1 E. Thürmann, 09/07/2013 LE ROLE DES LANGUES DANS L’APPRENTISSAGE ET L’ENSEIGNEMENT DES MATIERES SCOLAIRES 1. Pourquoi la langue est-elle importante ? Et quel type de langue est en jeu ? Il est très intéressant de voir comment ces dernières années, dans le monde entier, les spécialistes de l’éducation ont commencé à s’intéresser à la dimension linguistique pour faire en sorte que les écoles répondent aux exigences des sociétés du savoir actuelles. Certaines études comparatives internationales à grande échelle (PISA, PIRLS ou TIMSS, par exemple) ont clairement établi que dans de nombreux pays, les systèmes éducatifs ne proposaient pas suffisamment d’opportunités d’apprentissage pour permettre à tous les élèves d’acquérir, de partager et d’utiliser les connaissances nécessaires à leur futur bien-être personnel et à leur participation à la vie publique. Sont tout particulièrement concernés par cette situation les apprenants dont les familles sont issues de l’immigration et/ou possèdent un bagage éducatif inférieur à la moyenne. Ces personnes manquent souvent d’opportunités pour atteindre le niveau 2 en compréhension de l’écrit, sciences et / ou mathématiques sur l’échelle des compétences PISA, ces compétences étant considérées comme indispensables pour réussir sa formation professionnelle, être compétitif sur le marché du travail et participer activement à la vie publique. Auparavant, dans de nombreux contextes nationaux, la pratique quotidienne des enseignants se fondait sur les trois « postulats de normalité » suivants : (a) la société ne destine qu’un petit pourcentage d’une cohorte d’apprenants à des études universitaires, (b) les apprenants sont des locuteurs natifs compétents de la langue de scolarisation dominante et (c) ils connaissent bien les modèles d’utilisation de la langue spécifiques au milieu scolaire étant donné que l’on accorde une grande importance à la lecture et à l’écriture dans leurs familles. Partant de ces trois principes, les écoles ont délégué la responsabilité de l’éducation aux langues aux spécialistes de ce domaine, c’està-dire aux enseignants de langue en tant que matière (L1) et aux enseignants de langues mortes et vivantes (L2). Parallèlement, l’enseignement des autres matières se concentrait sur le contenu spécifique à chacune d’entre elles, et les apprenants étaient censés pouvoir relever les défis linguistiques rencontrés dans ces disciplines. S’ils n’en étaient pas capables, ils n’accédaient tout simplement pas au niveau supérieur. Bien que cette « répartition pédagogique du travail langagier » dans l’éducation scolaire soit dépassée, et ce, pour de nombreuses raisons démographiques et socioculturelles, c’est devenu un habitus (conformément à la conception qu’a Bourdieu de ce terme) (cf. Gogolin, 1994) et elle est encore très profondément ancrée dans les pratiques d’enseignement habituelles du contenu1. Toutefois, les experts en sont arrivés à la conclusion que la maîtrise de la langue de scolarisation était l’une des clés de la réussite de l’apprentissage dans toutes les matières, et que c’était également le chemin le plus sûr vers la réussite scolaire et vers un statut socioéconomique élevé à l’issue des études. Ils ont aussi établi clairement que le milieu scolaire constitue une communauté discursive à part entière, et qu’il dispose de ses propres méthodes en ce qui 1 Aux fins de cette présentation, le terme « contenu » (comme dans « enseignement du contenu », par exemple) désigne de façon condensée les savoirs déclaratifs et procéduraux transmis et acquis dans les disciplines dites « non linguistiques » (« Sachfächer » en allemand). 2 concerne l’utilisation de la langue comme instrument ou outil de création de sens, c’est-à-dire comme moyen d’enseignement et d’apprentissage du contenu dans l’ensemble du curriculum. Aussi, l’un des principaux objectifs du projet « Langues dans l’éducation, langues pour l’éducation » est de mettre au point et de soutenir des stratégies et des activités visant à lutter contre l’approche dépassée du taylorisme de l’éducation aux langues dans nos systèmes scolaires, afin que la prise en compte des questions de langue dans l’enseignement du contenu devienne automatique, et ce, dans l’ensemble du curriculum. Dans la lignée des travaux des experts internationaux sur les modèles spécifiques d’utilisation de la langue dans l’éducation scolaire, la principale question à laquelle nous tenterons de répondre au cours de cette conférence est la suivante : « Qu’avons-nous fait jusqu’à présent, et que pourrions-nous faire dans un avenir proche, pour soutenir les établissements scolaires dans la conception et la mise en œuvre de politiques éducatives globales incluant pleinement la langue académique2 ? » C’est lorsque l’on s’intéresse de plus près aux modèles linguistiques considérés comme caractéristiques de l’enseignement et de l’apprentissage dans l’éducation formelle que les choses deviennent relativement compliquées. Qu’est-ce que la langue académique, au juste ? Quels sont les éléments, modèles, stratégies et règles relatifs à l’utilisation de la langue dans les interactions en salle de classe, les manuels et les examens ? Et – question encore plus importante – comment aider activement les groupes dits « vulnérables » à appréhender ce registre particulier ? Pour comprendre les défis cognitifs et linguistiques posés dans l’enseignement scolaire fondé sur les compétences, appuyons-nous sur un exemple observé en cours de géographie. Dans le cadre d’un exercice, les apprenants sont invités à jouer le rôle d’un météorologue et à expliquer, lors d’un entretien (factice) à la radio, comment naissent les ouragans, comment ils se développent et acquièrent une telle puissance, et ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de leur « œil ». Pour ce faire, ils doivent s’appuyer sur les deux schémas ci-dessous et sur les résultats de leurs propres recherches sur Internet. http://www.weatherwizkids.com/Hurricane_fo rmation.gif 2 http://www.nasa.gov/centers/goddard/images/co ntent/138612main_okelley_graph_lg.jpg Dans cette présentation, le terme « académique » (langue académique, par exemple) renvoie au contexte scolaire, et, tout particulièrement, au niveau de l’enseignement secondaire (apprenants âgés de 10/11 à 15 ans), soit une période où l’enseignement porte sur une grande diversité de matières. 3 #5 De légers vents soufflent à l’extérieur de l’œil et alimentent l’ouragan, lui permettant de se développer. #4 L’air humide qui remonte entraîne la formation des nuages de la tempête. DE QUOI UN #3 Les vents sortent de la zone de OURAGAN tempête, permettant à l’air situé en A-T-IL dessous de monter. BESOIN ? #2 Les vents se rencontrent et l’air est aspiré vers le haut. #1 La chaleur des eaux océaniques (au moins 26,5°C) fournit de l’énergie à l’ouragan. Le phénomène d’évaporation se renforce alors, entraînant la formation d’un air humide et de nuages. Stratosphère Flux de sortie au niveau supérieur Troposphère Colonne chaude Avion commercial Circulation secondaire Mur de l’oeil Oeil Mont Washington Surface de l’océan Empire State Building Tout d’abord, il faut que les apprenants comprennent ce qui leur est demandé ; ils doivent ensuite décoder des informations à partir de formes de représentation orales et visuelles, et notamment les termes techniques utilisés dans cette matière (tels que « stratosphère » ou « évaporation »). Il leur faut également mettre en œuvre des compétences de réflexion avancées, notamment pour « émettre des hypothèses » et « tirer des conclusions » afin d’acquérir une connaissance plus approfondie des mécanismes relatifs aux ouragans. Ensuite, ils doivent réfléchir au type (genre) de texte cible (entretien radiodiffusé) et à ce que les auditeurs potentiels pourraient (vouloir) savoir sur ce phénomène, et, enfin, formuler un discours oral sensé et adapté aux médias. C’est là un vrai défi, en particulier pour les apprenants qui ne sont pas exposés à ce registre de langue et aux modèles réflexifs à la maison ou dans leur cercle d’amis. Cet exemple montre que la langue assure de multiples fonctions. Dans le cadre de l’enseignement des langues étrangères et secondes, elle est généralement considérée comme un outil servant aux actes de communication quotidiens, souvent assez banals. Nous savons bien, également, que la langue sert à l’extraction d’information à partir de toutes sortes de sources verbales. Elle remplit en outre d’autres fonctions importantes dans le contexte de l’enseignement et de l’apprentissage du contenu dans des disciplines comme les mathématiques, l’histoire, les sciences sociales, la physique et même l’art et la musique: 3 La langue : un élément constitutif des compétences de réflexion avancées, et un pré-requis pour un bon apprentissage du contenu : La réussite de l’apprentissage dans la plupart des disciplines scolaires est assurément conditionnée par l’existence de compétences de réflexion avancées. Pour comprendre le lien entre de telles aptitudes et la langue, intéressons-nous à une affiche mise au point par un documentaliste (« Enokson ») d’une école canadienne anglophone et destinée à être utilisée dans les cours d’anglais en tant que matière et de sciences sociales (sciences humaines), ainsi qu’à la bibliothèque3 : http://www.flickr.com/photos/vblibrary/4576825411/sizes/l/in/pool-27724923@N00/ (Traduction libre) 4 COMPETENCES DE REFLEXION CRITIQUE 1 Connaissance Identification et rappel de l’information 2 Compréhension Organisation et sélection des faits et des idées 3 Application Exploitation des faits, application des règles et des principes 4 Analyse Décomposition d’un tout en plusieurs parties 5 Synthèse Associer des idées pour former un nouveau tout 6 Evaluation Se faire une opinion, juger, prendre une décision Affirmer Définir Désigner Epeler Etablir une liste Identifier Localiser Mémoriser Nommer Raconter Rappeler Relier Remplir les blancs Souligner Qui_______________________________ ? Que ______________________________ ? Où _______________________________? Quand ____________________________? Comment_____________________________ ? Décris ________________________________. Qu’est-ce que _________________________ ? Classer Convertir Décrire Raconter avec ses propres mots Réécrire Reformuler Expliquer Interpréter Paraphraser Résumer Traduire Trouver l’origine Raconte__________ avec tes propres mots. Quelle est la principale idée de_________ ? Quelles sont les différences entre__________ ? Peux-tu établir un plan général____________ ? Appliquer Calculer Conclure Construire Démontrer Déterminer Donner un exemple Enoncer une règle ou un principe Dans quelle mesure _____ est un exemple de ____ ? Quels sont les liens entre ____ et _______ ? Pourquoi _______ est-il/elle important(e) ? Etablir Exploiter Faire Illustrer Analyser Catégoriser Classer Comparer Différentier Disséquer Distinguer Examiner Contraster Débattre Déduire Déterminer les Facteurs Montrer Opérer Résoudre Trouver As-tu connaissance d’un autre cas de _______ ? Ceci aurait-il pu se produire en/à __________ ? Faire un diagramme Inférer Spécifier Quelles sont les composantes/caractéristiques de _______ ? Classe ______ selon ______. En quoi _____ est-il/elle semblable à/différent(e) de ______ ? Quelles preuves peux-tu donner de ______ ? Changer Engendrer Combiner Formuler Composer Générer Construire Inventer Créer Planifier Concevoir Prédire Que peux-tu prédire/déduire à partir de __? Quelles idées peut-tu ajouter à ________ ? Comment créerais/concevrais-tu un nouveau/une nouvelle _______________ ? Produire Simuler Réarranger Supposer Reconstruire Suggérer Rédiger Trouver un moyen Réorganiser inhabituel Réviser Visualiser Quelles solutions suggèrerais-tu pour ______ ? Que se passerait-il si tu associais _____ à ___ ? Approuver Conclure Choisir Décider Classer Défendre Comparer Donner son avis Es-tu d’accord pour dire que__________ ? Pourquoi ? Que penses-tu de ___________ _______ ? Qu’est-ce qui est le plus important ? Estimer Justifier Evaluer Sélectionner Hiérarchiser Soutenir Juger Valoriser Classe __________ selon ________________. Comment ferais-tu pour prendre une décision sur ____ ? Sur quels critères te fonderais-tu pour évaluer _______ ? 5 Ce schéma montre clairement le lien entre la dimension linguistique des activités pédagogiques et les opérations et compétences cognitives. La taxonomie de Bloom, et plus particulièrement sa version révisée par Anderson et Krathwohl (2001), qui a eu une grande influence, confirme la symbiose entre les activités verbales et cognitives en ce qui concerne l’enseignement et l’apprentissage dans l’éducation formelle. Elles constituent les deux faces d’une même médaille : il n’y a pas de contenu sans langue, et inversement. La langue comme outil de création de sens : Bon nombre des approches relatives à la dimension linguistique de l’enseignement du contenu reposent sur des concepts socio-constructivistes de l’apprentissage et sur les idées originales de Lev Vygotsky et Jerome Bruner, psychologues spécialisés en psychologie du développement. Vygotsky soutenait que c’est par le biais de la médiation culturelle et de la communication interpersonnelle avec des adultes ou des pairs plus instruits qu’eux que les enfants acquièrent des compétences de réflexion avancées – en d’autres termes, que l’acquisition de concepts abstraits et l’appropriation des connaissances procédurales dépendent de l’interaction sociale et les échanges verbaux. Donc, sans des moyens linguistiques appropriés et des stratégies l’éducation formelle, les apprenants ne peuvent pas profiter des opportunités généralement offertes par les écoles. La langue comme filtre dans l’évaluation des acquis : Dans les différentes matières scolaires, l’évaluation formelle repose, dans une large mesure, sur la réalisation d’exercices formatés comportant des questions ouvertes (ou semi-ouvertes) et sur des présentations orales ou écrites dans lesquelles les apprenants expliquent comment ils ont résolu l’exercice. Mais la dimension linguistique a encore plus d’importance dans les évaluations à fort enjeu, car les paramètres du « filtre oral » sont définis par la langue académique. En clair : si les apprenants ne maîtrisent pas la littératie spécifique à la matière concernée au niveau requis pour leur âge, ils n’ont aucune chance de répondre aux attentes (très souvent) implicites de l’enseignant spécialiste de cette matière, qui prétend se concentrer essentiellement sur le contenu. Si l’on décidait de diminuer la composante linguistique dans les exercices d’évaluation en ayant recours à des items formatés fermés, tels que des questions à choix multiples, des exercices d’appariement ou des textes à trous, l’on retarderait considérablement l’acquisition de la littératie spécifique aux matières. Ainsi, la langue a une réelle importance – pas seulement dans les cours de langue, mais dans l’ensemble du curriculum. Ce qui nous renvoie à la question suivante : qu’est-ce, au juste, que la langue académique, et comment l’aborder dans l’enseignement du contenu ? A un niveau d’abstraction relativement élevé, les experts semblent s’accorder sur un certain nombre d’adjectifs pour décrire l’utilisation de la langue académique : distanciée – décontextualisée – neutre – exacte – objective – complexe – très structurée – exhaustive – précise – explicite. Ces qualificatifs renvoient à une utilisation de la langue généralement caractéristique de la production écrite axée sur le contenu. Mais c’est également cette manière de traduire des idées en mots et en textes qu’attend la communauté du discours académique pour la communication orale en salle de classe, en particulier lorsqu’il s’agit de présenter les résultats d’apprentissage, d’en discuter et d’évaluer les acquis. 6 Néanmoins, à un niveau inférieur, les experts n’ont pas réussi à identifier des éléments et des règles d’utilisation de la langue qui soient totalement différents des modèles de communication courante pour parvenir à une définition consensuelle de la langue académique – et, personnellement, je doute que ce soit possible. Toutefois, pour sensibiliser les éducateurs aux caractéristiques des utilisations « conversationnelles » et académiques d’une langue standard, il est impératif de s’intéresser de plus près aux différentes dimensions à prendre en compte lorsque l’on distingue le registre académique du registre conversationnel. Pour ce faire, appuyons-nous sur le texte suivant, représentatif des textes que les apprenants peuvent se voir présenter en cours de sciences humaines à la fin de la scolarité obligatoire : La dette fédérale a explosé, atteignant le chiffre incroyable de 12,1 trillions de dollars, et la nation est toujours en bonne voie pour devenir une filiale en pleine propriété de la République populaire de Chine. Et pourtant, les membres du Congrès sont incapables de s’entendre sur une simple proposition relative à la constitution d’une commission indépendante de la dette publique, puis de mettre les recommandations de cette dernière au vote. Cette proposition de commission devrait être rejetée mardi matin étant donné que les opposants de l’extrême gauche et de l’extrême droite devraient s’allier pour atteindre la majorité qualifiée, ce qui aboutira au status quo. Les perspectives sont si affligeantes que quelques membres retraités du Congrès se sont réunis lundi dernier dans l’espoir de provoquer chez leurs anciens collègues un sentiment de honte et, ainsi, de les pousser à agir. [Washington Post, 26 janvier 2010, p. A-2, http://ptgmedia.pearsoncmg.com/images/9780205627615/downloads/7368_Siop_Ch0 1_pp001-023.pdf ] Naturellement, s’agissant de la dimension lexico-grammaticale, les termes techniques (« rejetée », « commission de la dette publique », « majorité qualifiée », « status quo »), les mots et constructions de langue standard utilisés plus rarement (« provoquer un sentiment de honte », « pousser à agir », « filiale en pleine propriété »), « et pourtant… », « étant donné que » …) attirent immédiatement l’attention. Il existe bien des listes de caractéristiques lexicales de surface spécifiques de l’utilisation de la langue académique pour un certain nombre de langues, ainsi que des exemples de « grammaires fonctionnelles en contexte » pour l’apprentissage du contenu (voir, par exemple, Margarita Rigal Aragón et Ricardo Marín Ruiz). Toutefois, une approche pédagogique des compétences en langue académique par les caractéristiques linguistiques de surface ne suffit pas pour garantir une bonne compréhension de l’extrait ci-dessus. Pour cela, il est nécessaire d’aborder également la dimension discursive et le niveau de texte en faisant prendre conscience aux apprenants de l’objectif de ce texte, de sa cohérence et de sa cohésion, de sa structure (paragraphes, par exemple), du développement des idées, des facteurs contextuels, etc. Cette dimension (objectif, développement des idées) est étroitement reliée à la dimension cognitive, qui englobe les aptitudes opérationnelles et de réflexion à divers 7 niveaux. Des experts, dont D. Uribe (2008), ont ajouté à cela deux autres dimensions qui semblent extrêmement pertinentes pour les approches pédagogiques de l’utilisation de la langue académique dans l’enseignement du contenu. Il s’agit de la dimension socio-culturelle, qui est importante pour que les apprenants comprennent et traitent, de façon critique, les textes étudiés dans les disciplines « non linguistiques » comme des communautés de pratique ou de discours ayant adopté des types ou genre de textes spécifiques et des conventions concernant les formats de ces derniers et les modèles d’utilisation de la langue académique. Vient ensuite la dimension socio-psychologique, qui concerne l’utilisateur de la langue, son identité, son appartenance à un groupe social et ses valeurs, normes, croyances, attitudes et habitudes – autant de facteurs qui ont une incidence sur la conscience critique de la langue et la disposition à adopter de nouvelles habitudes verbales et stratégies de communication. Au vu de cette complexité multidimensionnelle, il est très difficile pour les éducateurs de soutenir les compétences en langue académique et pour les décideurs d’envisager des réformes de l’éducation ayant trait à la conception des curriculums, la formation des enseignants et la gestion du parcours scolaire. 2. La littératie académique : zoom sur les difficultés dans l’enseignement des disciplines dites « non linguistiques » Il est souvent compliqué d’atteindre un consensus sur les priorités éducatives convenant à une pleine inclusion de la langue académique en raison des nombreuses idées fausses existant à ce sujet. En voici quelques-unes : L’enseignement et l’apprentissage du contenu doivent ou devraient passer exclusivement par la langue académique : Non, absolument pas. La langue utilisée dans les salles de classe est un mélange de plusieurs variétés de langues. Et il y a de bonnes raisons à cela. Selon A. Bailey & H. Heritage (2008) et R. Scarcella (2008), il convient de distinguer les quatre modèles d’utilisation de la langue (ou variétés scolaires) suivantes : o la langue courante de base (Basic colloquial language, ou BCL) ; o la langue scolaire « de navigation » (School Navigational Language, ou SNL) ; o la langue relative au contenu du curriculum (Curriculum Content Language, ou CCL) ; o la langue académique fondamentale (Essential Academic Language, ou EAL). Chaque variété est utilisée à des fins différentes. Ainsi, la langue courante de base permet de mettre les apprenants à l’aise ; la langue scolaire de navigation, d’organiser le travail ; la langue relative au contenu du curriculum, d’aborder des concepts et processus spécifiques aux matières de façon non ambiguë ; et la lange académique fondamentale, de soutenir l’acquisition et l’échange d’expériences d’apprentissage et d’idées conformément aux attentes de la communauté discursive formée par les enseignants dans les établissements scolaires. Les enseignants devraient systématiquement construire chez les apprenants des stocks d’éléments de langue académique (utilisation de termes abstraits, longues phrases nominales, structures syntaxiques très complexes, etc.) et leur apprendre à les utiliser de façon appropriée : encore une fois, non. Ce n’est pas en accumulant de tels éléments pour répondre à une future demande que l’on acquiert durablement des compétences en langue académique. Pour cela, il faut se voir présenter des stratégies et éléments de langue au moment précis où l’on en a besoin 8 pour pouvoir créer du sens dans les cours « de contenu », par le biais de l’observation, du soutien, de la pratique accompagnée. Si l’école fixe des standards pour l’enseignement de la langue académique, ceux-ci doivent s’appliquer de la même manière à la compréhension (de l’oral et de l’écrit) et à la production (orale et écrite) : une telle approche ne conduit pas à la littératie académique. Les compétences de réception sont incontestablement prioritaires. Dans l’enseignement du contenu, les textes authentiques, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas produits à des fins didactiques, sont d’une grande utilité. Ils représentent un défi motivant pour les apprenants. Toutefois, ils peuvent contenir des obstacles linguistiques (termes techniques et expressions toutes faites, structures de phrases et stratégies de raisonnement complexes, etc.). L’un des objectifs les plus importants de l’enseignement de la langue académique est de familiariser les apprenants aux techniques et stratégies nécessaires pour « s’attaquer » à de tels textes, à les décortiquer pour en trouver le sens, et à les considérer comme des sources potentielles pour la définition de nouveaux modèles d’utilisation de la langue spécifique aux matières. Si tout se déroule bien, les apprenants sont censés maîtriser la langue académique à la fin de la scolarité obligatoire, ou du moins, avant leur entrée à l’université : encore une belle erreur. Le processus d’acquisition de compétences en langue académique dépasse le cadre de l’éducation formelle. C’est un processus sans fin étant donné que les modèles discursifs et les formes de représentation dans les médias évoluent constamment. Par conséquent, il n’est pas très utile d’accumuler des connaissances linguistiques. Pour une éducation inclusive à la langue académique, il est bien plus durable et efficace d’attirer l’attention des apprenants et de développer leur capacité à se concentrer sur la façon dont la langue est utilisée dans les différents contextes sociaux en fonction des objectifs visés, et à réfléchir à la diversité de la langue et aux avantages de l’alternance codique. Par ailleurs, les méthodes traditionnelles d’enseignement du contenu comportent au moins cinq aspects qui constituent de sérieux obstacles à l’acquisition du discours académique : Aux niveaux du primaire et du secondaire, le processus d’enseignement et d’apprentissage se déroule, en très grande partie, à l’oral. Si l’écrit y joue un rôle, les tâches soumises aux apprenants sont rarement difficiles et stimulantes : la plupart du temps, elles se résument à recopier des informations figurant au tableau, prendre des notes, remplir des espaces blancs, répondre à des questions et autres exercices de ce genre. Sur un échantillon randomisé de 20 cours de disciplines « non linguistiques », j’ai calculé que les activités écrites occupaient moins de 10% du temps d’enseignement. Dans ces conditions, les apprenants manquent clairement d’opportunités pour réfléchir à la pertinence de leur langue et réviser leurs textes avec l’aide de leurs pairs ou de l’enseignant. L’interaction orale se caractérise très largement par des cycles «IRF » (« Initiation-réponsefeedback »), dans lesquels l’enseignant donne l’impulsion en posant des questions (fermées et formatées) et en stimulant les apprenants, qui répondent souvent par le langage corporel, par un seul mot ou par de courtes phrases. Puis, le cycle se conclut par la confirmation ou le feedback de l’enseignant. Si ces modèles permettent aux enseignants d’exercer un certain contrôle, ils sont totalement inefficaces pour le développement d’un discours sensé et cohérent. 9 Le feedback de l’enseignant porte avant tout sur le contenu ; il est très rare qu’il concerne également la performance linguistique de l’apprenant. Il y a peu d’activités de sensibilisation et de réflexion sur les genres spécifiques aux matières et sur les fonctions cognitivo-communicationnelles de base (« définir », « décrire », « expliquer », « raisonner », « évaluer », etc.) étant donné que dans de nombreux systèmes éducatifs, les documents curriculaires relatifs au contenu de l’enseignement n’abordent pas explicitement la dimension linguistique et ne précisent pas les objectifs d’apprentissage en langue (académique) à atteindre. Des « micro-techniques » ou techniques douces d’étayage linguistique (telles que la stimulation ou la reformulation) sont parfois mises en œuvre. Mais l’étayage intégré ou systémique de l’utilisation de la langue académique reste rare. Par « étayage intégré » (Hammond, 2001, par exemple), on entend l’adaptation du soutien en langue, lors de la planification des cours, à un objectif d’apprentissage de contenu spécifique. En résumé, il conviendrait de soumettre les approches, activités et modèles d’interaction pratiques profondément ancrés à une révision complète afin que ceux-ci tiennent davantage compte des questions de langue. Cette initiative favoriserait considérablement l’acquisition du discours académique et la réussite scolaire des groupes d’apprenants marginalisés. 3. Aperçu relativement général des travaux accomplis Les systèmes éducatifs qui envisagent d’axer les réformes de l’éducation sur la dimension linguistique dans l’ensemble du curriculum, et ce, pour des raisons d’équité et au nom du droit de tous les apprenants à une éducation de qualité, peuvent s’appuyer sur des travaux de recherche, des concepts et des matériels élaborés par diverses institutions à travers le monde : ils n’ont donc pas à partir de zéro. Passons en revue les principaux projets et approches relatifs à l’enseignement inclusif de la langue académique – un exercice qui peut donner des idées pour de futures initiatives nationales ou régionales. Cette présentation se voulant relativement succincte, nous ne pourrons entrer dans les détails techniques de ces projets, mais nous évoquerons et soulignerons néanmoins certaines de leurs principales caractéristiques. Adapter le concept de littératie aux exigences des sociétés du savoir actuelles : la définition du terme « littératie », qui, auparavant, couvrait uniquement les compétences techniques de la compréhension de l’écrit et de la production écrite, est aujourd’hui en constante évolution, et ce, à l’échelle mondiale. A l’heure actuelle, ce terme englobe un ensemble complexe d’aptitudes nécessaires à la compréhension et à l’utilisation des systèmes symboliques dominants d’une culture aux fins du développement personnel et communautaire. L’UNESCO (2004), par exemple, définit la littératie comme suit : « la [littératie] est la capacité d’identifier, de comprendre, d’interpréter, de créer, de communiquer et de calculer en utilisant des matériels imprimés et écrits associés à des contextes variables. [Elle] suppose une continuité de l’apprentissage pour permettre aux individus d’atteindre leurs objectifs, de développer leurs connaissances et leur potentiel et de participer pleinement à la vie de leur communauté et de la société tout entière ». Le projet « Langues dans l’éducation, langues pour l’éducation » s’inscrit dans la droite ligne cette définition. Toutefois, il va un peu plus loin – ou plutôt, il « descend un peu plus bas » – en ce sens qu’il s’intéresse aux aspects pratiques de l’enseignement et de l’apprentissage dans les disciplines dites « non linguistiques ». En 2012, à l’occasion du séminaire du Conseil de l’Europe sur les littératies spécifiques aux matières, Helmut Vollmer (http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/semlangscol12_prog_texts_FR.asp) a résumé les 10 implications de la « littératie » lorsqu’elle s’applique à des matières ou domaines de contenu spécifiques. Ainsi, elle suppose chez les apprenants une capacité à : o saisir et comprendre pleinement la signification d’une phrase, d’un passage ou d’un texte ; o déduire le sens et transmettre des connaissances ; o réfléchir aux processus d’apprentissage et aux acquis ; o transférer des informations d’un système de représentation à un autre (par exemple, « traduire » les informations contenues sur une carte topographique en un texte oral cohérent) ; o participer au discours socio-scientifique ; o faire appel à des connaissances et compétences généralisables pour résoudre des problèmes et des tâches en dehors du contexte de l’éducation formelle, dans la vie privée ou dans la vie publique ; Maintenir les standards éducatifs dans l’éducation générale, en instaurant un soutien ciblé et intercurriculaire en langue pour les groupes vulnérables : Notons les tendances générales observées au Canada et aux Etats-Unis, où l’on s’efforce de ne pas abaisser davantage le niveau du curriculum et de ne pas séparer les groupes vulnérables de leurs pairs qui réussissent mieux, mais de maintenir les mêmes standards académiques pour tous en s’appuyant sur des stratégies réfléchies « d’intégration » et d’étayage dans l’éducation générale. Nous pouvons certainement tirer un enseignement de programmes tels que SIOP® [Sheltered Instruction Observation Protocol, ou protocole d’observation de l’instruction intégrée (Echevarria / Vogt & Short 2008)], CALLA [Accelerating Academic Achievement for English Learners (accélérer l’acquisition de compétences académiques chez les apprenants d’anglais) (Chamot / Uhl & O´Malley 1994)] et d’autres tels que Word Generation approach [approche de la création de mots (Strategic Education Research Partnership 2011). Nous devrions également mettre à profit les conséquents travaux de recherche fondamentale sur le thème de l’ « anglais académique » (voir Anstrom et al., 2010) et les initiatives visant à appliquer cette expertise à la pratique dans les cours de disciplines « non linguistiques » (Schleppegrell 2004, Zwiers 2008, par exemple). Aux Etats-Unis, des experts (Short, Fitzsimmons 2007) ont également identifié des défis et des solutions concernant l’acquisition de la littératie académique chez les adolescents en tant que nouveau groupe cible ; ils ont redoublé d’efforts pour relier les standards en langue à ceux du contenu sur une plate-forme en ligne très pratique et se sont penchés sur la question de standards d’anglais académique pour l’entrée à l’université ou dans des écoles supérieures. Par ailleurs, nous pouvons nous appuyer sur l’expérience de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de bon nombre d’autres pays de l’Est de l’Asie pour adapter les pédagogies aux facteurs contextuels tels que la diversité culturelle et linguistique parmi les apprenants, les effectifs élevés d’apprenants en langue (anglaise, en l’occurrence) et les exigences socio-économiques (l’inclusion, la cohésion sociale, ou le haut niveau de littératie et les standards académiques, par exemple). Dans ces pays, les autorités chargées de l’éducation ont reconnu la nécessité d’instaurer un soutien en langue non seulement pour les nouveaux arrivants dans leurs systèmes éducatifs qui n’ont pas (ou peu) de compétences en anglais, mais aussi pour les apprenants issus de l’immigration qui sont nés et ont grandi en Australie (par exemple) et qui s’expriment couramment en anglais informel mais qui, au sein de leurs familles, ne sont pas exposés aux modèles linguistiques généralement utilisés aux fins de l’enseignement et de l’apprentissage en milieu scolaire. Ces pays ont adopté une approche systémique fonctionnelle ou fonctionnelle sémiotique de l’éducation aux langues (et non des approches traditionnelles, telles que les 11 approches lexico-grammaticales ou systémiques linguistiques, par exemple), qui est appliquée dans la conception des curriculums et la formation des enseignants. Ils ont également institutionnalisé le curriculum fondé sur le genre (voir Hyland 2002) et introduit les techniques d’étayage dans les établissements scolaires (e.g. Hammond 2001). Conception de curriculums et systèmes de référence pour les compétences en langue académique : Il convient de respecter et de mettre en avant les travaux accomplis à ce jour dans le cadre du projet « Langues dans l’éducation, langues pour l’éducation » du Conseil de l’Europe. Celui-ci a notamment permis de lancer et/ou de soutenir des projets positifs visant à introduire la dimension linguistique dans les curriculums relatifs aux matières en mettant au point des concepts, des points de référence, des cadres structurés, des descriptions et des descripteurs de compétences en langue académique. Contrairement à l’approche unifiée adoptée pour le Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, la plate-forme du Conseil propose différentes options de structures/dimensions de cadres, ainsi que des orientations pour concevoir des descripteurs pratiques afin de rendre transparents les objectifs d’apprentissage en langue académique : Stratégies cognitives/communicationnelles et fonctions discursives de base Les apprenants sont capables d’utiliser des stratégies et outils linguistiques appropriés pour traiter des informations, expériences et idées en appliquant les fonctions discursives de base. Cette capacité suppose que les apprenants possèdent les compétences cognitives et linguistiques suivantes, entre autres : Nommer, définir désigner ou qualifier de façon appropriée des êtres vivants, des objets, des processus, des événements, des sujets et des points de vue évaluer et préciser leurs spécificités Décrire, présenter apporter des contributions orales relativement concises et cohérentes, sans avoir exagérément recours au langage corporel ou à des gestes, de sorte à ce que les interlocuteurs puissent comprendre sans avoir à demander de précisions décrire des êtres vivants, des objets, des processus, des événements ou des points de vue ayant trait au domaine de contenu spécifique en s’appuyant sur leurs caractéristiques physiques ou des aspects de leurs fonctions, que ceux-ci aient été observés directement ou déduits à la suite d’expériences Au cours du projet du Conseil, il est apparu clairement qu’il existait deux types de stratégies complémentaires pour coordonner les objectifs en langue académique dans l’ensemble du curriculum : l’approche « descendante », qui consiste à appliquer un cadre commun de référence général au niveau de chaque discipline scolaire (comme c’est le cas, par exemple, en Norvège et en Rhénanie du Nord-Westphalie), et l’approche « ascendante », qui part des exigences linguistiques spécifiques à chaque matière ou domaine de contenu pour établir un cadre 12 intercurriculaire coordonné. Les Etats membres sont invités à consulter et à utiliser ces matériels pour soutenir leurs politiques éducatives en fonction de leurs besoins, ressources et culture éducative. Etant donné que plusieurs présentations sur l’intégration de la dimension linguistique dans l’enseignement du contenu sont prévues dans le cadre de notre conférence, il est inutile que j’entre davantage dans les détails. Les Etats membres qui sont à la recherche d’options peuvent également s’intéresser au projet suisse HarmoS (EDK 2011) ou analyser la façon dont les standards relatifs aux langues sont reliés à ceux du contenu sur le site Internet du Centre pour l’équité et l’excellence dans l’éducation de l’Université George Washington (GW-CEEE). Intégrer la dimension linguistique dans la formation des spécialistes de disciplines « non linguistiques » : La Commission européenne, par exemple, a soutenu un projet intitulé « Curriculum européen commun pour l’intégration des langues secondes – Formation des enseignants », un instrument destiné à être utilisé dans la formation initiale et continue des enseignants afin de leur apprendre à faire face à la diversité linguistique de leurs apprenants. Dans le préambule, il est précisé que la cohésion sociale est effectivement une composante essentielle des ensembles de mesures visant une économie dynamique du savoir. Renvoyant à la publication « En finir avec l’échec scolaire : dix mesures pour une éducation équitable » (Fiel/Kuczera/Pont 2007) de l’OCDE, l’instrument de l’UE soutient que le fait de séparer les apprenants en les orientant vers des établissements scolaires, des filières ou parcours différents peut nuire à l’apprentissage des groupes vulnérables, institutionnaliser l’inéquité et porter atteinte aux droits de l’homme. Ces considérations ont poussé le consortium EUCIM-TE à soutenir un enseignement intercurriculaire des langues. Ainsi, le Curriculum européen commun (mis au point dans le cadre du projet EUCIM-TE) ne promeut plus un apprentissage « compartimenté » des langues secondes ou supplémentaires, mais une « «éducation inclusive » dans le cadre de laquelle l’éducation à la langue seconde est considérée comme un composante à part entière d’un processus curriculaire général et commun – en d’autres termes, elle promeut une éducation générale à la langue seconde. Le consortium du projet renvoie explicitement à des approches similaires et positives observées en Australie et en Amérique du Nord (Canada), ainsi qu’aux efforts du Conseil de l’Europe pour promouvoir l’éducation intercurriculaire aux langues. Le cadre conceptuel d’EUCIM-TE a été adapté au niveau national par la Rhénanie-du-NordWestphalie (Brandenburger / Bainski / Hochherz / Roth), où la dimension linguistique est une composante obligatoire de la formation initiale de tous les enseignants, y compris des enseignants non spécialisés dans les langues. Pratique en salle de classe et prise en compte des questions de langue dans l’enseignement du contenu : Dans ce domaine, la principale question qui se pose est : « Comment les enseignants de disciplines « non linguistiques » peuvent-ils apporter un soutien en langue et contribuer à l’acquisition de la littératie spécifique à leur matière sans abaisser les standards dans cette dernière ? » Les initiatives mises en place pour tenter de répondre à cette question ont abouti à des ensembles de critères pour un enseignement du contenu qui soit inclusif et tienne compte des questions de langue [notamment en Allemagne (Thürmann / Vollmer 2013 ; RAA) et en Autriche (Dorner / Helten-Pacher / Langer / Schmölzer-Eibinger (2013)]. Ces critères font déjà partie intégrante de la formation d’éducateurs chevronnés qui souhaitent se spécialiser dans la littératie et devenir des acteurs du changement dans les établissements scolaires qui entendent mettre en œuvre les politiques globales d’éducation aux langues. Ce type de programme est très courant aux Etats-Unis, où il existe des modules de formation et des critères de qualité pour la formation d’éducateurs spécialisés en littératie [les centres d’information pour l’enseignement 13 de la littératie (« Literacy Coaching Clearinghouse »), par exemple. Sturtevant; Wren / Reed 2005. 4. Perspectives : actions prioritaires Bien que le site Internet du Conseil de l’Europe propose déjà une base solide d’expériences, de travaux de recherche et d’outils pratiques se rapportant à la dimension linguistique dans l’enseignement du contenu, il reste encore beaucoup à faire, à divers niveaux du système scolaire, pour permettre à tous les apprenants européens (et pas seulement à ceux qui sont considérés comme vulnérables) d’acquérir et de tirer pleinement partie de multiples littératies spécifiques aux matières. Au niveau supranational (Conseil de l’Europe), l’on pourrait continuer d’axer les travaux sur les cadres pour la littératie des matières scolaires et proposer ces instruments de référence aux instances nationales ou régionales chargées des curriculums comme outils pour intégrer la dimension linguistique aux curriculums spécifiques aux matières. Pour un soutien efficace aux réformes curriculaires, il conviendrait également de proposer des options de (a) descripteurs généraux pour les dimensions pertinentes des cadres (genres, fonctions cognitivo-langagières, moyens linguistiques et textuels disponibles, par exemple) et (b) des descripteurs pour la dimension linguistique dans des disciplines « non linguistiques » particulières (sciences, sciences sociales et histoire, art, etc.). Dans les deux cas, les descripteurs seraient présentés sous forme de phrases décrivant des « capacités de faire ». Au niveau macro, les ministres et les autorités nationales / régionales / locales pourraient mettre à jour et enrichir les documents curriculaires relatifs à tous les domaines de contenu en s’appuyant sur les outils spécifiques mis à disposition par le Conseil de l’Europe. Ils pourraient aussi envisager d’entreprendre la même démarche pour les profils professionnels des enseignants en révisant la formation des enseignants. Par ailleurs, il serait également nécessaire de faire intervenir des formateurs spécialisés en littératie. Au niveau institutionnel, ces professionnels qualifiés pourraient être des acteurs du changement en aidant les établissements scolaires à adapter leurs politiques et pratiques éducatives à des besoins contextuels spécifiques. Des formations destinées à ces spécialistes sont nécessaires. Aux niveaux méso et micro, les différents établissements scolaires et leur personnel pourraient essayer d’atteindre un consensus sur un plan de développement institutionnel en vue de l’adoption d’une politique linguistique éducative coordonnée à la fois verticalement (entre les différents niveaux de l’enseignement) et horizontalement (entre les matières), ce qui permettra d’aligner les standards relatifs au contenu et aux langues. En outre, ils pourraient instaurer l’approche du « partenaire critique » pour l’observation en salle de classe, en s’appuyant sur un ensemble de critères pour l’enseignement et l’apprentissage du contenu qui tient compte des questions de langue. Des listes de repérage à cette fin existent déjà… Au niveau nano, chaque apprenant devrait considérer l’école comme le lieu où l’on apprend à adopter des attitudes, à acquérir des compétences pour distinguer précisément quels sont les moyens linguistiques et textuels utilisés pour chaque objectif, à prendre conscience des différents registres de langue et à pratiquer l’alternance codique chaque fois que cela semble fonctionnel et approprié. 14 Références Anderson, L.W., Krathwohl, D.R. (eds.). (2001). A Taxonomy for Learning, Teaching, and Assessing: A Revision of Bloom's Taxonomy of Educational Objectives. New York: Longman. Anstrom, K. et al. (2010). 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