une modification théorique et pratique de la manière dont je proposais la consultation familiale qui
se résumerait ainsi : « le témoignage de tous les proches est décisif et précieux pour comprendre les origines
du problème au sein d'un processus évolutif personnel » .
Cette attitude dans la prise en charge ne doit pas être considérée comme une tactique perfide ou hypocrite puisqu'il
s'agit bien d'un changement de modèle clinique de référence.
Le modèle systémique classique est purement relationnel : le symptôme du patient désigné y est vu comme
l'expression d'un problème familial.
Un tel réductionnisme systémique est objectivement culpabilisant pour les proches et a pour effet de mettre le patient
dans une position de victime, ce qui n'est certainement pas une bonne opération thérapeutique.
Autrefois, on cherchait à y remédier en avançant l'hypothèse de l'existence d'une intention active (toujours
hyper-relationnelle) chez le patient lui-même (qu'on présentait comme le sauveur de ses proches).
L'annulation du niveau d'élaboration individuelle (c'est-à-dire la manière dont l'individu gère son état mental)
empêche inévitablement l'utilisation de l'idée clé de la psychologie clinique à propos de la manière dont chaque
individu construit ses propres systèmes de croyance (ou de défense) indispensables à sa survie psychique (Bowlby
1988).
Ces considérations sont à la base de l'élaboration du modèle clinique individuo-relationnel dont s'inspire cet article.
<h3 class="spip">5. Le premier contact téléphonique</h3>
Comme je l'ai déjà évoqué, dans la pratique de Mara Selvini Palazzoli et de son équipe, l'esprit de la première
communication téléphonique a été pendant de nombreuses années fortement interventionniste et autoritaire, en
accord avec la philosophie thérapeutique de la phase du paradoxe, de la prescription invariable et du dévoilement du
jeu (Selvini Palazzoli et al., 2002, pp.71-82) :
Convocation à la première séance familiale de tous les membres cohabitants, sans exception.
Refus de contacts préliminaires singuliers avec des membres de la famille (afin d'éviter la révélation d'éventuels
secrets familiaux (Selvini Palazzoli & Prata, 1988).
Demande d'informations synthétiques et structurées basées sur le symptôme et sur la composition de la famille
(Selvini Palazzoli et al., 1978, pp.20-21).
Aucune information n'est donnée à l'exception de ce qui concerne la convocation, le coût des séances et le
programme de 10 séances familiales maximum.
La philosophie à la base d'une telle approche thérapeutique est de renvoyer immédiatement un message intense de
changement : le « patient », c'est la famille entière ; aucune relation privilégiée ou confidentielle ne sera accordée ; la
relation thérapeutique sera imprégnée d'un esprit directif et inégalitaire.
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