breve janvier-fevrier 2013

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BREVE JANVIER-MARS 2013
USAGE NON AUTORISÉ DE LA MARQUE D’AUTRUI SUR UN SERVICE DE
RÉFÉRENCEMENT, QUELLES RESPONSABILITÉS ?
LA JURISPRUDENCE GOOGLE ADWORDS
Internet joue aujourd’hui un rôle essentiel dans la visibilité des entreprises, notamment grâce
à des services de référencement qui permettent une présence optimale sur la toile. Le
service de référencement payant Google Adwords permet de réserver des mots-clés afin de
diffuser au mieux une annonce sur les pages de recherche Google, laquelle apparaitra en
tête des résultats dans la rubrique « liens commerciaux ».
A des fins d’efficacité, la réservation comme mot-clé de la marque d’un tiers est devenue
pratique courante, ce qui plonge régulièrement Google Adwords au cœur de la
jurisprudence.
1. Cette situation délicate constitue, pour le titulaire de la marque, une réelle atteinte qu’il
souhaite voir sanctionnée. Quels sont les moyens dont il dispose pour ce faire ?
A cet égard les juridictions communautaires ont dégagé des principes qui sont régulièrement
appliqués par les juridictions nationales, invitées à se prononcer sur la question de la
responsabilité tant de Google que de l’annonceur. Elles adoptent une position libérale et
considèrent que l’usage de mots-clés est un élément déterminant pour assurer la libre
concurrence au sein du e-commerce, fussent-ils constitués des marques de concurrents, et
ce, au détriment des titulaires de marques.
Engager la responsabilité de Google : au vu de la jurisprudence, certes récente mais
constante, cela semble malaisé. En effet, en sa qualité de prestataire de services (CJUE, 23
mars 2010, Google France c/ Louis Vuitton), Google est présumé bénéficier de l’exonération
de responsabilité au titre des informations stockées, prévue par l’article 14 de la directive du
8 juin 2000 sur le commerce électronique.
Seule la preuve, par le titulaire de la marque, du rôle actif de Google permet d’écarter ce
régime ; il faut pour cela établir que Google a une connaissance ou un contrôle sur un lien
commercial illicite (Cass. com., 25 septembre 2012, SAS Auto IES). La responsabilité de
Google pourra par exemple être retenue si, après avoir été informé de la présence d’un lien
commercial illicite, il ne procède pas promptement à son retrait.
Dans tous les cas, puisqu’il est nécessaire que le lien commercial soit illicite, l’absence de
responsabilité de l’annonceur bénéficie à Google…
Engager la responsabilité de l’annonceur : il faudra pour cela répondre à des conditions
très précises, outre les conditions générales que sont :
- l’absence d’autorisation du titulaire de la marque, en effet, l’article L713-2 du Code de la
Propriété intellectuelle prohibe, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition
d'une marque ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux
désignés dans l'enregistrement ; et
- l’usage, dans la vie des affaires et à titre de marque, d’un signe identique ou similaire à la
marque pour des produits ou services identiques ou similaires (mais il a été jugé qu’en raison
de la brièveté des annonces, il est possible de condamner un annonceur même en
l’absence de mention expresse de produits ou services identiques ou similaires dans
l’annonce : CJUE, 8 juillet 2010, Portakabin).
Il faudra aussi que cet usage porte atteinte à l’une des fonctions essentielles de la marque
(CJUE, 22 septembre 2011, Interflora c/ Marks & Spencer).
Il y aura, par exemple, atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque, si
l’annonce crée une confusion ou est vague quant à l’origine des produits ou services. Cette
analyse doit être faite au cas par cas, en tenant compte de tous les éléments pertinents,
notamment la façon dont l’annonce est présentée.
De même il y a atteinte à la fonction d’investissement de la marque si l’annonce crée une
gêne substantielle ou porte atteinte à la réputation de la marque, mettant en péril le
maintien de celle-ci.
Au contraire, un service de référencement ne porte jamais atteinte à la fonction de publicité
de la marque.
Des fondements alternatifs pourraient-ils permettre d’engager la responsabilité de Google
et/ou l’annonceur et faire cesser le trouble porté à la jouissance de la marque ? La
jurisprudence semble hostile tant à des actions en contrefaçon qu’en concurrence déloyale
ou publicité trompeuse, comme l’illustre un arrêt récent de la Cour de Cassation du 29 janvier
2013 (Cass. com., 29 janvier 2013, SARL Solutions c/ Google France).
2. Dans ce contexte où il est délicat pour le titulaire de la marque de réussir à engager la
responsabilité de Google et/ou de l’annonceur, quelles possibilités s’offrent à vous pour
conserver le contrôle de votre marque et de son usage sur internet ?
- Dans un premier temps, il vous est conseillé de mettre en place des surveillances afin
de réagir au mieux et dans les meilleurs délais aux usages non autorisés de votre marque
lorsque les conditions d‘atteinte sont réunies.
- D’autre part, il convient, malgré les obstacles jurisprudentiels précités, de continuer à
mener une pression vis-à-vis à la fois de Google et des annonceurs en adressant des lettres
de réclamations circonstanciées, et en n’hésitant pas le cas échéant et en fonction des
circonstances de l’espèce, à faire valoir vos droits en justice : pour exemple récent, il y a eu
condamnation partielle, le 15 janvier 2013, d’un annonceur qui utilisait la marque d’un
concurrent non seulement comme mot-clé mais également dans le titre de son annonce
(TGI Bordeaux, 15 janvier 2013, Erco & Gener c/ Sphinx Connect France).
- Google propose aussi certaines fonctionnalités facilitant les choses, parmi lesquelles
la possibilité d’exclure des mots-clés. Il arrive qu’un annonceur ne réserve pas exactement
votre marque comme mot-clé mais seulement une partie de cette marque ; vous pouvez
demander à cet annonceur, dans une démarche amiable, d’ajouter votre marque dans sa
liste de mots-clés à exclure, afin que son annonce n’apparaisse plus dans les résultats d’une
recherche portant sur votre marque.
- Enfin, une doctrine propose de générer un risque de confusion en demandant à vos
partenaires commerciaux de réserver eux-aussi, et licitement grâce à votre autorisation,
votre marque comme mot-clé. En effet, les internautes ne seront plus en mesure de distinguer
entre les entreprises liées économiquement à la vôtre et celles qui ne le sont pas, ce qui
constituera une atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque et pourra être
utilisé contre les annonceurs non autorisés à utiliser votre marque.
A tout le moins, bien encadrée, cette pratique aura l’avantage d’augmenter la visibilité de
votre marque sur Internet en renforçant le référencement de vos revendeurs, distributeurs…
Les experts de notre cabinet restent donc à votre entière disposition pour étudier la meilleure
stratégie de défense de vos marques dans ce cadre, et mettre en place un service de veille
adapté à vos besoins.
Delphine BOY, Conseil en Propriété Industrielle, Mandataire OHMI
en collaboration avec Léonore TAMISIER
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