Alg`ebre tensorielle des complexes 1 Alg`ebre tensorielle classique

Alg`
ebre tensorielle des complexes
Soit Aun anneau commutatif unitaire, qui est anneau de base dans toute la suite de sorte
que nous l’omettons fr´
equemment des notations. Avant de commencer, une seule observation
qui sera tr`
es importante dans la suite. Dans la philosophie des cat´
egories d´
eriv´
ees, on consid`
ere
que, du point de vue (co)homologique, un module est mieux repr´
esent´
e par une quelconque
de ses r´
esolutions. Il se trouve que dans les cat´
egories de complexes, il est ´
egalement crucial
d’associer aux ensembles de morphismes Hom(M, N)(qui sont naturellement des modules)
des complexes qui les r´
esolvent. Par ailleurs, l’existence d’une structure naturelle de complexe
sur les Hom est plus ou moins ´
equivalente `
a l’existence de produits tensoriels, puisqu’une des
fac¸ons de d´
efinir · ⊗ Mest comme adjoint de Hom(M, ·)(1).
1 Alg`ebre tensorielle classique
Notons A-Mod, ou plus simplement Mod, la cat´
egorie des A-modules.
1.1 Sommes et produits dans Mod.Soit Iun ensemble et (Mi)une famille de A-modules.
Rappelons que dans la cat´
egorie Mod un produit direct QMiest compos´
e de vecteurs quel-
conques x= (xi)alors qu’une somme directe Miest compos´
ee de vecteurs avec un nombre
fini de composantes non nulles. Ainsi les sommes directes finies sont isomorphes aux produits
directs finis, alors qu’on n’a qu’une injection stricte Mi,QMisi Iest infini.
1.2 Produits tensoriels. On consid`
ere la mˆ
eme famille (Mi)de A-modules. ´
Etant donn´
e un
autre A-module P, on dit qu’une fonction
f:Y
iI
MiP
est multilin´
eaire ssi `
a chaque fois qu’on fixe toutes les variables sauf la i0-`
eme, l’application
restreinte
f(xi)i6=i0:Mi0P
est lin´
eaire. Le produit tensoriel des Miest source universelle des fonctions multilin´
eaires
QMiP. Pour le construire on part de la somme directe S=Aindex´
ee par l’ensemble
QMi. Un ´
el´
ement de cette somme est une combinaison lin´
eaire finie Paxδxo`
uδxest un
g´
en´
erateur du facteur direct d’indice x= (xi)dans S, ou encore, une fonction `
a support fini si
on voit δxcomme l’indicatrice de x. On quotiente ensuite Spar le sous-module Lengendr´
e par
les relations de lin´
earit´
e, i.e., pour tous x, y tels que xi=yisauf pour un indice i0:
(i) δx+yδxδy, et
(ii) δyxsi de plus yi0=axi0pour un aA.
On d´
efinit le produit tensoriel et l’application multilin´
eaire universelle par
O
iI
Mi=S/L et :Y
iI
MiO
iI
Mi
1Si Aest un corps on peut aussi invoquer l’isomorphisme Hom(M, N) = MNpour justifier ce point, mais
en g´
en´
eral la fl´
eche naturelle MNHom(M, N)n’est ni injective ni surjective.
1
Celle-ci envoie xsur l’image de δxdans S/L, not´
ee
iI
xiou x.
V´
erifions rapidement la propri´
et´
e universelle (PU). Soit f:QMiPmultilin´
eaire, on
d´
efinit f:SPpar f(Paxδx) = Paxf(x). Par lin´
earit´
e de fcette fonction fest nulle sur les
relations de lin´
earit´
eLdonc se factorise en
˜
f:MiP.
On observe que dans Miun tenseur irr´
eductible xest produit tensoriel d’´
el´
ements de
Mi, en nombre ´
eventuellement infini si Iest infini. A contrario, on sait que le produit tensoriel
d’une infinit´
e de A-alg`
ebres Mi, limite directe des produits tensoriels JIMjsur les sous-
ensembles finis JI, est constitu´
e de (sommes finies de) tenseurs d’un nombre fini d’´
el´
ements
des Mi. En particulier un produit tensoriel infini d’alg`
ebres n’a pas pour module sous-jacent
le produit tensoriel infini des modules sous-jacents.
Faire un petit r´ecapitulatif - cf Eisenbud - des conditions sous lesquelles une limite directe d’alg`ebres
est repr´esentable : ¸ca ne marche pas pour la somme directe infinie.
2 Alg`ebre tensorielle des modules gradu´es
2.1 Modules gradu´es. Soit Gr la cat´
egorie des A-modules Z-gradu´
es (2). Un module gradu´
e
est not´
eM=Miou parfois simplement M, comme son module non gradu´
e sous-jacent. Par
translation de la graduation, on d´
efinit un module M(n)=Mi+n. Un ´
el´
ement xMiest
dit homog`ene de degr´e iet on note |x|:= i.
Soient Met Ndeux modules gradu´
es. On dit qu’un morphisme de A-modules f:MN
est de degr´e isi f(Mj)Ni+jpour tout jZ. On d´
efinit le module Hom gradu´e par
Hom(M, N)=M
dmorphismes f:MNhomog`
enes de degr´
ed
Par d´
efinition un morphisme de A-modules gradu´es est un ´
el´
ement de Hom(M, N)0:
Hom
Gr (M, N)d´
ef
=Hom(M, N)0
On remarque qu’un morphisme de A-modules homog`
ene de degr´
eid´
efinit donc un mor-
phisme de A-modules gradu´
es MN(i). On peut donc retourner la notation et ´
ecrire
Hom(M, N)i=Hom
Gr (M, N(i)).
2.2 Sommes et produits dans Gr.La somme directe MNest le module (MiNi)gradu´
e
comme indiqu´
e. Le produit direct ordinaire M×Nest isomorphe `
aMN, il fait donc aussi
office de produit direct gradu´
e avec la graduation juste d´
ecrite.
Pour une somme directe infinie on a sS(Ms)=iZsS(Ms)icomme pour les
sommes finies. En revanche, pour un nombre quelconque de modules gradu´
es Ms,sS,
on n’a en g´
en´
eral qu’une injection
M
iZY
sS
Ms,i ,Y
sSM
iZ
Ms,i
2On peut s’interroger sur les raisons du choix de Zcomme groupe naturel de la graduation. Il se trouve
que les graduations par N(complexes positifs ou n´
egatifs), par Z2(complexes doubles auxquels correspond
l’hypercohomologie) voire Z3(...) apparaissent aussi.
2
et c’est le module de gauche (naturellement gradu´
e) qui incarne le produit direct gradu´
e. Une
autre fac¸on de le d´
ecrire, comme sous-ensemble du module de droite, est :
Y
sS
Ms
:= x= (xs)Y
sS
Ms
IZfini,sS, xsMs,I
(on a not´
eMs,I Msla somme des Ms,i pour iI). On peut d´
ecrire de la mˆ
eme fac¸on les
limites projectives arbitraires.
2.3 Modules bigradu´es. Il est souvent utile de faire intervenir des modules multigradu´es, par
exemple, d`
es qu’interviennent des produits tensoriels ou morphismes de modules gradu´
es.
Parlons pour simplifier de la cat´
egorie des modules bigradu´es not´
ee Bigr. Un tel module est
not´
eM•• =Mi,j et un ´
el´
ement de Mi,j est dit homog`ene de bidegr´e (i, j). Comme ci-dessus on
d´
efinit ce que sont le module M(i, j), un morphisme de A-modules f:MNde bidegr´
e(i, j),
et un morphisme de A-modules gradu´
es (i, j) = (0, 0).
Un exemple est le produit bigradu´e (M×N)•• de deux modules gradu´
es Met Nd´
efini par
(M×N)i,j =Mi×Nj. De mani`
ere analogue on d´
efinit le produit tensoriel bigradu´e (MN)••
par (MN)i,j =MiNj. Cela donne lieu `
a deux foncteurs naturels Gr ×Gr Bigr.
2.4 Produits tensoriels. On peut introduire le produit tensoriel `
a partir des applications bili-
n´
eaires. La notion d’application multilin´eaire gradu´ee n’a de sens que pour un nombre fini n
de variables, et on ne perd donc pas de g´
en´
eralit´
e`
a consid´
erer n=2. Soient M, N, P des
A-modules gradu´
es. On dit qu’une application bilin´
eaire
f:M×NP
est gradu´ee ssi `
a chaque fois qu’on fixe un ´
el´
ement homog`
ene xMde degr´
ei, l’application f
d´
efinit une application lin´
eaire de degr´
ei
f(x, ·): NP
et sym´
etriquement en l’autre variable. Noter qu’une application bilin´
eaire envoie un cou-
ple (x, y)d’´
el´
ements homog`
enes de mˆ
eme degr´
eidans P2i, alors qu’une application lin´
eaire
l’enverrait dans Pi.
Faisons apparaˆ
ıtre le produit tensoriel. Soit f:M×NPapplication bilin´
eaire gradu´
ee.
Elle induit un morphisme de modules bigradu´
es (M×N)•• P]o`
uP]est le module bigradu´
e
antidiagonal ayant pour composant de bidegr´
e(i, j)
P]
i,j =Pi+j
Ce morphisme induit `
a son tour un morphisme (MN)•• P]. Le foncteur (·)]:Gr Bigr
a un adjoint `
a gauche qui est le complexe total associ´e
Tot:Bigr Gr
N7Tot(N)
avec Tot(N)i=j+k=iNj,k. Revenant `
af, par la propri´
et´
e d’adjonction on obtient une fl`
eche
Tot((MN)••)Pet donc le complexe total est le produit tensoriel gradu´
e recherch´
e. Ex-
plicitement,
(MN)=M
iZM
j+k=i
MjNk
3
2.5 Produit tensoriel et Hom gradu´e. On peut aussi introduire le produit tensoriel comme
adjoint de Hom gradu´
e, par la propri´
et´
e
Hom
Gr (MN), P=Hom
Gr M, Hom(N, P)
C’est ce point de vue que nous allons utiliser pour les complexes.
3 Alg`ebre tensorielle des complexes
Un complexe (cohomologique) est un module gradu´
eMmuni d’une diff´erentielle, c’est-`
a-dire
un morphisme de modules dde degr´
e1tel que d2=0(3)(4). Un bord est un ´
el´
ement de ker(d),
un cycle est un ´
el´
ement de im(d). On prolonge l’op´
erateur de translation aux complexes en
d´
efinissant la diff´
erentielle de M(i)par dM(i):= (−1)idM. Enfin, on note que tout module
ordinaire Mpeut ˆ
etre vu comme un complexe concentr´
e en degr´
e0, avec diff´
erentielle nulle
(un complexe avec d=0est parfois qualifi´
e de cyclique).
3.1 Complexe Hom. Soient Met Ndeux complexes. Pour munir le module Hom gradu´
e
d’une diff´
erentielle naturelle, on s’inspire du cas de M=Hom(A, M)pour lequel une bonne
candidate de diff´
erentielle serait d(f) = df, et de celui de M=Hom(M, A)avec candidate
d(f) = fd. Revenant `
aHom(M, N), il semble judicieux de d´
efinir d(f) = df+fdmais
il se trouve que si on fait cela la relation d2=0n’est pas v´
erifi´
ee. Le coup de g´
enie est de faire
intervenir un signe et de d´
efinir dsur les morphismes homog`enes par
d(f) = df− (−1)|f|fd
Ceci pos´
e corrigeons l’expression ci-dessus pour le dual M: on a dM(f) = −(−1)|f|fdM.
On r´
eserve un nom sp´
ecial, venu de la topologie, aux bords d’un complexe Hom : ce sont les
homotopies. (Le plus souvent, le terme n’est utilis´
e que pour les homotopies de degr´
e0i.e. les f
tels qu’il existe hHom(M, N)1tel que f=dh+hd.)
3.2 Cat´egories de complexes. On va d´
efinir la cat´egorie des complexes C=C(A)et la cat´egorie des
complexes `a homotopie pr`es K=K(A), qui diff`
erent seulement par les ensembles de morphismes.
Dans la cat´
egorie Cles morphismes entre Met Nsont les cycles de degr´
e0de Hom(M, N)
c’est-`
a-dire les f:MNde degr´
e0tels que df=fd. Dit autrement ce sont les ´
el´
ements
du H0du complexe positif Hom(M, N)0. La cat´
egorie Cest ab´
elienne.
Dans la cat´
egorie Kles morphismes sont les ´
el´
ements de H0(Hom(M, N)), le complexe
tout entier cette fois, c’est-`
a-dire les fde degr´
e0tels que df=fdmodulo les homotopies.
La cat´
egorie Kest seulement une cat´
egorie additive.
Il y a un point `
a pr´
eciser pour justifier que la composition des morphismes passe au quotient
dans K. Soit I(M, N)Hom(M, N)le sous-complexe form´
e des homoth´
eties de tous degr´
es.
Il n’est autre que im(d), et poss`
ede la propri´
et´
e importante d’ˆ
etre un id´eal dans ker(d). Ceci
veut dire que si
ϕHom(M, N)ker(d)et ψHom(N, P)ker(d)
3Le terme ´
equivalent de module diff´erentiel gradu´e est aussi utilis´
e, mˆ
eme si on pourrait lui pr´
ef´
erer celui de module
gradu´e diff´erentiel car il faut avoir un module gradu´
e pour pouvoir parler de diff´
erentielle.
4Un usage pratique est de noter toutes les diff´
erentielles par la mˆ
eme lettre d; on ´
ecrit dMlorsqu’il faut clarifier.
4
sont composables, alors d`
es que l’un est une homotopie, il en va de mˆ
eme du compos´
eψϕ. On
v´
erifie qu’alors, la composition des morphismes passe au quotient, ce qui au passage fournit
des complexes Hom dans K,`
a diff´
erentielle nulle :
Hom
K(M, N)=HHom
C(M, N)
3.3 Produits tensoriels. Le produit tensoriel des complexes Met Ndans Cou dans Kest
solution du probl`
eme universel
Hom
Cou K(MN), P=Hom
Cou KM, Hom(N, P)
Il est imm´
ediat de calculer qu’on fait du module gradu´
e(MN)un produit tensoriel dans C
en d´
efinissant
d(xy) = dx y+ (−1)|x|xdy
En fait c’est ´
egalement un produit tensoriel dans K, ce que l’on voit en relevant aux complexes
Hom la correspondance Hom((MN), P)=Hom(M, Hom(N, P)). Comme cette corre-
spondance est un isomorphisme de complexes, elle ´
echange les homotopies.
3.4 Applications bilin´eaires de complexes. On peut a posteriori d´
efinir la notion d’application
bilin´eaire de complexes : c’est une application bilin´
eaire gradu´
ee f:M×NPtelle que
d(f(x, y)) = f(dx, y) + (−1)|x|f(x, dy)
3.5 Sym et .Il y a un isomorphisme de sym´
etrie σ:MNNMqui est d´
efini sur les
tenseurs d’´
el´
ements homog`
enes x, y par
σ(xy) = (−1)|x|·|y|yx
Consid´
erons le cas N=M. On dit qu’une application bilin´
eaire de complexes f:M×MP
est sym´etrique resp. antisym´etrique, si l’application induite
˜
f:MMPv´
erifie
˜
fσ=
˜
fresp.
˜
fσ= −
˜
f .
Elle se factorise dans ce cas automatiquement par le produit sym´etrique S2(M)resp. le produit
ext´erieur 2(M), quotient de MMpar le sous-complexe engendr´
e par les expressions
xy− (−1)ij yxresp. xy+ (−1)ij yx
avec x, y homog`
enes et i:= |x|,j:= |y|. Pour les puissances sym´
etriques et ext´
erieures d’ordre
sup´
erieur, on dit qu’une application bilin´
eaire est sym´
etrique ssi pour tout ion a
˜
fσi=
˜
fo`
u
σiest l’automorphisme du produit MM · · · Mcorrespondant `
aσsur les facteurs iet
i+1, et laissant les autres facteurs inchang´
es.
Explicitons Sn(M)et n(M). On part du produit tensoriel MM⊗ · · · ⊗ M, et plus
pr´
ecis´
ement de son composant de degr´
ei, somme de facteurs
Mj1Mj2⊗ · · · ⊗ Mjn(j1+· · · +jn=i).
Utilisant les relations de sym´
etrie impos´
ees, on peut “permuter les facteurs d’indices distincts”
et ne conserver que les facteurs du type
Mn1
i1Mn2
i2⊗ · · · ⊗ Mnk
ik(n1i1+· · · +nkik=i),
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