Colloque international « Les émotions dans la psychologie de la forme

Colloque international
« Les émotions dans la psychologie de la forme »
Organisé par les Archives Husserl de Paris (UMR 8547 « Pays germaniques »)
dans le cadre du Projet
ANR « Emphiline » coordonné par Natalie Depraz
le samedi 24 janvier à l'ENS rue d'Ulm, salle Celan.
Organisé par Eric Trémault, Natalie Depraz et Charles-Edouard Niveleau
Matinée : Présidence : Dominique Pradelle
9h30 : Introduction
10h00 : Guillaume Fréchette (Universités de Salzbourg et Genève) : Objet vs
unité. Deux conceptions gestaltistes de l’émotion.
11h00 : Denis Seron(Université de Liège) : Analyser l’émotion (12h00-
14h30 :Pause déjeuner) Après-midi : Présidence : Natalie Depraz
14h30 : Victor Rosenthal (EHESS) : La non neutralité de l’expérience :
quelques remarques sur les qualités expressives et le monde interhumain des
mouvances gestaltistesde l’Allemagne des années 1920-1930.
15h30 : Clelia Zernik (Beaux-arts de Paris) : Tension et suspense chez
Rudolf Arnheim: à partir de quelques exemples d'émotions esthétiques.
(Pause : 15 mns)
16h30 : Johan Wagemans (KU Leuven) : Emotional responses to art works
Argument Bien que cela ait encore été trop peu remarqué, letraitement des
émotions joue dans la psychologie de la forme de Berlin un rôlestratégique
tout à fait central : en effet, Köhler et Koffka voient enelles le lieu par
excellence où se réalise leur hypothèse de
l’isomorphismepsychophysiologique. En effet, les émotions sont conçues
comme des« qualités de forme » dynamiques manifestant phénoménalement
lesrelations causales, dans le cerveau, entre les corrélats physiologiques
del’environnement et du corps propre perçus. Dès lors, elles sont le
phénomène oùl’hypothèse même d’une « organisation manifeste », qui rend
possiblela thèse de l’isomorphisme psychophysique, peut être étudiée
directement.Au-delà de l’hypothèse consistant à trouver ainsi dans
lesémotions un corrélat phénoménal aux structures causales du cerveau,
cetteapproche des émotions a pour spécificité de les traiter comme des
relations,quoique d’un ca
ractère spécial, puisque phénoménalement manifestes et dotées àcet égard
d’un caractère « dynamique », en lequel est censé semanifester précisément
la causalité sous-jacente. Or cette approche enelle-même possède de
nombreux avantages, qui font qu’elle mérite déjà qu’on s’yattarde. Si les
émotions sont en effet des relations (ou structures) causalesdirectement
senties entre les figures de l’environnement et celle du corpspropre, alors
on rend simultanément compte, à la fois des « caractèresexpressifs » ou
« physionomiques » (effrayant, apaisant,fascinant, etc., et même « beau »)
avec lesquels apparaissent lesobjets environnants, et des « tendances à
l’action » dont lesémotions semblent indissociables pour le sujet qui les
éprouve : cescaractères et tendances sont alors des prédicats relationnels,
c'est-à-diredeux manières, l’une subjective et l’autre objective, de parler
de la mêmeréalité phénoménale, à
savoir la relation causale éprouvée elle-même entrele sujet et l’objet.
Par là, ce traitement des émotions possède une féconditéindépendante de
l’hypothèse de l’isomorphisme, fécondité dont s’est notammentemparé Kurt
Lewin en proposant une phénoménologie de la structuration dynamiqueet
émotionnelle du champ sensible détachée de toute hypothèse naturalistesous-
jacente. Dans ses cours à la Sorbonne, c’est dans les traces de Lewin
queMerleau-Ponty s’inscrit explicitement, en rejetant le naturalisme de
l’école deBerlin tout en marquant fortement l’intérêt de cette approche
structurale desémotions et des phénomènes expressifs, qui le guide dès La
structure ducomportement.Mais c’est également le statut fondamental que
Koffka accordeà la structuration émotionnelle du monde perçu qui marquera
fortement denombreux philosophes (Cassirer, Scheler, Merleau-Ponty) et
psychologues(Werner, Buijtendjik, Tolman, Gibson) : en s’appuyant sur
la psychologiede l’enfant naissante, Koffka émet l’hypothèse selon
laquelle les émotionsainsi conçues seraient le rapport perceptif primitif
des organismes vivants aumonde, qui se manifesterait alors précisément
comme originairement« expressif », plutôt que comme un ensemble de qualités
substantiellesqui répondraient davantage à une interrogation attentive
d’ordre intellectuel.L’expressivité émotionnelle serait alors comme une
couche biologique primitivede l’intentionnalité perceptive, à partir de
laquelle on pourrait espérerrendre compte généalogiquement de la perception
et de la consciencespécifiquement humaines.L’une des questions centrales
est alors de savoir si l’onpeut vraiment faire de la perception expressive
un rapport immédiat au monde (àpartir duquel on pourrait éventuellement
chercher, comme Merleau-Ponty, àdériver jusqu’à notre perception des
qualités sensibles), ou s’il ne faut pas,au contraire, nécessairement fon
der ce rapport sur une facticité purementqualitative, qui ne prendrait des
valeurs émotionnelles que dans l’appréhensionde son rapport à nos
fins. Though it has been too few noticed, the theory ofemotions plays a
very central strategic role in Berlin Gestalt Psychology: Köhlerand Koffka
thus conceive of them as the main evidences for theirpsychophysiological
isomorphism hypothesis. Indeed, emotions are conceived asdynamic “Gestalt
qualities” which phenomenally manifest the causal relationsoccurring in the
brain between the events respectively corresponding to thebehavioral
environment and the perceived body. Therefore, they are thephenomena where
the hypothesis of a “manifest organization”, which conditionsthe
psychophysiological isomorphism thesis, can be directly studied.But apart
from this hypothesisaccording to which emotions are thus the phenomenal
correlates of the brain’scausal structures, this approach of emotions has
the specificity of treatingth
em as relations, although of aspecial kind, since they are endowed with a
phenomenally distinct “dynamic”qualitative character, through which they
are precisely supposed to “manifest”the underlying brain causality. Hence,
this approach presents a number of advantages,which make it worth
considering for itself. Indeed, if emotions are thus causalrelations (or
structures) which are directly felt between the figures in theenvironment
and the perceived body, then they simultaneously account for, boththe
“expressive” or “physiognomic” characters (such as “frightening”,
“soothing”,“fascinating”, etc., or even “beautiful”) with which those
figures appear inthe behavioral environment, and the “tendencies towards
action” from whichemotions seem inseparable for the subject who experiences
them: both thosecharacters and tendencies are then relational predicates
expressing the feltcausal relation itself, that is, two different ways, one
subjective, on
eobjective, of talking about the emotion itself, as it is felt between the
subject and the object.Therefore, this conception ofemotions has a
fecundity of its own, independently of the isomorphismhypothesis, a
fecundity which Kurt Lewin notably has developed for itself, bydeveloping a
phenomenology of the emotional and dynamic organization of the sensoryfield
apart from any underlying naturalistic hypothesis. In his Cours à la
Sorbonne, Merleau-Ponty thus explicitly followed the footsteps of Lewin,
byemphasizing the interest of such a structural approach of emotions
andexpressive phenomena, which guided him since La structure du
comportement, while rejecting the naturalisticinspiration of the Berlin
school of Gestalt psychology.However, this “dynamic theory ofemotions”, as
Koffka called it, was also strongly influential on manyphilosophers
(Cassirer, Scheler, Merleau-Ponty) and psychologists (Werner,Buijtendjik,
Tolman, Gibson) through the fundamental genetic status wit
h whichKoffka also endowed the emotional organization of the perceived
world. Findingsupport in the new-born psychology of childhood of his time,
Koffka thussuggested that emotions, thus conceived, would be the primitive
perceptiverelation of living organisms to the world, which would
accordingly first appearto the child through its “expressive” characters,
rather than as a collectionof substantial qualities that would rather
answer a later, more intellectuallyoriented, attentive investigation.
Emotional expressiveness would then be aprimitive biological layer of
perceptual intentionality, from which one couldhopefully be able to trace
the genealogy of the specifically human perceptionand consciousness.One of
the key questions from thatperspective, is to know whether expressive
perception can really be animmediate relation to the world (from which one
could try to derive, as Merleau-Pontydid, even our very perception of
sensory qualities), or if it is not necessaryto gr
ound this relation on a purely qualitative facticity, which would thenonly
gain emotional values from the apprehension of its connections to our ends
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