mon expérience de mère au service de la politique alimentaire !

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Fanny Bovetto, adjointe au maire chargée des affaires scolaires
à Briançon (Hautes-Alpes, 12 300 habitants)
« Mon expérience de mère au service
de la politique alimentaire ! «
La plus haute ville d’Europe (1 326 m)
est aussi celle qui produit le moins de
légumes de saison : le foncier local est
rare et escarpé, le climat est plutôt favorable à l’élevage et à l’arboriculture
(pommes, poires). Pas de quoi freiner
l’enthousiasme de l’équipe municipale et de ses techniciens qui mettent
au menu la santé, l’éducation au goût,
le bio (38 %) et le local. Briançon est
aussi ville active PNNS et adhère au
réseau des villes santé OMS.
Q
uelles évolutions a connues votre restauration municipale ?
Il y a eu pas mal de travail accompli et ça continue ! Voilà six ans que je gère le dossier de la
restauration collective locale. Au début, nous
partions de loin. Nous nous étions interrogés
sur l’opportunité de conserver une régie ou de
déléguer le marché, il n’existait qu’un centre
de préparation et de prise des repas : ambiance
bruyante, enfants acheminés en bus... Quant à la
qualité, on avait trop tendance à ouvrir des boîtes,
l’équipe en cuisine était très resserrée et faisait de
l’assemblage.
Six ans plus tard, les choses vont beaucoup
mieux. Seules deux écoles déjeunent encore à la
cuisine centrale, les autres sont livrées en liaison
froide sur sept espaces de restauration équipés de
cuisines satellites qui remettent en température.
L’idéal aurait été la liaison chaude mais je tire
déjà tellement sur les budgets avec le soutien du
maire qui assure un portage politique fort que je
ne peux pas tout me permettre !
Qu’est-ce qui a changé dans les approvisionnements et dans le travail en cuisine ?
Il y a d’abord eu la rencontre déterminante de
la plate-forme de producteurs Échanges Paysans Hautes-Alpes, je crois en 2012. Ils nous
ont contactés, nous ont présenté la liste des producteurs locaux affiliés, aussi bien en bio qu’en
conventionnel ou en raisonné. C’est à partir de
ce moment qu’on a changé notre procédure d’appels d’offres. Auparavant, on avait par exemple
un lot pour tel tonnage de légumes ou de fruits
à l’année, et on se retrouvait avec l’offre de gros
opérateurs. Désormais on a une multitude de
lots très détaillés. En fait on s’est adaptés à la
demande de la plate-forme qui répond pour ses
producteurs aux appels d’offres. Les producteurs
eux-mêmes ne sont pas familiarisés au code des
marchés publics, ils gagnent un temps précieux.
Il y a donc un lot viande de boeuf, un lot cerises,
un lot pommes... Dans le cahier des charges on demande aussi un délai de 24 heures maximum entre
la cueillette et la livraison. De même les producteurs doivent pouvoir assurer des démonstrations
lors de nos animations : voilà selon nous les différents moyens d’ancrer nos approvisionnements
sur le territoire ! Cette démarche est d’ailleurs
encouragée par l’État. Je reviens il y a peu d’une
réunion en préfecture où le préfet lui-même nous a
exhorté à recourir au local pour la restauration collective, un guide pratique a été édité pour faciliter
les achats locaux.
pas est de 6,14 €, dont 2,60 € pour le seul coût
matières, 2,66 € pour la masse salariale et le reste
en frais divers et consommables. Ce sont des prix
de revient raisonnables si on les compare à la
moyenne en restauration collective.
Quelles actions éducatives mettez-vous en place
pendant et autour du temps repas ?
Depuis février 2016, on trie et on pèse les déchets. Dans la démarche de certification En cuisine d’Ecocert, des chiffres nous sont demandés
pour alimenter les données de l’observatoire mis
en place au côté d’Un Plus Bio. Ce sont les enLe changement n’a pas été trop lourd à porter pour
fants qui pèsent et qui trient. Pour les menus, nous
les équipes ?
nous sommes appropriés les recommandations du
La seule volonté politique, si elle est essentielle, GEM-RCN afin d’adapter les grammages et les
ne suffit pas. En tant qu’élue, j’ai la chance de fréquences des aliments. Sur cinq jours de respouvoir compter sur le maire et, surtout, sur l’ef- tauration, il y a un jour sans produits carnés avec
ficacité et l’enthousiasme de Nathalie Allamanno, valorisation des protéines végétales, un jour avec
poisson ou mollusques (les
chargée des cantines au serenfants adorent les moules,
vice des affaires scolaires.
« La seule volonté
une fois par mois !) et les
C’est plutôt du côté des
autres jours avec viande.
cuisines et des personnels
politique, si elle
Chaque restaurant scolaire
du temps repas que le chanest équipé d’un composteur,
gement a surpris au départ.
est essentielle,
il y a même eu des poules à
Acheter de nouveaux matéun moment, mais leur disriels (par exemple un four
parition brutale à cause des
vapeur à basse température
ne suffit pas »
renards et des fouines a traupour cuire la nuit), installer
matisé les enfants. Enfin il
une légumerie, se former
à de nouvelles techniques culinaires : si on veut y a des ateliers cuisine et, dans le cadre des activichanger nos habitudes pour aller vers plus de qua- tés périscolaires, des jeux autour de l’alimentation
lité, il faut faire un effort dont je dois dire que les et de la santé...
équipes sont désormais largement convaincues...
même si, c’est vrai, on leur demande toujours Qu’est-ce qui vous motive personnellement dans
plus ! Mais le métier de cuisinier est revalorisé, votre délégation ? Vous semblez maîtriser les
et celui des Atsem tout autant. Autrefois les em- maillons parfois subtils de la chaîne des acteurs !
ployées mangeaient leur propre casse-croûte
à 11 heures et demie avant d’assurer le service, J’ai beaucoup appris, je me suis documentée.
aujourd’hui elles prennent leur repas offert par la Comme je vous l’ai dit, le service des affaires scoville en position assise, au côté des enfants. À quoi laires est très motivé. Moi-même je me sens engabon demander le changement si les premières per- gée sur les questions de santé, je suis sage-femme,
sonnes concernées ne sont pas associées ? Grâce à j’évolue en milieu hospitalier, j’ai passé une partie
elles, l’introduction des légumineuses, des gratins de mes nuits à surfer sur internet pour m’inspirer
de lentilles ou de l’épeautre s’est bien passée. Les de tout ce qui se fait de bien un peu partout. Et
enfants paraissent très sensibles à notre démarche puis j’ai trois enfants, auxquels j’ai toujours fait
et même reconnaissants. On les voit inspirer les la cuisine en refusant de leur faire manger n’imchoix d’achats à leurs parents, ils repèrent dans porte quoi, notre famille adhère à une Amap... Du
les rayons les productions d’agriculteurs locaux coup, c’est un peu comme si je mettais mon expérience de mère au service de la politique alimenqu’ils ont rencontrés à l’école.
taire ! Car ce qui est possible à faire chez soi doit
Passer à 38 % de bio dont la moitié en local, éplu- pouvoir l’être dans le cadre de la collectivité. Mon
cher des légumes à la main, évoluer vers du 100 % rêve, ce serait d’avoir un budget illimité, mais... ce
fait maison, cela revient-il plus cher ?
n’est qu’un rêve !
Eh bien pas forcément, non. Le prix total d’un re-
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