peut-on utiliser les marques des concurrents a titre

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PEUT-ON UTILISER LES MARQUES DES CONCURRENTS A
TITRE DE MOTS-CLES ?
Par Nicolas DEMILLY
Conseil en Propriété Industrielle,
Cabinet REGIMBEAU
Pas de contrefaçon pour les annonceurs ni de responsabilité pour Google en cas
d’achat de mots-clés de marques concurrentes.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt le 25
septembre 2012 concernant l’utilisation de marques concurrentes à titre de mots-clés
dans un moteur de recherche, appliquant les principes édictés par l’arrêt de la Cour de
Justice du 23 mars 2010, Google/Louis Vuitton, BDV, Eurochallenges.
Elle a jugé que l’annonceur qui achète à Google des mots-clés comportant des
marques de concurrents qui suscitent l’affichage de liens commerciaux et renvoient
vers ses sites ne porte pas atteinte à la fonction d’identification d’origine de la
marque et ne constituent donc pas un acte de contrefaçon.
Elle a tout d’abord rappelé que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un
annonceur de faire, à partir d’un mot-clé identique à sa marque, que l’annonceur a,
sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de
référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou services identiques à
ceux pour lesquels la marque a été enregistrée, dès lorsqu’un tel usage est susceptible
de porter atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque ; qu’une telle
atteinte est caractérisée lorsque l’annonce, tout en ne suggérant pas l’existence d’un
lien économique, reste à tel point vague sur l’origine des produits ou des services en
cause qu’un internaute normalement informé et raisonnablement attentif n‘est pas en
mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial qui y est
joint, si l’annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque ou, bien au
contraire, économiquement lié à celui-ci.
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Elle a toutefois estimé dans la présente affaire que les annonces, qui sont classées sous
la rubrique “liens commerciaux” et qui s’affichent sur une colonne nettement séparée
de celle afférente aux résultats naturels de la recherche effectuée, avec ces mots clés,
sur le moteur de recherche de Google, comportaient des messages qui, en eux-mêmes,
se limitaient à désigner le produit promu en des termes génériques ou à promettre des
remises, sans référence implicite ou explicite aux marques, et étaient chacune suivies
de l’indication, en couleur, d’un nom de domaine ne présentant aucun rattachement
avec le demandeur. Chaque annonce était donc suffisamment précise pour permettre à
un internaute moyen de savoir que les produits ou services visés par ces annonces ne
provenaient pas du demandeur ou d’une entreprise qui lui était liée économiquement
mais, au contraire, d’un tiers par rapport au titulaire des marques.
Elle n’a également pas retenu la responsabilité des sociétés Google en soutenant qu’en
offrant un service permettant, à partir de ces mots clés, l’affichage de liens
commerciaux renvoyant aux sites internet de sociétés concurrentes, les sociétés Google
n’avaient commis aucun acte de démarchage ou de détournement de clientèle dans la
mesure où l’usage des mots clés incriminés ne présentait aucun caractère répréhensible
et que les différentes annonces n’étaient pas illicites.
Le TGI de Nanterre vient également de rendre un jugement semblable en jugeant que
l’achat d’un mot clé représentant la marque d’un tiers ne constitue pas une
contrefaçon si l’annonce qu’il déclenche permet à l’internaute normalement
informé et moyennement attentif de déterminer qu’il n’existe aucun lien entre le
site internet de l’annonceur et la marque en cause.
La Cour d’appel de Lyon, dans son arrêt du 19 janvier 2012 avait même été plus loin en
estimant que le titulaire d’une marque qui intervient auprès d’un prestataire
internet afin de faire supprimer le mot-clé choisi par un annonceur dans le cadre
d’un service de référencement sur Internet commet un acte de concurrence
déloyale. L’usage d’un mot-clé identique à la marque relève, en principe, d’une
concurrence saine et loyale dans le secteur des services concernés, dès lors que la
publicité propose une alternative aux services du titulaire, sans porter atteinte aux
fonctions de sa marque.
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Ces décisions sont à mettre en parallèle avec celles de la Cour de Cassation en matière
de droits d’auteur qui ne reconnaît pas la responsabilité d’hébergeurs de sites ayant
remis en ligne des vidéos après les avoir retirées quelque temps suite à une notification
les signalant comme litigieuses.
La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 13 juillet 2012, a toutefois considéré que la
reprise du nom de domaine d’un concurrent à titre de mot-clé dans le service
Adwords de Google constituait un acte de concurrence déloyale et un acte de
parasitisme du fait de l’immixtion dans le sillage économique du titulaire du nom de
domaine.
L’équilibre entre respect des droits de propriété intellectuelle ou des bonnes pratiques
commerciales et la liberté d’action des hébergeurs est toujours aussi délicat à atteindre
et les décisions difficiles à prévoir !
Paris, le 1er octobre 2012
Par Nicolas DEMILLY
([email protected])
Conseil en Propriété Industrielle
A propos de REGIMBEAU:
REGIMBEAU, Conseil en Propriété Industrielle, accompagne depuis 80 ans les entreprises et les porteurs de
projets des secteurs privés et publics, pour la protection, la valorisation et la rentabilisation de leurs
innovations (brevets, marques, dessins et modèles). 9 associés animent une équipe de près de 200
personnes, dont les compétences s'exercent dans tous les aspects stratégiques de la propriété industrielle:
veille technologique, contrats de licence, audit de portefeuilles de PI, négociations dans le cadre de
partenariat, acquisition des droits, contentieux. L’expertise de REGIMBEAU (présent à Paris, Rennes, Lyon,
Grenoble, Montpellier, Toulouse, Caen et Munich) permet de répondre à des logiques stratégiques
internationales, tout en préservant des relations personnalisées de très haute qualité avec ses clients.
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