
Ce panseur de secrets et de douleurs écrira avec un calame et de l’encre de 
sèche buvable, des versets du Coran sur une planchette sur laquelle il versera 
de  l’eau  lustrale.  Cette  dilution  sera  récupérée  dans  une  cuvette  et 
transvasée  dans  une  bouteille  avec  laquelle  le  patient  repartira  pour 
s’imprégner de cette eau sacrée ou comme boisson au moment des ablutions 
et des prières au cours de la journée pendant une période prescrite. 
Ces  remèdes  magico-religieux  à  base  d’écriture  coranique  représentent  une 
forme de loyauté religieuse dans cette épreuve de la maladie qui réveille les 
questions  relatives  au  sens  et  à  des  paroles  qui  excèdent  le  sujet  et  sur 
lesquelles il peut se reposer ou en tout cas se réunifier.  
 
La possibilité de pouvoir s’en exprimer aux soignants sans avoir le sentiment 
de leur être déloyal, évite le clivage et délivre le patient de la ruse, du silence 
ou  d’une  position  de  double  lien  paradoxal,  en  l’autorisant  du  même  coup  à 
exprimer son angoisse et sa quête de sens. Ce qui paradoxalement entraîne le 
plus souvent une reconnaissance plus apaisée des soins médicaux. 
 
• Nos modèles médicaux se basent aussi sur une conception individualiste de la 
personne privilégiant l’individu sur la communauté. 
Face  au  patient  immigré  se  définissant  comme  membre  d’un  groupe,  comme 
« frère »,  il  faut  entendre  par  là,  « frère  statutaire »,  « frère  lignagé » 
attaché à un même ancêtre tutélaire, il ne sera pas rare qu’un des membres 
du  groupe  réponde  à  la  place  du  patient  mettant  parfois  dans  la  gêne  ou 
l’agacement  le  soignant.  Les  rituels  thérapeutiques  en  appellent  aussi  à  un 
questionnement  et  une  riposte  communautaire  que  traduisent  les  proverbes 
Wolof du Sénégal : 
« Tout homme est gardien de son frère » 
« L’homme est le meilleur remède de l’homme » 
 
Les visites en nombre sont une nécessaire réponse à l’isolement du patient à 
l’hôpital. De même amener le repas dans la chambre et manger dans le même 
plat est une autre manière de le réconforter, de rehausser son moral et de 
les réintéger dans le groupe. 
En effet, dans le modèle communautaire, le sentiment du NOUS prévaut sur 
le MOI.  
« Je suis parce que « nous » sommes » (fils-frère-oncle-neveux …) 
L’individu  est  plutôt  maillon  d’une  lignée,  d’une  ancestralité  commune,  et 
pourra tomber malade au nom d’ancêtres persécuteurs.