E. Thürmann, 09/07/2013
LE ROLE DES LANGUES DANS L’APPRENTISSAGE ET L’ENSEIGNEMENT DES MATIERES
SCOLAIRES
1. Pourquoi la langue est-elle importante ? Et quel type de langue est en
jeu ?
Il est très intéressant de voir comment ces dernières années, dans le monde entier, les spécialistes
de l’éducation ont commencé à s’intéresser à la dimension linguistique pour faire en sorte que les
écoles répondent aux exigences des sociétés du savoir actuelles. Certaines études comparatives
internationales à grande échelle (PISA, PIRLS ou TIMSS, par exemple) ont clairement établi que dans
de nombreux pays, les systèmes éducatifs ne proposaient pas suffisamment d’opportunités
d’apprentissage pour permettre à tous les élèves d’acquérir, de partager et d’utiliser les
connaissances nécessaires à leur futur bien-être personnel et à leur participation à la vie publique.
Sont tout particulièrement concernés par cette situation les apprenants dont les familles sont issues
de l’immigration et/ou possèdent un bagage éducatif inférieur à la moyenne. Ces personnes
manquent souvent d’opportunités pour atteindre le niveau 2 en compréhension de l’écrit, sciences
et / ou mathématiques sur l’échelle des compétences PISA, ces compétences étant considérées
comme indispensables pour réussir sa formation professionnelle, être compétitif sur le marché du
travail et participer activement à la vie publique.
Auparavant, dans de nombreux contextes nationaux, la pratique quotidienne des enseignants se
fondait sur les trois « postulats de normalité » suivants : (a) la société ne destine qu’un petit
pourcentage d’une cohorte d’apprenants à des études universitaires, (b) les apprenants sont des
locuteurs natifs compétents de la langue de scolarisation dominante et (c) ils connaissent bien les
modèles d’utilisation de la langue spécifiques au milieu scolaire étant donné que l’on accorde une
grande importance à la lecture et à l’écriture dans leurs familles. Partant de ces trois principes, les
écoles ont délégué la responsabilité de l’éducation aux langues aux spécialistes de ce domaine, c’est-
à-dire aux enseignants de langue en tant que matière (L1) et aux enseignants de langues mortes et
vivantes (L2). Parallèlement, l’enseignement des autres matières se concentrait sur le contenu
spécifique à chacune d’entre elles, et les apprenants étaient censés pouvoir relever les défis
linguistiques rencontrés dans ces disciplines. S’ils n’en étaient pas capables, ils n’accédaient tout
simplement pas au niveau supérieur. Bien que cette « répartition pédagogique du travail langagier »
dans l’éducation scolaire soit dépassée, et ce, pour de nombreuses raisons démographiques et
socioculturelles, c’est devenu un habitus (conformément à la conception qu’a Bourdieu de ce terme)
(cf. Gogolin, 1994) et elle est encore très profondément ancrée dans les pratiques d’enseignement
habituelles du contenu
. Toutefois, les experts en sont arrivés à la conclusion que la maîtrise de la
langue de scolarisation était l’une des clés de la réussite de l’apprentissage dans toutes les matières,
et que c’était également le chemin le plus sûr vers la réussite scolaire et vers un statut socio-
économique élevé à l’issue des études. Ils ont aussi établi clairement que le milieu scolaire constitue
une communauté discursive à part entière, et qu’il dispose de ses propres méthodes en ce qui
Aux fins de cette présentation, le terme « contenu » (comme dans « enseignement du contenu », par
exemple) désigne de façon condensée les savoirs déclaratifs et procéduraux transmis et acquis dans les
disciplines dites « non linguistiques » (« Sachfächer » en allemand).