Laboratoire d`Analyse – Recherche en Economie Quantitative

publicité
Théorie du Consommateur, un regard plus rigoureux
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
One Pager
Septembre 2013
Vol. 7 – Num. 008
Copyright © Laréq 2013
http://www.lareq.com
Théorie du Consommateur. Un regard plus rigoureux
Jean–Paul K., Tsasa Vangu
"Wir müssen wissen, wir werden wissen."
[Nous devons savoir, nous saurons.]
Sur la pierre tombale de David Hilbert (Königsberg 1862 - Göttingen 1943; Allemagne)
Résumé
Ce papier présente les fondements mathématiques justifiant la cohérence du problème néoclassique
du consommateur.
Mots – clé : Ensemble de consommation, ensemble budgétaire, choix du consommateur.
Abstract
This paper presents the mathematical foundations, supporting the consistency of the consumer
neoclassical program.
Introduction
Dans cet exposé, nous tentons de présenter soigneusement et parcimonieusement les fondements de la
théorie du consommateur. L’approche adoptée insiste sur les bases mathématiques de la théorie en
cause. Ainsi, dans une première section, nous rappelons les ingrédients nécessaires à l’établissement
desdits fondements, avant d’étudier dans la section deuxième, les principaux blocs constitutifs de
l’analyse de cette théorie dite néoclassique.
Rappels de quelques préalables
Epigraphe et Hypographe d’une fonction
Les notions d’épigraphe et d’hypographe permettent de transférer aux fonctions, les notions définies sur
les ensembles. Soit
une fonction à valeurs dans un ensemble compact,
(droite réelle achevée), tel
que :
et définie sur un ensemble
un espace vectoriel ou plus généralement un espace topologique.
L’épigraphe de
est un ensemble défini comme suit :
notée
En cas d’inégalité stricte, on obtient l’épigraphe stricte de :
En parallèle, l’hypographe de
notée
est un ensemble tel que :
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
54
De même, pour une inégalité sévère, on obtient l’hypographe stricte de :
Dès lors, pour
correspondant à un espace vectoriel, la fonction
-
convexe, si son épigraphe est convexe, soit :
-
concave, si son hypographe est convexe1, soit :
est :
Lorsque les inégalités sont sévères, on obtient respectivement une fonction strictement convexe, et une
fonction strictement concave.
Quasi – convexité et quasi - concavité
Considérons une fonction telle que
-
quasi – convexe, si
-
strictement quasi – convexe, si
-
quasi – concave, si
-
strictement quasi – concave, si
De ce fait, est :
Dès lors, une fonction est dite quasi – linéaire, si elle est à la fois quasi – convexe et quasi – concave.
Graphique 1 : Fonction quasi – linéaire
Bien 2
Bien 1
Plus loin, nous énoncerons deux autres définitions de la quasi – convexité/quasi – concavité.
Théorème de Weierstrass (1861)
Le théorème de Weierstrass permet d’établir les conditions d’existence d’un maximum. D’après ce
théorème, toute fonction continue dans un espace compact atteint ses bornes, et donc dans le cas
d’espèce, possède un élément maximum.
1
L’ensemble concave étant moins naturel.
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
55
Théorème. Soit
Si
un ensemble non – vide et compact. Soit
est continue, alors il existe
une fonction telle que
tel que :
Preuve. Voir Tsasa (2013a, p.11).
Au passage, précisons qu’un ensemble
ailleurs, une fonction
où
est compact si et seulement si
est continue en un point
est borné et fermé. Par
si et seulement si
tel que :
dénote la distance (métrique).
Et, il suit que est continue, si et seulement si elle est continue en tout point
Dérivabilité
Soient
une fonction univariée à valeurs réelles et
fonction
définie sur
est dérivable en un point
Ainsi, obtient – on la dérivée première de
dérivable
fois au voisinage de
Par ailleurs, la fonction
un scalaire tel que
où
est un intervalle. La
si et seulement s’il existe un réel
en
La fonction
et si sa dérivée
est dérivable
tel que :
fois en
si
est
est dérivable en
est dérivable sur l’intervalle
si et seulement si elle admet une dérivée en tout
point de cet intervalle.
Propositions
-
La dérivabilité entraîne la continuité, mais la réciproque est fausse.
-
Si les fonctions
et
sont dérivables en
alors
et
où
est un réel quelconque, sont
également dérivables.
-
Si est une fonction dérivable en
-
Soient
et
dérivable en
-
alors
est également dérivable en
deux intervalles non réduits à un point tel que :
et si
est dérivable en
Si est une bijection de
est continue en
alors
sur
alors
dérivable en
et
définie sur
Si
est
est dérivable en
de dérivée non nulle en
et si la réciproque de
est dérivable en
-
Une fonction convexe définie sur un intervalle
-
Une fonction monotone sur un intervalle
-
Une fonction
-
Une fonction à variation bornée est dérivable presque partout.
sur
est dérivable à droite et à gauche en tout point.
est dérivable presque partout (théorème de Lebesgue).
est dérivable presque partout. Si
est
alors :
La notion de dérivées partielles généralise la définition de la dérivabilité extraite précédemment.
Considérons un sous – ensemble ouvert de l’espace
noté
et une fonction multivariée (
variables)
telle que :
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
56
La dérivée partielle d’ordre 1 de au point
par rapport à la
variable
s’écrit :
ou encore :
Si toutes les dérivées partielles d’ordre 1 existent et sont continues dans un voisinage de
différentiable dans ce voisinage, et la différentielle est continue. On dit,
. Par ailleurs, si toutes les dérivées partielles secondes de
continues sur
est dite fonction de clase
La dérivée partielle d’ordre
Pour
est
est une fonction de classe
sur ce voisinage de
alors
alors
existent et sont
sur
est donnée par l’expression :
on a :
Par le théorème de Schwarz, il y a lieu d’établir :
Soit
le gradient de
Ainsi, le gradient de
au point
Alors :
décrit un vecteur composé des dérivées premières de
en un point donné
Méthode du multiplicateur de Lagrange
La méthode ML est généralement sollicitée dans la recherche des points stationnaires (extremum) d’une
fonction dérivable. Sa généralisation est une version proposée par Karush (1939) et Kuhn et Tucker
(1951)1.
Soit
une fonction de
où
variables à valeurs réelles, soumise à une contrainte
est un espace euclidien de dimension
En plus,
et
telle que
sont des fonctions de classe
c’est – à – dire leurs dérivées premières existent et sont continues.
La méthode du multiplicateur de Lagrange fournit des conditions nécessaires permettant de résoudre un
problème
d’optimisation
sous
contraintes
équationnelles,
d’optimisation sans contrainte dans un espace
1
en
le
transformant
à
un
problème
.
Le théorème gouvernant les conditions de Kuhn – Tucker (conditions de Karush – Kuhn – Tucker) a été abordé dans
Tsasa (2013, b).
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
57
Soit
la fonction
de Lagrange est donnée par :
où les coordonnées du vecteur
Soit
correspondent aux multiplicateurs de Lagrange.
la solution recherchée (optimum). Pour un maximum, il vient que :
Alors, pour une solution
Théorème. Si le point
donnée, il existe
tel qu’au point
:
est un extremum local de la fonction
alors le noyau (kernel) de la différentielle de
dans l’ensemble
au point
tel que :
est orthogonal au gradient de
en
ce point.
Démonstration. La preuve de ce théorème fera l’objet d’un papier ultérieur.
Relation binaire
A la fin du XXième siècle, Georg Cantor (1845 – 1918), mathématicien allemand, a proposé une nouvelle
branche en mathématiques, appelée théorie des ensembles, à partir de laquelle il est devenu possible de
construire des objets mathématiques tels que les fonctions, les nombres réels ou complexes, plusieurs
autres, notamment les relations binaires entre deux ensembles
et
Analysons de plus près, ce dernier
objet.
En effet, une relation binaire, notée
ensemble du produit cartésien
La relation
sur
d’un ensemble
Soit
vers un ensemble
tel que
est définie par un sous –
est en relation avec
on écrit :
est :
-
réflexive, si pour tout
:
;
-
irréflexive ou antiréflexive, si pour tout
-
symétrique, si pour tout
-
antisymétrique ou faiblement antisymétrique, si pour tout
-
transitive, si pour tout
:
:
;
où
;
:
:
Une relation binaire réflexive et transitive est appelée préordre. De ce fait, il suit que :
-
un préordre antisymétrique est un ordre ;
-
un préordre symétrique est une relation d’équivalence.
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
58
Analyse de la théorie du consommateur
La théorie néoclassique distingue quatre caractéristiques essentielles pour modéliser le comportement du
consommateur : (i) l’ensemble de consommation ; (ii) les préférences ; (iii) les dotations ; (iv) les
institutions.
Ensemble de consommation
L’ensemble de consommation représente l’ensemble de paniers de consommation réalisables (ensemble
de choix ou plan de consommation).
Soient
biens ;
le nombre d’unités de bien
;
un panier
de biens.
L’ensemble de consommation s’écrit :
tel que :
-
;
-
est fermé ;
-
est convexe, pour
et
:
;
Les préférences, notées
sont généralement décrites à l’aide d’une relation binaire définie par rapport à
l’ensemble de consommation.
Tableau 1 : Relation binaire et type de préférences
Relation binaire
Définition
:
Préférences faibles
:
Préférences strictes
:
Indifférence
Les axiomes suivants concernent la relation
Axiome 1. La relation
Pour tout

: soit
soit
L’individu est capable d’ordonner ou de compare les paniers.
Axiome 2. La relation
Pour tout

est complète.
est transitive.
:
Cet axiome assure la cohérence des préférences du consommateur.
Ainsi, les axiomes 1 et 2 garantissent la rationalité des préférences du consommateur.
Aussi, la relation

Pour
admet l’axiome de réflexivité, soit :
:
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
59
En parallèle :

les préférences strictes sont telles que :

la relation d’indifférence :
Tableau 2 : Caractérisation des préférences
Relation
- Complétude
Oui
Oui
Non
- Réflexivité
Oui
Non
Oui
- Transitivité
Oui
Oui
Oui
- Préordre
Oui
Non
Non
Connaissant la définition des relations binaires
et
il y a lieu de définir quelques concepts associés
à l’ensemble de consommation :

Contour supérieur (ensemble de paniers aussi bien que

Ensemble de paniers pas mieux que

Ensemble de paniers préférés à

Ensemble de paniers pire que

Ensemble de paniers indifférents à
):
:
;
;
:
;
:
;
:
Graphique 2 : Illustration des préférences sous une perspective plus générale
Bien 2

Bien 1
Axiome 3. La relation
est continue.
Cet axiome assure que les courbes d’indifférence sont fermées.
Graphique 3 : Illustration des préférences avec hypothèse de continuité
Bien 2

Bien 1
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
60
Une relation de préférences
sur
définie sur
est continue si pour chaque
et
sont fermés
D’où :
Axiome 4a. Non – satiété locale.
Cet axiome assure que les préférences sont minces et hyperbolique.
Graphique 4 : Illustration des préférences continues avec hypothèse de non – satiété locale
Bien 2
Bien 1
Axiome 4b. Monotonicité stricte.
-
si
alors
-
si
alors
;
Cet axiome assure la croissance de la fonction d’utilité.
Axiome 5a. Convexité.
D’après cet axiome, si
Pour tout
alors
:
Axiome 5b. Convexité stricte.
D’après cet axiome, si
Pour tout
alors
:
Les axiomes 5a et 5b assurent la convexité des courbes d’indifférences.
Fonction d’utilité
Soit
est une fonction d’utilité représentative de préférences
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
si :
61
Théorème 1. Existence de
Si et seulement si la relation des préférences
est complète, transitive, continue et strictement
monotone, alors il existe une fonction d’utilité,
continue qui représente
Preuve. Nous recommandons Debreu (1954). Aussi, voir Tsasa (2012) qui propose une illustration du
théorème de Debreu (1954), d’après laquelle si l’on considérait une relation binaire
ensemble
, les propositions suivantes (-i- et -ii-) sont équivalentes : (i) il existe une fonction
d’utilité numérique représentant la relation
préordre et
telle que
(ii) la relation
est un
est
Théorème 2. Invariance de
Soit
une relation de préférences et
représente aussi
par
définie sur un
si et seulement si,
une fonction d’utilité qui représente
La fonction
est strictement croissante dans l’ensemble de valeurs prises
:
où
En dotant la fonction
est strictement croissante.
de la propriété de la différentiable, il est possible de formaliser les notions
d’utilité marginale et de taux marginal de substitution :
-
Utilité marginale d’un bien
:
-
Taux marginal de substitution entre un bien
et un bien
Analysons à présent quelques relations existant entre
représentant
et
:
Pour
une fonction
les équivalences suivantes se vérifient :
Soit une fonction
telle que
En plus de la définition évoquée précédemment, il sied de noter
que est quasi – concave si :
est quasi – concave, alors
Une autre définition équivalente est que si
est convexe. Par transposition :
si est quasi – concave, alors :
et
In fine,
si
Ensemble budgétaire
L’analyse postule que la dotation
et le prix du bien
tel que
sont des données. Soit
l’ensemble
budgétaire, représentant l’ensemble des paniers de biens accessibles au consommateur :
Propriétés
1)
est borné
2)
est fermé (contient la ligne de budget)
3)
est convexe
4)
est non – vide si
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
62
Graphique 5 : Illustration de l’ensemble budgétaire
Bien 2
Bien 1
Choix du consommateur
Au regard des préalables énoncés précédemment, il vient que le problème de choix du consommateur
est bien défini :
Résultats importants :

Si la fonction – objectif est continue et que l’ensemble budgétaire est non – vide et compact,
alors la solution existe toujours [théorème de Weierstrass].

Si
est convexe et
est quasi – concave, alors il existe un maximum global.

Si
est convexe et
est strictement quasi – concave, alors il existe un maximum unique.

Si la relation
satisfait la propriété de non – satiété locale, il vient que :
Ce résultat autorise l’usage de la méthode de Lagrange, en lieu et place de celle de Kuhn –
Tucker qui est plus générale.
Somme toute, ce papier a fourni une première présentation, plus ou moins avancée, de la théorie du
consommateur. Il sera complété par plusieurs autres concernant essentiellement l’analyse du
comportement du producteur et l’étude du fonctionnement de marchés (concurrentiel et non
concurrentiel). Et donc, ce panel de papiers aura l’ambition d’alimenter notamment les fondations
microéconomiques des différents modèles macroéconomiques qui doivent être développés dans les
publications à venir.
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
63
Bibliographie

DEBREU Gerard, 1954, « Representation of a Preference Ordering by a Numerical Function », in
R.M. Thrall et al. (eds), Decision Processes, New York: John Wiley, 159 – 165.

JEHLE Geoffrey A. and Philip J. Reny, 2011, Advanced Microeconomic Theory, 3rd ed. Pearson,
Toronto, 656p.

KARUSH William, 1939, Minima of Functions of Several Variables with Inequalities as Side
Constraints, M.Sc. Dissertation, Department of Mathematics, University of Chicago, Chicago, Illinois.

KREPS David M., 1990, A Course in Microeconomic Theory, Princeton University Press, New Jersey,
839p.

KRIVINE Jean – Louis, 1998, Théorie des ensembles, éd. Cassini, Paris, 273p.

KUHN Harold W. et Albert W. TUCKER, 1951, "Nonlinear programming", Proceedings of 2nd
Berkeley Symposium, Berkeley: University of California Press, 481 – 492.

MAS – COLLEL Andreu, Michael D. WHINSTON et Jerry R. GREEN, 1995, Microeconomic Theory,
Oxford University Press, New York, 981p.

RUDIN Walter, 1976, Principles of Mathematical Analysis, 3th edition, McGraw – Hill, New – York,
342p.

SUNDARAM Rangarajan K., 2011, A First Course in Optimization Theory, Cambridge University
press, Cambridge, 357p.

TSASA Jean – Paul, 2012, "Illustration du Théorème de Représentation Numérique de Debreu
(1954)", One Pager Laréq (novembre), 4 (4): 26 – 29.

TSASA Jean – Paul, 2013a, « Théorème de Weierstrass : Compacité, Continuité et Existence d’un
Élément Maximum », One Pager Laréq (janvier), 5 (2): 8 – 12.

TSASA Jean – Paul, 2013b, « Théorème de l'Enveloppe et Conditions KKT », One Pager Laréq
(janvier), 5 (5): 25 – 30.
Jean – Paul Kimbambu, Tsasa Vangu
Laboratoire d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative
64
Téléchargement