Evaluation de la fonction rénale en TDM multi-détecteurs en routine clinique : faisabilité B Sauer, L Gengler, I Marzouk-Moussa, C Roy Service de radiologie B Hôpital civil, CHU Strasbourg Introduction La tomodensitométrie a supplanté toutes les techniques conventionnelles d’exploration rénale Le bilan morphologique permet une analyse précise de l’anatomie et des pathologies rénales L’imagerie fonctionnelle des différents organes est très probablement le futur développement à venir Objectifs Nous avons évalué la faisabilité en routine clinique de l’évaluation de la fonction rénale lors d’une acquisition multiphasique en utilisant la méthode de Patlak Filtration glomérulaire Néphron Distribution du produit de contraste Les PDC iodés sont filtrés par le rein sans réabsorption, ni excrétion La voie d’élimination des PDC est rénale quasi-exclusivement (95%, biliaire à 5%) Filtration glomérulaire Filtration glomérulaire Rein Plasma (Réabsorbtion) Modèle pharmacocinétique tricompartimental de distribution des produits de contraste iodés Sécrétion Urine Principe de la méthode de Patlak Mesure de la filtration glomérulaire tomodensitométrie par On considère que le rein contient deux composantes : une composante néphronique et une composante vasculaire (la composante interstitielle est négligée) L’objectif est de mesurer la composante néphronique qui est le reflet de la filtration glomérulaire Absorbtion des rayons X et PDC iodés La mesure de la densité en unité Houndsfield des produits de contraste est strictement proportionnelle à leur concentration. Ainsi en mesurant par exemple la densité de l’aorte, on a un reflet exact de la concentration vasculaire en iode UH Concentration en iode Principe de la méthode de Patlak On mesure la densité globale de chaque rein : c’est à dire la somme des deux composantes (vasculaire et néphronique) La composante vasculaire est estimée par la mesure de la densité aortique Le préalable à la mesure de la densité vasculaire est la prise en compte de l’hématocrite. En effet, le PDC ne se distribue que dans le plasma et seul le plasma est filtré; il faut « soustraire » les globules rouges pour le calcul Globules Mesure de la densité aortique PLASMA Matériel et méthodes Etude prospective sur 22 patients en TDM volumique multiphasique sur Aquilion 64 (Toshiba). Nous utilisons une méthode de Patlak pour mesurer la fonction rénale en TDM que nous comparons aux clairances de la créatinine Protocole d’acquisition Phase sans injection abdominale Injection de 80 à 100 ml de PDC iodé (ioméron 400®) à 4mL/seconde suivi de 50 mL de sérum physiologique Phase artérielle après détection du bolus (seuil 280 UH) Phase parenchymateuse réalisée 60 secondes après la phase artérielle Mesure de la composante vasculaire L’objectif est d’obtenir la courbe de rehaussement aortique UH Temps Mesure de la composante vasculaire Nous mesurons la densité de l’aorte lors de l’arrivée du bolus Mesure de la composante vasculaire Puis, nous mesurons la densité de l’aorte aux phases sans injection, artérielle et parenchymateuse La soustraction des valeurs du bolus tracking, de la phase artérielle (A) et de la phase parenchymateuse (P) par la valeur sans injection (SI) donne le rehaussement et reflète ainsi la concentration d’iode à ces différentes phases rehaussement artériel = A - SI Mesure du volume chaque rein Par contourage, nous segmentons chacun des 2 reins sur la phase parenchymateuse puis nous calculons ainsi son volume Le contourage inclus le cortex et la médullaire mais exclut les cavités ainsi que les vaisseaux au niveau du hile rénal Mesure du volume des reins Mesure de la densité moyenne de chaque rein Sur des MPR frontales, mesure de 3 densités sur un contourage englobant tout le rein en incluant le cortex et la médullaire mais excluant les cavités ainsi que les vaisseaux au niveau du hile rénal Ces mesures sont effectuées sur les phases sans injection, artérielle et parenchymateuse Mesure de la densité moyenne de chaque rein Mesure de l’atténuation globale de chaque rein En multipliant la densité moyenne à chaque phase par le volume rénal, on obtient la densité globale de chaque rein pour chaque phase En soustrayant les résultats des phases artérielle (A) et parenchymateuse (P) par les résultats à la phase sans injection (SI) on obtient le rehaussement global à chaque phase Rehaussement global artériel = P - SI Mesure la composante néphronique Nous considérons que le rein ne contient que deux composantes : la composante néphronique et la composante vasculaire (la composante interstitielle est négligée) La contribution vasculaire a été mesurée par la mesure de la courbe aortique. Le rehaussement global (somme des 2 composantes) du rein a été mesuré. Nous pouvons donc mesurer la clairance de chaque rein (composante néphronique) Résultats les mesures de clairance par la méthode de Patlak sont fiables mais sont inférieures aux clairances de la créatinine calculé selon la formule de Cockcroft d’environ 10 mL/minute Résultats Par contre, cette méthode est relativement longue et laborieuse manuellement. Au début de l’étude il fallait environ 40 minutes pour mesurer la clairance rénale Avec la progression, un temps moyen de 20 minutes reste nécessaire même quand elle est réalisée par un manipulateur entraîné, ce qui est en pratique quotidienne n’est pas envisageable Discussion Un des avenirs les plus prometteurs de l’imagerie est la réalisation de mesures de fonction d’organe Dans ce cas, la méthode présentée permet d’obtenir ces données en plus de l’acquisition morphologique classique sans aucun préjudice pour le patient : il n’y a pas nécessité de phase supplémentaire (donc aucune irradiation), ni d’utilisation d’autres agents pharmacologiques supplémentaires. Discussion Toutefois cette méthode dans sa forme actuelle a quelques limites dont la plus importante est le temps-manipulateur pour la réaliser Cette méthode ne pourra devenir routinière que quand nous disposerons de logiciels de segmentation fiable permettant de calculer facilement et surtout rapidement des mesures de volume et de densité globales (réalisation de VOI intégrant ces mesures) Discussion Les quelques essais jusqu’alors effectués par notre équipe se sont révélés décevants : en effet la segmentation sur le principe de seuillage de densité s’avère infructueuse dès qu’il existe un contact avec le foie ou la rate Limites De plus, la méthode utilisée mesure l’atténuation globale du rein en incluant à la fois le cortex et la médullaire La médullaire ne contient aucun glomérule (que des tubules): elle ne participe pas à la filtration glomérulaire (seulement aux mécanismes de réabsorption et de concentration de l’urine) La mesure de la densité en incluant la médullaire est donc soumise à beaucoup de variation dont le principal déterminant est l’état d’hydratation. C’est le principal facteur expliquant la sous-estimation des valeurs par la méthode utilisée Discussion La mesure de la densité globale limitée au cortex est possible lors de la phase artérielle mais elle est impossible lors de la phase parenchymateuse car il est difficile de distinguer la médullaire et le cortex Limites Nous avons considéré que le rein ne contient que deux composantes : la composante néphronique et la composante vasculaire La composante interstitielle est négligée, elle représente environ 7% du volume, mais cette part augmente en cas d’insuffisance rénale (en particulier en cas d’obstruction) De plus, en cas d’insuffisance rénale l’excrétion biliaire du PDC iodé augmente un peu ce qui contribue aussi à fausser la mesure Limite du référentiel La clairance créatinine par la formule de Cockcroft n’est qu’un reflet de la filtration glomérulaire En effet, en cas d’insuffisance rénale il existe une sécrétion tubulaire de la créatinine Cette clairance reste souvent une référence très utilisée, notamment du fait de sa simplicité Limite du référentiel La scintigraphie reste la référence pour la mesure de clairance différentielle Toutefois, selon le traceur utilisé la mesure reflète la filtration glomérulaire plus ou moins teintée par une sécrétion tubulaire La mesure de la clairance différentielle en tomodensitométrie est une alternative tout à fait prometteuse Conclusion La mesure de la fonction rénale en utilisant un protocole triphasique classique est fiable Elle est un complément qui sera à l’avenir indispensable en plus des informations morphologiques fournies par la TDM Il est nécessaire de développer des logiciels d’analyse automatique pour une utilisation en routine Références • Daghini E, Juillard L, Haas JA, Krier JD, Romero JC, Lerman LO. 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