Du vecteur exergie
en thermodynamique technique
Louis Possoz1
Si l'analyse énergétique d'un système thermodynamique est mieux connue que l'analyse exergétique, cette
dernière est pourtant plus riche en enseignements car elle s'appuie simultanément sur les deux principes de la
thermodynamique, au lieu du seul premier dans le cas de l'énergie.
L'analyse exergétique permet de calculer un rendement exergétique qui représente un outil d'évaluation de la
qualité d'une machine thermodynamique très supérieur au rendement énergétique obtenu à partir de l'analyse
énergétique.
Cet article traite essentiellement des échanges d'exergie d'un système thermodynamique fermé sans réactions
chimiques.
L'exergie comme fonction
Classiquement, on définit l'exergie d'un fluide comme une fonction2 dépendant de l'état du fluide et de celui de son
environnement3. En prenant par exemple pour variables naturelles le volume V , l'entropie S et les quantités des
constituants Ni , cette fonction peut s'écrire :
X=fV , S , {Ni}, V e, Se,{Nie }
dans laquelle les valeurs affectées d'un indice 'e' représentent les valeurs des variables d'état du fluide lorsqu'il est
en équilibre avec l'environnement.
L'exergie représente le travail maximum qui peut théoriquement être produit par un fluide lorsqu'il est amené à
l'équilibre avec son environnement par des processus qui ne comportent aucune irréversibilité. Par définition,
l'exergie d'un fluide à l'équilibre avec l'environnement est nulle et on doit donc avoir l'égalité :
Xe=fVe, Se,{Nie }, V e,Se,{Nie }=0
Dans cette acception de l'exergie, on distingue habituellement une fonction exergie pour l'étude des systèmes
fermés, analogue à l'énergie interne, (non flow exergy) et une autre fonction exergie pour celle des systèmes avec
flux de matière permanent, analogue à l'enthalpie (matter flow exergy).4
L'exergie comme vecteur
Mais l'exergie peut aussi être envisagée en terme de quantité échangée par un système, reçue ou cédée. Tout
comme de l'énergie peut être échangée entre un système fermé, des sources et son environnement, sous forme de
travail ou de chaleur. Cette forme d'exergie pourrait être dénommée contenu exergétique de l'énergie échangée.
Ces expressions sont équivalentes.
Dans cette acception, l'exergie représente le travail mécanique maximum qui pourrait être obtenu par conversion
optimale de l'exergie reçue par un système. Cette conversion utiliserait une machine idéale qui opérerait sans
aucune irréversibilité tout en échangeant de la chaleur avec le réservoir isotherme constitué par l'environnement.
Le lien entre l'exergie B et l'énergie W est alors
B=W
lorsqu'il s'agit de travail mécanique échangé, cédé ou reçu par le système et :
B=QTTe
T
1 Avec mes remerciements à Pierre Wauters et Joseph Martin pour leurs remarques et commentaires.
2 Il n'y a dans cet article aucune revendication quant aux termes et aux notations concernant l'exergie. Ces conventions sont
loin d'être stabilisées dans la littérature. On se ralliera volontiers à l'usage dominant dès qu'il émergera nettement, tant pour
les mots que pour les symboles.
3 On a volontairement utilisé l'indice 'e' pour l'environnement par préférence à l'indice '0'. Il s'agit de mettre en évidence qu'en
toute rigueur, les grandeurs physiques qui caractérisent l'environnement dépendent des circonstances et qu'elles ne sont
donc pas des constantes. D'ailleurs, dans le cas contraire, l'exergie redeviendrait une fonction d'état et uniquement d'état.
4 Ces fonctions sont présentées dans une autre note du même auteur intitulée « fonctions exergie ».
lorsqu'il s'agit d'une quantité de chaleur Q à température T échangée entre le système et une source de chaleur.
Pour tenir compte de lventuelle variation de la température, on devrait d'ailleurs écrire plus exactement l'égalité
suivante :
B=QTTe
T
dans laquelle le symbole
représente l'opérateur de différentielle inexacte.
À partir de cette définition de l'exergie, les raisonnements sur les systèmes fermés deviennent très simples. Les
bilans exergétiques et les rendements exergétiques sont assez immédiats, avec l'avantage que leur interprétation
est plus utile que leurs analogues énergétiques qui ne tiennent compte que du seul premier principe. Un
rendement exergétique donne immédiatement le rapport entre l'efficacité d'un processus composé de
transformations réelles avec celle du processus qui ne serait compoque de transformations idéales, c'est-à-dire
qui ne comporteraient aucune irréversibilité.
Énergie disponible
Il faut cependant garder à l'esprit le fait que l'exergie ne se conserve pas, contrairement à l'énergie. L'exergie ne
peut que décroître, disparaître. Un système en régime permanent cèdera toujours moins d'exergie qu'il n'en reçoit.
En appelant
B
i
les différentes quantités d'exergie échangées dans une installation thermodynamique, comptées
positivement lorsqu'elles sont recues et négativement lorsqu'elles sont cédées, on peut dès lors écrire l'inégalité :
i
B
i
0
.
Cette destruction d'exergie est due aux différentes irréversibilités se produisant au cours des transformations.
L'exergie représente la partie de l'énergie qui est disponible pour fournir du travail mécanique (available energy).
Il peut être utile, mais ce n'est pas obligatoire, d'introduire une notion d'énergie non disponible (unavailable energy)
que l'on appelera anergie et que l'on notera A. Dans ce cas, une quantité d'énergie est toujours la somme d'une
quantité d'exergie et d'une quantité d'anergie. On pourra donc écrire la relation :
i
BiAi=0
avec l'inégalité :
.
Rendement exergétique
Le rendement exergétique d'une installation est le rapport entre l'exergie utile produite et l'exergie consommée.
=Butile produite
Bconsommée
Ce rendement ne sera égal à l'unité qu'à la double condition que :
1. toute l'exergie produite soit utile, c'est-à-dire qu'il n'y ait aucune perte d'exergie,
2. il n'y ait pas de destruction d'exergie, c'est-à-dire qu'il n'y ait aucune irréversibilité.
Le rendement exergétique constitue une appréciation synthétique de la perfection d'une machine. Il diminue en
fonction des pertes et des irréversibilités. De plus, l'analyse exergétique permet d'isoler aisément chacune de ces
pertes ou irréversibilités et, par conséquent, d'en mesurer l'ampleur et finalement évaluer l'intérêt des différentes
améliorations qui pourraient être apportées à l'installation. En effet, le rendement exergétique considéré dans ce
sens peut s'exprimer comme suit :
=1Bperdue
Bconsommée
Bdétruite
Bconsommée
L'exergie perdue est l'exergie produite par le système mais considérée comme inutilisable. L'exergie détruite, ou
anergie créée, correspond aux différentes irréversiblités du système.
Cette relation montre comment l'analyse exergétique tient compte des pertes d'exergie, d'une manière analogue
aux pertes d'énergie dans l'analyse énergétique. De plus cette analyse tient également compte des destructions
d'exergie, dues aux différentes irréversibilités, ce que ne permet pas une analyse énergétique qui ne prend en
compte que le premier principe de la thermodynamique.
Pour ces différentes raisons, le rendement exergétique est un indicateur bien plus pertinent que ne l'est le
rendement énergétique. L'analyse exergétique est aussi simple à réaliser que l'analyse énergétique, mais elle lui
est supérieure quant à la pertinence de ses résultats.
Exemple
Pour fixer les idées, considérons un exemple qui, tout en
étant tout à fait théorique, n'en contient pas moins tous
les ingrédients nécessaires à une analyse exergétique
complète.
Soit une installation thermodynamique dont le cycle est
constit« d'une transformation réversible isotherme AB,
une transformation adiabatique irréversible BC
représentative d'une détente dans une machine
engendrant une dissipation énergétique Wfd , une
transformation isotherme réversible CD et enfin une
transformation adiabatique irréversible DA correspondant
à une compression dans une machine engendrant une
dissipation énergétique Wfc. » 5
On notera que, dans cet exemple, la température TI de
l'isotherme AB est prise égale à la température de la
source chaude, tandis que la température TII de
l'isotherme CD est supérieure à la température de
l'environnement Te .
L'exergie utile produite est constituée du travail moteur.
Elle vaut :
Wm=WWfdWfc=TITII SBSATII
S
Dans laquelle
W
et
S
valent respectivement :
W=aT , S
et
S=S
C
S
B
S
A
S
D
.
L'exergie consommée est celle reçue de la source chaude :
BI=QI
TITe
TI
=TITeSBSA
et le rendement exergétique s'exprime comme suit :
=TITII SBSATIIS
TITeSBSA
(1)
Montrons que ce rendement tient compte d'une part de la perte d'exergie BII à température TII et d'autre part de la
destruction d'exergie (anergie créée) due aux irrversibilités de compression et de détente, c'est-à-dire que le
rendement exergétique peut ainsi s'écrire sous la forme suivante :
=1BII
BI
A
BI
où l'anergie créée peut se décomposer de la manière suivante :
A=AcAd=Te
S
.
En effet, en introduisant les différences
TITe
et
TII Te
dans l'expression (1) on obtient les relations
suivantes :
=[T1TeTII Te]SBSATII TeSTe
S
TITeSBSA
;
=1TII TeSBSAS
TITeSBSATe
S
TITeSBSA
.
5 Tiré de Installations thermiques motrices; J. Martin et P. Wauters; DUC 2009; p. 5.
Ce qui nous donne finalement l'égalité recherchée :
=1BII
BI
A
BI
.
Analyse graphique
L'analyse exergétique peut se faire très simplement au moyen des aires dans le diagramme TS. Elle est tout aussi
instructive que l'approche analytique.
La figure 2 présente l'exergie utile produite, consituée ici par le travail moteur Wm . Ce dernier correspond au travail
total W , produit par le fluide lorsqu'il parcourt le cycle ABCD, diminué des travaux de frottements Wfc et Wfd . La
figure 3 montre l'exergie consommée BI ainsique le travail produit qui est représen par l'aire W+ diminuée de
l'aire W- .
Enfin à la figure 4 montre l'exergie consommée BI , les parties des pertes d'exergie Bc et Bd relatives
respectivement à la compression et à la détente ainsi que les destructions d'exergie relatives respectivement à la
compression et à la détente Ac et Ad .
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