L’Encéphale (2008) 34, 309—310 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep LETTRE À LA RÉDACTION La crénotherapie, traitement du TAG Introduction Environ 10 000 patients sont traités chaque année par cure thermale d’une durée conventionnelle de trois semaines et 60 % des curistes renouvellent leur cure au moins une deuxième année consécutive. Une action favorable sur l’anxiété, les troubles du sommeil et la dépression a été signalée, avec des améliorations symptomatiques estimées entre 50 et 80 % [1,2,4] et une baisse de la consommation médicamenteuse anxiolytique et hypnotique de 30 à 60 % [1,2,6]. Nous avons mis en place une étude visant à évaluer l’efficacité de la crénothérapie dans le trouble anxieux généralisé (TAG) [4,5]. Ce protocole a été validé par l’Anaes. Méthodologie Cet essai randomisé a comparé le thermalisme à orientation psychosomatique dit «TOP» (appellation du thermalisme psychiatrique) à la paroxétine pour le traitement du trouble anxieux généralisé. Quatre stations thermales nationales ayant l’indication TOP ont participé à l’étude.1 Ont été sélectionnés les patients répondant aux critères du TAG selon le DSM-IV et ayant un score à l’échelle Hama (échelle de Hamilton) supérieur ou égal à 20, avec au moins huit points aux symptômes somatiques de l’Hama. Le prérecrutement a été assuré par les médecins généralistes exerçant à proximité des stations thermales. Cent vingt-sept médecins généralistes ont signé leur accord de participation à l’étude, 68 ont inclus au moins un patient, 28 en ont inclus au moins trois et neuf au moins six. Le médecin généraliste s’assurait de la présence de critères DSM-IV pour le TAG et cotait l’Hama (≥20 points). Les patients présélectionnés par le médecin généraliste étaient orientés vers le médecin investigateur, médecin indépendant formé aux outils d’évaluation et encadré par l’unité Inserm de l’Isped de Bordeaux-2. 1 Bagnères-de-Bigorre (65200), Néris (03310), Saujon (17600), Ussat-les-Bains (09400). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2007.09.003 Le médecin investigateur confirmait à j0 l’existence du TAG (critères DSM-IV) et vérifiait le score à l’échelle Hama. Il s’assurait ensuite de la validité du TAG à l’aide du MINI, en éliminant les comorbidités suivantes : épisode dépressif majeur, risque suicidaire supérieur à léger, épisode hypomaniaque ou maniaque, TOC, dépendance alcoolique ou toxique, troubles psychotiques, anorexie mentale, personnalité antisociale. Les critères de non-inclusion étaient les suivants : • un traitement antidépresseur débuté depuis moins de deux mois, traitement anxiolytique ou neuroleptique débuté depuis moins de trois semaines ; • une psychothérapie débutée dans les trois derniers mois ; • une cure thermale dans les six derniers mois ; • la prise de paroxétine dans les 12 derniers mois. Seuls les patients âgés de 18 à 75 ans étaient inclus. Sur les 318 patients prérecrutés par les médecins généralistes, 237 ont été inclus par le médecin investigateur puis tirés au sort en deux groupes : • dans le premier groupe, le patient suivait une cure thermale de trois semaines associant quotidiennement bains bouillonnants, douches thermales et massages sous l’eau, qu’il débutait dans les 48 heures suivant l’entrée dans le protocole ; • dans le deuxième groupe, le patient recevait le traitement par paroxétine dès j0 ; pour les patients qui le souhaitaient, une cure thermale était offerte après S8, afin d’égaliser les deux groupes. L’évaluation a eu lieu à l’issue d’un suivi de huit semaines avec trois consultations réalisées à S1, S3 et S5 par le médecin traitant et trois consultations à S4, S6 et S8 par le médecin investigateur en plus de S0. Le critère principal d’évaluation mesuré à S8 était le score à l’Hama. Résultats Les deux échantillons ont été parfaitement comparables. Trente patients ont soit abandonné, soit été perdus de vue (13 %), ce qui représente un pourcentage classique pour tout 310 essai clinique [3]. La répartition de ces 30 patients a été équivalente dans les deux groupes (17 et 13). Deux cent sept patients ont pu être évalués à S8 avec 12,28 points de réduction symptomatique à l’Hama (score initial ± DS : 24,4 ± 3,7), soit 50,12 % d’amélioration pour le groupe « cure thermale » et 8,52 points (score initial : 23,9 ± 3,4), soit 35,6 % d’amélioration pour le groupe « paroxétine », soit 3,76 points d’écart entre les deux groupes, ce qui constitue une différence significative en faveur du groupe « cure thermale » (p < 0,0001). Si l’on remplace les valeurs manquantes à S8 par la valeur observée à S4, ou en son absence par la médiane de distribution observée tous groupes confondus, on obtient −12,04 points pour le groupe « cure thermale » et -8,75 points pour le groupe « paroxétine », soit une différence significative (p < 0,0001) de 3,29 . Si l’on remplace les valeurs manquantes à S8 par un chiffre d’évolution nulle dans le bras « cure thermale », et un chiffre d’évolution médiane dans le bras « paroxétine » (condition la plus défavorable pour le bras « cure thermale »), on obtient une différence de 2,40 points, encore significative en faveur du groupe « cure thermale » (p < 0,005). Discussion Quatre remarques renforcent l’intérêt de ces résultats : • le temps principal d’évaluation à S8, cinq semaines après la fin de la cure thermale, indique que l’effet cure se maintient au-delà du temps de la cure. Cet effet tend même à se renforcer avec le temps puisque dans le bras « cure thermale » les résultats sont plus favorables à S8 qu’à S4 (+2,63 points d’amélioration supplémentaire) ; • le moindre nombre d’évènements indésirables dans le groupe « cure thermale » (74), comparativement au groupe « paroxétine » (162) avec un moindre nombre de sujets se plaignant d’effets indésirables (36 dans le groupe « cure thermale » contre 60 dans le groupe «paroxétine ») ; • la confirmation des résultats par une autre hétéroévaluation (CGI) (p < 0,001) et par une autoévaluation (échelle Bate) (p < 0,001) ; • les patients ont été recrutés localement et retournaient donc après leurs soins, d’une durée d’environ une heure à une heure et demie, à leur domicile : l’effet cure observé Lettre à la rédaction ne peut être attribué à une extraction du domicile ou à un éloignement des stresseurs. Conclusion Cette étude démontre l’efficacité thérapeutique de la crénothérapie dans le TAG à huit semaines avec supériorité significative par rapport à la paroxétine. Références [1] Arnauld A. Évolution de l’humeur et de l’anxiété au cours de la cure hydrothérapie de Saujon. Mémoire, Bordeaux, 1981. [2] Beneytout. Évolution des manifestations psychiques et somatiques de la névrose d’angoisse sous l’influence de la cure thermale de Saujon. Thèse, Poitiers, 1991. [3] Boulenger JP, Capdevielle D. Le traitement pharmacologique de l’anxiété généralisée : utilisation rationelle et limitations. Encéphale 2007;33:84—94. [4] Constant J. Étude de l’efficacité de la cure thermale de Divonne dans l’indication de dépression. Divonne les Bains, 1995, Communicaton personnelle. [5] Dubois O, Boulangé M, Lô H. Thermalisme, hydrothérapie et psychiatrie. Paris: Masson; 2000. [6] Vidart L. Note statistique sur 300 cas d’insomnie traitée en milieu thermal. Ann Med Psychol 1977;135(1,5):812—21. O. Dubois ∗ Établissement thermal, B.P. 30, 17600 Saujon, France R. Salamon C. Germain Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement, université de Bordeaux-2, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux cedex, France C. Vaugeois Le Manoir, 09400 Ussat-les-Bains, France A. Galinowski J.-P. Olié Service hospitalo-universitaire, hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Dubois)